EXAMEN PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE
En première lecture, l'Assemblée nationale n'ayant pas adopté la première partie du projet de loi, celui-ci est considéré comme rejeté en application du troisième alinéa de l'article 119 du Règlement de l'Assemblée nationale.
En conséquence, sont considérés comme rejetés les crédits de la mission « Engagements financiers de l'État » et ceux des comptes de concours financiers « Accords monétaires internationaux » et « Prêts et avances à divers services de l'État ou organismes gérant des services publics ».
EXAMEN EN COMMISSION
Réunie le jeudi 14 novembre 2024, sous la présidence de M. Claude Raynal, président, la commission des finances a procédé à l'examen du rapport de M. Albéric de Montgolfier, rapporteur spécial, sur la mission « Engagements financiers de l'État » et les comptes de concours financiers « Accords monétaires internationaux » et « Prêts et avances à divers services de l'État ou organismes gérant des services publics ».
M. Pascal Savoldelli, président. - Nous poursuivons avec l'examen des crédits de la mission « Engagements financiers de l'État » et des comptes de concours financiers associés.
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur spécial de la mission « Engagements financiers de l'État » et des comptes de concours financiers « Accords monétaires internationaux » et « Prêts et avances à divers services de l'État ou organismes gérant des services publics ». - La mission « Engagements financiers de l'État » constitue malheureusement depuis 2024, en crédits de paiement (CP), le deuxième poste de dépenses du budget de l'État, après la mission « Enseignement scolaire », hors CAS « Pensions » et mission « Remboursements et dégrèvements ». C'est une mission subie, composée d'intérêts payés à nos créanciers, qui augmentent d'année en année.
Dans le cadre du PLF 2025, cette mission devrait représenter 56 milliards d'euros en autorisations d'engagement (AE) et 61,3 milliards d'euros en crédits de paiement - soit une augmentation de 520 millions d'euros en CP par rapport à la loi de finances initiale pour 2024.
La mission devrait ainsi atteindre un niveau record, principalement sous l'effet de l'alourdissement de la charge de la dette de l'État, qui devrait croître à 53,5 milliards d'euros en comptabilité budgétaire, contre 50,9 milliards d'euros dans la loi de finances initiale pour 2024.
Alors que l'orientation de la politique monétaire est devenue plus favorable avec la baisse du taux de la facilité de dépôt de la Banque centrale européenne (BCE) depuis juin dernier, la charge des intérêts n'a jamais été aussi élevée et suit une trajectoire particulièrement inquiétante. Ce paradoxe apparent s'explique par la croissance continue du volume de la dette de la France, sous l'effet de l'accumulation des déficits, et par la hausse notable de la prime de risque, mesurée par l'écart de taux ou « spread » par rapport à la dette allemande, depuis le début de l'année 2024.
Je consacrerai donc l'essentiel de mon propos à la trajectoire d'alourdissement de la charge de la dette de l'État. J'aborderai ensuite la question des appels en garantie au titre des prêts garantis par l'État (PGE), qui devraient continuer de diminuer significativement en dépit d'une sinistralité différenciée selon les secteurs. Enfin, je conclurai mon intervention en évoquant la situation des comptes spéciaux rattachés à la mission.
La charge de la dette de l'État devrait donc continuer de s'alourdir fortement, représentant un poids croissant pour nos finances publiques.
De fait, le taux de rendement à dix ans de la dette française a suivi depuis le début de l'année 2024 une trajectoire singulière, avec une hausse marquée de 28 points de base à fin septembre, repassant au-dessus de la barre de 3 %. Selon le scénario de taux d'intérêt du PLF 2025, ce taux à dix ans s'établirait à 3,30 % fin 2024, 3,60 % fin 2025 et 3,70 % fin 2026.
D'après les éléments communiqués par l'Agence France Trésor (AFT), cette évolution s'explique certes par le report des anticipations de baisses de taux de la BCE jusqu'en mars, mais elle résulte surtout de la hausse de la prime de risque, représentant un creusement de l'ordre d'une vingtaine de points de base depuis le début de l'année, pour s'élever actuellement à environ 75 points de base.
À cet égard, la France se singularise par rapport aux pays de la zone euro dits « périphériques », tels que l'Italie, l'Espagne, le Portugal et la Grèce. En effet, ces pays, qui ont connu par le passé un niveau d'endettement considérable et ont opéré les efforts de redressement nécessaires, affichent un net resserrement de leurs spreads par rapport à l'Allemagne. La France emprunte désormais plus cher qu'eux, notamment l'Espagne et le Portugal. Elle est donc devenue le mauvais élève de l'Europe en matière d'évolution du spread.
Le principal déterminant des taux sur la dette française réside aujourd'hui dans l'instabilité politique et budgétaire et, plus particulièrement, dans le dérapage historique - hors période de crise - du déficit public pour 2023 et pour 2024. C'est bien la dégradation successive des prévisions de déficit du précédent gouvernement, plus encore que l'incertitude politique née de la dissolution de juin dernier, qui explique le creusement de la prime de risque par rapport à l'Allemagne.
À cet égard, je tiens à saluer le travail de la mission d'information que notre commission a réactivée cet automne. Il est en effet absolument nécessaire de faire la lumière sur cette situation aussi inédite qu'injustifiée.
Selon l'économiste Éric Monnet, spécialiste de la dette publique et de la politique monétaire, les annonces de dérapage du déficit public constituent pour les marchés obligataires souverains le pire des scénarios, en affectant la confiance des investisseurs dans la transparence de la trajectoire des finances publiques.
Certes, deux facteurs jouent encore en notre faveur pour limiter les tensions sur notre dette. D'une part, nous enregistrons un niveau relativement faible de détention de la dette par des investisseurs hors zone euro, les investisseurs de la zone euro représentant quasiment trois quarts des détenteurs de notre dette, dont 48 % pour les investisseurs français. D'autre part, nous bénéficions de la protection de la BCE, même si cette dernière n'est pas absolue, étant conditionnée au respect des règles budgétaires européennes. Je rappelle à ce titre que nous sommes entrés en procédure pour déficit excessif et que la pression de nos partenaires européens sera particulièrement forte pour que nous respections nos engagements budgétaires, alors que la dette publique dépasse 3 220 milliards d'euros, soit 112 % du PIB, dont 2 600 milliards d'euros pour la dette de l'État.
Si les tensions sur notre dette devaient s'aggraver, du fait d'une dégradation de la qualité de la signature française ou du moins d'une perception en ce sens par le marché, l'augmentation de la prime de risque pourrait avoir des conséquences massives sur la charge de la dette. Une hausse de taux pérenne de 1 point entraînerait une augmentation de cette charge de 3,2 milliards d'euros à un an, de 19,1 milliards d'euros à cinq ans et de 32,6 milliards d'euros à neuf ans.
À politique inchangée et même en l'absence de choc de taux, la charge de la dette de l'État pourrait bientôt approcher la barre des 100 milliards d'euros, à l'horizon de 2030. J'avais souligné ce risque dans mon rapport de contrôle publié en juillet dernier. Il se confirme : en comptabilité générale, la dette de l'État devrait ainsi croître de 54,5 milliards d'euros en 2025 à 75 milliards d'euros en 2027, et même atteindre 92 milliards d'euros en 2029, soit une multiplication par 2,4 par rapport à 2023 et une multiplication par 3,6 par rapport à 2020. D'ici à la fin de la décennie, la charge de la dette de l'État pourrait représenter 2,7 % du PIB, contre 1,4 % en 2023. Quant à la charge de la dette publique, celle-ci atteindrait 3,1 % du PIB, contre 1,9 % en 2023.
Cette trajectoire, j'y insiste, correspond au scénario de finances publiques prévu dans le PLF 2025, dans sa version initiale transmise par le Gouvernement.
Ces chiffres sont très inquiétants. En 2008, notre dette était à peu près équivalente à celle de l'Allemagne, à 60 % du PIB. Davantage que le « quoiqu'il en coûte », la période covid a été celle de la déresponsabilisation totale ! Quoi que nous explique l'ancien ministre de l'économie Bruno Le Maire, la France n'est pas le seul pays à avoir pris des mesures pour aider les entreprises. Nos voisins, contrairement à nous, ont été capables de revenir à une situation normale.
S'agissant du périmètre de la mission, je relève une nouvelle fois avec regret le maintien du programme 369 « Amortissement de la dette de l'État liée à la covid-19 », avec 5,2 milliards de crédits de paiement qui seraient ouverts pour 2025. Aucun motif économique ou budgétaire ne justifie l'isolement de cette dette. En effet, les recettes fiscales qui sont affectées à l'amortissement de cette somme, selon une formule de calcul dépendant du niveau de croissance, pourraient tout aussi bien servir à réduire le déficit budgétaire courant. Comme les années précédentes, je proposerai donc d'amender les crédits de la mission « Engagements financiers de l'État » afin de supprimer ce programme artificiel !
J'en viens aux crédits dédiés aux appels en garantie de l'État, qui, en dépit de leur diminution, continuent d'appeler notre vigilance.
Les crédits du programme correspondant - le programme 114 - présentent une baisse de moitié par rapport à la loi de finances initiale pour 2024, passant de 1,9 milliard d'euros à 985 millions d'euros. Selon les éléments d'information communiqués par la direction générale du Trésor, cette diminution porte principalement sur les PGE.
Alors que la prévision d'appels en garantie au titre des PGE s'établissait à 1,44 milliard d'euros en loi de finances initiale pour 2024, l'exécution affiche une consommation de 1,36 milliard d'euros au 15 octobre. En dépit de l'aléa entourant les estimations de pertes, le risque financier pour l'État représenté par les PGE devrait rester modéré, avec une sinistralité évaluée à 4,11 % sur l'ensemble du dispositif, représentant un montant total de 6 milliards d'euros de pertes brutes.
Il resterait 1,2 milliard d'euros de pertes sur les PGE qui se matérialiseraient au-delà de l'année 2024, dont 571 millions d'euros seraient indemnisés sur l'année 2025. Selon les informations de la direction générale du Trésor, de Bpifrance et de la Banque de France, les secteurs les plus touchés devraient rester la construction, l'immobilier, l'hébergement-restauration, l'information et la communication, ainsi que l'industrie manufacturière.
Afin de faciliter le remboursement des PGE et éventuellement son étalement pour les entreprises en difficulté, un accord de place a été conclu en 2022 et renouvelé en 2024, prévoyant la possibilité pour les très petites entreprises (TPE) et pour les petites et moyennes entreprises (PME) de demander un rééchelonnement jusqu'au 31 décembre 2026.
Par ailleurs, pour les dossiers d'entreprises de taille plus importante, le comité interministériel de restructuration industrielle (Ciri), service rattaché à la direction générale du Trésor, a conçu en 2022 une doctrine pour assurer une restructuration équitable des PGE et pour éviter que l'effort porté par ces prêts - et donc par l'État au titre de sa garantie - ne soit disproportionné par rapport aux efforts des autres parties prenantes. Cette doctrine a été mise en oeuvre notamment pour Pierre et Vacances en 2022 et pour Air Austral en 2023.
Par ailleurs, pour les restructurations comportant une part d'écrasement du passif, des mécanismes de retour à meilleure fortune permettent à l'État de bénéficier du partage de la valeur en cas de redressement de l'activité.
Je conclurai mon propos par une analyse synthétique de la situation des comptes spéciaux rattachés à la mission.
Dans la continuité des années précédentes, le compte de concours financier « Accords monétaires internationaux » n'est pas doté de crédits pour 2025. Quant au compte de concours financiers « Prêts et avances à divers services de l'État ou organismes gérant des services publics », celui-ci poursuit sa normalisation avec la suppression du programme 829 « Prêts destinés au financement des infrastructures de transports collectifs du quotidien de la métropole d'Aix-Marseille-Provence ».
Aucun prêt ni aucune avance n'ont été effectués par le biais de ce programme créé dans la loi de finances initiale pour 2022. Entretemps, le Président de la République a en effet annoncé en 2023 le doublement du montant des subventions accordées dans le cadre du plan « Marseille en grand ».
Le solde du compte devrait dégager un excédent important avec presque un doublement par rapport à la loi de finances initiale pour 2024, à 552 millions d'euros.
En conclusion, je vous propose d'adopter les crédits de la mission « Engagements financiers de l'État », sous réserve de la modification que je vous ai proposée, ainsi que les crédits des comptes de concours financiers « Accords monétaires internationaux » et « Prêts et avances à divers services de l'État ou organismes gérant des services publics ».
Je n'ai aucune possibilité de vous proposer des économies, malgré la situation inquiétante : comme je l'ai dit, cette mission est subie...
Durant mes six ans en tant que rapporteur général de la commission des finances, je n'ai cessé de dire que nous financions nos dépenses courantes par l'emprunt - celui-ci n'est pas une mauvaise chose s'il sert à investir plutôt qu'à payer des dépenses de fonctionnement à crédit ! À présent que nous sommes considérés comme de mauvais élèves, la charge de la dette deviendra le premier poste budgétaire de l'État, pour un niveau d'intérêts approchant 100 milliards d'euros d'ici la fin de la décennie. Imaginez ce que nous pourrions faire avec 100 milliards d'euros : routes, hôpitaux, sécurité... Nous payons le prix des errements : sous M. Bruno Le Maire, la dette a augmenté de presque 1 000 milliards d'euros ! Désormais, la confiance des investisseurs dans la France est faible et, si notre dette est encore largement domestique, elle tend de plus en plus à être transférée vers les fonds spéculatifs. Je vous laisse imaginer ce qui risque d'advenir...
M. Michel Canévet. - Je remercie le rapporteur spécial pour sa présentation, qui augure de difficultés à venir, et nous pouvons le déplorer...
Ma première question porte sur la charge de la dette de la SNCF, qui diminue. Quelles en sont les raisons ?
Au cours des questions d'actualité au Gouvernement d'hier, des perspectives difficiles pour un certain nombre d'entreprises ont été évoquées. Celles-ci pourraient donc demander à revoir le remboursement des PGE. Le Ciri a-t-il actuellement la capacité de reconsidérer le remboursement de ces prêts ? Faut-il pour ce faire un texte législatif ?
Si j'ai bien compris vos propos, il n'y a pas eu de prêts destinés au financement du plan en faveur de la métropole d'Aix-Marseille-Provence à partir du programme 829. Pouvez-vous me le confirmer ?
M. Stéphane Sautarel. - Je partage la question de Michel Canévet : pouvez-vous nous apporter des précisions sur les PGE ? Je suis un peu surpris par les termes du rapport...
La France doit rembourser une trentaine de milliards d'euros - de mémoire - à l'Union européenne à partir de 2027 ou 2028. Ces montants ne sont pas encore intégrés au stock de dette. Pouvez-vous nous en dire davantage ? Quelles seront les conditions du remboursement de cette dette, dont le coût risque d'être supérieur à ce que nous sommes capables de lever actuellement sur les marchés ?
M. Thierry Cozic. - La France a été pénalisée par la part relativement élevée dans son endettement des obligations assimilables du Trésor indexées sur l'inflation (OATI), dont nous avions mis en avant le coût, l'an dernier. Je m'interroge sur la pertinence pour Bercy de continuer à émettre ce type d'obligations.
Par ailleurs, alors que l'inflation aurait pu réduire le ratio de dette publique française de 9,5 points de PIB entre 2021 et 2023, la réduction n'a été que de 2,4 points de PIB selon le Haut Conseil des finances publiques (HCFP). Pensez-vous qu'un ciblage plus efficient des bénéficiaires des différentes aides qui avaient pour but d'amortir l'inflation aurait permis de mieux résorber ce ratio ? Il est clair que la France n'a pas pleinement tiré profit ces deux dernières années de l'aubaine qu'aurait pu constituer le choc inflationniste.
M. Jean-Raymond Hugonet. - Qu'en est-il exactement de la fiabilité des remboursements des PGE ? Y a-t-il une corrélation entre la part de prêts remboursés et l'augmentation importante des défaillances d'entreprises ? Dans l'Essonne, le nombre de ces défaillances a augmenté de 20 % ! La création d'une nouvelle chambre au sein du tribunal de commerce d'Évry-Courcouronnes ne suffit même pas à les traiter.
M. Laurent Somon. - Connaît-on la structuration exacte des entreprises bénéficiaires de PGE concernées par les défaillances : taille, secteur, répartition géographique ?
Quelle est la réalité du coût à venir du remboursement du prêt contracté auprès de l'Union européenne ?
Mme Vanina Paoli-Gagin. - Je souhaite mettre ce rapport en regard avec la proposition de loi constitutionnelle visant à accélérer le redressement des finances publiques, examinée en séance ce matin : ne pensez-vous pas que le problème qui pèse sur nos finances, que vous mesurez avec précision et que vous déplorez chaque année, est systémique ? Peut-être existe-t-il un autre chemin ?
Mme Christine Lavarde. - Par le programme 829, l'État a été disposé à fournir des « Prêts destinés au financement des infrastructures de transports collectifs du quotidien de la métropole d'Aix-Marseille-Provence ». Pourtant, selon un rapport d'information dont vous étiez rapporteur, monsieur le président, le financement de la Société des grands projets, à l'origine Société du Grand Paris, qui a toujours été considérée comme d'intérêt national, s'est reporté uniquement sur la fiscalité pesant sur les habitants de la région Île-de-France. Il existe donc un « deux poids deux mesures » selon l'endroit où l'on installe des transports en commun !
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur spécial. - Dans chacun de nos territoires, nous voyons une augmentation considérable de l'activité des tribunaux de commerce. Lors de mes auditions, j'ai interrogé notamment la direction générale du Trésor et la Banque de France sur une éventuelle augmentation du taux de sinistralité des PGE. D'après ce qui m'a été dit, les grandes entreprises comme Air France, qui représentent les emprunts les plus importants, ne doivent pas nous inquiéter. Il n'y a pas de dossier important qui entraînerait une explosion des appels en garantie de l'État. Les entreprises qui mettent en oeuvre des plans sociaux actuellement n'ont pas fait appel aux PGE.
Le taux de sinistralité est de 4 % environ. Les entreprises des secteurs les plus fragiles, comme la construction, connaissent beaucoup de défaillances, des inquiétudes pèsent sur elles, mais il s'agit de petits dossiers en matière de PGE. Je n'ai pas d'éléments sur la répartition géographique des PGE.
Par ailleurs, la dette de SNCF Réseau, qui a été en partie reprise par l'État, voit sa charge diminuer parce qu'elle est progressivement remboursée.
Le Ciri ne peut accorder à ce stade de nouveaux prêts. En tout état de cause, dans le cadre des PGE, ce sont les banques qui ont accordé les prêts. Le Ciri peut seulement, lors des négociations de restructuration du passif des sociétés en difficulté placées sous son égide, proposer des étalements de PGE afin que les remboursements soient progressifs, et non à échéance.
La dette européenne ne figure pas dans cette mission.
Le choc inflationniste n'a pas eu d'effet réel sur la dette parce que la décision a été prise, malheureusement, de répondre à la crise par une dégradation du déficit. De manière plus générale, le Président de la République et les gouvernements successifs de l'époque ont été anesthésiés par les taux négatifs. Ils ont cru avoir la baraka ! Il est vrai qu'au début du précédent quinquennat, la BCE menait une politique monétaire en ce sens : avec le niveau bas des taux, l'État contractait de nouveaux emprunts moins chers que les anciens. Il faisait une bonne affaire ! Je dénonçais cet aveuglement lorsque j'étais rapporteur général. Cette politique était court-termiste et a produit un effet boule de neige en matière de niveau d'endettement et de charge de la dette.
Si un emprunt immobilier dans notre pays est presque toujours amortissable, l'État contracte pour sa part des prêts in fine, c'est-à-dire des prêts dont le capital est remboursé à l'échéance et non par mensualités : chaque année, il emprunte davantage, non seulement pour rembourser les emprunts qui arrivent à échéance, mais aussi pour couvrir les besoins de financement du déficit de l'année. Les 300 milliards d'euros que nous emprunterons cette année correspondent au montant du déficit 2024 et à celui des emprunts qui arrivent à échéance.
Sans doute faut-il changer le logiciel, madame Vanina Paoli-Gagin. Il faudrait trouver des freins, ainsi qu'un mécanisme global qui nous permettrait de prendre conscience collectivement du problème : emprunts qui arrivent à échéance, déficit primaire à l'origine de l'augmentation de la dette, écart de spread qui n'était sans doute pas prévu... Les masses sont considérables et, donc, les effets des aléas tout de suite importants.
La durée de vie moyenne de la dette avoisine huit ans et demi - certains prêts sont à trois jours, d'autres à cinquante ans -, échéance à laquelle l'augmentation des taux d'intérêt atteint son plein effet. Nous étions au-dessus de sept ans lors de mon arrivée dans cette commission. Des outils plus contraignants pour limiter notre endettement sont donc les bienvenus.
Enfin, le plan « Marseille en grand » a été financé par des subventions, et non par des prêts ou par des avances. C'est pourquoi les crédits de paiement du programme 829 n'ont pas été consommés. J'imagine que la métropole a réalisé des emprunts directement, c'est-à-dire sans passer par des dispositifs de prêts étatiques. D'autres programmes n'ont pas été financés. La métropole d'Aix-Marseille-Provence a été victime d'un effet d'annonce, qui ne s'est pas traduit par des crédits de paiement consommés.
Lorsque j'étais rapporteur général, et que le gouvernement nous présentait chaque année une magnifique courbe de baisse des taux tout en surestimant dans les lois de finances initiales les taux d'intérêt pour se réserver de bonnes surprises, je mettais en garde sur la dangerosité d'une politique reposant sur l'endettement et sur des taux dépendants des marchés. On n'était effectivement pas à l'abri d'aléas - à l'époque, je citais un choc pétrolier ou des conflits, sans envisager la possibilité d'une pandémie. Or nous avons eu le choc imprévu de la covid, et nous ne sommes pas sortis du quoi qu'il en coûte. Nous le payons aujourd'hui !
M. Pascal Savoldelli, président. - Une demande a été faite pour connaître la répartition géographique des entreprises défaillantes ayant contracté un PGE. J'observerai à cet égard que la sinistralité des PGE est difficile à évaluer, car les comportements ont été extrêmement divers selon les secteurs professionnels et la typologie des entreprises bénéficiaires.
L'insistance du rapporteur spécial sur la charge des intérêts de la dette, dont on parle trop peu, est intéressante et importante politiquement. Elle souligne la nécessaire distinction qu'il faut opérer entre ce qui relève des grandes politiques nationales financières et ce qui relève du rôle des marchés financiers.
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur spécial. - La question de savoir si nous pourrons rembourser la dette est en réalité secondaire. La question essentielle est celle de l'augmentation du poids de la charge de la dette, qui découle de l'accumulation des déficits primaires et de l'augmentation du spread. Les taux d'emprunt étant auparavant peu élevés, la situation était relativement contenue, mais nous empruntons désormais plus cher, et des stocks de dette énormes empruntés plus cher pèsent forcément plus lourd dans la balance. Toute augmentation du spread engendre des chiffres absolument vertigineux par rapport au budget de l'État.
Malheureusement, nous ne parlons ici que du service de la dette. Il n'est question d'aucune dépense au service de la défense du pays ou de la santé des Français.
Article 42 (État B)
Je vous propose un amendement visant à supprimer le programme 369, en coordination avec l'amendement précédemment présenté par le rapporteur spécial Claude Raynal.
L'amendement II-35 est adopté.
La commission a décidé de proposer au Sénat d'adopter les crédits de la mission « Engagements financiers de l'État », sous réserve de l'adoption de son amendement.
La commission a décidé de proposer au Sénat d'adopter, sans modification, les crédits des comptes de concours financiers « Accords monétaires internationaux » et « Prêts et avances à divers services de l'État ou organismes gérant des services publics ».
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Réunie à nouveau le jeudi 21 novembre 2024, sous la présidence de M. Claude Raynal, président, la commission a confirmé définitivement ses votes émis sur toutes les missions, tous les budgets annexes, tous les comptes spéciaux et les articles rattachés aux missions, ainsi que les amendements qu'elle a adoptés, à l'exception des votes émis pour les missions « Culture », « Direction de l'action du Gouvernement », « Enseignement scolaire », « Médias, livre et industries culturelles », « Audiovisuel public », « Recherche et enseignement supérieur », ainsi que des comptes spéciaux qui s'y rattachent.