EXAMEN PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE
En première lecture, l'Assemblée nationale n'ayant pas adopté la première partie du projet de loi, celui-ci est considéré comme rejeté en application du troisième alinéa de l'article 119 du Règlement de l'Assemblée nationale.
En conséquence, sont considérés comme rejetés les crédits de la mission « Enseignement scolaire ».
EXAMEN EN COMMISSION
Réunie le jeudi 31 octobre 2024, sous la présidence de M. Claude Raynal, président, la commission a examiné le rapport de M. Olivier Paccaud, rapporteur spécial, sur la mission « Enseignement scolaire ».
M. Claude Raynal, président. - Nous commençons ce matin par l'examen du rapport spécial de notre collègue Olivier Paccaud sur les crédits de la mission « Enseignement scolaire ».
M. Olivier Paccaud, rapporteur spécial de la mission « Enseignement scolaire ». - La mission « Enseignement scolaire », dont j'ai l'honneur d'être le rapporteur spécial, représente toujours la première mission du budget de l'État, en excluant la mission « Remboursements et dégrèvements ». Sans compter la contribution au compte d'affectation spéciale (CAS) « Pensions », ses crédits devraient atteindre 64,5 milliards d'euros en 2025.
Contrairement aux deux années précédentes, les dépenses de la mission sont stables, en augmentation de 0,2 % par rapport à 2024.
Un tel mouvement contraste avec les années 2023 et 2024. Ainsi, depuis 2022, les crédits de la mission ont augmenté de 17 %, soit une hausse de 9,2 milliards d'euros, hors contribution au CAS « Pensions ». Ces hausses de crédits étaient dues aux revalorisations, nécessaires, des rémunérations des personnels enseignants, qui représentent 74 % des 1,2 million d'emplois de la mission.
En effet, les comparaisons internationales montrent que, en 2022, les enseignants français étaient en moyenne nettement moins bien payés que leurs homologues allemands, anglais ou encore portugais. Le pouvoir d'achat des professeurs a fortement diminué entre 1990 et 2022, de 10 % par exemple pour les professeurs en fin de carrière, quel que soit leur corps.
Une telle situation n'était ni acceptable ni souhaitable pour des personnels aux missions aussi indispensables que celles des enseignants. Elle a donc donné lieu à des efforts substantiels pour revaloriser leurs salaires et tenter d'améliorer l'attractivité du métier. Rappelons qu'avant 2017 un enseignant débutant titulaire d'un bac + 5 percevait à peine 1 700 euros nets. Les deux augmentations du point d'indice de la fonction publique, en 2022 et en 2023, ont constitué une première opportunité. Une revalorisation de la rémunération « socle » des enseignants a également été décidée, pour un montant de 1,3 milliard d'euros. Enfin, le pacte enseignant, qui aura coûté 700 millions d'euros en 2024, constitue une nouvelle source de revenus pour les enseignants volontaires.
Sans ces différentes revalorisations, les dépenses de personnel auraient été minorées de 4,5 milliards d'euros en 2025, ce qui montre l'effort budgétaire conséquent qu'a accompli l'État ces dernières années en faveur de la mission « Enseignement scolaire ».
Ces revalorisations ont permis un gain réel de pouvoir d'achat pour les enseignants : à titre d'exemple, le salaire des enseignants en début de carrière a augmenté d'au moins 4 % entre 2022 et 2023, si l'on exclut les effets de l'inflation. Si ces revalorisations ne peuvent être totalement suffisantes pour permettre de ramener les salaires des enseignants français au niveau de ceux de la plupart de leurs homologues européens, elles sont tout de même à saluer par leur ampleur.
Au-delà de la stabilité de ses moyens, il ne vous aura pas échappé que le point le plus marquant du budget de la mission « Enseignement scolaire » aura été cette année la baisse du plafond d'emplois. Ainsi, 4 000 emplois de professeurs pourraient être supprimés, dont 3 815 emplois dans le premier degré et 220 postes dans le second degré.
La baisse démographique, qui justifie cette proposition, ne peut être niée. Ainsi, le nombre d'élèves scolarisés dans le premier degré a déjà baissé de 6 % entre 2011 et 2023. Et la diminution va encore s'accentuer dans les années à venir : entre 2023 et 2028, le premier degré perdra plus de 350 000 élèves. En ce sens, une réduction du nombre d'enseignants se justifie.
Toutefois, cette réduction ne peut être appliquée mécaniquement sur le territoire ; elle devrait être progressive et précautionneusement ciblée.
D'abord, le nombre d'élèves par classe demeure plus élevé en France dans le primaire et au collège que dans nombre de pays européens, en particulier la Finlande, l'Italie ou l'Allemagne. La baisse démographique constitue une opportunité pour permettre une diminution du nombre d'élèves par classe, un petit groupe étant en général plus propice à l'apprentissage. Telle est d'ailleurs la philosophie qui a prévalu à la mise en place des dédoublements - CP, CE1 et grande section -, puis des « groupes de besoins ».
Ensuite, et surtout, la baisse du nombre d'enseignants présente un risque essentiellement pour les écoles rurales. Ayant déjà perdu 8,6 % de leurs effectifs entre 2015 et 2023, elles sont les plus susceptibles d'être ciblées par la baisse du plafond d'emplois. Or une fermeture de classe dans une école rurale s'accompagne de risques forts en termes de « désaménagement du territoire » et de « désertification ».
La baisse des effectifs d'élèves ne saurait donc aboutir à une baisse mécanique du nombre d'enseignants ; une évaluation préalable de ses conséquences territoriales apparaît nécessaire.
Le plafond d'emplois ne diminue toutefois au total que de 2 000 emplois, en raison de l'embauche de 2 000 accompagnants d'élèves en situation de handicap (AESH) supplémentaires.
Entre 2013 et 2023, 240 000 élèves en situation de handicap supplémentaires ont été scolarisés. S'il était particulièrement important de permettre la scolarisation de ces enfants, la hausse de leur nombre a des conséquences budgétaires importantes. Le coût de l'école inclusive sera ainsi de 4,5 milliards d'euros en 2025, soit un montant stable par rapport à 2024, mais qui a augmenté d'un quart depuis 2022.
En particulier, le financement des emplois d'AESH représente plus de 3 milliards d'euros. Or, ce sont les maisons départementales des personnes handicapées (MPDH) qui sont à l'origine de la notification d'une aide humaine, et non l'éducation nationale. Cette déconnexion entre le prescripteur et le payeur n'est pas soutenable budgétairement à terme. Une évaluation plus approfondie des moyens consacrés à l'école inclusive me paraît donc nécessaire. Par ailleurs, la situation spécifique des élèves hautement perturbateurs n'est absolument pas évoquée dans la trame budgétaire.
Je souhaite maintenant attirer l'attention de mes collègues sur l'ampleur et le nombre de réformes qui ont eu lieu dans l'éducation nationale ces dernières années, de la politique du dédoublement des classes de grande section, CP et CE1 à celle du « choc des savoirs », récemment mise en oeuvre. Ces réformes, au coût certain, ont été engagées au prix d'un épuisement des personnels. Elles doivent par ailleurs s'inscrire dans le temps long pour pouvoir être évaluées. Il serait donc utile d'abandonner pour un temps les réformes de trop grande ampleur.
Dans le cadre de la politique du choc des savoirs, des groupes de besoins, c'est-à-dire des groupes à effectifs réduits d'élèves de niveau scolaire semblable, ont été mis en oeuvre en sixième et en cinquième. S'il est encore un peu tôt pour évaluer la pertinence d'une telle politique, il est toutefois notable qu'elle ait nécessité le déploiement de 2 300 équivalents temps plein (ETP) supplémentaires. La création de ces groupes de besoins en quatrième et troisième, qui doit en principe intervenir à la rentrée prochaine, impliquerait cette fois la mobilisation de davantage d'emplois, les établissements ayant déjà utilisé leurs marges de manoeuvre. Au vu des contraintes budgétaires actuelles, il serait pertinent d'en retarder le déploiement, ou de le repenser avec une approche au cas par cas. Chaque établissement pourrait, par exemple, mettre en place ces groupes de besoins sur deux niveaux différents, de la sixième à la troisième, et non sur toutes les strates, comme le demandent certains chefs d'établissement.
Par ailleurs, le pacte enseignant s'est révélé assez utile, même s'il est encore perfectible. Il a notamment permis de multiplier le taux de remplacement de courte durée par 2,5. Toutefois, le montant consacré à cette politique est de près de 800 millions d'euros dans le projet de loi de finances (PLF) pour 2025, soit une hausse de près de 100 millions d'euros par rapport à 2024. En cette période de contrainte budgétaire forte, une telle augmentation pose question, à tout le moins.
Les crédits consacrés à la formation dans l'ensemble des programmes de la mission « Enseignement scolaire » s'élèvent à plus de 2 milliards d'euros, soit un montant stable par rapport à 2023 et 2024. Toutefois, en 2023, ils n'ont été consommés qu'à hauteur de 1,1 milliard d'euros, soit 50 % de l'enveloppe. Je vous proposerai donc un amendement visant à diminuer de 1 milliard d'euros ces crédits afin d'améliorer la sincérité de la prévision budgétaire.
J'aimerais enfin revenir sur les dépenses de deux opérateurs de l'État, l'Office national d'information sur les enseignements et les professions (Onisep) et le réseau Canopé. L'Onisep, dont l'objectif est de fournir des données centralisées relatives à l'orientation, me semble faire doublon avec les régions, à qui la compétence d'information sur l'orientation a été transférée depuis 2018. Le montant de sa subvention, de près de 23 millions d'euros, me paraît donc exagéré, sachant que cet office dispose de surcroît d'un important fonds de roulement.
Le réseau Canopé a, quant à lui, pour objet la formation continue des enseignants. Son rôle est difficile à distinguer de celui des instituts nationaux supérieurs du professorat et de l'éducation (Inspé) et des écoles académiques de la formation continue. En ce sens, le montant de sa subvention de 85 millions d'euros pose également question.
Malgré ces quelques remarques, je vous propose, mes chers collègues, d'adopter les crédits de la mission « Enseignement scolaire », dont la stabilité par rapport à 2024 est indispensable au vu du déficit de l'État.
Je vous soumettrai à ce stade un seul amendement, d'autres étant envisagés par la suite - nous y travaillons actuellement, en lien avec le rapporteur général et le ministère. Cet amendement vise à minorer de 1 milliard d'euros les crédits dédiés à la formation initiale et continue des enseignants. Ces derniers font l'objet d'une sous-consommation récurrente depuis dix ans, mais, avec 50 % des crédits non consommés, l'année 2023 marque un record. En conséquence, afin d'améliorer la sincérité de la prévision budgétaire pour 2025, nous proposons de ramener à 1,1 milliard d'euros les crédits de formation des enseignants, ce qui constitue tout de même un montant pratiquement équivalent à celui qui a été consommé en 2023.
M. Bernard Fialaire, rapporteur pour avis de la commission de la culture sur le programme « Enseignement technique agricole ». - S'agissant des crédits dédiés à la formation des enseignants, j'indique que la délégation à la prospective a adopté hier un rapport d'information sur la place de l'intelligence artificielle (IA) dans l'éducation. Celle-ci ne prendra évidemment pas la place des enseignants, mais elle pourrait leur permettre à terme de gérer une classe de 25 élèves comme s'ils étaient 12, notamment grâce à l'aide apportée sur l'évaluation des besoins et des résultats des élèves. C'est une perspective intéressante, mais qui nécessitera des efforts conséquents de formation.
L'enseignement agricole est souvent dépeint comme l'école de la réussite. Dans un contexte de baisse de la démographie scolaire, les effectifs de la filière progressent de 1 % par an depuis cinq ans, alors que 166 000 agriculteurs devraient partir à la retraite d'ici à 2030. Les élèves de la filière ont un indice de position sociale (IPS) plus bas que ceux de la filière générale, mais les résultats sont excellents.
Cette année, 1 600 élèves supplémentaires ont suivi un enseignement agricole. Or le financement de cet enseignement représente 5 000 euros par élève, ce qui implique une hausse de 8 millions d'euros de crédits.
L'engagement des enseignants de la filière est particulièrement fort : plus de 50 % de ceux exerçant dans le secteur public et 80 % de ceux exerçant dans le secteur privé adhèrent au pacte enseignant.
Aussi, les besoins de renouvellement du secteur et les résultats très positifs de cet enseignement nous invitent à ne surtout pas le négliger.
Pour le reste, je partage les orientations du rapporteur. Une clarification des compétences sera nécessaire, notamment celles des départements en matière médico-sociale et celles des régions en matière de formation, qui font doublon avec l'Onisep.
M. Jean-François Husson, rapporteur général. - Je remercie Olivier Paccaud de nous avoir éclairés sur les enjeux de cette mission, qui représente le plus gros poste budgétaire de l'État. Compte tenu du dérapage budgétaire non contrôlé auquel nous assistons, en particulier ces deux dernières années, nous devons faire preuve de responsabilité. Je rappelle qu'au début du mois de septembre, l'ancien ministre de l'économie nous assurait encore que nous serions en mesure d'atteindre l'objectif d'un déficit budgétaire inférieur à 3 % du PIB d'ici à 2027, alors que cela aurait déjà dû lui sembler impossible.
Comme nous y invite Olivier Paccaud, nous devons engager un effort de sincérité budgétaire en soustrayant du budget les crédits non consommés de la mission. Dans cette période de chasse aux économies, il me semble raisonnable d'en réaliser sur une réserve qui n'est pas consommée depuis dix ans. Peut-être cela contribuera-t-il à atténuer les débats stériles sur les baisses de crédits accordés aux entreprises et aux collectivités. Je vous encourage donc à voter l'amendement du rapporteur spécial.
Par ailleurs, je souligne l'effort qui est réalisé pour les AESH, car nous souhaitons tous une école plus ouverte aux enfants en situation de handicap. Toutefois, il convient de reconnaître les limites de l'école inclusive. Il existe également des instituts thérapeutiques, éducatifs et pédagogiques (Itep) et des instituts médico-éducatifs pour accueillir les enfants qui ont besoin d'un tel encadrement. Nous devons trouver le point d'équilibre entre l'école inclusive et les établissements spécialisés pour mieux accompagner les enfants selon leur degré de handicap. À cet égard, l'embauche de 2 000 AESH n'est pas neutre et me semble être une réponse proportionnée. De même, il faut trouver des solutions pour les enfants hautement perturbateurs.
Le rapporteur nous a dit continuer de travailler pour trouver les meilleures adaptations aux réductions d'effectifs d'enseignants qui ont été annoncées. Nous devons prendre les mesures les plus justes possible en faisant preuve d'une forme d'épure, dans le cadre d'un PLF particulier, qui doit nous permettre de commencer à redresser les comptes publics.
Mme Nathalie Goulet. - Ma première question porte sur l'enseignement agricole, qu'on appelle chez moi « réussir autrement » et qui tient une place très importante dans nos territoires ruraux et affiche un taux de réussite frôlant les 100 %. Notre ancienne collègue Françoise Férat, qui a longtemps été chargée de cette mission budgétaire, nous faisait toujours état d'une forme de dispute entre le ministère de l'agriculture et celui de l'enseignement sur le budget de l'enseignement agricole. Celui-ci est-il sacralisé ?
Ma seconde question porte sur l'école inclusive. Cette semaine, le maire de Flers, dans l'Orne, a annoncé que deux fillettes en situation de handicap risquaient de ne pas être prises en charge durant la pause méridienne, et ce en totale contradiction avec l'article 2 de la loi du 27 mai 2024 visant la prise en charge par l'État de l'accompagnement humain des élèves en situation de handicap durant le temps de pause méridienne. J'entends les propos du rapporteur selon lesquels il existe également des instituts médico-éducatifs (IME), mais nous ne saurions laisser des enfants livrés à eux-mêmes à l'école, pour des questions d'humanité et d'égalité républicaine.
Je serai très attentive à cette question, notamment pour ce qui concerne la division des tâches entre les départements et l'éducation nationale, et j'invite le rapporteur spécial à s'y pencher dans le cadre de ses missions de contrôle. Les conséquences des dysfonctionnements sont beaucoup plus violentes pour les enfants en situation de handicap.
M. Dominique de Legge. - Je partage la préoccupation d'Olivier Paccaud sur l'attractivité des postes d'enseignants, qui passe avant tout par leur rémunération. Les choses vont dans le bon sens et il convient de poursuivre dans cette voie.
Pour autant, cela ne nous interdit pas de nous interroger sur les effectifs de l'éducation nationale, qui compte 1,2 million de fonctionnaires, soit près de la moitié des personnels de l'État, dont 74 % sont des enseignants. Qui sont les 26 % restants ? Où sont-ils ? Que font-ils ?
Par ailleurs, en rapportant le nombre d'enseignants au nombre d'élèves, je parviens à un résultat de quinze élèves par enseignant, alors que le rapport spécial indique un ratio de vingt et un élèves par enseignant. Comment s'explique cet écart ?
Mme Florence Blatrix Contat. - Je partage les constats du rapport, à commencer par la nécessité d'augmenter la rémunération des enseignants, même si j'estime qu'il convient d'aller plus loin en la matière. Le pacte enseignant a-t-il fait l'objet d'une évaluation qualitative ? La consommation des crédits est une chose, mais je m'interroge sur les effets concrets de cette politique publique.
En ce qui concerne la diminution du nombre d'élèves, je partage votre analyse : les 4 000 suppressions de postes affecteront inévitablement nos écoles rurales. Je rappelle que nous nous situons entre la 26e et la 29e place au classement Pisa (Programme international pour le suivi des acquis des élèves), dans la moyenne des pays de l'OCDE, et nous ne cessons de perdre des places. Il convient de profiter de la baisse des effectifs scolaires pour diminuer le nombre d'élèves par classe et améliorer les conditions d'enseignement et d'apprentissage. Nous nous opposons donc aux suppressions de postes d'enseignants.
Je suis plutôt d'accord pour reporter la généralisation des groupes de besoins. Ce dispositif doit préalablement être évalué.
Par ailleurs, vous proposez de réduire les crédits dédiés à la formation. Sait-on pourquoi ces crédits ne sont pas consommés ? Jean-Michel Blanquer voulait faire de la formation le moyen de renforcer la qualité de l'enseignement et le niveau des élèves ; force est de constater que cela n'a pas fonctionné. Nous nous abstiendrons sur cet amendement.
Enfin, si je partage votre constat, je ne partage pas votre position sur cette mission. Aussi, nous n'en voterons pas les crédits.
M. Jean-Raymond Hugonet. - Je porte sur cette mission un regard de parlementaire, mais aussi d'élu local. En effet, nous sommes tous sollicités tout au long de l'année sur des questions de nombre de classes et de rapports avec les directeurs académiques des services de l'éducation nationale (Dasen).
Le constat est le suivant : la démographie scolaire diminue fortement - le rapporteur spécial nous indique que le nombre d'élèves dans le premier degré diminue de 6 % -, mais le nombre d'élèves porteurs de handicap évolue très fortement. Si notre place au classement Pisa semble se stabiliser, nous sommes loin d'un record olympique. Pourtant, il préconise de stopper les réformes de grande ampleur. Est-ce lié au fait que nous ayons connu six ministres de l'éducation en sept ans, chacun ayant voulu laisser sa trace ? Nous voyons bien que les enseignants n'y comprennent plus rien et s'appuient sur leur formation et leur ressenti pour exercer leur métier.
Le rapporteur spécial préconise des ajustements non mécaniques. Comme Dominique de Legge, je m'interroge sur l'articulation exacte entre les enseignants qui sont devant les élèves et ceux qui ne le sont pas. Ces derniers sont certainement très utiles, mais il convient d'éclaircir les choses. L'éducation nationale coûte 64,5 milliards d'euros alors qu'elle ne semble contenter personne. Pour reprendre une formule célèbre, s'agit-il d'un mammouth que nous ne parvenons même plus à faire bouger, ou simplement d'un manque de volonté, comme en témoigne le nombre de ministres éphémères ces dernières années ?
M. Thomas Dossus. - Nous aurons le débat sur les ajustements aux évolutions démographiques en séance. Pour ma part, je suis favorable à ce que nous profitions de la baisse démographique pour améliorer le taux d'encadrement.
En ce qui concerne l'amendement, qu'est-ce qui explique la sous-consommation des crédits dédiés à la formation, et l'augmentation de cette sous-consommation ? Cela semble contradictoire avec le fait que l'on demande de plus en plus de choses aux enseignants, ce qui suppose des besoins en formation.
M. Laurent Somon. - Je rappelle que l'économie est par définition la bonne administration des richesses matérielles, ce qui suppose d'adapter les moyens aux besoins. Cela nécessite une bonne évaluation. Nous n'avons pas abordé la question du zonage des réseaux d'éducation prioritaire (REP) et des réseaux d'éducation prioritaire renforcés (REP +). Le rapport publié en 2018 par la Cour des comptes sur l'éducation prioritaire était plutôt critique en matière de résultats. Nous attendons toujours la révision qui avait été annoncée à cette occasion.
En tant que président du conseil départemental de la Somme, j'ai essayé de modifier la carte scolaire des collèges pour améliorer la mixité sociale et affiner le zonage REP et REP +. Le projet est resté bloqué dans l'attente de la réforme annoncée par Jean-Michel Blanquer, dont nous sommes sans nouvelles. Pendant ce temps, nous sombrons dans le classement Pisa.
Si nous pouvons nous féliciter de l'augmentation des moyens dédiés aux personnes en situation de handicap, il s'agit également d'une question structurelle. Nous devons évaluer chaque école et chaque collège pour savoir où le bât blesse, comme je l'ai demandé au recteur de l'académie d'Amiens. C'est la seule manière d'affecter les bons moyens au bon endroit.
M. Jean-Baptiste Olivier. - Pour des raisons démographiques, les fermetures de classe surviennent non pas seulement dans les zones rurales, mais aussi dans les grandes villes. Rien qu'à Paris, on en compte 134.
Nous constatons une baisse du taux d'encadrement moyen, dû au dédoublement de classes. Cette mesure est sans doute guidée par de très bons sentiments, mais elle a entraîné, de fait, une dégradation du taux d'encadrement dans les établissements qui n'en ont pas bénéficié.
A-t-on évalué les conséquences de la prise en charge des élèves dits hautement perturbateurs sur le niveau global d'enseignement dans les classes ?
Sur le principe, tout le monde est favorable à l'école inclusive. Elle a à la fois des effets positifs, notamment en matière de socialisation et des effets négatifs quant à la capacité des enseignants à transmettre le savoir.
Du reste, l'augmentation de crédits pour la formation des enseignants n'étant pas adaptée aux besoins, elle apparaît comme de l'affichage.
On déplore un manque de demande de la part des enseignants : ils n'ont pas forcément le temps de partir en formation, surtout si elle a lieu pendant les heures de travail. Les formations proposées sont peut-être tout simplement inadaptées aux besoins.
M. Arnaud Bazin. - Plusieurs de mes collègues appellent à profiter de la baisse démographique du nombre d'élèves tout en maintenant le niveau de financement de l'enseignement scolaire. Toutefois, je m'interroge sur la relation directe de proportionnalité entre ces deux éléments.
Nous pourrions plutôt décider d'une meilleure rémunération des enseignants pour, j'ose le dire, attirer des profils plus brillants et impliqués, en contrepartie d'une moindre réduction du nombre d'élèves par classe. Des réflexions sont-elles engagées sur ce sujet ?
M. Bernard Fialaire, rapporteur pour avis. - Je précise que c'est bien le ministère de l'agriculture, de la souveraineté alimentaire et de la forêt qui gère le budget de l'enseignement agricole. Cependant, des efforts de mutualisation sont faits pour assurer des économies, notamment dans les systèmes d'information, lesquels sont directement gérés par l'éducation nationale.
M. Olivier Paccaud, rapporteur spécial. - Avant toute chose, je tiens à préciser que le rapporteur pour avis Jacques Grosperrin et moi-même avons travaillé en parfaite harmonie.
Notre collègue Nathalie Goulet a ouvert le bal sur le problème de l'école inclusive, en évoquant le cas précis de la pause méridienne.
Le décret d'application de la loi visant la prise en charge par l'État de l'accompagnement humain des élèves en situation de handicap durant le temps de pause méridienne a été pris en mai dernier. Comme son nom l'indique, elle permet la prise en charge de ces élèves directement par l'État pendant la pause méridienne, ce qui n'était pas le cas auparavant.
Or les AESH exercent souvent leur mission le matin et l'après-midi, mais pas le midi. Nous en avons connu quelques exemples dans mon département de l'Oise. Un inspecteur chargé de l'école inclusive s'est d'ailleurs efforcé de trouver des solutions.
On peut comprendre que ces professionnels n'aient pas envie de travailler de façon ininterrompue ; il ne s'agit pas de mauvaise volonté de leur part. En ce domaine, les réformes doivent être menées au point de croix, si je puis m'exprimer ainsi.
Vous m'avez interrogé sur le nombre de professionnels non enseignants au sein de l'éducation nationale. Sur ce point, je vous renvoie au rapport d'information que j'ai présenté en mai 2024 sur les personnels administratifs du ministère de l'éducation nationale. À l'heure actuelle, 74 % des agents employés par le ministère sont des enseignants, tandis que 12 % sont des AESH ou des assistants d'éducation (AED), soit 86 %. Notez que les AESH, au nombre de 135 000, sont désormais le deuxième métier de l'éducation nationale.
Que trouve-t-on dans les 14 % restants ? Il s'agit d'agents de l'administration, à hauteur de 5 % à peine, et, pour le reste, de laborantins, de personnels techniques, de conseillers principaux d'éducation et des membres des directions.
Concernant le rapport entre le nombre d'enseignants et le nombre d'élèves par classe, il existe une véritable mosaïque. Dans certains endroits, les classes ne sont parfois composées que de douze élèves en raison des dédoublements - on en compte des dizaines de milliers en France. Dans d'autres lieux, on trouve des classes de 30 élèves, à double ou triple niveau.
En zone rurale, les classes se situent en dessous de la moyenne nationale, autour de 17 élèves. D'ailleurs, je comprends que cette moyenne puisse surprendre ; elle est liée aux dédoublements, entre autres.
Elle s'établit désormais à 21,4 élèves par classe dans l'enseignement primaire et à 25,6 élèves par classe dans le secondaire.
Quant au pacte enseignant, il a été évalué, mais pas entièrement. Nous savons que 34 % des enseignants y adhèrent, avec des disparités importantes entre le primaire et le secondaire, les missions y étant parfois plus faciles à réaliser. On dénombre également un nombre plus important d'adhésions dans l'enseignement public.
Le pacte enseignant doit évoluer, c'est une évidence. Cependant, je ne pense pas qu'il soit utile de porter de 700 millions à 800 millions d'euros les crédits qui y sont alloués. Il a surtout permis de faciliter les remplacements de courte durée, qui étaient assurés via les heures supplémentaires. Or celles-ci ont été prises d'assaut par les groupes de niveau.
Le pacte reste nettement perfectible, notamment dans le primaire, où il finance désormais certaines missions coûteuses.
Par ailleurs, je ne pense pas qu'il faille étendre les groupes de besoins dans les classes de troisième et de quatrième au rythme prévu. Beaucoup de recteurs et de chefs d'établissement préconisent une telle extension, mais seulement au cas par cas, selon les besoins des établissements.
Encore une fois, le point de croix apparaît comme la meilleure des méthodes.
Par ailleurs, pourquoi les crédits en matière de formation ne sont-ils pas consommés ? Plusieurs réponses sont avancées. Selon les syndicats et les enseignants, la formation, aujourd'hui, n'est pas bien placée d'un point de vue temporel.
Certains syndicats affirment même que la formation continue proposée n'est pas intéressante, mais cela dépend des rectorats. Le taux de participation aux formations est très variable : la Picardie, par exemple, figure parmi les bons élèves.
Le ministère de l'éducation nationale apporte une autre réponse : les formations sont bien réalisées, mais les crédits seraient imputés sur d'autres lignes budgétaires.
Nous avions déjà eu un débat sur ce sujet l'an dernier. Pour tout vous dire, je n'ai toujours pas compris les explications qu'avait apportées Gabriel Attal lorsqu'il était ministre de l'éducation nationale. Peu importe, nous aurons de nouveau ce débat dans l'hémicycle.
Selon notre collègue Jean-Raymond Hugonet, trop de réformes ont été menées en peu de temps, chaque ministre voulant sans doute imprimer sa marque. Qu'il s'agisse du pacte enseignant, des groupes de niveau ou des dédoublements, nous n'avons pas suffisamment mené d'évaluations.
Certains inspecteurs généraux suggèrent de porter de 12 à 15 le nombre d'élèves par classe, ce qui permettrait de redéployer les moyens. Sur ce sujet, nous ne disposons encore d'aucune évaluation.
La réforme de la carte de l'éducation prioritaire doit être menée. La discrimination positive a conduit à gonfler les moyens pour les élèves les plus en difficulté. Or, dans beaucoup d'endroits, et pas seulement dans les quartiers prioritaires de la politique de la ville (QPV), les besoins ont encore augmenté. D'où la nécessité d'une réforme. Celle-ci avait été promise par Jean-Michel Blanquer. Or elle n'a jamais été menée. Ce qu'il faut, c'est non plus des réseaux d'éducation prioritaire, mais des écoles d'éducation prioritaire, d'autant que les inspecteurs de circonscription peuvent parfaitement identifier les endroits où il y a le plus d'élèves en difficulté. Au fond, c'est surtout une question de volonté politique.
Par ailleurs, la suppression de 4 000 postes d'enseignants sur l'ensemble du territoire entraînerait celle de 400 postes à Paris, mais aucune dans l'Essonne. Une chose est sûre, cette mesure touchera aussi bien les villes que les zones rurales.
Je dirai quelques mots sur l'école inclusive.
Aujourd'hui, 25 000 à 30 000 élèves sont considérés comme hautement perturbateurs. Ils relevaient jadis de structures spécialisées, à savoir les Itep et les IME.
Ces enfants sont aujourd'hui scolarisés dans des classes traditionnelles, parfois à temps partiel. Cela peut avoir des effets autant positifs que négatifs. À cet égard, le burn-out d'enseignants ou d'AESH et les problèmes de violence entre camarades ont souvent été niés, mais ils commencent à être pris en charge.
Il faut engager une réflexion sur les limites de l'école inclusive. En assurant la prise en charge des élèves hautement perturbateurs au sein de l'école traditionnelle, on a en réalité financé la non-mise en place de structures supplémentaires.
Je conclurai par la rémunération des enseignants. En REP et en REP +, elle est plus importante, parfois de l'ordre de 400 à 500 euros supplémentaires. C'est pourquoi le nombre de candidatures est démentiel lorsqu'un poste est à pourvoir.
Des efforts ont été faits pour attirer les enseignants et stabiliser les équipes. En REP +, ce n'est pas la peine d'en faire davantage, en raison de l'existence d'une prime spéciale.
Article 42
L'amendement II-18 est adopté.
La commission a décidé de proposer au Sénat d'adopter les crédits de la mission « Enseignement scolaire », sous réserve de l'adoption de son amendement.
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Réunie à nouveau le jeudi 21 novembre 2024, sous la présidence de M. Claude Raynal, président, la commission a procédé à l'examen définitif de l'équilibre, des missions, des budgets annexes, des comptes spéciaux et des articles rattachés de la seconde partie.
M. Jean-François Husson, rapporteur général. - Réunie le 31 octobre, la commission des finances a adopté les crédits de la mission tels que modifiés par un amendement. Le rapporteur spécial vous propose trois amendements de crédits supplémentaires sur cette mission.
M. Olivier Paccaud, rapporteur spécial. - L'amendement II-19 (FINC.3) vise à réduire de 20 millions d'euros la subvention de service public au réseau Canopé, dédié à la formation continue des enseignants. Or d'autres opérateurs assument des missions similaires, dont les instituts nationaux supérieurs du professorat et de l'éducation (Inspé) et les écoles académiques de la formation continue (EAFC), un rapport de la Cour des comptes ayant soulevé une problématique d'efficience.
Dès lors, la subvention prévue de 85 millions d'euros semble trop élevée, d'autant plus que le réseau Canopé disposait d'un fonds de roulement d'environ 25 millions d'euros à la fin 2023. Je vous propose donc cette baisse de subvention de 20 millions d'euros, avec en contrepartie une augmentation des crédits alloués à l'Union nationale des maisons familiales rurales (MFR), considérant l'augmentation du nombre d'élèves dans ce réseau. Afin de leur garantir une scolarité dans les meilleures conditions, une hausse de la dotation à hauteur de 12 millions d'euros me semble justifiée.
L'amendement II-20 (FINC.4) concerne l'Office national d'information sur les enseignements et les professions (Onisep). Je suggère de diminuer sa subvention de 5 millions d'euros sur les 22,7 millions d'euros proposés, car la compétence d'information sur l'orientation a été transmise aux régions depuis 2019. Voilà un parfait exemple de doublon qui doit faire l'objet d'une rationalisation, ainsi que l'avait souligné la Cour des comptes.
Enfin, l'amendement II-21 (FINC.5) vise à revenir sur la baisse du nombre d'enseignants envisagée par le Gouvernement. Le PLF pour 2025 prévoyait une diminution de 3 815 postes d'enseignants dans le premier degré, ce qui aurait notamment eu des répercussions sur les écoles rurales, déjà très touchées ces dernières années. L'amendement a pour objet de ne supprimer que 1 815 postes dans le premier degré, les 185 postes restants devant l'être dans le second degré.
Le coût de cette mesure s'élève à 74 millions d'euros et pourrait être compensé en prenant sur les crédits du programme 141 « Enseignement scolaire du second degré », destinés au pacte enseignant. En effet, le pacte enseignant, qui était doté de 700 millions d'euros en 2024, doit être doté de 800 millions d'euros dans le cadre du PLF pour 2025, alors que son efficacité est perfectible et qu'il n'a suscité l'adhésion que de 30 % des enseignants. Il me semble préférable d'utiliser une partie de cette enveloppe pour maintenir des postes d'enseignants.
M. Michel Canévet. - Je souscris totalement à la motivation qui anime le rapporteur spécial au sujet de l'orientation : est-il utile que l'État continue à la soutenir de manière très significative, alors même que la compétence a été confiée aux régions ? De plus, l'effort demandé me paraît modeste et pourrait être accentué.
M. Stéphane Sautarel. - Je remercie le rapporteur spécial pour ces amendements, les deux premiers donnant une direction, même symbolique. Je soutiens complètement le troisième amendement relatif à la diminution du nombre de suppressions de postes d'enseignants, car le niveau qui nous était proposé faisait craindre des coupes très brutales, en particulier en milieu rural.
M. Grégory Blanc. - Environ une moitié du réseau des MFR se concentre dans le Maine-et-Loire, en Vendée et en Loire-Atlantique. Je n'ai pas eu de retour particulier sur des difficultés que rencontreraient ces structures, qui effectuent un très bon travail en accueillant des élèves qui ne seraient pas forcément acceptés ailleurs.
M. Olivier Paccaud, rapporteur spécial. - Monsieur Canévet, je suis tout à fait d'accord quant à l'existence d'un doublon en matière d'orientation : à terme, les régions devront totalement assumer cette mission, qui leur a été confiée par la loi.
Monsieur Blanc, les effectifs des MFR progressent de 1 600 élèves sur l'ensemble du territoire. Une légère augmentation du budget est prévue, mais elle ne correspond pas à cette hausse. Plus largement, monsieur Sautarel, une réflexion devrait être engagée sur l'organisation des territoires scolaires ruraux, afin d'étudier une éventuelle refonte des périmètres et de la carte de l'éducation prioritaire.
Les amendements II-19 (FINC.3), II-20 (FINC.4) et II-21 (FINC.5) sont adoptés.
La commission a décidé de proposer au Sénat d'adopter les crédits de la mission « Enseignement scolaire » tels que modifiés par ses amendements.