B. CHOC DES SAVOIRS : UNE MISE EN oeUVRE COMPLEXE ET COÛTEUSE DES « GROUPES DE BESOIN »
1. Un niveau scolaire des élèves français en baisse
Les résultats de la France au test PISA, notamment en culture mathématique, se situent dans la moyenne des pays de l'OCDE. Un élève français obtient en moyenne un score de 474 en culture mathématiques12(*), soit un score supérieur à celui d'un Espagnol ou d'un Italien, mais inférieur à celui d'un Allemand, d'un Danois, d'un Polonais ou encore d'un Anglais.
Toutefois, comme dans la plupart des pays de l'OCDE, les résultats des élèves français sont en baisse. Entre 2018 et 2022, le résultat moyen des élèves en culture mathématiques a diminué de 22 points, contre 15 points en moyenne dans le reste de l'OCDE.
Résultat moyen au test PISA en culture
mathématique
par pays membre de l'OCDE
Source : commission des finances d'après la DEPP
La baisse du niveau en mathématique des élèves français est encore plus frappante sur le long terme. Ainsi, entre 2003 et 2022, le résultat au test PISA en mathématiques a diminué de 7,2 %.
Score moyen en mathématiques en France au test PISA entre 2003 et 2022
Source : commission des finances d'après la DEPP
Cette dégradation est de plus particulièrement marquée chez les élèves en difficulté. Ainsi, entre 2012 et 2022, la part des élèves en difficulté lors du test PISA a augmenté de près de 30 % en France, contre 23 % en moyenne dans l'OCDE. À l'inverse, la part des élèves performants a baissé de plus de 45 % en France, contre seulement 26 % dans l'OCDE.
Part des élèves les plus et les moins performants en culture mathématique en 2012 et en 2022 en France et en moyenne dans l'OCDE
Source : commission des finances d'après la DEPP
Face à ces constats inquiétants, des évaluations standardisées ont été mises en oeuvre en France pour observer le niveau réel des élèves, et ce depuis la rentrée 2017 à la fin de la sixième, et depuis 2023 en quatrième. Les résultats montrent qu'en sixième, en 2021, seuls 83,1 % des élèves maitrisent les compétences associées à l'enseignement du français, et 76,2 % l'enseignement des mathématiques. Les différences sont de plus en importantes entre les établissements : les taux de maitrise dépassent 80 % dans les établissements les plus favorisés, alors que dans les collèges moins favorisés, les taux de maitrise sont à peine de 63,1 % en français et de 47,3 % en mathématiques.
La politique de « choc des savoirs » annoncée par le Gouvernement fin 2023 a pour objectif de répondre à ces difficultés des élèves dans les apprentissages fondamentaux.
2. Une réforme qui se veut une réponse aux difficultés scolaires
La politique de « choc des savoirs » peut se décliner en réalité en plusieurs axes.
- D'une part, la politique de création des « groupes de besoin » (anciennement dénommés « groupes de niveau »), déployée en sixième et en cinquième à partir de la rentrée 2024. L'objectif est de diviser les classes en groupes à effectifs réduits, selon les facilités des élèves, lors des enseignements de mathématiques et de français. Ainsi, les élèves bénéficient de cours plus adaptés à leurs besoins en termes d'enseignement. L'un des désavantages de cette politique est néanmoins que les élèves les plus en difficulté ne bénéficient plus de la présence des élèves ayant plus de facilités, ce qui nuit à l'émulation possible entre élèves.
La politique des « groupes de besoin » a vocation à être étendue aux classes de quatrième et troisième, mais à une échéance qui n'est pas déterminée. Il pourrait d'ailleurs être intéressant pour les établissements de ne pas créer des groupes de besoin pour chacune des quatre classes du collège, ce qui peut être peu pertinent et qui représente un coût budgétaire certain, mais plutôt de créer des groupes de besoin dans deux niveaux choisis. Les établissements disposeraient ainsi de l'autonomie de décision, selon les élèves qu'ils ont, concernant les niveaux dans lesquels les groupes de besoin sont mis en place.
- D'autre part, le choc des savoirs prévoit la réforme du diplôme national du brevet. Ainsi, l'obtention de celui-ci pourrait devenir obligatoire pour le passage en seconde dès la rentrée 2026, ce qui implique la création de classes préparatoires à la seconde. Certaines ont déjà été créées à la rentrée 2024, sur une base de volontariat des élèves. De plus, les modalités de notation du diplôme national du brevet devraient être revues pour la rentrée 2026, afin d'augmenter le poids des épreuves terminales de la notation finale.
- Enfin, la politique du choc des savoirs implique une réforme des programmes de français et de mathématiques destinés aux élèves de la petite section au CE2. Les nouveaux programmes entreront en vigueur à la rentrée 2025. L'objectif est de fixer des contenus précis pour un enseignement efficace et progressif, respectant la division par cycle.
Si la politique du choc des savoirs peut avoir des effets bénéfiques pour les élèves, sa mise en oeuvre nécessite toutefois un suivi important et peut s'avérer complexe pour les établissements, surtout dans un temps aussi contraint. Entre l'annonce du Gouvernement et la mise en oeuvre des groupes de besoin en sixième et cinquième, il ne s'est en effet écoulé que quelques mois.
3. Une mise en oeuvre contrastée selon les établissements
Pour permettre la mise en oeuvre des groupes de besoin dans les établissements à la rentrée 2024, le ministère a mis en oeuvre un accompagnement pédagogique et organisationnel des établissements, ainsi que des ressources spécifiques pour les professeurs de mathématiques et de français.
S'il est encore un peu tôt pour tirer un bilan de la mise en oeuvre de la réforme par les établissements, il semblerait toutefois qu'environ un tiers des collèges aient réussi à mettre complètement en place les groupes de besoin, et un tiers n'aient pas pu le faire du tout. Le ministère a par ailleurs décidé qu'un suivi de la mise en oeuvre du dispositif global serait opéré par une mission conjointe de l'IGESR, de la DEPP et de la DGESCO, déployée pendant deux ans. Les observations de cette mission devront être suivies avec attention.
La mise en oeuvre des groupes de besoin en sixième et en cinquième a par ailleurs nécessité le déploiement de 2 300 ETP supplémentaires d'enseignants du second degré. La création des classes de prépa-seconde a également impliqué 150 ETP.
En ce sens, le rapporteur spécial relève l'ampleur du coût budgétaire qu'a représenté cette réforme. De plus, les délais extrêmement contraints ont forcé les personnels de l'Éducation nationale à travailler dans l'urgence, au prix d'une certaine lassitude des personnels. Au vu du nombre de réformes dans l'Éducation nationale ces dernières années, il serait peut-être bienvenu d'évaluer les dispositifs déjà mis en oeuvre ou en cours de mise en oeuvre, avant de proposer de nouvelles évolutions.
* 12 L'enquête PISA évalue la culture mathématiques (mathematical literacy) qu'elle définit comme « l'aptitude d'un individu à raisonner de façon mathématique et à formuler, à employer et à interpréter les mathématiques pour résoudre des problèmes dans un éventail de contextes du monde réel ».