B. UNE REVALORISATION NOTABLE, BIEN QU'ENCORE INSUFFISANTE, DES RÉMUNÉRATIONS DES ENSEIGNANTS CES DEUX DERNIÈRES ANNÉES

1. Des difficultés structurelles de recrutement traduisant le déficit d'attractivité du métier
a) Une stagnation des indicateurs des concours

La baisse du nombre de candidats aux concours enseignants a pour double corollaire une diminution du taux de sélectivité des concours ainsi qu'une hausse du nombre de postes non pourvus.

La situation s'est toutefois améliorée en 2023 puis en 2024 après une année 2022 catastrophique. Dans le premier degré, à la session 2022, le taux de candidats par poste ouvert (hors session supplémentaire) s'était établi à 1,8 contre 3,1 à la session 2021. Le nombre de postes non pourvus s'élevait à 1 686, ce qui représentait 16,9 % des postes offerts. Dans le second degré, le taux de candidats par poste était de 3,5 (47 909 présents pour 13 690 postes), contre 4,7 à la session 2021 (62 585 présents pour 13 390 postes). Dans le second degré, le nombre de postes non pourvus s'élevait à 2 070, ce qui représentait 15,1 % des postes offerts.

Alors que le ministère de l'éducation nationale insistait sur le fait que les résultats de 2022 étaient liés à une année de transition du fait de la réforme de la formation initiale des enseignants, les années 2023 et 2024 confirment le caractère structurel de ces difficultés et leur déclinaisons locales et disciplinaires. Les indicateurs demeurent en effet inquiétants pour l'attractivité générale de la profession d'enseignant.

En 2024, s'agissant du premier degré, le taux de sélectivité est remonté (2,9 contre 2,1 en 2022), comme la proportion d'admis par poste (86,2 % en 2024 contre 83,2 % en 2022). Une forte hétérogénéité de l'attractivité des académies est toutefois observée : les difficultés se sont concentrées sur les académies de Créteil, Versailles et la Guyane qui n'ont pas réussi à pourvoir l'ensemble des postes ouverts. Par ailleurs, les recrutements supplémentaires par concours organisés à Créteil (220 admis pour 500 postes ouverts) et Versailles (200 admis pour 200 postes) n'ont pas permis de compenser les postes non pourvus de la session normale.

Concernant le second degré, la proportion d'admis connaît également une légère amélioration globale par rapport à 2022, mais une dégradation par rapport à 2023. Le pourcentage d'admis par poste s'élève à 86,1 % en 2024 contre 84,9 % en 2022. Le taux de sélectivité redevient similaire à celui de 2022, à 3,5, contre 3,7 en 2023. La situation stagne voire régresse dans la plupart des disciplines, notamment en lettres classiques et dans les disciplines traditionnellement déficitaires telles que les mathématiques, l'allemand et les sciences économiques et sociales.

Le dispositif de préprofessionnalisation

La loi pour une école de la confiance du 26 juillet 2019 prévoit à son article 49 la possibilité pour les écoles, collèges et lycées de recruter des assistants d'éducation pour qu'ils y exercent des fonctions d'enseignement intégrées à leurs parcours de préprofessionnalisation.

Ce contrat de droit public proposé depuis 2019 aux étudiants inscrits en deuxième année de licence conjugue le cycle de formation universitaire avec une formation pratique dans un établissement. Les missions confiées aux assistants d'éducation (AED) en préprofessionnalisation sont à caractère pédagogique et évoluent progressivement vers l'enseignement en pleine responsabilité devant élèves lorsqu'ils sont inscrits en master de l'enseignement, de l'éducation et de la formation (MEEF).

Ce dispositif de préprofessionnalisation peut se cumuler avec le parcours préparatoire au professorat des écoles (PPPE) : adossé à un parcours de licence généraliste, il est dispensé en partie dans un lycée et en partie dans une université pendant les trois années de licence (L1, L2 et L3). À partir de la deuxième année de licence, les étudiants en PPPE peuvent bénéficier à profit du dispositif AED en préprofessionnalisation qui leur apporte un complément de formation en prise avec la réalité de la classe et les amène à se projeter concrètement dans le métier d'enseignant.

Ce dispositif a pris effet à la rentrée scolaire 2019, avec 1 181 étudiants recrutés en L2, 1 884 nouveaux recrutements à la rentrée 2020 et 2 467 à la rentrée 2021. 3 000 recrutements sont respectivement prévus pour les rentrées 2022 et 2023. Environ 9 000 étudiants sont actuellement concernés.

Ces dispositifs permettent de familiariser les étudiants avec l'exercice concret de leur futur métier en amont des concours. Ils permettent de s'assurer de leur choix de continuer à exercer, et donc de réduire les démissions précoces tout en leur assurant une montée en compétence pendant leurs études.

Malgré la réforme annoncée par le Ministre de l'éducation nationale en janvier 2024 du master MEEF, au profit d'un concours à la fin de la troisième année de licence et de la création de deux années de stage gratifiées, il est probable que ce dispositif soit maintenu également.

Source : commission des finances

b) Un nombre de démissions toujours faible, mais en hausse depuis 2017

En outre, si le nombre de démissions demeure très marginal chez les enseignants, la tendance à la hausse doit constituer un signal d'alarme.

En 2022-2023, on comptait 2 902 enseignants démissionnaires, soit 0,3 % des enseignants. Ainsi, en dix ans, le nombre de démissions des enseignants a augmenté de 28,2 %.

Évolution du nombre de départs définitifs volontaires
parmi les enseignants de l'enseignement public

Source : commission des finances d'après les réponses au questionnaire budgétaire

Les démissions concernent majoritairement des enseignants non débutants. Toutefois, la proportion de démissionnaires est particulièrement élevée chez les enseignants stagiaires. En 2022-2023, cette proportion atteignait 3 % des enseignants stagiaires, contre seulement 0,9 % en 2008 et 2,6 % en 2017.

c) Une cause bien identifiée du déficit d'attractivité du métier d'enseignant : les rémunérations

Il est certain que la dégradation des conditions d'exercice du métier d'enseignant, le climat scolaire de plus en plus tendu et dans lequel la pression sur les professeurs se fait toujours plus sentir, ainsi que les enjeux de reconnaissance de leur métier par la société, pèsent sur le manque d'attractivité des concours enseignants.

Mais il ne faut pas méconnaître le poids du facteur salarial dans cette désaffection. Ainsi, 57 % des enseignants du premier degré et 61 % de ceux du second degré mentionnent le pouvoir d'achat comme l'un des trois aspects les plus problématiques de leur métier. Les deux autres domaines les plus cités sont la charge de travail et l'aménagement de la fin de carrière.

Part des enseignants qui considèrent le pouvoir d'achat comme l'un
des trois domaines à améliorer prioritairement pour l'exercice de leur métier

(en %, sur une liste de 14 domaines)

Source : commission des finances d'après la DEPP, baromètre du bien-être au travail des personnels de l'Éducation nationale, janvier 2024

Plus largement, le niveau de rémunération est noté 3,3 sur 10 par les personnels de l'éducation nationale en 2023. Il est vrai que les perspectives de carrière sont notées encore moins bien, à hauteur de 2,9 sur 10.

En conséquence, et sans mettre de côté les autres enjeux liés à l'exercice concret du métier, la nécessité de revalorisation de la rémunération a largement justifié les moyens financiers supplémentaires alloués en 2023 et 2024, et maintenus en 2025.

2. Des rémunérations des enseignants encore insuffisantes par rapport aux moyennes internationales
a) Des rémunérations des enseignants encore inférieures aux autres pays

Si, comme cela sera développé plus bas, des moyens importants ont été consacrés à la rémunération des enseignants au cours des trois dernières années, il est certain qu'il ne peut s'agir que d'un rattrapage au vu de l'érosion extrêmement marquée du pouvoir d'achat des enseignants au cours des dernières années.

Un rapport du réseau européen Eurydice3(*) montre que, en France, entre 2015 et 2022, les salaires statutaires bruts des enseignants en début de carrière ont augmenté de 1,2 % en euros constants pour les professeurs des écoles et de 1,7 % pour les professeurs certifiés seulement. Cette augmentation reste inférieure à celle observée ailleurs en Europe. Ainsi, à la même période, en Allemagne, les salaires statutaires bruts des enseignants en début de carrière ont augmenté de 4,3 % en euros constants pour les professeurs des écoles et de 2,6 % pour les professeurs certifiés.

Dans l'enseignement élémentaire public, en 2022, le salaire effectif brut moyen des enseignants est plus faible en France qu'en Allemagne, aux Etats-Unis et dans la plupart des pays du nord de l'Europe, ou encore qu'en Angleterre et au Portugal, une situation qui n'a pas évolué depuis 2019.

Salaires effectifs bruts moyens des enseignants dans les pays de l'OCDE
selon le niveau d'enseignement, dans le public, en 2022-2023

(en dollars et en parité de pouvoir d'achat)

Source : OCDE, Regards sur l'éducation, 2024

Dans le premier cycle du second degré, il est en dessous des salaires constatés en Allemagne, en Angleterre, aux Etats-Unis et dans la plupart des pays d'Europe du Nord (Finlande, Suède) et même au Portugal. Il est proche de ceux des enseignants italiens.

Dans le second cycle général de l'enseignement secondaire, les enseignants français ont toutefois un salaire effectif supérieur à celui de leurs homologues suédois et italiens, mais toujours inférieur à ceux des enseignants finlandais, allemands ou états-uniens.

À noter que ces résultats n'intègrent pas les mesures de revalorisation en faveur des enseignants mises en oeuvre à la rentrée scolaire 2023, notamment le doublement du montant de l'ISAE et de l'ISOE.

b) Une paupérisation du monde enseignant en raison de rémunérations insuffisantes

Les rémunérations des enseignants sont peu élevées. Ainsi, un professeur des écoles gagne en moyenne 2 357 euros par mois, tout échelon confondu et un professeur certifié 2 828 euros, quel que soit son âge. Un professeur agrégé perçoit quant à lui en moyenne 3 688 euros nets mensuels, en 2021.

Rémunération nette mensuelle moyenne des enseignants
du secteur public en 2021

(en euros)

Source : commission des finances d'après la DEPP

Les salaires des enseignants dépendent par ailleurs fortement de l'âge et de l'échelon dans la carrière. Ainsi, un professeur certifié gagne en moyenne, en 2021, 1 908 euros par mois à moins de 30 ans, contre 2 693 euros à plus de cinquante ans, et même 3 297 euros en hors classe. Un professeur des écoles gagne à moins de 30 ans en moyenne 1749 euros par mois, contre environ 2 436 euros à plus de cinquante ans, et 3 537 euros en hors classe.

Salaires mensuels moyens des enseignants du secteur public, 2021

(en euros)

Note : EQTP signifie « équivalent temps plein ».

Source : commission des finances, d'après la DEPP

Or comparativement à leur niveau d'étude, ce salaire est trop peu élevé. Les salaires effectifs des enseignants français sont en deçà du revenu du travail des actifs ayant atteint au moins le niveau licence. En 2021-2022, le salaire effectif moyen des enseignants de l'enseignement élémentaire âgés de 25 à 64 ans représente 74 % du revenu moyen des actifs diplômés de l'enseignement supérieur. En revanche, les enseignants en lycée ont un niveau de salaire effectif quasiment égal à celui de la population totale des actifs (92 %), ce qui est notamment dû au poids des professeurs agrégés.

Salaires effectifs moyens bruts des enseignants par niveau d'enseignement, rapportés aux revenus des actifs travaillant et diplômés
de l'enseignement supérieur en 2021-2022

(indice des actifs diplômés en base 100)

Source : DEPP, État de l'école 2023 

En outre, les évolutions de salaires doivent être analysées en tenant compte de l'inflation, qui relativise les légères hausses constatées facialement. Ainsi, entre 1990 et 2023, la rémunération des enseignants a diminué en fin de carrière, aussi bien pour les professeurs des écoles, les professeurs certifiés que les professeurs agrégés, de plus de 10 % en euros constants. La baisse de pouvoir d'achat est comprise entre 12 % et 15 % en trente ans pour les enseignants à 15 ans de carrière de ces trois corps en termes de pouvoir d'achat. Seuls les enseignants en début de carrière ont vu leur pouvoir d'achat augmenter en trente ans, de 0,5 % pour les professeurs agrégés à 6 % pour les professeurs certifiés.

Évolution des salaires bruts mensuels des enseignants
à différents moments de leur carrière

(en euros constants)

Source : commission des finances d'après la DEPP, Panorama statistique des personnels de l'enseignement scolaire, 2023

Dès lors, les augmentations devaient avant toute chose permettre de combler cet important retard.

Évolution des salaires mensuels bruts statutaires des enseignants
du secteur public, entre 2022 et 2023

Source : réponses au questionnaire budgétaire

c) Une réflexion à engager sur la structuration de la carrière des enseignants

La structuration de la carrière en France est spécifique et conditionne l'accès à des rémunérations plus importantes. L'OCDE4(*) distingue quatre types de gestion des carrières enseignantes :

- le premier regroupe les pays ayant fait le choix d'une hausse forte au cours des débuts de carrière, puis d'une relative stabilité salariale. C'est le cas de la Belgique, des Pays-Bas, du Luxembourg ou de la Pologne ;

- le deuxième groupe inclut les pays où les augmentations salariales ont principalement lieu en fin de carrière. Cette catégorie inclut la Grèce, le Portugal ou l'Autriche ;

- le troisième concerne les pays où les rémunérations enseignantes augmentent modestement en début de carrière puis se stabilisent. C'est le cas du Danemark, de la Norvège, de la Finlande ou de la Suisse ;

- enfin, leurs rémunérations sont relativement stables tout au long de la carrière des enseignants dans un nombre conséquent de pays européens : en Allemagne, Espagne, Italie ou encore en République Tchèque. Ce sont donc des structures de carrière dites « plates ».

La France se situe dans le deuxième groupe, l'avancement à l'ancienneté étant limité par l'âge très tardif du premier passage de grade. Il faut ainsi attendre vingt ans pour qu'un enseignant certifié connaisse son premier saut de grade. En conséquence, l'écrasante majorité des enseignants est rattaché à la classe normale : 74,1 % dans le premier degré, 62,7 % des certifiés et 64,7 % des agrégés, dans l'ensemble plus âgés, à la rentrée 2022. L'âge moyen des enseignants hors classe varie entre 52 et 55 ans, ce qui correspond à des enseignants presque en fin de carrière. Le même constat peut être étendu à la classe exceptionnelle, qui constitue le grade au-dessus du grade hors classe, qui ne concerne que très peu d'enseignants (entre 7 et 8,6 %).

Répartition des enseignants titulaires de l'enseignement public
par corps et par grade à la rentrée 2022

Source : commission des finances d'après la DEPP, Panorama statistique des personnels de l'enseignement scolaire, 2023

Les enseignants français commencent leur carrière avec un salaire inférieur à la moyenne de l'UE, mais c'est après quinze ans d'ancienneté que l'écart avec la moyenne des pays européens est la plus forte et atteint près de 10 000 dollars annuels.

Salaire statutaire moyen brut des enseignants dans les pays de l'OCDE

(en dollars et en parité de pouvoir d'achat)

Source : OCDE, Regards sur l'éducation, 2024

Au-delà des enjeux de revalorisation salariale au sens strict, il est essentiel d'engager une réflexion de fond sur la structuration de la carrière des enseignants. En d'autres termes, la revalorisation des enseignants ne peut être uniquement constituée de mesures indemnitaires, mais doit s'accompagner de nouvelles perspectives sur le déroulement de carrière. Les perspectives de carrière sont d'ailleurs notées 3,9 sur 10 par les personnels de l'Éducation nationale en 2023.

Le ministère s'est engagé dans des avancées sur ce point. Ainsi, plusieurs innovations statutaires sont mises en place afin d'accélérer les promotions en facilitant l'accès aux grades supérieurs. Le taux de passage à la hors-classe devrait continuer d'augmenter, passant de 18 % en 2021 à 21 % en 2023, 22 % en 2024 et 23 % en 2025.

S'agissant de la classe exceptionnelle, le taux de promotion est également assoupli, passant de 10 % à 10,5 %. À partir de 2024, un ratio entre le nombre de promus et celui d'agents pouvant être promus remplace la règle du contingentement pour l'accès à la classe exceptionnelle. Ce ratio est de 29 % pour les professeurs des écoles, 9 % pour les professeurs certifiés et 13,5 % pour les professeurs agrégés. L'accès à l'échelon spécial de la classe exceptionnelle des corps enseignants, d'éducation et de psychologues, ainsi que le grade unique des professeurs de chaires supérieures se fera à l'ancienneté et n'est désormais plus contingenté, représentant un gain de 234 euros nets mensuels.

d) La rémunération des heures supplémentaires, un facteur de hausse du salaire des enseignants

La rémunération des heures supplémentaires représente une part croissante du salaire des enseignants. Ainsi, d'après la DEPP5(*), à la rentrée 2023, le service hebdomadaire moyen d'un enseignant exerçant dans un établissement du second degré est de 18 heures et 34 minutes, dont 1 heure et 43 minutes d'heures supplémentaires annualisées6(*) (HSA). Le nombre d'HSA que les enseignants peuvent être tenus d'effectuer, dans l'intérêt du service en sus de leur maximum hebdomadaire de service, a été porté à deux en 20197(*).

Au total, en 2022-2023, 88 % des enseignants ont réalisé au moins une heure supplémentaire (HSA ou HSE). Chaque enseignant a fait en moyenne 2,16 heures supplémentaires par semaine, pour une rémunération annuelle moyenne de 3 190 euros. La rémunération annuelle d'une HSA est de 1 458 euros en moyenne ; plus spécifiquement, elle est de 2 543 euros pour un professeur agrégé en CPGE et STS, de 1 346 euros pour un professeur titulaire et de seulement 1 018 euros pour un enseignant non titulaire.

Le nombre d'enseignants réalisant des heures supplémentaires est en augmentation. Ainsi, entre 2015 et 2022, la part des enseignants réalisant au moins une HSA a augmenté de 12 %, et celle des enseignants réalisant deux HSA ou plus de 20 %. La hausse du nombre d'enseignants réalisant des heures supplémentaires est liée au décret du 12 octobre 2021, qui rend compatible l'exercice des fonctions à temps partiel avec la réalisation de HSA depuis la rentrée 2022. Ainsi, à cette date, 25 % des enseignants à temps partiel réalisaient des HSA. Cette proportion atteint 35 % à la rentrée 2023.

Tous les professeurs ne sont pas concernés de la même manière par le recours aux heures supplémentaires. De manière générale, moins un enseignant doit effectuer d'heures réglementaires, plus son volume moyen d'heures supplémentaires est élevé. Dans le cas des enseignants agrégés, leur nombre moyen d'heures supplémentaires est accru par les heures d'interrogations : un enseignant en CPGE effectue en moyenne 3,4 heures supplémentaires par semaine, contre 1,4 en collège et 1,9 en lycée.

Évolution de la part des enseignants réalisant au moins une HSA
et plus de deux HSA entre 2015 et 2023

(en pourcentage)

Source : commission des finances d'après la DEPP

La rémunération des heures supplémentaires des enseignants représente pour l'enseignement scolaire un coût de 1,19 milliard d'euros au PLF 2025 pour l'enseignement public, en baisse de 25 millions d'euros par rapport à 2024. Il est de 239 millions d'euros pour le privé, soit un coût total de 1,43 milliard d'euros.

Évolution du budget consacré à la rémunération des heures supplémentaires

(en millions d'euros)

Source : commission des finances d'après la DEPP

3. Un effort budgétaire incontestable et stabilisé en 2025 pour améliorer les rémunérations des personnels
a) Un coût budgétaire évalué à 4,5 milliards d'euros en 2025 pour revaloriser les salaires des enseignants

Entre 2021 et 2025, les dépenses de personnels ont augmenté de 13,2 milliards d'euros sur le titre 2, soit 8,8 milliards d'euros hors dépenses liées au CAS Pensions. La hausse structurelle des dépenses de personnels peut se décomposer ainsi :

- les revalorisations décidées au titre de la revalorisation du point d'indice, de 3,5 % opérée à l'été 2022 et de 1,5 % à l'été 2023, représentant une hausse des dépenses de 2,5 milliards d'euros en année pleine, dont 1,69 milliard d'euros liée à la hausse de 2022 et 758 millions d'euros liée à la hausse de 2023 ;

- les revalorisations décidées au titre de la revalorisation socle des enseignants, pour un montant de 1,26 milliard d'euros en année pleine ;

- le Pacte enseignant, qui représente, en 2025, un total de 800 millions d'euros.

Au total, en l'absence de ces diverses mesures de revalorisation salariales, toutes choses égales par ailleurs, les dépenses de personnel de la mission « Enseignement scolaire » au PLF pour 2025 auraient été moins élevées de 4,51 milliards d'euros.

Décomposition de l'impact en 2025 des différentes mesures
de revalorisation salariales décidées entre 2022 et 2025

(en millions d'euros)

Source : commission des finances d'après les documents budgétaires

Il est à noter que par rapport à 2024, la prime de pouvoir d'achat n'est pas versée aux enseignants cette année.

b) Une hausse des rémunérations moyennes des enseignants

Les rémunérations moyennes des enseignants ont significativement augmenté entre 2021 et 2024, comme démontré supra, en particulier en début de carrière.

Le Président de la République et le ministre de l'éducation nationale avaient mis en avant l'objectif que les enseignants débutants puissent bénéficier d'un traitement minimum de 2 000 euros nets à partir de la rentrée 2023. D'un point de vue purement formel, cet objectif devrait être tenu en 2024, à l'exception des enseignants stagiaires. Les enseignants commencent leur deuxième année d'enseignement à 2 121 euros nets par mois, pour atteindre 3 600 euros en fin de carrière.

Comme indiqué plus haut, le principal axe de la revalorisation « socle » mise en place en septembre 2023 et dont les effets en année pleine sont sensibles en 2024 est le doublement des indemnités statutaires. Le montant de l'indemnité de suivi et d'accompagnement des élèves (ISAE), versée aux enseignants du 1er degré, et de l'indemnité de suivi et d'orientation des élèves (ISOE), attribuée aux enseignants du 2nd degré, est doublé pour atteindre 2 550 euros bruts par an, soit un gain annuel brut de 1 350 euros à partir de 2023 par rapport à septembre 2022.

4. Le Pacte enseignant, un dispositif efficient, avec un coût sanctuarisé
a) Les missions du Pacte ont été recentrées autour des heures supplémentaires

Le Pacte enseignant, annoncé en 2022, a pour objectif de permettre une rémunération spécifique complémentaire pour les enseignants réalisant des missions supplémentaires. Les textes d'application du Pacte ont été publiés8(*) au cours de l'été pour une application à la rentrée 2023.

Les enseignants peuvent choisir de réaliser entre une et trois missions ou « briques » spécifiques du Pacte, rémunérées chacune à hauteur de 1 250 euros bruts annuels. Un Pacte « complet », soit la réalisation de trois missions par un enseignant, permet de bénéficier au maximum de 3 750 euros bruts supplémentaires par an. La rémunération prend la forme d'une part fonctionnelle de l'ISOE pour le second degré ou de l'ISAE pour le premier degré.

Deux types de missions existent :

- Des missions impliquant un temps face aux élèves, notamment le remplacement des heures supplémentaires et le dispositif d'aide aux devoirs (« Devoirs faits »). Des sessions de soutien en français ou en mathématiques peuvent être organisées en classe de sixième. Un enseignant peut réaliser à ce titre 18 heures ou 24 heures selon les missions. En 2024, une souplesse a été introduite : les enseignants peuvent souscrire au Pacte en ne réalisant que 9 heures de remplacement de courte durée, et non 18 heures.

- Des missions n'impliquant pas de temps passé devant les élèves. Il s'agit par exemple d'accompagnement de projets pédagogiques, de coordination de la découverte des métiers dans le second degré etc. Aucun nombre d'heures spécifique n'est associé à ce type de missions.

Des missions spécifiques ont été créées dans les lycées professionnelles, notamment d'accompagnement dans les périodes post-bac professionnel.

Certaines de ces missions étaient déjà réalisées par les enseignants avant la mise en oeuvre du Pacte enseignant, parfois rémunérées grâce aux indemnités pour missions particulières, mais pas systématiquement.

Missions du Pacte enseignant

 

Missions

Volume horaire annuel

Premier degré

Missions d'enseignement ou à caractère pédagogique assurées en présence des élèves

Session de soutien ou d'approfondissement en mathématiques et en français en classe de 6e.

18 heures

Intervention dans le dispositif « devoirs faits ».

24 heures

Intervention dans les dispositifs « stages de réussite » et » école ouverte ».

24 heures

Soutien aux élèves rencontrant des difficultés dans les savoirs fondamentaux.

24 heures

Missions d'accompagnement des élèves ou d'innovation pédagogique effectuées au cours de l'année scolaire

Appui à la prise en charge d'élèves à besoins particuliers.

 

Coordination et prise en charge des projets d'innovation pédagogique.

 

Second degré général

Missions d'enseignement ou à caractère pédagogique assurées en présence des élèves

Remplacement de courte durée.

18 heures

Intervention dans le dispositif « devoirs faits ».

24 heures

Intervention dans les dispositifs « stages de réussite » et « école ouverte ».

24 heures

Intervention dans le cadre de la découverte des métiers au bénéfice des collégiens.

24 heures

Missions d'accompagnement ou d'orientation des élèves ou d'innovation pédagogique effectuées au cours de l'année scolaire

Appui à la prise en charge d'élèves à besoins particuliers.

 

Encadrement de la découverte des métiers dans les classes de 5e, 4e et 3e.

 

Coordination et prise en charge des projets d'innovation pédagogique.

 

Second degré professionnel

Missions d'enseignement ou à caractère pédagogique assurées en présence des élèves

Enseignement et accompagnement dans les périodes post bac professionnel.

24 heures

Enseignement complémentaire en groupes d'effectifs réduits.

24 heures

Missions d'accompagnement ou d'orientation des élèves ou d'innovation pédagogique effectuées au cours de l'année scolaire

Accompagnement des élèves en difficulté.

 

Accompagnement vers l'emploi.

 

Source : commission des finances d'après la note de service du ministère

b) Un coût budgétaire en hausse

En 2023, 300 millions d'euros de crédits étaient prévus pour la mise en place du « Pacte enseignant ». Ce montant double en 2024 pour atteindre 628 millions d'euros, dont 124 millions d'euros pour l'enseignement privé. Ces crédits ont été reconduits pour la rentrée 2024 et devraient atteindre 800 millions d'euros au titre du PLF pour 2025, dont 26 % des dotations pour l'enseignement public du premier degré et 74 % pour l'enseignement public du second degré.

c) Une mesure plutôt efficiente, notamment pour le remplacement d'heures supplémentaires

Le ministère de l'Éducation nationale avait annoncé un objectif d'un tiers des enseignants adhérant au pacte enseignant. Cet objectif n'est pas complètement atteint. Au total à la rentrée 2023, 29 % des enseignants avaient adhéré au pacte enseignant. Toutefois, le ministère avait anticipé une adhésion à trois missions du pacte d'un tiers des enseignants, et non à au moins une brique, comme c'est le cas aujourd'hui. Ainsi, seuls 14 % des enseignants cumulent plusieurs missions du Pacte, dont 23 % dans le privé et 12 % dans le public. Le gain moyen annuel par enseignant ayant adhéré au Pacte est de 2 408 euros. Au total, en 2023-2024, le Pacte enseignant a permis de réaliser 7,6 millions d'heures supplémentaires, au bénéficie du système éducatif.

De plus, à la rentrée 2023, 22 % des enseignants combinent des missions des Pactes et des heures supplémentaires annualisées, soit plus des trois quarts des signataires du Pacte.

L'adhésion au Pacte enseignant est en hausse : ainsi, en mai 2024, 34,3 % des enseignants avaient adhéré au Pacte, soit une hausse de 18,3 %.

Part des enseignants ayant adhéré à au moins une brique du pacte enseignant,
à la rentrée 2023 et en mai 2024

Source : commission des finances d'après la DEPP

Parmi les enseignants ayant adhéré au Pacte, 16,5 % des enseignants ont accepté des remplacements de courte durée, 9 % assurent les dispositifs « devoirs faits » et 8,3 % contribuent aux projets d'innovation pédagogique au titre du Pacte enseignant.

L'adhésion au pacte est deux fois plus forte dans le privé (à hauteur de 47,8 % des enseignants) que dans le public (à hauteur de 29 % des enseignants). Le Pacte est également particulièrement populaire chez les professeurs en lycée professionnel, qui sont 41 % à y avoir adhéré. Toutefois, seuls 14 % des enseignants agrégés ont pris une brique de Pacte, peut-être en raison des moindres incitations financières.

Le Pacte a des effets bénéfiques, en particulier en termes de remplacement de courte durée : en un an, le taux de remplacement de courte durée a été multiplié par 2,5. En 2024, la part des missions du pacte devant être consacrées au remplacement de courte durée des enseignants du secondaire a d'ailleurs été multipliée par deux.


* 3 Teachers' and School Heads' Salaries and Allowances in Europe - 2021-2022, Eurydice, octobre 2023.

* 4 OCDE 2018 : Les carrières enseignantes en Europe.

* 5 Les heures supplémentaires des enseignants à la rentrée 2023 dans les établissements du second degré, Note d'information n°24.33, août 2024, DEPP.

* 6 Ces heures sont effectuées chaque semaine en plus de l'obligation règlementaire de service. Elles sont à différencier des heures supplémentaires effectives (HSE), qui sont ponctuelles et réalisées par exemple dans le cadre d'une suppléance, du dispositif « devoirs faits » etc.

* 7 Décret n° 2019-309 du 11 avril 2019 portant création d'une seconde heure supplémentaire hebdomadaire non refusable par les enseignants du second degré.

* 8 Décret n° 2023-627 du 19 juillet 2023 portant création d'une part fonctionnelle au sein de l'indemnité de suivi et d'orientation des élèves et de l'indemnité de suivi et d'accompagnement des élèves et arrêté du 19 juillet 2023 fixant les montants de l'ISOE et de l'ISAE et précisant les missions ouvrant droit à la part fonctionnelle de ces deux indemnités.

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