N° 144

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 2024-2025

Enregistré à la Présidence du Sénat le 21 novembre 2024

RAPPORT GÉNÉRAL

FAIT

au nom de la commission des finances (1) sur le projet de loi de finances, considéré comme rejeté par l'Assemblée nationale, pour 2025,

Par M. Jean-François HUSSON, 

Rapporteur général,

Sénateur

TOME III

LES MOYENS DES POLITIQUES PUBLIQUES ET DISPOSITIONS SPÉCIALES

(seconde partie de la loi de finances)

ANNEXE N° 13

ENGAGEMENTS FINANCIERS DE L'ÉTAT

COMPTE DE CONCOURS FINANCIERS : ACCORDS MONÉTAIRES INTERNATIONAUX
COMPTE DE CONCOURS FINANCIERS : PRÊTS ET AVANCES À DIVERS SERVICES
DE L'ÉTAT OU ORGANISMES GÉRANT DES SERVICES PUBLICS

Rapporteur spécial : M. Albéric de MONTGOLFIER

(1) Cette commission est composée de : M. Claude Raynal, président ; M. Jean-François Husson, rapporteur général ; MM. Bruno Belin, Christian Bilhac, Jean-Baptiste Blanc, Michel Canévet, Emmanuel Capus, Thierry Cozic, Bernard Delcros, Thomas Dossus, Albéric de Montgolfier, Didier Rambaud, Stéphane Sautarel, Pascal Savoldelli, vice-présidents ; Mmes Marie-Carole Ciuntu, Frédérique Espagnac, MM. Marc Laménie, Hervé Maurey, secrétaires ; MM. Pierre Barros, Arnaud Bazin, Grégory Blanc, Mmes Florence Blatrix Contat, Isabelle Briquet, MM. Vincent Capo-Canellas, Raphaël Daubet, Vincent Delahaye, Vincent Éblé, Rémi Féraud, Stéphane Fouassin, Mme Nathalie Goulet, MM. Jean-Raymond Hugonet, Éric Jeansannetas, Christian Klinger, Mme Christine Lavarde, MM. Antoine Lefèvre, Dominique de Legge, Victorin Lurel, Jean-Marie Mizzon, Claude Nougein, Jean-Baptiste Olivier, Olivier Paccaud, Mme Vanina Paoli-Gagin, MM. Georges Patient, Jean-François Rapin, Mme Ghislaine Senée, MM. Laurent Somon, Christopher Szczurek, Mme Sylvie Vermeillet, M. Jean-Pierre Vogel.

Voir les numéros :

Assemblée nationale (17ème législ.) : 324, 459, 462, 468, 471, 472, 486, 524, 527, 540 et T.A. 8

Sénat : 143 et 144 à 150 (2024-2025)

L'ESSENTIEL

Les crédits de la mission « Engagements financiers de l'État », qui constitue depuis 2024 le deuxième poste de dépenses du budget de l'État après la mission « Enseignement scolaire » (en crédits de paiement, hors CAS Pensions et Remboursements et dégrèvements), s'élèvent en PLF 2025 à 56,004 milliards d'euros en autorisations d'engagement (AE) et 61,338 milliards d'euros en crédits de paiement (CP).

Ces crédits enregistrent ainsi une augmentation de 520 millions d'euros (+ 0,86 %) en CP, atteignant un niveau record, principalement sous l'effet de l'alourdissement de la charge de la dette de l'État, dans un contexte d'endettement public historique (3 228 milliards d'euros, dont 2 600 milliards d'euros pour la dette de l'État) et de hausse de la prime de risque par rapport à l'Allemagne.

I. EN DÉPIT DE LA RÉCENTE INFLEXION DE LA POLITIQUE MONÉTAIRE DE LA BANQUE CENTRALE EUROPÉENNE, LA CHARGE DE LA DETTE DE L'ÉTAT CONTINUE DE S'ALOURDIR FORTEMENT

A. LES TAUX D'INTÉRÊT DES TITRES DE DETTE FRANÇAISE DEMEURENT À UN NIVEAU ÉLEVÉ, NOTAMMENT SOUS L'EFFET D'UN CREUSEMENT DE LA PRIME DE RISQUE PAR RAPPORT À L'ALLEMAGNE

L'évolution du taux de rendement à 10 ans de la France depuis le début de l'année 2024 a suivi « une trajectoire singulière », enregistrant une forte hausse (+ 28 points de base au 20 septembre par rapport au début de l'année), à plus de 3 %, sous la conjugaison de deux facteurs :

- d'une part, le report des anticipations de baisses de taux de la Banque centrale européenne (BCE) jusqu'en mars ;

- d'autre part, et surtout, la hausse de la prime de risque, mesurée par l'écart de taux (« spread ») par rapport à la dette allemande.

La hausse de la prime de risque singularise fortement la France, en comparaison du net resserrement observé pour les spreads des pays de la zone euro qualifiés de « périphériques » (Italie, Espagne, Portugal, Grèce, notamment), avec un creusement de l'ordre d'une vingtaine de points de base pour le taux à 10 ans depuis le début de l'année 2024. Aujourd'hui, le spread de la France par rapport à l'Allemagne se situe autour de 75 points de base.

Le creusement de l'écart de taux par rapport à l'Allemagne s'explique principalement par la dégradation successive des prévisions de déficit du précédent Gouvernement pour 2023 et 2024.

En dépit de l'assouplissement de la politique monétaire de la Banque centrale européenne (BCE) depuis juin 2024, avec trois baisses successives de 25 points de base du taux de la facilité de dépôt, désormais à 3,25 %, les taux d'intérêt sur les titres de dette française devraient demeurer dans les prochaines années nettement au-dessus de 3 %. La prévision de charge de la dette de l'État s'appuie sur le scénario de taux d'intérêt suivant :

les taux d'intérêt à 3 mois s'établiraient à 3,25 % fin 2024, puis 3,00 % dès la mi-2025 et se stabiliseraient à ce niveau ;

les taux d'intérêt à 10 ans s'établiraient à 3,30 % fin 2024, puis 3,60 % fin 2025 et 3,70 % fin 2026 et se stabiliseraient à ce niveau.

Taux d'emprunt à 3 mois et à 10 ans de la France
et taux de rémunération des dépôts par la BCE

(en pourcentage)

Note : données à début octobre 2024 (n'incluant pas la dernière baisse de taux directeurs de la BCE du 17 octobre 2024). L'indice quotidien TEC 10 ans (taux de l'échéance constante à 10 ans) représente le taux de rendement actuariel d'une OAT fictive d'échéance exactement égale à 10 ans. Le taux BTF 3 mois désigne le taux d'intérêt portant sur les bons du Trésor à taux fixe et à intérêt précompté d'une maturité de 3 mois. Le taux de dépôt BCE correspond au taux de la facilité de dépôt de la Banque centrale européenne.

Source : Rapport sur la dette des administrations publiques annexé au projet de loi de finances pour 2025

Si la trajectoire des taux directeurs est désormais favorable à l'allègement de la charge de la dette, l'aléa principal concerne le spread de crédit de la France. Comme le souligne la Banque de France, « en cas de tension sur la dette française (dégradation de la qualité de crédit ou de la perception du marché sur celle-ci), l'écartement du spread pourrait contribuer à pousser les taux de refinancement à la hausse ».

Selon les estimations de l'Agence France Trésor, l'effet d'un choc de taux pérenne de + 1 point (+ 100 points de base) par rapport au scénario de référence, sur l'ensemble de la courbe de taux, entraînerait une hausse de la charge de la dette de 3,2 milliards d'euros à 1 an, 19,1 milliards d'euros à 5 ans et 32,6 milliards d'euros à 9 ans.

De fait, le principal déterminant des taux sur la dette de la France est aujourd'hui l'instabilité politique. À ce titre, selon les termes de l'économiste Éric Monnet, auditionné par le rapporteur spécial, les annonces de dérapage du déficit public, telles qu'elles se sont succédées depuis le début de l'année 2024, constituent pour les marchés « le pire » des scénarios. Dans le contexte actuel, la France est préservée par le niveau relativement faible de la détention de la dette par des non-résidents et par la protection de la BCE. Cependant, le rapporteur spécial rappelle que la garantie de la BCE n'est pas absolue et est conditionnée au respect des règles budgétaires européennes.

Impact d'un choc de taux d'intérêt sur la charge de la dette à moyen terme
(en comptabilité maastrichtienne)

(en milliards d'euros)

Source : Rapport sur la dette des administrations publiques annexé au projet de loi de finances pour 2025

B. EN L'ABSENCE DE REDRESSEMENT APPUYÉ DES FINANCES PUBLIQUES, LA CHARGE DE LA DETTE DE L'ÉTAT EST APPELÉE À DOUBLER D'ICI 2029, POUR REPRÉSENTER 2,7 % DU PIB ET LE PREMIER POSTE DE DÉPENSES DU BUDGET

Pour 2025, le besoin de financement de l'État devrait s'élever à 313,2 milliards d'euros. S'il présente une légère amélioration par rapport au niveau révisé de 2024 et à l'exécution 2023 (respectivement 319,4 milliards d'euros et 314,6 milliards d'euros), ce montant demeure particulièrement élevé et nettement supérieur à la prévision de la loi de finances initiale pour 2024 (297,2 milliards d'euros).

Dans ce contexte, le programme d'émissions de titres à moyen et long terme, nettes des rachats, devrait atteindre la barre record des 300 milliards d'euros, après 270 milliards d'euros en 2023 et 285 milliards d'euros en 2024.

À fin septembre 2024, l'encours de la dette négociable de l'État s'élevait déjà à 2 602 milliards d'euros. Quant à la dette publique (toutes administrations publiques confondues), celle-ci s'établissait à 3 228 milliards d'euros à la fin du deuxième trimestre 2024, soit 112,0 % du PIB, en augmentation de 127 milliards d'euros sur les six premiers mois de l'année.

En comptabilité budgétaire, la charge de la dette de l'État devrait croître de + 5,26 % en 2025, à 53,5 milliards d'euros, contre 50,9 milliards d'euros en loi de finances initiale pour 2024. En comptabilité générale, elle devrait s'élever à 54,5 milliards d'euros en 2025, soit une augmentation marquée de près de 9 milliards d'euros par rapport à 2024, représentant + 18,78 %.

Comme l'avait déjà souligné le rapporteur spécial dans son rapport de contrôle, la charge de la dette de l'État pourrait à l'horizon 2030, à politique inchangée, approcher la barre des 100 milliards d'euros.

Ainsi, la charge de la dette de l'État pourrait dépasser 75 milliards d'euros en 2027. Elle pourrait même atteindre 92 milliards d'euros en 2029, soit une multiplication par 2,4 par rapport à son niveau en 2023 et même par 3,6 par rapport à 2020.

Évolution de la charge de la dette de l'État entre 2018 et 2029
(en comptabilité générale)

(en milliards d'euros)

Note : les données indiquées pour les années 2025 à 2029 sont des prévisions.

Source : commission des finances, d'après le rapport sur la dette des administrations publiques annexé au projet de loi de finances pour 2025 et les réponses de l'Agence France Trésor au questionnaire du rapporteur spécial

D'ici la fin de la décennie, la charge de la dette de l'État pourrait ainsi représenter 2,7 % du PIB, contre 1,4 % en 2023. La charge de la dette de l'ensemble des administrations publiques atteindrait 3,1 % du PIB, contre 1,9 % en 2023.

Évolution de la charge de la dette publique et de la dette de l'État
en proportion du PIB entre 2022 et 2029

(en points de PIB)

Note : les données indiquées pour les années 2025 à 2029 sont des prévisions.

Source : commission des finances, d'après le rapport sur la dette des administrations publiques annexé au projet de loi de finances pour 2025

C. LE MAINTIEN DU PROGRAMME 369 « AMORTISSEMENT DE LA DETTE DE L'ÉTAT LIÉE À LA COVID-19 » NE RÉPOND À AUCUNE JUSTIFICATION RÉELLE, DE MÊME QUE L'ISOLEMENT DE LA CHARGE DE LA DETTE DE SNCF RÉSEAU REPRISE PAR L'ÉTAT

Le programme 369 vise à retracer l'amortissement du surcroît de la dette de l'État en 2020 et en 2021 liée à la crise sanitaire, 70 milliards d'euros ayant déjà été repris au titre des années 2020 et 2021 pour la sphère sociale par le biais de la Caisse d'amortissement de la dette sociale (Cades). 165 milliards d'euros ont ainsi été ouverts en 2022 en autorisations d'engagement sur ce programme. Pour 2025, 5,2 milliards d'euros en crédits de paiement seraient ouverts pour financer ce programme (contre 6,5 milliards d'euros en 2024 et 6,6 milliards d'euros en 2023).

Or, aucun argument économique ou budgétaire n'est de nature à justifier l'isolement de la « dette covid », les recettes fiscales supplémentaires pouvant tout aussi bien servir à réduire le déficit budgétaire courant. La création (et le maintien) de ce programme est avant tout et seulement une opération de communication, dénuée de tout effet budgétaire. En conséquence, le rapporteur spécial propose à la commission des finances, comme lors de l'examen des PLF 2023 et 2024, de supprimer les crédits du programme 369.

De même, si l'existence d'un programme spécifique pour la charge de la dette de SNCF Réseau reprise par l'État peut éventuellement davantage se justifier, la présentation transparente de la charge totale de la dette de l'État imposerait également son intégration au sein du programme 117 relatif à la charge de la dette de l'État.

La réforme du système ferroviaire décidée en 2018 s'était accompagnée de la décision de l'État de reprendre 35 milliards d'euros de dette de SNCF Réseau. Les charges d'intérêt résultant de cette reprise de dette sont inscrites dans le programme 355 « Charge de la dette de SNCF Réseau reprise par l'État » et devraient représenter 692 millions d'euros (AE = CP) en 2025 (contre 807 millions d'euros en 2024).

De fait, on peut regretter que le Gouvernement n'ait pas retenu l'option consistant à inclure directement la charge de la dette de SNCF Réseau reprise par l'État dans le programme 117. Cette mesure présenterait l'avantage d'une plus grande clarté, en ce qu'elle représenterait plus fidèlement l'ensemble des crédits affectés à la charge de la dette.

II. ALORS QUE LES APPELS EN GARANTIE DE L'ÉTAT DEVRAIENT ENREGISTRER UNE BAISSE NOTABLE DE PRÈS D'UN MILLIARD D'EUROS, LES AUTRES PROGRAMMES DE LA MISSION PRÉSENTENT DES ÉVOLUTIONS BUDGÉTAIRES PEU SIGNIFICATIVES

A. UNE DIMINUTION CONTINUE DES APPELS EN GARANTIE DE L'ÉTAT DEPUIS 2022

Le programme 114 « Appels en garantie de l'État » retrace l'ensemble des dépenses budgétaires qui découlent de la mise en jeu des garanties octroyées par l'État à des tiers.

Les crédits inscrits sur ce programme dans le projet de loi de finances pour 2025, à hauteur de 985 millions d'euros, affichent une baisse de moitié (- 917 millions d'euros) par rapport à la loi de finance initiale pour 2024, qui s'établissait à 1,9 milliard d'euros. Cette diminution porte principalement sur les prêts garantis par l'État (PGE).

Cette trajectoire est continue depuis la loi de finance initiale pour 2022 (avec - 918 milliards d'euros en loi de finances initiale pour 2023 puis - 680 millions d'euros en loi de finances initiale pour 2024) et repose sur des hypothèses de risques de défaillance des bénéficiaires et des décaissements réalisés sur les PGE.

Selon les éléments communiqués par la direction générale du Trésor au rapporteur spécial, au 15 octobre, le réalisé 2024 du programme 114 s'élève à 1,5 milliard d'euros, essentiellement constitués des indemnisations relatives au dispositif de PGE. Alors que la prévision d'appels en garantie au titre des PGE avait été établie à 1,44 milliard d'euros en loi de finances initiale pour 2024, 1,36 milliard d'euros ont été consommés à cette même date.

Suivant les dernières estimations de la direction générale du Trésor, il resterait 1,2 milliard d'euros de pertes sur les PGE qui se matérialiseraient au-delà de l'année 2024 et dont un peu moins de la moitié serait indemnisé sur l'année 2025 (571 millions d'euros en PLF 2025).

B. EN DÉPIT DE L'ALÉA ENTOURANT L'ESTIMATION DE LA SINISTRALITÉ, LE RISQUE FINANCIER PORTÉ AU TITRE DES PRÊTS GARANTIS PAR L'ÉTAT DEVRAIT RESTER MODÉRÉ

Au 15 octobre 2024, le montant cumulé des appels en garantie au titre des PGE décaissés est de 4,5 milliards d'euros, soit un taux de sinistralité de 3,0 %. Ce montant est inférieur à ce qui était prévu dans les prévisions de la direction générale du Trésor.

Le taux de sinistralité de l'ensemble du dispositif des PGE a été évalué à 4,11 % lors du dernier exercice de prévision avec la Banque de France, en cohérence avec d'autres estimations comme celle du Conseil d'analyse économique. Au total, ce taux de sinistralité représente 6 milliards d'euros de pertes brutes, dont 1,2 milliard d'euros restant à se matérialiser à fin 2024. Le capital restant dû devrait s'établir autour de 30 % à fin décembre 2024. Les secteurs les plus touchés seraient la construction, l'immobilier, l'hébergement-restauration, l'information et la communication, l'industrie manufacturière.

Afin de faciliter le remboursement des PGE et plus particulièrement les demandes de restructuration, un accord de place a été conclu en 2022 et renouvelé en janvier 2024. Par ailleurs, le Comité interministériel de restructuration industrielle (CIRI) a conçu une doctrine pour assurer une restructuration équitable des PGE et éviter que l'effort porté par eux (et donc par l'État au titre de sa garantie) ne soit disproportionné par rapport aux efforts des autres parties prenantes.

III. LE COMPTE DE CONCOURS FINANCIERS « PRÊTS ET AVANCES À DIVERS SERVICES DE L'ÉTAT OU ORGANISMES GÉRANT DES SERVICES PUBLICS » : UN EXCÉDENT QUI DEVRAIT SE CONFIRMER EN 2025

Le projet de loi de finances pour 2025 prévoit la suppression d'un programme du compte de concours financiers, le programme 829, relatif aux « Prêts destinés au financement des infrastructures de transports collectifs du quotidien de la métropole d'Aix-Marseille-Provence ». Créé en 2022, ce programme réunissait les prêts et avances, correspondant à la contribution de l'État au financement du volet « transports » du plan « Marseille en Grand ». Aucun prêt n'a été effectué, de même qu'aucun versement d'avance, alors que le président de la République a annoncé à l'été 2023 le doublement du montant du volet subvention du plan.

Comme en 2024, le compte de concours financiers devrait dégager un excédent conséquent. Ainsi, alors que cet excédent s'élevait à 286,0 millions d'euros en loi de finances initiale pour 2024, celui-ci devrait quasiment doubler en 2025, à 552,1 millions d'euros.

Réunie le 14 novembre 2024, sous la présidence de M. Pascal Savoldelli, vice-président, la commission a décidé de proposer au Sénat d'adopter les crédits de la mission « Engagements financiers de l'État » tels que modifiés par un amendement minorant de 5,2 milliards d'euros (CP) les crédits dédiés à l'amortissement de la dette de l'État liée à la covid-19, cette action représentant aux yeux du rapporteur spécial un artifice budgétaire. Elle a proposé d'adopter, sans modification, les crédits des comptes de concours financiers « Accords monétaires internationaux » et « Prêts et avances à divers services de l'État ou organismes gérant des services publics ».

Réunie à nouveau le jeudi 21 novembre 2024, sous la présidence de M. Claude Raynal, président, la commission a confirmé définitivement ses votes émis sur toutes les missions, tous les budgets annexes, tous les comptes spéciaux et les articles rattachés aux missions, ainsi que les amendements qu'elle a adoptés, à l'exception des votes émis pour les missions « Culture », « Direction de l'action du Gouvernement », « Enseignement scolaire », « Médias, livre et industries culturelles », « Audiovisuel public », « Recherche et enseignement supérieur », ainsi que des comptes spéciaux qui s'y rattachent.

Au 10 octobre, date limite prévue par la loi organique relative aux lois de finances pour l'envoi des réponses au questionnaire budgétaire, le rapporteur spécial avait reçu 100 % des réponses pour la mission « Engagements financiers de l'État », et pour le compte de concours financiers « Prêts et avances à divers services de l'État ou organismes gérant des services publics ».

PREMIÈRE PARTIE
LA MISSION « ENGAGEMENTS FINANCIERS DE L'ÉTAT »

Deuxième mission pour les crédits de paiement1(*), la mission « Engagements financiers de l'État » se compose de huit programmes.

Six programmes sont dotés de crédits dans le PLF pour 2025 :

- le programme 117 « Charge de la dette et trésorerie de l'État », dont 98 % des crédits sont alloués au paiement des intérêts de la dette. Ce programme doit permettre de répondre à deux objectifs : garantir la solvabilité de l'État en lui permettant d'honorer ses engagements financiers dans les conditions les moins onéreuses et les plus sûres possibles ; s'assurer que le compte de l'État à la Banque de France, « le compte unique du Trésor », est créditeur à la fin de chaque journée2(*) ;

- le programme 114 « Appels en garantie de l'État », qui retrace les crédits destinés à couvrir les appels des garanties octroyées par l'État. L'État garantit principalement des dettes émises par des tiers, soit pour leur permettre de bénéficier de conditions de financement plus favorables, soit pour les garantir sur un engagement qu'ils ont pris pour le compte de l'État. Le programme retrace en particulier les crédits engagés dans le cadre de la provision sur les prêts garantis par l'État (PGE) ;

- le programme 145 « Épargne », qui est destiné à soutenir le secteur du logement et de l'accession à la propriété. Il se distingue toutefois par le poids des 26 dépenses fiscales qui lui sont rattachées, dont le coût est près de 98 fois supérieur aux crédits ouverts sur ce programme ;

- le programme 344 « Fonds de soutien relatif aux prêts et contrats financiers structurés à risque », qui vise à soutenir les collectivités territoriales ayant souscrit aux prêts structurés à risque ou « prêts toxiques ». Créé par l'article 92 de la loi de finances pour 20143(*), il intervient de trois manières : en apportant une aide au remboursement anticipé des emprunts4(*), en prenant en charge une partie des intérêts dus sur les échéances dégradées (15 % des collectivités territoriales aidées) et en apportant une aide à la gestion de l'encours ;

- le programme 369 « Amortissement de la dette de l'État liée à la covid- 19 », qui porte les crédits affectés à la Caisse de la dette publique pour rembourser une somme équivalente au montant de la dette de l'État liée à la covid- 19, évaluée en 2022 par le Gouvernement à 165 milliards d'euros ;

- le programme 355 « Charge de la dette de SNCF Réseau reprise par l'État », qui porte les charges d'intérêt résultant de la reprise de dette de SNCF Réseau par l'État à hauteur de 25 milliards d'euros en 2020 et 10 milliards d'euros en 2022, à la suite de la réforme du système ferroviaire décidée en 2018. Ce programme permet de suivre la charge induite par cette dette sur le budget de l'État.

Comme en 2024, deux programmes ne sont pas dotés de crédits pour l'année 2025 :

- le programme 336 « Dotation du mécanisme européen de stabilité » a constitué le support de la contribution française au capital du Mécanisme européen de stabilité (MES), versée en cinq tranches entre 2012 et 2014. Par ailleurs, entre 2017 et 2022, la France a procédé à la rétrocession au MES des intérêts payés sur ses dépôts placés auprès de la Banque de France. L'évolution à partir de l'été 2022 du taux de facilité de dépôt de la Banque centrale européenne (BCE), qui devrait rester durablement positif, a mis fin à ce dispositif ;

- le programme 338 « Augmentation de capital de la Banque européenne d'investissement », qui est le support budgétaire de la participation de la France à l'augmentation du capital de la Banque européenne d'investissement.

Ces deux derniers programmes n'appelleront donc pas de commentaire particulier de la part du rapporteur spécial.

Dans le cadre du présent projet de loi de finances (PLF), les crédits demandés connaissent une augmentation notable, à des niveaux records aussi bien en autorisations d'engagement (AE) qu'en crédits de paiement (CP) :

56,0 milliards d'euros en AE, soit une croissance de + 3,41 % par rapport à la loi de finances initiale (LFI) pour 2024 (+ 1,8 milliard d'euros) ;

61,3 milliards d'euros en CP, soit une hausse de + 0,86 % par rapport à la LFI 2024 (+ 520 millions d'euros).

Cette évolution s'explique principalement par l'augmentation de la charge de la dette de l'État, à 53,5 milliards d'euros (en AE et en CP), soit une progression de + 5,26 % (+ 2,7 milliards d'euros).

I. EN DÉPIT DE LA RÉCENTE INFLEXION DE LA POLITIQUE MONÉTAIRE DE LA BANQUE CENTRALE EUROPÉENNE, LA CHARGE DE LA DETTE DE L'ÉTAT CONTINUE DE S'ALOURDIR FORTEMENT

A. LES TAUX D'INTÉRÊT DES TITRES DE DETTE FRANÇAISE DEMEURENT À UN NIVEAU ÉLEVÉ, NOTAMMENT SOUS L'EFFET D'UN CREUSEMENT DE LA PRIME DE RISQUE PAR RAPPORT À L'ALLEMAGNE

1. Plus que par l'incertitude politique née de la dissolution, le creusement de l'écart de taux par rapport à l'Allemagne s'explique par la dégradation successive des prévisions de déficit du précédent Gouvernement pour 2023 et pour 2024

Comme le souligne le rapport sur la dette des administrations publiques annexé au projet de loi de finances pour 2025, l'évolution du taux de rendement à 10 ans de la France depuis le début de l'année 2024 a suivi « une trajectoire singulière », enregistrant une forte hausse (+ 28 points de base au 20 septembre par rapport au début de l'année), sous la conjugaison de deux facteurs :

- d'une part, le report des anticipations de baisses de taux de la Banque centrale européenne (BCE) jusqu'en mars ;

- d'autre part, et surtout, la hausse de la prime de risque.

Le report des anticipations de baisse de taux de la BCE
au premier semestre 2024

L'année 2024 s'est ouverte dans un contexte d'anticipations de baisses de taux de la BCE rapides et répétées sur toute l'année 2024 en raison (i) de perspectives de croissance dégradées (en particulier en Allemagne) et (ii) de l'amorce du processus désinflationniste qui devait ramener l'inflation au niveau de la cible de la BCE dans le courant de l'année 2024.

Au début du mois de janvier 2024, les anticipations implicites de baisses de taux de la BCE intégraient ainsi 6 baisses de taux directeurs (de 25 points de base) selon les anticipations de marché sur l'année 2024. Dans les faits, la croissance économique s'est montrée plus résiliente qu'attendu en zone euro au cours du premier semestre 2024 et le processus désinflationniste a ralenti, en raison, notamment, de la persistance de l'inflation dans le secteur des services, de sorte que les anticipations de baisses de taux de la BCE ont diminué.

Ce report des anticipations de baisses de taux a pesé sur les taux de rendement obligataire des pays de la zone euro, notamment ceux des pays dits « coeurs », qui ont progressé entre le 1er janvier et la fin du mois d'août (+ 12 points de base en Allemagne, + 13 points de base aux Pays-Bas et en Belgique, + 11 points de base en Autriche).

Source : commission des finances, d'après le rapport sur la dette des administrations publiques annexé au projet de loi de finances pour 2025

La hausse de la prime de risque sur la dette de la France, mesurée par l'écart de taux (« spread ») par rapport à la dette allemande, s'est réalisée en trois étapes5(*) :

- le premier mouvement d'écartement de taux a eu lieu à la fin du 1er trimestre et s'explique par la publication de chiffres de déficit et de dette de 2023 plus dégradés qu'attendu et par la présentation de prévisions de finances publiques révisant à la hausse la trajectoire de déficit et de dette par rapport à la précédente trajectoire pluriannuelle ;

- un deuxième mouvement d'écartement de taux a eu lieu à partir du mois de juin, dans un contexte d'incertitude suite aux élections législatives anticipées ;

- dans un troisième temps, la dégradation du déficit 2024 a contribué à peser sur le spread.

Ainsi, l'évolution de la prime de risque singularise fortement la France, avec un creusement de l'ordre d'une vingtaine de points de base pour le taux à 10 ans depuis le début de l'année 2024. Aujourd'hui, le spread de la France par rapport à l'Allemagne se situe autour de 75 points de base.

À l'inverse, les pays qualifiés de périphérique (Italie, Espagne, Portugal, Grèce, notamment) ont connu un net resserrement de leurs spreads de taux à 10 ans vis-à-vis de l'Allemagne : entre le 1er janvier et la fin du mois d'août, l'écart de taux Italie-Allemagne a diminué de - 25 points de base, l'écart de taux Espagne-Allemagne de - 17 points de base, l'écart de taux Portugal-Allemagne de - 18 points de base et l'écart de taux Grèce-Allemagne de - 5 points de base. De fait, le resserrement des spreads de ces pays peut s'expliquer par les efforts de maîtrise de leurs comptes publics dans la période récente, par contraste avec la situation française.

Taux d'intérêt souverains à 10 ans de l'Allemagne, de la France,
de l'Espagne et de l'Italie

(en pourcentage)

Source : Projet annuel de performances « Engagements financiers de l'État » annexé au projet de loi de finances pour 2025

De fait, les conséquences des dégradations répétées de la trajectoire de déficit et de dette sur la confiance des investisseurs ont été accentuées par l'incertitude politique créée par la dissolution de l'Assemblée nationale le 9 juin 2024. Cette incertitude n'a pas permis à la France de bénéficier réellement de la baisse des taux à la suite de l'assouplissement de la politique monétaire de la BCE le 6 juin, avec un premier abaissement du taux de la facilité de dépôt de 4,00 % à 3,75 %.

Sur l'ensemble de la période du 3 juin au 15 juillet 2024, le taux à 10 ans de la France s'est inscrit en légère baisse de 3,08 % à 3,06 %. Si la variation du taux de rendement souverain a été quasi-nulle sur la période, la volatilité a été importante et peut se résumer en trois mouvements principaux6(*) :

le lundi 10 juin, le taux de rendement souverain français a augmenté de + 13 points de base, à la suite du résultat des élections européennes et de l'annonce des élections législatives anticipées consécutives à la dissolution de l'Assemblée nationale, qui ont ouvert, aux yeux des investisseurs, une période d'incertitude politique et budgétaire ;

- ensuite, dans la période qui a précédé le premier tour des élections législatives anticipées, le taux à 10 ans français a évolué de façon quasi-parallèle au taux à 10 ans allemand ;

- enfin, le taux de rendement souverain à 10 ans français a diminué après les résultats du premier tour du scrutin le 1er juillet.

Par ailleurs, à partir du 2 juillet, des publications de données macroéconomiques allant dans le sens d'un ralentissement de l'économie américaine (inscriptions au chômage en hausse, indice manufacturier ISM en baisse, hausse du taux de chômage) et d'une baisse des taux de la Réserve fédérale (Fed) ont conduit à une diminution des taux d'intérêt de long terme toutes géographies confondues.

Au total, l'écart de rendement de l'obligation souveraine à 10 ans de la France par rapport à l'Allemagne a augmenté de + 13 points de base entre le 3 juin et le 15 juillet 2024, passant de 52 points de base à 65 points de base.

Comme l'évolution du taux de rendement à 10 ans de la France, l'écartement du spread par rapport à l'Allemagne peut se décomposer en trois périodes7(*) :

entre le 9 juin et le 14 juin, l'écart de rendement souverain à 10 ans entre la France et l'Allemagne a augmenté de + 28 points de base en raison de la hausse perçue du risque politique et budgétaire français. Comme le précise l'Agence France Trésor, cette hausse importante résulte d'un « effet ciseau » entre, d'une part, la hausse du taux de rendement français et, d'autre part, le rôle de valeur refuge de l'Allemagne qui a profité de la hausse de la prime de risque pour attirer des investisseurs, ce qui a eu pour effet une baisse du taux de rendement allemand ;

entre le 14 juin et le 1er juillet, l'écart des rendements s'est stabilisé dans une fourchette haute comprise entre 72 et 80 points de base dans l'attente du résultat du scrutin législatif français ;

enfin, à partir du 1er juillet, les résultats du premier tour du scrutin ont conduit à une diminution de la prime de risque et à un resserrement de l'écart de rendement souverain entre la France et l'Allemagne. Cette baisse de la prime de risque s'est poursuivie à l'issue du second tour du scrutin législatif, avant un nouvel écart bref lors de la séance du 9 juillet, puis une stabilisation du spread à une vingtaine de points de base au-dessus de son niveau du 3 juin, autour de 75 points de base.

Différence de taux d'intérêt à 10 ans de la France
avec l'Allemagne, l'Espagne et l'Italie

(en points de base)

Source : Rapport sur la dette des administrations publiques annexé au projet de loi de finances pour 2025

2. En dépit de l'assouplissement de la politique monétaire depuis juin 2024, les taux d'intérêt sur les titres de dette française devraient demeurer dans les prochaines années nettement au-dessus de 3 %

La prévision de charge de la dette de l'État dans le cadre du PLF 2025 s'appuie sur le scénario de taux d'intérêt suivant :

les taux d'intérêt à 3 mois s'établiraient à 3,25 % fin 2024 puis 3,00 % dès la mi-2025 et se stabiliseraient à ce niveau.

les taux d'intérêt à 10 ans s'établiraient à 3,30 % fin 2024, puis 3,60 % fin 2025 et 3,70 % fin 2026 et se stabiliseraient à ce niveau.

Cette évolution en sens inverse des taux d'intérêt à court terme et à long terme s'explique par l'inflexion récente de la politique monétaire de la BCE et par le rythme progressif de refinancement de la dette de l'État, en fonction de la maturité moyenne des titres.

De fait, la politique monétaire de la BCE a connu plusieurs changements d'orientation dans la période récente.

Dans un premier temps, en réponse à la crise inflationniste, la BCE avait décidé un relèvement marqué de ses taux directeurs à partir de juillet 2022, le taux de la facilité de dépôt augmentant de - 0,5 % à 4,00 % en septembre 2023.

Alors que l'inflation a enregistré un reflux important en 2023 et en 2024, la BCE a amorcé un nouveau mouvement de baisse de ses taux directeurs en juin dernier. Cette première baisse, de 25 points de base, a été suivie de deux baisses en septembre et en octobre, également de 25 points de base chacune, le taux de la facilité de dépôt diminuant à 3,25 %8(*).

Taux d'emprunt à 3 mois et à 10 ans de la France
et taux de rémunération des dépôts par la BCE

(en pourcentage)

Note : données à début octobre 2024 (n'incluant pas la dernière baisse de taux directeurs de la BCE du 17 octobre 2024). L'indice quotidien TEC 10 ans (taux de l'échéance constante à 10 ans) représente le taux de rendement actuariel d'une OAT fictive d'échéance exactement égale à 10 ans. Le taux BTF 3 mois désigne le taux d'intérêt portant sur les bons du Trésor à taux fixe et à intérêt précompté d'une maturité de 3 mois. Le taux de dépôt BCE correspond au taux de la facilité de dépôt de la Banque centrale européenne.

Source : Rapport sur la dette des administrations publiques annexé au projet de loi de finances pour 2025

Comme le note l'Agence France Trésor9(*), l'inflexion récente de la politique monétaire de la BCE se traduit par la baisse des taux d'intérêt de court terme. Le scénario de taux d'intérêt intègre une baisse supplémentaire des taux directeurs de le BCE d'ici mi-2025, de tel sorte que le taux d'intérêt à 3 mois se stabiliserait à 3,00 %.

Ces prévisions sont cohérentes avec les anticipations des acteurs financiers telles qu'elles ressortent de la courbe des taux. En effet, les investisseurs anticipent que les taux directeurs de la BCE vont continuer à baisser à court terme, ce qui explique la forte baisse des taux souverains sur le segment court de la courbe des taux (entre 1 mois et 2 ans). La courbe retrouve ensuite sa forme habituelle, croissante à mesure de l'allongement de la maturité, sur les maturités plus longues (entre 2 ans et 10 ans).

Évolution de la courbe des taux de la zone euro tirés des swaps OIS

(en pourcentage)

Note : Un swap OIS (« overnight indexed swap ») est un contrat d'échange de taux dont la jambe variable est indexée sur le taux interbancaire à un jour. La courbe en bleu représente la courbe des taux au 11 octobre 2023. La courbe en rouge correspond à la courbe des taux au 11 octobre 2024. Sur l'axe des abscisses, le libellé « 3M » correspond à 3 mois. Les graduations assorties de la lettre « Y » correspondent à un nombre d'années.

Source : réponses de la Banque de France au questionnaire du rapporteur spécial

Comme le relève la Banque de France, les taux à toutes les maturités sont aujourd'hui en dessous des niveaux observés il y a un an, reflétant les baisses des taux directeurs réalisées et attendues par les marchés.

Ainsi, si la trajectoire des taux directeurs est désormais favorable à l'allègement de la charge de la dette, « l'aléa principal concern[e] le spread de crédit de la France (...) En cas de tension sur la dette française (dégradation de la qualité de crédit ou de la perception du marché sur celle-ci), l'écartement du spread pourrait contribuer à pousser les taux de refinancement à la hausse »10(*).

Selon les estimations de l'Agence France Trésor, l'effet d'un choc de taux pérenne de + 1 point (+ 100 points de base) par rapport au scénario de référence, sur l'ensemble de la courbe de taux, entraînerait une hausse de la charge de la dette de 3,2 milliards d'euros à 1 an, 19,1 milliards d'euros à 5 ans et 32,6 milliards d'euros à 9 ans.

Impact d'un choc de taux d'intérêt sur la charge de la dette à moyen terme
(en comptabilité maastrichtienne)

(en milliards d'euros)

Source : Rapport sur la dette des administrations publiques annexé au projet de loi de finances pour 2025

Comme le souligne la Banque de France, « symétriquement, de bonnes nouvelles sur le déficit budgétaire viendraient rassurer les investisseurs » et influer à la baisse sur la prime de risque et donc sur le taux des titres de dette française.

Cette analyse est partagée par Éric Monnet, professeur à l'École d'économie de Paris, auditionné par le rapporteur spécial. Pour M. Monnet, la pente descendante de la courbe des taux sur le segment court, qui se traduit par un taux à 1 an égal au taux à 5 ans, indique que les marchés anticipent, d'une part, une récession à court terme et, d'autre part, une réaction de la banque centrale à travers une baisse de ses taux directeurs. Ainsi, la poursuite de l'assouplissement de la politique monétaire devrait représenter « une bonne nouvelle » pour la charge de la dette, après deux ans de taux élevés entre 2022 et 2024.

Cependant, comme le souligne M. Monnet, le principal déterminant des taux sur la dette de la France est aujourd'hui l'instabilité politique. À ce titre, pour les marchés, les annonces de dérapage du déficit public constituent « le pire » des scénarios. Pourtant, alors que l'on pouvait attendre un impact plus fort sur le spread à la suite de ces annonces, celui-ci est demeuré à un niveau encore relativement modéré.

Selon M. Monnet, la France est, dans le contexte actuel, préservée par le niveau relativement faible de la détention de la dette par des non-résidents (alors que la part importante de détention par des non-résidents constitue un problème pour les États émergents) et par la protection de la BCE. Sur ce dernier point néanmoins, le rapporteur spécial rappelle que la garantie de la BCE n'est pas absolue et est conditionnée au respect des règles budgétaires européennes11(*).

Les critères d'éligibilité aux programmes OMT et TPI
de la Banque centrale européenne

Le programme OMT (« Outright Monetary Transactions »)

L'éligibilité au programme OMT est conditionnée à la mise en oeuvre d'un programme approprié du Mécanisme européen de stabilité (MES). Ce programme peut prendre la forme d'un programme d'ajustement macroéconomique complet du MES ou d'un programme de précaution (ligne de crédit à conditions renforcées), à condition d'inclure la possibilité d'achats sur le marché primaire par le MES.

Le programme OMT est conduit tant qu'il demeure cohérent avec l'orientation de la politique monétaire et que les conditionnalités sont bien respectées.

Le programme TPI (« Transmission Protection Instrument »)

L'éligibilité au programme TPI est soumise à quatre critères d'éligibilité cumulatifs :

le respect du cadre budgétaire de l'Union européenne : l'État concerné ne doit pas faire l'objet d'une procédure concernant les déficits excessifs ou ne doit pas être considéré comme n'ayant pas engagé d'action effective en réponse à une recommandation du Conseil au titre de l'article 126, paragraphe 7, du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne (TFUE) ;

l'absence de déséquilibres macroéconomiques graves : l'État ne doit pas faire l'objet d'une procédure concernant les déséquilibres excessifs ou ne doit pas être considéré comme n'ayant pas engagé l'action corrective recommandée en réponse à une recommandation du Conseil au titre de l'article 121, paragraphe 4 du TFUE ;

la soutenabilité des finances publiques : pour s'assurer que la trajectoire de la dette publique est soutenable, le Conseil des gouverneurs de la BCE prend en compte, lorsqu'elles sont disponibles, les analyses de soutenabilité de la dette réalisée par la Commission européenne, le MES, le FMI et d'autres institutions, ainsi que l'analyse interne de la BCE ;

des politiques macroéconomiques saines et soutenables : l'État doit respecter les engagements présentés dans les plans de relance et de résilience au titre de la Facilité pour la reprise et la résilience et les recommandations de la Commission européenne spécifiques à chaque pays dans le domaine budgétaire dans le cadre du Semestre européen.

Sources : Banque de France, BCE

Dans la même logique, l'instabilité politique, en ce qu'elle influe non seulement sur les décisions de finances publiques mais également plus largement sur la confiance des acteurs économiques, est considérée de près par les agences de notation dans le cadre de leur appréciation de la qualité de la signature française. Ainsi, selon les représentants de Standard & Poor's, auditionnés par le rapporteur spécial, la question principale en vue du prochain examen de notation de la dette française prévu le 29 novembre est la suivante : « est-ce que l'économie française résistera à la consolidation budgétaire et à l'incertitude politique, ainsi qu'à la fragmentation des taux souverains ? »12(*)

B. EN L'ABSENCE DE REDRESSEMENT APPUYÉ DES FINANCES PUBLIQUES, LA TRAJECTOIRE DE LA CHARGE DE LA DETTE DE L'ÉTAT EST APPELÉE À DOUBLER ENTRE 2024 ET 2029, POUR REPRÉSENTER 2,7 % DU PIB ET LE PREMIER POSTE DE DÉPENSES DU BUDGET

1. Un programme de financement record en 2025, qui atteint la barre historique des 300 milliards d'euros, alors que la dette de l'État dépasse déjà 2 600 milliards d'euros

Pour 2025, le besoin de financement de l'État devrait s'élever à 313,2 milliards d'euros. S'il présente une légère amélioration par rapport au niveau révisé de 2024 et à l'exécution 2023 (respectivement 319,4 milliards d'euros et 314,6 milliards d'euros), ce montant demeure particulièrement élevé et nettement supérieur à la prévision de la loi de finances initiale pour 2024 (297,2 milliards d'euros).

Ce besoin de financement considérable résulte de deux éléments principaux :

- d'une part, l'amortissement (c'est-à-dire le remboursement) de titres d'État à moyen et long terme, qui devrait atteindre le niveau record de 174,8 milliards d'euros (contre 155,1 milliards d'euros en révisé 2024 et 149,6 milliards d'euros en exécution 2023) ;

- d'autre part, le déficit budgétaire, qui devrait s'élever à 142,1 milliards d'euros, avec une nette progression par rapport au révisé 2024 et à l'exécution 2023 (respectivement 166,6 milliards d'euros et 173,0 milliards d'euros).

Dans ce contexte, le programme d'émissions de titres à moyen et long terme, nettes des rachats, devrait atteindre la barre record des 300 milliards d'euros, après 270 milliards d'euros en 2023 et 285 milliards d'euros en 2024.

À fin septembre 2024, l'encours de la dette négociable de l'État s'élevait déjà à 2 602 milliards d'euros13(*). Quant à la dette publique (toutes administrations publiques confondues), celle-ci s'établissait à 3 228 milliards d'euros à la fin du deuxième trimestre 2024, soit 112,0 % du PIB, en augmentation de 127 milliards d'euros sur les six premiers mois de l'année14(*).

Évolution du besoin et des ressources de financement de l'État
entre 2023 et 2025

(en milliards d'euros)

 

Exécution 2023

2024

LFI

2024

révisé

2025

PLF

Besoin de financement

314,6

297,2

319,4

313,2

Amortissement de titres d'État à moyen et long terme

149,6

155,3

155,1

174,8

Valeur nominale

144,5

151,1

151,1

172,7

Suppléments d'indexation dus

5,1

4,2

4,0

2,1

Amortissement des autres dettes (dettes reprises, etc.)

3,0

2,7

2,7

1,1

Déficit budgétaire

173,0

146,9

166,6

142,1

Autres besoins de trésorerie

- 11,0

- 7,7

- 5,0

- 4,8

Ressources de financement

314,6

297,2

319,4

313,2

Émissions de titres à moyen et long terme, nettes des rachats

270,0

285,0

285,0

300,0

Ressources affectées à la Caisse de la dette publique et consacrées au désendettement

6,6

6,5

6,5

5,2

Variation de l'encours de titres à court terme

20,8

5,2

35,3

5,0

Variation des dépôts des correspondants

- 11,5

0,0

0,0

0,0

Variation des disponibilités du Trésor à la Banque de France et des placements de trésorerie de l'État

47,6

0,0

0,0

0,0

Autres ressources de trésorerie

- 11,8

0,5

- 7,4

3,0

Source : Projet annuel de performances « Engagements financiers de l'État » annexé au projet de loi de finances pour 2025

2. Une charge de la dette en voie de devenir, à politique inchangée, le premier poste de dépenses du budget de l'État

En comptabilité budgétaire, la charge de la dette de l'État devrait croître de + 5,26 % en 2025, à 53,5 milliards d'euros, contre 50,9 milliards d'euros en loi de finances initiale pour 2024, soit une augmentation de 2,6 milliards d'euros.

Par rapport au révisé 2024, la charge de la dette augmenterait de 3,6 milliards d'euros (+ 7,21 %), en lien avec :

- un effet volume de + 4,3 milliards d'euros ;

- un effet taux de + 1,7 milliard d'euros, résultant de la hausse des taux de long terme (+ 2,3 milliards d'euros), partiellement compensée par un effet taux négatif sur la dette de court terme (- 0,6 milliard d'euros) ;

- un effet inflation négatif de - 1,5 milliard d'euros correspondant au reflux attendu de l'inflation ;

- la variation de la charge due aux effets calendaires sur les opérations de l'année, pour - 0,9 milliard d'euros.

Décomposition de l'évolution de la charge budgétaire
de la dette négociable de l'État entre 2021 et 2025

(en milliards d'euros)

Source : Projet annuel de performances « Engagements financiers de l'État » annexé au projet de loi de finances pour 2025

En comptabilité générale, la charge de la dette de l'État devrait s'élever à 54,5 milliards d'euros en 2025, soit une augmentation marquée de près de 9 milliards d'euros par rapport à 2024, représentant + 18,78 %.

Comme l'avait déjà souligné le rapport de contrôle publié en juillet dernier15(*), la charge de la dette de l'État pourrait à terme, à politique inchangée, approcher la barre des 100 milliards d'euros.

Ainsi, selon le rapport sur la dette des administrations publiques annexé au projet de loi de finances, la charge de la dette de l'État pourrait dépasser 75 milliards d'euros en 202716(*).

D'après les éléments complémentaires communiqués par l'Agence France Trésor, cette charge d'intérêt pourrait même atteindre 92 milliards d'euros en 2029, soit une multiplication par 2,4 par rapport à son niveau en 2023 (39,0 milliards d'euros) et même une multiplication par 3,6 par rapport à 2020 (25,6 milliards d'euros)17(*), lorsque les taux à 10 ans étaient négatifs.

Évolution de la charge de la dette de l'État entre 2018 et 2029
(en comptabilité générale)

(en milliards d'euros)

Note : les données indiquées pour les années 2025 à 2029 sont des prévisions.

Source : commission des finances, d'après le rapport sur la dette des administrations publiques annexé au projet de loi de finances pour 2025 et les réponses de l'Agence France Trésor au questionnaire du rapporteur spécial

D'ici la fin de la décennie, la charge de la dette de l'État pourrait ainsi représenter 2,7 % du PIB, contre 1,4 % en 2023. Quant à la charge de la dette de l'ensemble des administrations publiques, celle-ci atteindrait 3,1 % du PIB, contre 1,9 % en 2023.

Évolution de la charge de la dette publique et de la dette de l'État
en proportion du PIB entre 2022 et 2029

(en points de PIB)

Note : les données indiquées pour les années 2025 à 2029 sont des prévisions.

Source : commission des finances, d'après le rapport sur la dette des administrations publiques annexé au projet de loi de finances pour 2025

3. Une croissance notable de la part des créanciers non-résidents depuis 2022, qui pourrait représenter une vulnérabilité pour le refinancement de la dette de l'État

Selon les éléments mis en avant dans le rapport sur la dette des administrations publiques annexé au projet de loi de finances pour 2025, trois enseignements majeurs ressortent des données relatives à la détention de la dette :

- d'une part, la typologie d'investisseurs dans la dette française est stable et n'évolue que progressivement dans le temps ;

- d'autre part, les investisseurs de la zone euro sont prédominants, représentant quasiment trois quarts de l'ensemble de la dette publique française ;

- enfin, ce sont les flux d'achats de titres de dette publique par l'Eurosystème, instrument de la politique monétaire de la BCE, qui ont été à l'origine de la modification de la structure des investisseurs depuis 201518(*).

Selon les données de la Banque de France, au deuxième trimestre 2024, la détention de la dette négociable de l'État se décomposait entre :

54,6 % pour les investisseurs non-résidents en France (incluant les investisseurs des autres pays de la zone euro, pour environ la moitié de cette proportion) ;

19,4 % pour les compagnies d'assurance, les établissements de crédit et les organismes de placement collectif en valeurs mobilières (OPCVM) français ;

26,0 % pour les autres investisseurs résidents (notamment la BCE à travers la Banque de France).

Détention des titres de la dette négociable de l'État
par groupe de porteurs au 2ème trimestre 2024

(structure en pourcentage exprimée en valeur de marché)

Source : Agence France Trésor, d'après la Banque de France

En considérant les titres de l'ensemble de la dette publique française, le Fonds monétaire international (FMI) aboutit à des estimations comparables :

52 % pour les investisseurs non-résidents en France (incluant les investisseurs des autres pays de la zone euro, pour environ la moitié de cette proportion) ;

20,6 % pour la banque centrale ;

19,5 % pour le secteur privé résident hors banques commerciales ;

8,0 % pour les banques commerciales résidentes.

De fait, la dette publique française est particulièrement ouverte aux investisseurs internationaux. Tous titres confondus, la part des investisseurs non-résidents dans la dette des grands émetteurs de la zone euro s'élève ainsi à 28 % pour l'Italie, 43 % pour l'Espagne et 45 % pour l'Allemagne.

D'après le rapport sur la dette des administrations publiques, la diversification de la répartition de la dette publique française, et sa stabilité dans le temps, constituent « un atout pour la France car elles permettent de diminuer le risque de refinancement et de minimiser les taux d'intérêt, via une concurrence accrue entre les investisseurs ».

Néanmoins, la demande des investisseurs internationaux peut être plus volatile et sensible à tout changement conjoncturel ou de perception du risque sur le rendement escompté.

En conséquence, la participation des acteurs étrangers sur les marchés obligataires souverains apporte aussi des « défis aux gouvernements, qui doivent être gérés d'une manière à optimiser les gains et à réduire les coûts associés à la sensibilité de leur demande aux différents facteurs » (niveau du taux de rendement, stabilité du taux de change, liquidité de la dette sur le marché secondaire, note souveraine).

Dans ce contexte, l'émetteur souverain a intérêt à constituer « une base d'investisseurs diversifiée afin de contrebalancer le risque intrinsèquement lié à chaque type d'investisseur, ce qui est le cas en France »19(*).

Évolution de la répartition de la dette publique de certains pays européens
par groupe de porteurs

(en pourcentage du total)

Note : données arrêtées au 4ème trimestre 2023.

Source : Rapport sur la dette des administrations publiques annexé au projet de loi de finances pour 2025, d'après le Fonds monétaire international, Sovereign Debt Investor Base for Advanced Economies

Part des investisseurs non-résidents dans la dette négociable de l'État

(en pourcentage)

Note : données arrêtées au 2ème trimestre 2024.

Source : Rapport sur la dette des administrations publiques annexé au projet de loi de finances pour 2025, d'après la Banque de France

Selon l'économiste Éric Monnet, auditionné par le rapporteur spécial, deux éléments peuvent être particulièrement relevés s'agissant de la typologie des détenteurs de la dette publique :

- d'une part, l'impact macroéconomique (c'est-à-dire sur la richesse nationale) de la charge de la dette dépend de l'identité des détenteurs de la dette : dans le cas d'une dette majoritairement détenue par des investisseurs non-résidents, la charge des intérêts de la dette se traduit par un appauvrissement de l'économie domestique20(*) ;

- d'autre part, une grande partie de la dette française est détenue par la BCE (environ 25 % aujourd'hui) : à ce titre, à travers la Banque de France, 5 milliards d'euros par an ont été reversés dans les caisses de l'État sur les 10 dernières années (pour une charge d'intérêt moyenne de l'ordre de 40 milliards d'euros). Or, depuis 2024, les banques centrales ne réalisent plus de profits, du fait de la hausse des taux d'intérêt qui rémunèrent les dépôts des banques à la banque centrale. Dans le contexte de la diminution des taux d'intérêt, la question de nouveaux reversements de la banque centrale au profit de l'État pourrait se poser, ce qui viendrait amoindrir le poids de la charge d'intérêt.

Les sources des données sur la typologie des investisseurs

Les titres de dette de l'État sont des titres de créance négociables qui s'échangent librement sur les marchés financiers. Si l'État n'est donc pas en mesure de connaître à tout instant les investisseurs dans sa dette, il peut néanmoins s'appuyer sur deux enquêtes récurrentes, une première menée par la Banque de France et une seconde par le Fonds Monétaire International, pour obtenir des renseignements sur la typologie des investisseurs.

L'enquête de la Banque de France s'appuie sur PROTIDE, une collecte trimestrielle de données déclaratives des teneurs de comptes conservateurs. Cette collecte « vise à mesurer la détention par les agents économiques », résidents ou non-résidents, « des titres inscrits en compte chez les établissements déclarants », émis par des résidents ou non-résidents. La collecte PROTIDE est en valeur de marché. Si le champ de cette collecte dépasse celui de la seule dette négociable de l'État, la Banque de France transmet à l'Agence France Trésor les taux de détention par les résidents de la dette négociable de l'État (globale et par instruments) ainsi que la décomposition des positions résidentes par catégorie d'acteurs : assurances, établissements de crédit, OPCVM et autres.

L'intérêt de ce jeu de données est qu'il porte sur la dette de l'État seule et qu'il est actualisé trimestriellement. Il ne permet cependant aucune ventilation par zone géographique principale, encore moins par pays.

L'enquête trimestrielle du FMI, publiée deux fois par an, s'appuie sur la « Sovereign Debt Investor Base for Advanced Economies ». Cette base de données fournit des estimations sur les types d'investisseurs de la dette des administrations publiques de 24 économies avancées. Le champ de cette enquête conduit à publier des données plus larges que celles transmises par la Banque de France à l'AFT. Notamment, les crédits bancaires sont cumulés aux titres obligataires et le champ inclut tous les autres sous-secteurs des administrations publiques (collectivités locales, administrations de sécurité sociale). Toutes les données sont soit en valeur nominale, soit corrigées des variations de valorisation, le cas échéant, afin d'éliminer les réévaluations de prix. Tous les avoirs intra-gouvernementaux sont déduits. La base d'investisseurs est regroupée en six catégories : banque centrale nationale, banques nationales, non-banques nationales, secteur officiel étranger, banques étrangères et non-banques étrangères.

L'intérêt de ce jeu de données est qu'il permet une ventilation par zone géographique des investisseurs. Néanmoins, cumulant tous les émetteurs publics français, il ne permet pas d'en tirer une statistique pour le seul État. À noter enfin que les investisseurs sont ainsi ventilés selon leur zone d'implantation géographique, et que ce ne sont donc pas les « États » ou les « fonds souverains » de cette zone qui détiennent nécessairement la dette française, mais n'importe quel investisseur qui y est implanté.

Source : Rapport sur la dette des administrations publiques annexé au projet de loi de finances pour 2025

C. LE MAINTIEN DU PROGRAMME 369 « AMORTISSEMENT DE LA DETTE DE L'ÉTAT LIÉE À LA COVID-19 » NE RÉPOND À AUCUNE JUSTIFICATION RÉELLE, DE MÊME QUE L'ISOLEMENT DE LA CHARGE DE LA DETTE DE SNCF RÉSEAU REPRISE PAR L'ÉTAT AU SEIN DU PROGRAMME 355

1. Le programme 369 ne présente aucun fondement économique ou budgétaire

Le programme 369 vise à retracer l'amortissement du surcroît de la dette de l'État en 2020 et en 2021 liée à la crise sanitaire, 70 milliards d'euros ayant déjà été repris au titre des années 2020 et 2021 pour la sphère sociale par le biais de la Caisse d'amortissement de la dette sociale (Cades)21(*). 165 milliards d'euros ont ainsi été ouverts en 2022 en autorisations d'engagement sur ce programme et 1,9 milliard d'euros en crédits de paiement.

Pour 2025, 5,2 milliards d'euros en crédits de paiement seraient ouverts pour financer ce programme (contre 6,5 milliards d'euros en 2024 et 6,6 milliards d'euros en 2023).

Pour rappel, les crédits de paiement inscrits sur le programme 369 correspondent à une part, par défaut fixée à 5,9 %, de la hausse des recettes fiscales due à la croissance par rapport à celles de 2020 (256 milliards d'euros). Plus précisément, le calcul de la dotation correspond à 5,9 % de la hausse spontanée de recettes fiscales nettes, pondéré par le rapport entre la croissance prévue en PLF et la croissance prévue par la trajectoire prévisionnelle de croissance de référence établie en 202122(*), et élevé à la puissance 1 / nombre d'année depuis 2022. La dotation est nulle en cas de croissance négative. L'objectif initial du programme était d'amortir la « dette covid » d'ici 2042.

Interrogée par les services de la commission des finances, l'Agence France Trésor a précisé que le risque d'une croissance du PIB durablement inférieure à la trajectoire prévisionnelle n'était pas exclu et que cela participait à la « pédagogie du programme » : en cas de croissance du PIB durablement atone, la « dette covid » pèserait plus longtemps sur les finances publiques. Cependant, ce risque serait pour le moment maîtrisé : la croissance nominale du PIB ayant été plus dynamique en sortie de crise covid que prévue initialement, l'amortissement de la dette covid est aujourd'hui en avance par rapport à la prévision de 2021.

Les crédits du programme sont affectés à la Caisse de la dette publique (CDP), via une dotation au programme 732 du compte d'affectation spéciale « Participations financières de l'État »23(*), les montants étant ensuite re-transférés de la CDP vers l'Agence France Trésor (compte de commerce 903 « Gestion de la dette et de la trésorerie de l'État ») afin de financer l'amortissement des titres de dette arrivant à échéance.

Or, aucun argument économique ou budgétaire n'est de nature à justifier l'isolement de la « dette covid », les recettes fiscales supplémentaires pouvant tout aussi bien servir à réduire le déficit budgétaire courant. La création (et le maintien) de ce programme est avant tout et seulement une opération de communication, dénuée de tout effet budgétaire.

À cet égard, il convient de souligner que les crédits ainsi ouverts sur le programme 369 ne financent pas d'hypothétiques titres émis pour la « dette covid », l'Agence France Trésor n'ayant pas émis de souches « spéciales covid » en 2020 et en 2021 qu'elle pourrait ensuite retracer : elle a simplement exécuté le programme de financement de la France, dont les émissions servent à la fois à financer le déficit (dont une part n'était pas liée à l'épidémie) et à refinancer les titres arrivés à échéance.

En conséquence, le rapporteur spécial propose à la commission des finances, comme lors de l'examen des PLF 2023 et 2024, de supprimer les crédits du programme 369.

2. Si l'existence d'un programme spécifique pour la charge de la dette de SNCF Réseau reprise par l'État peut éventuellement davantage se justifier, la présentation transparente de la charge totale de la dette de l'État impose également la suppression du programme 355

La réforme du système ferroviaire décidée en 2018 s'était accompagnée de la décision de l'État de reprendre 35 milliards d'euros de dette de SNCF Réseau. Cette reprise a été mise en oeuvre en deux temps : 25 milliards d'euros en loi de finances pour 2020, et 10 milliards d'euros en loi de finances pour 2022.

Les charges d'intérêt résultant de cette reprise de dette sont inscrites dans le programme 355 « Charge de la dette de SNCF Réseau reprise par l'État » et devraient représenter 692 millions d'euros (AE = CP) en 2025 (contre 807 millions d'euros en 2024).

Précédemment rattaché à la mission « Écologie », le programme 355 avait été transféré à la mission « Engagements financiers de l'État » par la loi de finances initiale pour 2024. Si ce transfert a constitué une avancée, en regroupant sur une même mission (« Engagements financiers de l'État ») tous les programmes ayant trait aux charges de la dette ainsi qu'à son amortissement (programme 117, programme 355, programme 369), cette solution n'est pas totalement satisfaisante.

De fait, on peut regretter que le Gouvernement n'ait pas retenu l'option consistant à inclure directement la charge de la dette de SNCF Réseau reprise par l'État dans le programme 117. Cette mesure présenterait l'avantage d'une plus grande clarté, en ce qu'elle représenterait plus fidèlement l'ensemble des crédits affectés à la charge de la dette.

II. ALORS QUE LES APPELS EN GARANTIE DE L'ÉTAT DEVRAIENT ENREGISTRER UNE BAISSE NOTABLE DE PRÈS D'UN MILLIARD D'EUROS, LES AUTRES PROGRAMMES DE LA MISSION PRÉSENTENT DES ÉVOLUTIONS BUDGÉTAIRES PEU SIGNIFICATIVES

A. UNE DIMINUTION CONTINUE DES APPELS EN GARANTIE DE L'ÉTAT DEPUIS 2022

Le programme 114 « Appels en garantie de l'État » retrace l'ensemble des dépenses budgétaires qui découlent de la mise en jeu des garanties octroyées par l'État à des tiers.

Les crédits inscrits sur ce programme dans le projet de loi de finances pour 2025, à hauteur de 985 millions d'euros, affichent une baisse de moitié (- 917 millions d'euros) par rapport à la loi de finance initiale pour 2024, qui s'établissait à 1,9 milliard d'euros. Cette diminution porte principalement sur les prêts garantis par l'État (PGE).

Cette trajectoire est continue depuis la loi de finance initiale pour 2022 (avec - 918 milliard d'euros en loi de finances initiale pour 2023 puis - 680 millions d'euros en loi de finances initiale pour 2024) et repose sur des hypothèses de risques de défaillance des bénéficiaires et des décaissements réalisés sur les PGE.

Selon les éléments communiqués par la direction générale du Trésor au rapporteur spécial24(*), au 15 octobre, le réalisé 2024 du programme 114 s'élève à 1,5 milliard d'euros, essentiellement constitués des indemnisations relatives au dispositif de PGE. Alors que la prévision d'appels en garantie au titre des PGE avait été établie à 1,44 milliard d'euros en loi de finances initiale pour 2024, 1,36 milliard d'euros ont été consommés à cette même date.

Suivant les dernières estimations de la direction générale du Trésor, il resterait 1,2 milliard d'euros de pertes sur les PGE qui se matérialiseraient au-delà de l'année 2024 et dont un peu moins de la moitié serait indemnisé sur l'année 2025 (571 millions d'euros en PLF 2025).

B. EN DÉPIT DE L'ALÉA ENTOURANT L'ESTIMATION DE LA SINISTRALITÉ, LE RISQUE FINANCIER PORTÉ AU TITRE DES PRÊTS GARANTIS PAR L'ÉTAT DEVRAIT RESTER MODÉRÉ

1. Une sinistralité du dispositif des PGE estimée à 4,1 %

Au 15 octobre 2024, le montant cumulé des appels en garantie au titre des PGE décaissés est de 4,5 milliards d'euros, soit un taux de sinistralité de 3,0 %. Ce montant est inférieur à ce qui était prévu dans les prévisions de la direction générale du Trésor.

Le taux de sinistralité de l'ensemble du dispositif des PGE a été évalué à 4,11 % lors du dernier exercice de prévision avec la Banque de France, en cohérence avec d'autres estimations comme celle du Conseil d'analyse économique (CAE)25(*). Au total, ce taux de sinistralité représente 6 milliards d'euros de pertes brutes, dont 1,2 milliard d'euros restant à se matérialiser à fin 2024 (incluant 571 millions d'euros en 2025). Le capital restant dû devrait s'établir autour de 30 % à fin décembre 2024, pour un total de PGE octroyés de 145,1 milliards d'euros à fin mai 2024.

D'après les prévisions de la direction générale du Trésor, les secteurs les plus touchés seraient :

la construction (taux de pertes de 7,59 % pour 930 millions d'euros) ;

les activités immobilières (6,29 % pour 140 millions d'euros) ;

l'hébergement et la restauration (5,62 % pour 610 millions d'euros) ;

l'information et la communication (5,26 % pour 260 millions d'euros) ;

l'industrie manufacturière (4,87 % pour 900 millions d'euros).

Selon les dernières données disponibles, à fin juillet 2024, les taux de pertes de ces secteurs sont respectivement de :

- 6,93 % (850 millions d'euros) pour la construction ;

- 5,05 % (110 millions d'euros) pour les activités immobilières ;

- 4,05 % (440 millions d'euros) pour l'hébergement et la restauration ;

- 3,87 % (190 millions d'euros) pour l'information et la communication ;

- 3,66 % (670 millions d'euros) pour l'industrie manufacturière.

Selon les éléments communiqués par Bpifrance26(*), les dix secteurs les plus touchés sur la base des indemnisations versées au titre de la garantie des PGE sont les suivants :

Secteurs les plus touchés en termes d'indemnisations versées

Secteur

Part en pourcentage

Restauration traditionnelle

16,20 %

Travaux courants de maçonnerie

16,09 %

Ingénierie, études techniques

13,65 %

Industries alimentaires

8,50 %

Construction de maisons individuelles

8,15 %

Programmation informatique

7,85 %

Travaux de menuiserie bois et PVC

7,62 %

Peinture et vitrerie

7,56 %

Conseil pour les affaires et autres conseils de gestion

7,41 %

Commerce de voitures et véhicules automobiles légers

6,97 %

Source : contribution écrite de Bpifrance en réponse au questionnaire du rapporteur spécial

Sur ces 10 secteurs, le secteur de la restauration et les secteurs liés au bâtiment sont les secteurs qui ont enregistré la sinistralité la plus importante. Selon Bpifrance, « sauf choc majeur spécifique sur un autre secteur d'activité, (...) ces secteurs resteront les secteurs sur lesquels les taux de pertes associés seront les plus importants ».

2. Une situation de trésorerie des entreprises qui s'est dégradée en 2023, avec un effet de rattrapage sur les défaillances

D'après la dernière enquête de conjoncture de Bpifrance, publiée en juillet 2024, les PME sont moins inquiètes pour leur trésorerie que lors de la précédente enquête effectuée en novembre 2023, bien qu'elles ne s'attendent pas à une amélioration au prochain semestre.

Le solde d'opinion27(*) des dirigeants de PME quant à l'évolution de leur trésorerie future se hisse ainsi à - 8 % (après - 12 %), bien qu'il reste inférieur à la moyenne de long terme de - 5 %. Par secteur, ce solde d'opinion est globalement stable sur 1 an dans l'industrie, le tourisme et les services. Il se dégrade en revanche de 6 à 10 points dans le commerce et la construction et s'améliore dans les transports.

Suivant cette même enquête, les craintes de non-remboursements des PGE restent stables, s'établissant à 4 % des TPE-PME en ayant contracté un ou plusieurs.

Selon la dernière analyse de la Banque de France28(*), la trésorerie des entreprises s'est dégradée en 2023 mais reste à un niveau supérieur à l'avant-Covid en nombre de jours de chiffre d'affaires. Elle est ainsi passée de 88 jours de chiffre d'affaires en 2021 à 69 en 2023 pour les TPE, et de 68 à 55 pour les PME. La trésorerie médiane des TPE a augmenté de + 33 % entre 2019 et 2023 (+ 17 jours de chiffres d'affaires) tandis que celle des PME a augmenté de + 34 % (+ 14 jours).

Cependant, cette situation est à nuancer au regard des remontées de terrain qui font état d'une dégradation29(*). Celles-ci émergent d'une situation très hétérogène pour les entreprises, avec une intensité supérieure à l'après 2008. Concernant la trésorerie, l'hétérogénéité, mesurée par l'écart entre le 3ème et le 1er quartile de la distribution des entreprises, a augmenté de plus de 40 % en 2020 par rapport à l'année précédente, a atteint un pic en 2021 pour diminuer ensuite et revenir, en 2023, environ 20 % au-dessus du niveau de 2018.

Évolution de l'écart entre le 3ème et le 1er quartiles
de différents indicateurs financiers entre 2018 et 2023

(base 100 en 2018)

Note : les indicateurs VA et CA correspondent au taux de variation de la valeur ajoutée et du chiffre d'affaires. La marge d'EBE désigne la marge d'excédent brut d'exploitation rapportée au chiffre d'affaires. Le levier représente le ratio entre la dette brute et les fonds propres. La trésorerie recouvre les disponibilités et les valeurs mobilières de placement. Les variables sont filtrées d'effets fixes taille, secteur, temps et appartenance à un groupe.

Source : Agnès Bénassy-Quéré, Benjamin Bureau, Banque de France, billet de blog n° 360, « Hétérogénéité des situations financières des entreprises : la « bosse » Covid », juillet 2024

Concernant les défaillances d'entreprises, la direction générale du Trésor relève que la dynamique observée de défaillances est plus importante qu'escomptée en 2024, notamment du fait d'un effet de rattrapage. Les défaillances d'entreprises ont dépassé les niveaux observés en 2019 (51 100 en décembre 2019) ainsi que ceux de la moyenne 2012-2019 (58 900) et même 2009-2015 (61 610), avec un niveau de 63 741 en cumulé sur 12 mois en septembre 2024. Cette dynamique de défaillances est hétérogène : si les microentreprises restent en-dessous de la moyenne 2012-2019, les défaillances des PME et ETI sont plus importantes, matérialisant un rattrapage des faibles niveaux de 2020.

Selon la direction générale du Trésor, cette dynamique des défaillances supérieure aux hypothèses utilisées pour estimer les pertes « pourrait matérialiser des pertes supérieures à ce qui était attendue budgétairement »30(*).

Comme le souligne Bpifrance, la principale problématique pour les entreprises est la charge de remboursement que peut représenter des échéances trop importantes, car celles-ci ont pu emprunter jusqu'à 25 % de leur chiffre d'affaires de 2019 avec un remboursement étalé sur une période assez courte (5 ans ou 4 ans si l'entreprise opte pour une année supplémentaire de différé durant la phase d'amortissement). Dans ce cadre, tous les outils existants permettant d'agir pour étaler la charge d'endettement global des entreprises rencontrant des difficultés passagères de remboursement devront être mise en oeuvre.

3. Des solutions pour assurer la restructuration ordonnée et équitable des PGE

Afin de faciliter le remboursement des PGE et plus particulièrement les demandes de restructuration (essentiellement par un étalement du remboursement), la direction générale du Trésor a soutenu la conclusion d'un accord de place en 2022, renouvelé en janvier 2024.

Les solutions mises en oeuvre par la direction générale du Trésor
pour atténuer la matérialisation des risques portés par les PGE

Dans le cadre des PGE, aucun remboursement n'est exigé la première année et, dans le cas où l'entreprise en fait la demande à sa banque, seuls les intérêts sont payés la deuxième année. L'entreprise pouvait choisir d'amortir le prêt sur une durée maximale de cinq ans à l'issue de la première année, pour une durée totale du prêt de six ans maximum.

Face aux difficultés de certaines entreprises, un accord de place a été conclu en vue de faciliter le remboursement des PGE en 2022 permettant aux TPE et PME de faire une demande de rééchelonnement de PGE avant le 31 décembre 2023. Cet accord de place a par la suite été renouvelé en janvier 2024 pour permettre aux TPE et PME de le faire jusqu'au 31 décembre 2026.

L'accord de place précise les conditions dans lesquelles la Médiation du crédit aux entreprises intervient pour des demandes de restructuration de PGE. Cet accord :

- permet, notamment aux plus petites entreprises qui rencontrent des difficultés à honorer leurs échéances de PGE, de bénéficier d'une restructuration de leur PGE dans le cadre de la médiation, qui peut être plus appropriée qu'une procédure préventive de conciliation ;

- vise les bénéficiaires de PGE de moins de 50 000 euros (près de 60 % des bénéficiaires) avec la possibilité pour les entreprises qui ont obtenu des montants de PGE supérieurs à 50 000 euros d'être accompagnées par le conseiller départemental à la sortie de crise qui peut orienter certaines de ces entreprises également vers la Médiation ;

- permet de trouver un accord amiable équilibré, qui prend en considération l'ensemble des dettes bancaires de l'entreprise, avec un étalement du PGE sur une durée qui, en général, ne doit pas dépasser 2 années supplémentaires (4 par exception) par rapport à l'échéancier initial qui est limité à 6 années.

Source : commission des finances, d'après les réponses de la direction générale du Trésor au questionnaire du rapporteur spécial

Par ailleurs, le Comité interministériel de restructuration industrielle (CIRI), service rattaché à la sous-direction du financement des entreprises et du marché financier de la direction générale du Trésor, a conçu une doctrine pour assurer une restructuration équitable des PGE et éviter que l'effort porté par eux - et donc par l'État au titre de sa garantie - ne soit disproportionné par rapport aux efforts des autres parties prenantes.

La doctrine du CIRI a notamment été élaborée dans le cadre de la restructuration de Pierre et Vacances en 2022, acteur du secteur de l'hébergement touristique déjà en difficulté depuis plusieurs années, et qui avait été fortement affecté par la crise sanitaire. Cette opération a représenté la première restructuration d'ampleur de PGE, pour un montant cumulé de PGE en cause de 274,5 millions d'euros sur un passif total de 1,045 milliard d'euros.

La doctrine a également été mise en oeuvre pour la restructuration de la compagnie aérienne Air Austral en 2023, pour un montant de prêts garantis par l'État (PGE et Prêt Atout Bpifrance) de 89 millions d'euros sur un passif total de 250,2 millions d'euros.

La doctrine du Comité interministériel de restructuration industrielle
concernant la restructuration des PGE

Énoncée dans le rapport annuel du CIRI pour l'année 2022, la doctrine du comité concernant la restructuration des PGE vise à assurer une restructuration équitable de ces prêts et à éviter que l'effort porté par eux - et donc par l'État au titre de sa garantie - ne soit disproportionné par rapport aux efforts des autres parties prenantes.

Le CIRI s'efforce de diffuser cette doctrine auprès des acteurs de place et de la faire respecter dans les dossiers conduits sous son égide, étant observé que, d'une part, cette doctrine n'a pas en tant que telle d'assise réglementaire qui l'aurait rendue contraignante et, d'autre part, la décision de restructuration appartient in fine aux établissements de crédit qui ont octroyé les PGE.

Cette doctrine s'articule autour des principes directeurs suivants :

- une restructuration de PGE doit se faire dans le cadre d'un traitement global du passif de l'entreprise, qui s'opère à l'appui d'un diagnostic faisant état des difficultés rencontrées par le débiteur. Une restructuration de PGE ne saurait être conduite aux seules fins d'assurer un confort financier à l'entreprise ; ces principes sont repris dans l'accord de place relatif à la médiation du crédit ;

- les PGE doivent être traités pari passu avec les autres créances de même rang, c'est-à-dire de manière équitable avec les autres créances chirographaires ; ces principes sont repris dans l'accord de place relatif à la médiation du crédit ;

- dans les restructurations de PGE comportant une part d'écrasement nécessaire au regard du bilan de l'entreprise, ces dernières doivent, autant que possible, s'accompagner de mécanismes de retour à meilleure fortune (RMF) permettant à l'État de bénéficier dans le futur, comme les autres créanciers de même rang et avant l'actionnaire, du partage de la valeur en cas de retournement de l'entreprise. Il est recommandé que ce type de clauses, aisément mobilisables, soient systématiquement recherchées ;

- si besoin, des mécanismes plus complexes (notamment conversion en actions) peuvent être mis en place mais leur complexité les destine à n'être utilisés que marginalement. Un tel mécanisme peut s'avérer pertinent pour les entreprises cotées car il permet (i) d'associer l'État à la création de valeur tirée du retournement et (ii) d'avoir une plus grande fluidité dans le recouvrement des sommes en raison de la liquidité des titres. Les conversions reposent toutefois sur une ingénierie complexe, qui peut supposer un transfert des titres vers une fiducie afin de veiller à la préservation des intérêts de l'État. La complexité et les coûts associés limiteront les conversions à des cas exceptionnels et pour des expositions de montant élevé.

Source : commission des finances, d'après les réponses de la direction générale du Trésor au questionnaire du rapporteur spécial

DEUXIÈME PARTIE
LES COMPTES SPÉCIAUX

I. LE COMPTE DE CONCOURS FINANCIERS « PRÊTS ET AVANCES À DIVERS SERVICES DE L'ÉTAT OU ORGANISMES GÉRANT DES SERVICES PUBLICS » : UN EXCÉDENT QUI DEVRAIT SE CONFIRMER EN 2025

A. UN PÉRIMÈTRE QUI POURSUIT SA RATIONALISATION EN 2025, AVEC LA SUPPRESSION DU PROGRAMME 829 RELATIF AU VOLET TRANSPORTS DU PLAN MARSEILLE EN GRAND

Le compte de concours financiers (CCF) « Prêts et Avances à divers services de l'État ou organismes gérant des services publics » présente en 2025 huit catégories d'organismes bénéficiaires d'avances :

- sur le programme 821, les avances à l'Agence de services et de paiement (ASP) au titre du préfinancement des aides de la politique agricole commune. Ces avances sont généralement d'une durée très courte, en tout cas inférieure à un an. Comme en 2024, 10 milliards d'euros de crédits sont ouverts pour 2025 ;

- sur le programme 823, les avances à des organismes distincts de l'État et gérant des services publics, dont font partie par exemple l'Agence pour l'enseignement français à l'étranger (AEFE), la Cité de la musique ou encore les chambres de commerce et d'industrie. Pour 2025, un total de 260 millions d'euros de crédits devrait être ouvert sur le programme (contre 210 millions d'euros en 2024). Un montant de 50 millions d'euros est prévu pour France Télévisions dans le cadre du projet immobilier « Campus » de regroupement de ses implantations parisiennes. 10 millions d'euros sont par ailleurs ouverts pour l'AEFE afin de pouvoir financer des investissements immobiliers dans des établissements français à l'étranger (même montant qu'en 2024). Des crédits pour un montant plafonné à 100 millions sont alloués à la réserve d'urgence pour répondre à des besoins de trésorerie imprévus et limités (montant également stable par rapport à 2024). En 2024, la réserve d'urgence de 100 millions d'euros a été entièrement consommée pour une avance au Gouvernement de Nouvelle-Calédonie lui permettant de faire face à la crise économique et sociale. 100 millions d'euros sont enfin prévus pour FranceAgriMer afin de répondre aux crises agricoles demandant la mise en place de dispositifs d'urgence (montant stable par rapport à 2024). Ces derniers crédits pourront venir compléter la réserve d'urgence générale s'ils ne sont pas consommés par FranceAgriMer ;

- sur le programme 824, les prêts et avances à des services de l'État, qui se résument en réalité exclusivement aux prêts et avances octroyés au budget annexe « Contrôle et exploitation aériens » (BACEA). Pour 2025, 73,2 millions d'euros de crédits sont ouverts (contre 238,2 millions d'euros en 2024). En effet, les prévisions du trafic aérien se situent à un niveau supérieur à celui d'avant la crise sanitaire. Dans ce contexte, la hausse prévisionnelle des recettes du BACEA résulte en un besoin global de recours à l'emprunt en baisse par rapport à 2024 ;

- sur le programme 825, les avances à l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (Oniam) au titre de l'indemnisation des victimes du Benfluorex, destinées à couvrir l'indemnisation des victimes du Benfluorex (Médiator) si les Laboratoires Servier refusaient d'y accéder. En 2025, le montant de crédits ouverts s'établit à 15 millions d'euros (comme en 2024). Aucune avance n'a encore été demandée. Si cela fait maintenant six ans que ces avances ne sont pas utilisées, leur inscription en loi de finances initiale répond à un principe de précaution ;

- sur le programme 826, les prêts aux exploitants d'aéroports touchés par la crise de covid- 19 au titre des dépenses de sûreté-sécurité, créé par la troisième loi de finances rectificative (LFR) pour 202031(*). Les avances correspondantes, renommées prêts en LFI 2023, visent à compenser la chute des recettes de la taxe d'aéroport, acquittée par les compagnies aériennes et affectée au financement des dépenses de sûreté-sécurité. Versés en 2020, 2021 et 2022, à respectivement 86, 84 et 62 exploitants, elles ont une durée maximale de 10 ans. Comme en 2023 et en 2024, aucun crédit n'est prévu en 2025 au regard des perspectives de retour du trafic aérien à son niveau de 2019 ;

- sur le programme 827, les prêts destinés à soutenir Île-de-France Mobilités à la suite des conséquences de l'épidémie de la covid- 19, créé par la quatrième loi de finances rectificative pour 202032(*). L'avance, renommée « prêt » à partir de 2023, a été octroyée pour une durée maximale de 16 ans, avec une première échéance de remboursement en 2023. Comme en 2023 et en 2024, aucun crédit n'est prévu en 2025 ;

- sur le programme 828, les prêts destinés à soutenir les autorités organisatrices de la mobilité (AOM) à la suite des conséquences de l'épidémie de la covid- 19, également créé par la quatrième LFR pour 2020. Encore une fois, ce programme qui ne prévoyait initialement que des avances, se limite désormais aux prêts. Si la date de remboursement ne peut être ultérieure au 1er janvier 2031 et la durée de remboursement inférieure à six ans33(*), les AOM bénéficiaires peuvent toutefois choisir, dans le respect de ces conditions, de ne commencer à rembourser les avances qu'au moment où les recettes tarifaires et le versement mobilité sont revenus à leur niveau moyen pour les années 2017 à 2019 (clause dite de « retour à meilleure fortune »). Comme en 2023 et en 2024, aucun crédit n'est ouvert en 2025 ;

- sur le programme 830, les prêts à FranceAgriMer au titre du préfinancement des aides européennes, créé par la loi de finances initiale pour 2023. Il vise à sécuriser les modalités de financement du Fonds social européen (FSE +) dans le cadre du cadre financier pluriannuel (CFP) 2021-2027 et permettrait d'autoriser le préfinancement sous forme de prêts de l'Agence France Trésor des dépenses engagées par France AgriMer au titre de l'aide alimentaire. En effet, au début de chaque programmation des fonds européens, FranceAgriMer est amené à préfinancer des aides européennes avant un remboursement par l'Union européenne qui peut être tardif - cela a été le cas à de nombreuses reprises dans le cadre du CFP 2013-2020 en raison de difficultés de trésorerie du Fonds européen d'aide aux plus démunis (FEAD), elles-mêmes dues à la reprise, à un rythme insuffisant des appels de fonds auprès de la Commission européenne pour obtenir le remboursement des campagnes annuelles précédentes. Pour tenir compte de ces décalages, les prêts seraient sollicités pour une durée de cinq à six ans. 70 millions d'euros de crédits sont prévus pour 2025 (comme en 2024).

En revanche, le projet de loi de finances pour 2025 prévoit la suppression d'un programme du compte de concours financiers, le programme 829, relatif aux « Prêts destinés au financement des infrastructures de transports collectifs du quotidien de la métropole d'Aix-Marseille-Provence ».

Créé par la loi de finances pour 202234(*), ce programme réunissait les avances, également renommées prêts en LFI 2023, correspondant à la contribution de l'État au financement du volet « transports » du plan « Marseille en Grand », dont le pilotage est assuré par le groupement d'intérêt public Aix-Marseille-Provence Mobilité. Aucun prêt n'avait été effectué, mais 100 millions d'euros avaient été ouverts en crédit de paiement pour 2023. Compte tenu de l'annonce par le Président de la République à l'été 2023 du doublement du montant du volet subvention du Plan Marseille en Grand35(*), aucun versement d'avance n'est intervenu ni en 2023 ni en 2024.

B. UN NOUVEL EXCÉDENT EN 2025, PORTÉ PAR DES RECETTES EN PROGRESSION ET LA DIMINUTION DES DÉPENSES AU TITRE DU PROGRAMME 824 « PRÊTS ET AVANCES À DES SERVICES DE L'ÉTAT »

Comme en 2024, le compte de concours financiers « Prêts et avances à divers services de l'État ou organismes gérant des services publics » devrait dégager un excédent conséquent, reflet de la normalisation progressive des programmes qu'il recouvre depuis la sortie de la crise sanitaire.

Ainsi, alors que cet excédent s'élevait à 286,0 millions d'euros en loi de finances initiale pour 2024, celui-ci devrait quasiment doubler en 2025, à 552,1 millions d'euros.

Cette progression résulte d'un double mouvement :

- d'une part, une croissance des recettes, de + 1,4 %, à 10,970 milliards d'euros ;

- d'autre part, une diminution des dépenses, de - 1,09 %, à 10,418 milliards d'euros, essentiellement sous l'effet de la baisse de - 69,29 % des dépenses du programme 824 au titre des prêts et avances au BACEA.

Évolution des dépenses, des recettes et du solde entre 2024 et 2025

(en crédits de paiement et en millions d'euros)

 

2023 (exécution)

LFI 2024

PLF 2025

Évolution 2025 / LFI 2024

Dépenses

[821] Avances à l'Agence de services et de paiement

7 935,6

10 000,0

10 000,0

-

[823] Avances à des organismes distincts de l'État et gérant des services publics

42,4

210,0

260,0

+ 23,81 %

[824] Avances à des services de l'État

50,0

238,2

73,2

- 69,29 %

[825] Avances à l'Oniam

0

15,0

15,0

-

[826] Prêts aux exploitants d'aéroports

0

0

0

-

[827] Prêts destinés à soutenir Ile-de-France Mobilités

0

0

0

-

[828] Prêts destinés à soutenir les autorités organisatrices de la mobilité

0

0

0

-

[830] Prêts à FranceAgriMer au titre des préfinancements de fonds européens

100,0

70,0

70,0

-

Total des dépenses

8 128,0

10 533,2

10 418,2

- 1,09 %

 

Recettes

[821] Avances à l'Agence de services et de paiement

7 935,6

10 000,0

10 000,0

-

[823] Avances à des organismes distincts de l'État et gérant des services publics

89,1

313,3

471,7

+ 50,6 %

[824] Avances à des services de l'État

367,2

382,4

365,5

- 4,4 %

[825] Avances à l'Oniam

0

15,0

15,0

-

[826] Avances aux exploitants d'aéroports

11,0

78,5

78,1

- 0,5 %

[827] Avances remboursables destinées à soutenir Ile-de-France Mobilités

30,0

30,0

40,0

+ 33,3 %

[828] Avances remboursables destinées à soutenir les autorités organisatrices de la mobilité

26,8

0

0

-

[830] Prêts à FranceAgriMer au titre des préfinancements de fonds européens

0

0

0

-

Total des recettes

8 459,7

10 819,2

10 970,3

+ 1,4 %

 

Solde du compte de concours financiers

331,7

286,0

552,1

+ 93,0 %

Note : la mention N/A correspond aux années pour lesquelles le programme considéré n'existait pas ou aux statistiques non pertinentes (calculs avec des dénominateurs nuls ou de signe différent).

Source : commission des finances, d'après les documents budgétaires

II. DANS LA CONTINUITÉ DES ANNÉES PRÉCÉDENTES, LE COMPTE DE CONCOURS FINANCIERS « ACCORDS MONÉTAIRES INTERNATIONAUX » N'EST PAS DOTÉ DE CRÉDITS

Le compte de concours financiers « Accords monétaires internationaux » n'est plus abondé depuis plusieurs années, du fait des niveaux de réserves importants détenus par les banques centrales concernées et, par conséquent, de la faible probabilité d'un appel en garantie de l'État pour assurer la convertibilité des monnaies de la Zone franc36(*). Il ne fait d'ailleurs plus l'objet de documents annuels de performances.

Bien que non doté en crédits, ce compte ne peut être supprimé puisqu'il constitue le pendant budgétaire des accords de coopération monétaires passés entre la France et 7 pays africains, dans le cadre de la Zone franc.

 

Pays

Unité monétaire

Parité fixe

Union monétaire d'Afrique centrale (UMAC)

Cameroun, Centrafrique, Congo, Gabon, Guinée équatoriale, Tchad

Franc CFA émis par la Banque des États de l'Afrique centrale (XAF)

1 euro = 656 XAF

 

Union des Comores

Franc comorien émis par la Banque centrale des Comores (KMF)

1 euro = 492 KMF

Source : commission des finances, d'après les documents budgétaires

Pour mémoire, la loi n° 2021-108 du 3 février 202137(*) a autorisé l'approbation de l'accord de coopération entre le Gouvernement de la République française et les Gouvernements des États membres de l'Union monétaire ouest-africaine (UMOA), qui réunit le Bénin, le Burkina Faso, la Côte d'Ivoire, la Guinée Bissau, le Mali, le Niger, le Sénégal et Togo.

Le nouvel accord, signé le 21 décembre 2019 à Abidjan, a mis fin à l'obligation faite à la Banque centrale des États d'Afrique de l'Ouest de centraliser au moins 50 % de ses réserves de change auprès du Trésor38(*), tout en maintenant les piliers de la coopération monétaire entre la France et l'UMOA, à savoir la parité fixe avec l'euro et la garantie de convertibilité illimitée et inconditionnelle apportée par la France39(*).

En conséquence, la garantie de change ne bénéficie plus à la Banque centrale des États de l'Afrique de l'Ouest (BCEAO), dont le compte d'opérations auprès du Trésor français a été clôturé en avril 2021.

EXAMEN PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE

En première lecture, l'Assemblée nationale n'ayant pas adopté la première partie du projet de loi, celui-ci est considéré comme rejeté en application du troisième alinéa de l'article 119 du Règlement de l'Assemblée nationale.

En conséquence, sont considérés comme rejetés les crédits de la mission « Engagements financiers de l'État » et ceux des comptes de concours financiers « Accords monétaires internationaux » et « Prêts et avances à divers services de l'État ou organismes gérant des services publics ».

EXAMEN EN COMMISSION

Réunie le jeudi 14 novembre 2024, sous la présidence de M. Claude Raynal, président, la commission des finances a procédé à l'examen du rapport de M. Albéric de Montgolfier, rapporteur spécial, sur la mission « Engagements financiers de l'État » et les comptes de concours financiers « Accords monétaires internationaux » et « Prêts et avances à divers services de l'État ou organismes gérant des services publics ».

M. Pascal Savoldelli, président. - Nous poursuivons avec l'examen des crédits de la mission « Engagements financiers de l'État » et des comptes de concours financiers associés.

M. Albéric de Montgolfier, rapporteur spécial de la mission « Engagements financiers de l'État » et des comptes de concours financiers « Accords monétaires internationaux » et « Prêts et avances à divers services de l'État ou organismes gérant des services publics ». - La mission « Engagements financiers de l'État » constitue malheureusement depuis 2024, en crédits de paiement (CP), le deuxième poste de dépenses du budget de l'État, après la mission « Enseignement scolaire », hors CAS « Pensions » et mission « Remboursements et dégrèvements ». C'est une mission subie, composée d'intérêts payés à nos créanciers, qui augmentent d'année en année.

Dans le cadre du PLF 2025, cette mission devrait représenter 56 milliards d'euros en autorisations d'engagement (AE) et 61,3 milliards d'euros en crédits de paiement - soit une augmentation de 520 millions d'euros en CP par rapport à la loi de finances initiale pour 2024.

La mission devrait ainsi atteindre un niveau record, principalement sous l'effet de l'alourdissement de la charge de la dette de l'État, qui devrait croître à 53,5 milliards d'euros en comptabilité budgétaire, contre 50,9 milliards d'euros dans la loi de finances initiale pour 2024.

Alors que l'orientation de la politique monétaire est devenue plus favorable avec la baisse du taux de la facilité de dépôt de la Banque centrale européenne (BCE) depuis juin dernier, la charge des intérêts n'a jamais été aussi élevée et suit une trajectoire particulièrement inquiétante. Ce paradoxe apparent s'explique par la croissance continue du volume de la dette de la France, sous l'effet de l'accumulation des déficits, et par la hausse notable de la prime de risque, mesurée par l'écart de taux ou « spread » par rapport à la dette allemande, depuis le début de l'année 2024.

Je consacrerai donc l'essentiel de mon propos à la trajectoire d'alourdissement de la charge de la dette de l'État. J'aborderai ensuite la question des appels en garantie au titre des prêts garantis par l'État (PGE), qui devraient continuer de diminuer significativement en dépit d'une sinistralité différenciée selon les secteurs. Enfin, je conclurai mon intervention en évoquant la situation des comptes spéciaux rattachés à la mission.

La charge de la dette de l'État devrait donc continuer de s'alourdir fortement, représentant un poids croissant pour nos finances publiques.

De fait, le taux de rendement à dix ans de la dette française a suivi depuis le début de l'année 2024 une trajectoire singulière, avec une hausse marquée de 28 points de base à fin septembre, repassant au-dessus de la barre de 3 %. Selon le scénario de taux d'intérêt du PLF 2025, ce taux à dix ans s'établirait à 3,30 % fin 2024, 3,60 % fin 2025 et 3,70 % fin 2026.

D'après les éléments communiqués par l'Agence France Trésor (AFT), cette évolution s'explique certes par le report des anticipations de baisses de taux de la BCE jusqu'en mars, mais elle résulte surtout de la hausse de la prime de risque, représentant un creusement de l'ordre d'une vingtaine de points de base depuis le début de l'année, pour s'élever actuellement à environ 75 points de base.

À cet égard, la France se singularise par rapport aux pays de la zone euro dits « périphériques », tels que l'Italie, l'Espagne, le Portugal et la Grèce. En effet, ces pays, qui ont connu par le passé un niveau d'endettement considérable et ont opéré les efforts de redressement nécessaires, affichent un net resserrement de leurs spreads par rapport à l'Allemagne. La France emprunte désormais plus cher qu'eux, notamment l'Espagne et le Portugal. Elle est donc devenue le mauvais élève de l'Europe en matière d'évolution du spread.

Le principal déterminant des taux sur la dette française réside aujourd'hui dans l'instabilité politique et budgétaire et, plus particulièrement, dans le dérapage historique - hors période de crise - du déficit public pour 2023 et pour 2024. C'est bien la dégradation successive des prévisions de déficit du précédent gouvernement, plus encore que l'incertitude politique née de la dissolution de juin dernier, qui explique le creusement de la prime de risque par rapport à l'Allemagne.

À cet égard, je tiens à saluer le travail de la mission d'information que notre commission a réactivée cet automne. Il est en effet absolument nécessaire de faire la lumière sur cette situation aussi inédite qu'injustifiée.

Selon l'économiste Éric Monnet, spécialiste de la dette publique et de la politique monétaire, les annonces de dérapage du déficit public constituent pour les marchés obligataires souverains le pire des scénarios, en affectant la confiance des investisseurs dans la transparence de la trajectoire des finances publiques.

Certes, deux facteurs jouent encore en notre faveur pour limiter les tensions sur notre dette. D'une part, nous enregistrons un niveau relativement faible de détention de la dette par des investisseurs hors zone euro, les investisseurs de la zone euro représentant quasiment trois quarts des détenteurs de notre dette, dont 48 % pour les investisseurs français. D'autre part, nous bénéficions de la protection de la BCE, même si cette dernière n'est pas absolue, étant conditionnée au respect des règles budgétaires européennes. Je rappelle à ce titre que nous sommes entrés en procédure pour déficit excessif et que la pression de nos partenaires européens sera particulièrement forte pour que nous respections nos engagements budgétaires, alors que la dette publique dépasse 3 220 milliards d'euros, soit 112 % du PIB, dont 2 600 milliards d'euros pour la dette de l'État.

Si les tensions sur notre dette devaient s'aggraver, du fait d'une dégradation de la qualité de la signature française ou du moins d'une perception en ce sens par le marché, l'augmentation de la prime de risque pourrait avoir des conséquences massives sur la charge de la dette. Une hausse de taux pérenne de 1 point entraînerait une augmentation de cette charge de 3,2 milliards d'euros à un an, de 19,1 milliards d'euros à cinq ans et de 32,6 milliards d'euros à neuf ans.

À politique inchangée et même en l'absence de choc de taux, la charge de la dette de l'État pourrait bientôt approcher la barre des 100 milliards d'euros, à l'horizon de 2030. J'avais souligné ce risque dans mon rapport de contrôle publié en juillet dernier. Il se confirme : en comptabilité générale, la dette de l'État devrait ainsi croître de 54,5 milliards d'euros en 2025 à 75 milliards d'euros en 2027, et même atteindre 92 milliards d'euros en 2029, soit une multiplication par 2,4 par rapport à 2023 et une multiplication par 3,6 par rapport à 2020. D'ici à la fin de la décennie, la charge de la dette de l'État pourrait représenter 2,7 % du PIB, contre 1,4 % en 2023. Quant à la charge de la dette publique, celle-ci atteindrait 3,1 % du PIB, contre 1,9 % en 2023.

Cette trajectoire, j'y insiste, correspond au scénario de finances publiques prévu dans le PLF 2025, dans sa version initiale transmise par le Gouvernement.

Ces chiffres sont très inquiétants. En 2008, notre dette était à peu près équivalente à celle de l'Allemagne, à 60 % du PIB. Davantage que le « quoiqu'il en coûte », la période covid a été celle de la déresponsabilisation totale ! Quoi que nous explique l'ancien ministre de l'économie Bruno Le Maire, la France n'est pas le seul pays à avoir pris des mesures pour aider les entreprises. Nos voisins, contrairement à nous, ont été capables de revenir à une situation normale.

S'agissant du périmètre de la mission, je relève une nouvelle fois avec regret le maintien du programme 369 « Amortissement de la dette de l'État liée à la covid-19 », avec 5,2 milliards de crédits de paiement qui seraient ouverts pour 2025. Aucun motif économique ou budgétaire ne justifie l'isolement de cette dette. En effet, les recettes fiscales qui sont affectées à l'amortissement de cette somme, selon une formule de calcul dépendant du niveau de croissance, pourraient tout aussi bien servir à réduire le déficit budgétaire courant. Comme les années précédentes, je proposerai donc d'amender les crédits de la mission « Engagements financiers de l'État » afin de supprimer ce programme artificiel !

J'en viens aux crédits dédiés aux appels en garantie de l'État, qui, en dépit de leur diminution, continuent d'appeler notre vigilance.

Les crédits du programme correspondant - le programme 114 - présentent une baisse de moitié par rapport à la loi de finances initiale pour 2024, passant de 1,9 milliard d'euros à 985 millions d'euros. Selon les éléments d'information communiqués par la direction générale du Trésor, cette diminution porte principalement sur les PGE.

Alors que la prévision d'appels en garantie au titre des PGE s'établissait à 1,44 milliard d'euros en loi de finances initiale pour 2024, l'exécution affiche une consommation de 1,36 milliard d'euros au 15 octobre. En dépit de l'aléa entourant les estimations de pertes, le risque financier pour l'État représenté par les PGE devrait rester modéré, avec une sinistralité évaluée à 4,11 % sur l'ensemble du dispositif, représentant un montant total de 6 milliards d'euros de pertes brutes.

Il resterait 1,2 milliard d'euros de pertes sur les PGE qui se matérialiseraient au-delà de l'année 2024, dont 571 millions d'euros seraient indemnisés sur l'année 2025. Selon les informations de la direction générale du Trésor, de Bpifrance et de la Banque de France, les secteurs les plus touchés devraient rester la construction, l'immobilier, l'hébergement-restauration, l'information et la communication, ainsi que l'industrie manufacturière.

Afin de faciliter le remboursement des PGE et éventuellement son étalement pour les entreprises en difficulté, un accord de place a été conclu en 2022 et renouvelé en 2024, prévoyant la possibilité pour les très petites entreprises (TPE) et pour les petites et moyennes entreprises (PME) de demander un rééchelonnement jusqu'au 31 décembre 2026.

Par ailleurs, pour les dossiers d'entreprises de taille plus importante, le comité interministériel de restructuration industrielle (Ciri), service rattaché à la direction générale du Trésor, a conçu en 2022 une doctrine pour assurer une restructuration équitable des PGE et pour éviter que l'effort porté par ces prêts - et donc par l'État au titre de sa garantie - ne soit disproportionné par rapport aux efforts des autres parties prenantes. Cette doctrine a été mise en oeuvre notamment pour Pierre et Vacances en 2022 et pour Air Austral en 2023.

Par ailleurs, pour les restructurations comportant une part d'écrasement du passif, des mécanismes de retour à meilleure fortune permettent à l'État de bénéficier du partage de la valeur en cas de redressement de l'activité.

Je conclurai mon propos par une analyse synthétique de la situation des comptes spéciaux rattachés à la mission.

Dans la continuité des années précédentes, le compte de concours financier « Accords monétaires internationaux » n'est pas doté de crédits pour 2025. Quant au compte de concours financiers « Prêts et avances à divers services de l'État ou organismes gérant des services publics », celui-ci poursuit sa normalisation avec la suppression du programme 829 « Prêts destinés au financement des infrastructures de transports collectifs du quotidien de la métropole d'Aix-Marseille-Provence ».

Aucun prêt ni aucune avance n'ont été effectués par le biais de ce programme créé dans la loi de finances initiale pour 2022. Entretemps, le Président de la République a en effet annoncé en 2023 le doublement du montant des subventions accordées dans le cadre du plan « Marseille en grand ».

Le solde du compte devrait dégager un excédent important avec presque un doublement par rapport à la loi de finances initiale pour 2024, à 552 millions d'euros.

En conclusion, je vous propose d'adopter les crédits de la mission « Engagements financiers de l'État », sous réserve de la modification que je vous ai proposée, ainsi que les crédits des comptes de concours financiers « Accords monétaires internationaux » et « Prêts et avances à divers services de l'État ou organismes gérant des services publics ».

Je n'ai aucune possibilité de vous proposer des économies, malgré la situation inquiétante : comme je l'ai dit, cette mission est subie...

Durant mes six ans en tant que rapporteur général de la commission des finances, je n'ai cessé de dire que nous financions nos dépenses courantes par l'emprunt - celui-ci n'est pas une mauvaise chose s'il sert à investir plutôt qu'à payer des dépenses de fonctionnement à crédit ! À présent que nous sommes considérés comme de mauvais élèves, la charge de la dette deviendra le premier poste budgétaire de l'État, pour un niveau d'intérêts approchant 100 milliards d'euros d'ici la fin de la décennie. Imaginez ce que nous pourrions faire avec 100 milliards d'euros : routes, hôpitaux, sécurité... Nous payons le prix des errements : sous M. Bruno Le Maire, la dette a augmenté de presque 1 000 milliards d'euros ! Désormais, la confiance des investisseurs dans la France est faible et, si notre dette est encore largement domestique, elle tend de plus en plus à être transférée vers les fonds spéculatifs. Je vous laisse imaginer ce qui risque d'advenir...

M. Michel Canévet. - Je remercie le rapporteur spécial pour sa présentation, qui augure de difficultés à venir, et nous pouvons le déplorer...

Ma première question porte sur la charge de la dette de la SNCF, qui diminue. Quelles en sont les raisons ?

Au cours des questions d'actualité au Gouvernement d'hier, des perspectives difficiles pour un certain nombre d'entreprises ont été évoquées. Celles-ci pourraient donc demander à revoir le remboursement des PGE. Le Ciri a-t-il actuellement la capacité de reconsidérer le remboursement de ces prêts ? Faut-il pour ce faire un texte législatif ?

Si j'ai bien compris vos propos, il n'y a pas eu de prêts destinés au financement du plan en faveur de la métropole d'Aix-Marseille-Provence à partir du programme 829. Pouvez-vous me le confirmer ?

M. Stéphane Sautarel. - Je partage la question de Michel Canévet : pouvez-vous nous apporter des précisions sur les PGE ? Je suis un peu surpris par les termes du rapport...

La France doit rembourser une trentaine de milliards d'euros - de mémoire - à l'Union européenne à partir de 2027 ou 2028. Ces montants ne sont pas encore intégrés au stock de dette. Pouvez-vous nous en dire davantage ? Quelles seront les conditions du remboursement de cette dette, dont le coût risque d'être supérieur à ce que nous sommes capables de lever actuellement sur les marchés ?

M. Thierry Cozic. - La France a été pénalisée par la part relativement élevée dans son endettement des obligations assimilables du Trésor indexées sur l'inflation (OATI), dont nous avions mis en avant le coût, l'an dernier. Je m'interroge sur la pertinence pour Bercy de continuer à émettre ce type d'obligations.

Par ailleurs, alors que l'inflation aurait pu réduire le ratio de dette publique française de 9,5 points de PIB entre 2021 et 2023, la réduction n'a été que de 2,4 points de PIB selon le Haut Conseil des finances publiques (HCFP). Pensez-vous qu'un ciblage plus efficient des bénéficiaires des différentes aides qui avaient pour but d'amortir l'inflation aurait permis de mieux résorber ce ratio ? Il est clair que la France n'a pas pleinement tiré profit ces deux dernières années de l'aubaine qu'aurait pu constituer le choc inflationniste.

M. Jean-Raymond Hugonet. - Qu'en est-il exactement de la fiabilité des remboursements des PGE ? Y a-t-il une corrélation entre la part de prêts remboursés et l'augmentation importante des défaillances d'entreprises ? Dans l'Essonne, le nombre de ces défaillances a augmenté de 20 % ! La création d'une nouvelle chambre au sein du tribunal de commerce d'Évry-Courcouronnes ne suffit même pas à les traiter.

M. Laurent Somon. - Connaît-on la structuration exacte des entreprises bénéficiaires de PGE concernées par les défaillances : taille, secteur, répartition géographique ?

Quelle est la réalité du coût à venir du remboursement du prêt contracté auprès de l'Union européenne ?

Mme Vanina Paoli-Gagin. - Je souhaite mettre ce rapport en regard avec la proposition de loi constitutionnelle visant à accélérer le redressement des finances publiques, examinée en séance ce matin : ne pensez-vous pas que le problème qui pèse sur nos finances, que vous mesurez avec précision et que vous déplorez chaque année, est systémique ? Peut-être existe-t-il un autre chemin ?

Mme Christine Lavarde. - Par le programme 829, l'État a été disposé à fournir des « Prêts destinés au financement des infrastructures de transports collectifs du quotidien de la métropole d'Aix-Marseille-Provence ». Pourtant, selon un rapport d'information dont vous étiez rapporteur, monsieur le président, le financement de la Société des grands projets, à l'origine Société du Grand Paris, qui a toujours été considérée comme d'intérêt national, s'est reporté uniquement sur la fiscalité pesant sur les habitants de la région Île-de-France. Il existe donc un « deux poids deux mesures » selon l'endroit où l'on installe des transports en commun !

M. Albéric de Montgolfier, rapporteur spécial. - Dans chacun de nos territoires, nous voyons une augmentation considérable de l'activité des tribunaux de commerce. Lors de mes auditions, j'ai interrogé notamment la direction générale du Trésor et la Banque de France sur une éventuelle augmentation du taux de sinistralité des PGE. D'après ce qui m'a été dit, les grandes entreprises comme Air France, qui représentent les emprunts les plus importants, ne doivent pas nous inquiéter. Il n'y a pas de dossier important qui entraînerait une explosion des appels en garantie de l'État. Les entreprises qui mettent en oeuvre des plans sociaux actuellement n'ont pas fait appel aux PGE.

Le taux de sinistralité est de 4 % environ. Les entreprises des secteurs les plus fragiles, comme la construction, connaissent beaucoup de défaillances, des inquiétudes pèsent sur elles, mais il s'agit de petits dossiers en matière de PGE. Je n'ai pas d'éléments sur la répartition géographique des PGE.

Par ailleurs, la dette de SNCF Réseau, qui a été en partie reprise par l'État, voit sa charge diminuer parce qu'elle est progressivement remboursée.

Le Ciri ne peut accorder à ce stade de nouveaux prêts. En tout état de cause, dans le cadre des PGE, ce sont les banques qui ont accordé les prêts. Le Ciri peut seulement, lors des négociations de restructuration du passif des sociétés en difficulté placées sous son égide, proposer des étalements de PGE afin que les remboursements soient progressifs, et non à échéance.

La dette européenne ne figure pas dans cette mission.

Le choc inflationniste n'a pas eu d'effet réel sur la dette parce que la décision a été prise, malheureusement, de répondre à la crise par une dégradation du déficit. De manière plus générale, le Président de la République et les gouvernements successifs de l'époque ont été anesthésiés par les taux négatifs. Ils ont cru avoir la baraka ! Il est vrai qu'au début du précédent quinquennat, la BCE menait une politique monétaire en ce sens : avec le niveau bas des taux, l'État contractait de nouveaux emprunts moins chers que les anciens. Il faisait une bonne affaire ! Je dénonçais cet aveuglement lorsque j'étais rapporteur général. Cette politique était court-termiste et a produit un effet boule de neige en matière de niveau d'endettement et de charge de la dette.

Si un emprunt immobilier dans notre pays est presque toujours amortissable, l'État contracte pour sa part des prêts in fine, c'est-à-dire des prêts dont le capital est remboursé à l'échéance et non par mensualités : chaque année, il emprunte davantage, non seulement pour rembourser les emprunts qui arrivent à échéance, mais aussi pour couvrir les besoins de financement du déficit de l'année. Les 300 milliards d'euros que nous emprunterons cette année correspondent au montant du déficit 2024 et à celui des emprunts qui arrivent à échéance.

Sans doute faut-il changer le logiciel, madame Vanina Paoli-Gagin. Il faudrait trouver des freins, ainsi qu'un mécanisme global qui nous permettrait de prendre conscience collectivement du problème : emprunts qui arrivent à échéance, déficit primaire à l'origine de l'augmentation de la dette, écart de spread qui n'était sans doute pas prévu... Les masses sont considérables et, donc, les effets des aléas tout de suite importants.

La durée de vie moyenne de la dette avoisine huit ans et demi - certains prêts sont à trois jours, d'autres à cinquante ans -, échéance à laquelle l'augmentation des taux d'intérêt atteint son plein effet. Nous étions au-dessus de sept ans lors de mon arrivée dans cette commission. Des outils plus contraignants pour limiter notre endettement sont donc les bienvenus.

Enfin, le plan « Marseille en grand » a été financé par des subventions, et non par des prêts ou par des avances. C'est pourquoi les crédits de paiement du programme 829 n'ont pas été consommés. J'imagine que la métropole a réalisé des emprunts directement, c'est-à-dire sans passer par des dispositifs de prêts étatiques. D'autres programmes n'ont pas été financés. La métropole d'Aix-Marseille-Provence a été victime d'un effet d'annonce, qui ne s'est pas traduit par des crédits de paiement consommés.

Lorsque j'étais rapporteur général, et que le gouvernement nous présentait chaque année une magnifique courbe de baisse des taux tout en surestimant dans les lois de finances initiales les taux d'intérêt pour se réserver de bonnes surprises, je mettais en garde sur la dangerosité d'une politique reposant sur l'endettement et sur des taux dépendants des marchés. On n'était effectivement pas à l'abri d'aléas - à l'époque, je citais un choc pétrolier ou des conflits, sans envisager la possibilité d'une pandémie. Or nous avons eu le choc imprévu de la covid, et nous ne sommes pas sortis du quoi qu'il en coûte. Nous le payons aujourd'hui !

M. Pascal Savoldelli, président. - Une demande a été faite pour connaître la répartition géographique des entreprises défaillantes ayant contracté un PGE. J'observerai à cet égard que la sinistralité des PGE est difficile à évaluer, car les comportements ont été extrêmement divers selon les secteurs professionnels et la typologie des entreprises bénéficiaires.

L'insistance du rapporteur spécial sur la charge des intérêts de la dette, dont on parle trop peu, est intéressante et importante politiquement. Elle souligne la nécessaire distinction qu'il faut opérer entre ce qui relève des grandes politiques nationales financières et ce qui relève du rôle des marchés financiers.

M. Albéric de Montgolfier, rapporteur spécial. - La question de savoir si nous pourrons rembourser la dette est en réalité secondaire. La question essentielle est celle de l'augmentation du poids de la charge de la dette, qui découle de l'accumulation des déficits primaires et de l'augmentation du spread. Les taux d'emprunt étant auparavant peu élevés, la situation était relativement contenue, mais nous empruntons désormais plus cher, et des stocks de dette énormes empruntés plus cher pèsent forcément plus lourd dans la balance. Toute augmentation du spread engendre des chiffres absolument vertigineux par rapport au budget de l'État.

Malheureusement, nous ne parlons ici que du service de la dette. Il n'est question d'aucune dépense au service de la défense du pays ou de la santé des Français.

Article 42 (État B)

Je vous propose un amendement visant à supprimer le programme 369, en coordination avec l'amendement précédemment présenté par le rapporteur spécial Claude Raynal.

L'amendement II-35 est adopté.

La commission a décidé de proposer au Sénat d'adopter les crédits de la mission « Engagements financiers de l'État », sous réserve de l'adoption de son amendement.

La commission a décidé de proposer au Sénat d'adopter, sans modification, les crédits des comptes de concours financiers « Accords monétaires internationaux » et « Prêts et avances à divers services de l'État ou organismes gérant des services publics ».

*

* *

Réunie à nouveau le jeudi 21 novembre 2024, sous la présidence de M. Claude Raynal, président, la commission a confirmé définitivement ses votes émis sur toutes les missions, tous les budgets annexes, tous les comptes spéciaux et les articles rattachés aux missions, ainsi que les amendements qu'elle a adoptés, à l'exception des votes émis pour les missions « Culture », « Direction de l'action du Gouvernement », « Enseignement scolaire », « Médias, livre et industries culturelles », « Audiovisuel public », « Recherche et enseignement supérieur », ainsi que des comptes spéciaux qui s'y rattachent.

LISTE DES PERSONNES ENTENDUES

Direction générale du Trésor

- M. Gabriel CUMENGE, sous-directeur banques et financement d'intérêt général ;

- Mme Camille SUTTER, cheffe de bureau du financement et du développement des entreprises ;

- M. Thomas MEINZEL, chef de bureau, pôle analyse économique du secteur financier - stabilité financière ;

- M. Manuel CHATEAU, chef de bureau, budget.

Agence France Trésor

- M. Antoine DERUENNES, directeur général ;

- M. Mathieu MARCEAU, chef du bureau de la trésorerie de l'État.

Banque de France

- Mme Marie-Laure BARUT-ETHERINGTON, directrice générale adjointe ;

- Mme Marion COCHARD, adjointe au chef de service - Finances Publiques

- M. Gabriel PRÉGUIÇA, chargé de mission auprès de Mme Véronique BENSAID-COHEN, conseillère parlementaire auprès du gouverneur.

Standard & Poor's Ratings

- M. Rémy CARASSE, director & lead analyst - sovereign ratings ;

- M. Gerben DE NOORD, lead regulatory advisor, ratings legal ;

- Mme Aude GUEZ, économiste Europe.

Société générale

- M. Olivier VION, responsable marchés de capitaux souverains et supranationaux ;

- M. Ariel EMIRIAN, adjoint au responsable des études de risques économiques ;

- M. Éric LITVACK, directeur des affaires publiques.

Deutsche Bank

- Mme Anne-Sophie BEAUMONT ANTOGNOLI, managing director, origination & advisory, head DCM FIG SSA FraBeLux ;

- M. Emmanuel DUCLOS, managing director - head EMEA credit sales ;

- M. Arnaud LENGELÉ.

M. Éric MONNET, professeur à l'École d'économie de Paris et à l'EHESS

*

* *

- Contribution écrite -

Bpifrance

LA LOI EN CONSTRUCTION

Pour naviguer dans les rédactions successives du texte, le tableau synoptique de la loi en construction est disponible sur le site du Sénat à l'adresse suivante :

https://www.senat.fr/dossier-legislatif/pjlf2025.html


* 1 Hors remboursements et dégrèvements.

* 2 L'article 123 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne dispose qu'il « est interdit à la Banque centrale européenne et aux banques centrales des États membres, ci-après dénommées « banques centrales nationales », d'accorder des découverts ou tout autre type de crédit aux institutions, organes ou organismes de l'Union, aux administrations centrales, aux autorités régionales ou locales, aux autres autorités publiques, aux autres organismes ou entreprises publics des États membres; l'acquisition directe, auprès d'eux, par la Banque centrale européenne ou les banques centrales nationales, des instruments de leur dette est également interdite ». Concrètement, la Banque de France ayant l'interdiction d'autoriser l'État à être en découvert, le compte unique du Trésor doit toujours être positif en fin de journée.

* 3  Article 92 de la loi n° 2013-1278 du 29 décembre 2013 de finances pour 2014.

* 4 L'aide au remboursement est apportée dans la limite d'un taux maximal de 75 % des indemnités de remboursement anticipé, auquel s'ajoute un taux complémentaire maximal de 5 % pour les situations les plus graves.

* 5 Rapport sur la dette des administrations publiques annexé au projet de loi de finances pour 2025.

* 6 Réponses de l'Agence France Trésor au questionnaire du rapporteur spécial.

* 7 Réponses de l'Agence France Trésor au questionnaire du rapporteur spécial.

* 8 Décisions de politique monétaire du 6 juin 2024, du 12 septembre 2024 et du 17 octobre 2024.

* 9 Réponses de l'Agence France Trésor au questionnaire du rapporteur spécial.

* 10 Réponses de la Banque de France au questionnaire du rapporteur spécial.

* 11 Voir, pour une analyse détaillée, le rapport d'information n° 719 (2023-2024) de M. Albéric de MONTGOLFIER, fait au nom de la commission des finances, sur les facteurs explicatifs des perspectives d'évolution différentes en matière de charge de la dette entre la France et les principaux États européens, juillet 2024.

* 12 Audition des représentants de Standard & Poor's par le rapporteur spécial.

* 13 Agence France Trésor, Bulletin mensuel n° 413, octobre 2024.

* 14 Insee, Informations rapides n° 247, septembre 2024.

* 15 Rapport d'information n° 719 (2023-2024) de M. Albéric de MONTGOLFIER, fait au nom de la commission des finances, sur les facteurs explicatifs des perspectives d'évolution différentes en matière de charge de la dette entre la France et les principaux États européens, juillet 2024.

* 16 Rapport sur la dette des administrations publiques annexé au projet de loi de finances pour 2025.

* 17 Réponses de l'Agence France Trésor au questionnaire du rapporteur spécial.

* 18 En pratique la BCE a arrêté ses achats nets en 2022, mais a continué d'acheter jusqu'en juin 2024 pour renouveler certains titres arrivés à échéance.

* 19 Rapport sur la dette des administrations publiques annexé au projet de loi de finances pour 2025.

* 20 Afin de limiter ce phénomène, le modèle italien depuis une décennie a consisté à développer la détention par les résidents, ce qui crée d'autres risques, notamment une boucle de dépendance entre l'État et le système bancaire national.

* 21 Lois organique n° 2020-991 et ordinaire n° 2020-992 du 7 août 2020 relatives à la dette sociale et l'autonomie.

* 22 Selon les réponses de l'Agence France Trésor, interrogée par les services de la commission des finances, la trajectoire prévisionnelle de croissance établie en 2021 anticipait une croissance de 2,8 % en 2025 puis 3,0 % à partir de 2026.

* 23 Les crédits ouverts sur le programme 369 alimentent le programme 732 du compte d'affectation spéciale « Participations financières de l'État », qui alimente en retour la Caisse de la dette publique.

* 24 Réponses de la direction générale du Trésor au questionnaire du rapporteur spécial, d'après Bpifrance, 79ème enquête de conjoncture, premier semestre 2024, juillet 2024.

* 25 Conseil d'analyse économique, Focus n° 109, « Prêt garanti par l'État : les entreprises pourront-elles rembourser ? Un éclairage à la mi-2024 », octobre 2024.

* 26 Contribution écrite de Bpifrance en réponse au questionnaire du rapporteur spécial.

* 27 Différence entre la proportion de répondants ayant exprimé une opinion positive et la proportion de répondants ayant exprimé une opinion négative.

* 28 Benjamin Bureau, Loriane Py, Bulletin de la Banque de France, « La situation financière des PME en 2023 : anatomie d'une résilience », juillet 2024.

* 29 Agnès Bénassy-Quéré, Benjamin Bureau, Banque de France, billet de blog n° 360, « Hétérogénéité des situations financières des entreprises : la « bosse » Covid », juillet 2024.

* 30 Réponses de la direction générale du Trésor au questionnaire du rapporteur spécial.

* 31 Loi n° 2020-935 du 30 juillet 2020 de finances rectificative pour 2020.

* 32 Loi n° 2020-1473 du 30 novembre 2020 de finances rectificative pour 2020.

* 33 Sauf accord du bénéficiaire.

* 34 Loi n° 2021-1900 du 30 décembre 2021 de finances pour 2022.

* 35 De 256 millions d'euros à 500 millions d'euros.

* 36 Pour une discussion détaillée des principes de fonctionnement de la Zone franc, se reporter au rapport d'information n° 729 (2019-2020) de Mme Nathalie Goulet et M. Victorin Lurel, fait au nom de la commission des finances, déposé le 30 septembre 2020.

* 37 Loi n° 2021-108 du 3 février 2021 autorisant l'approbation de l'accord de coopération entre le Gouvernement de la République française et les Gouvernements des États membres de l'Union monétaire ouest-africaine.

* 38 Dans les faits, il arrivait fréquemment que cette part soit dépassée.

* 39 Pour une présentation détaillée du contenu, du contexte et des conséquences de ce nouvel accord de coopération, se reporter au rapport n° 289 (2020-2021) de M. Jérôme Bascher, sur le projet de loi autorisant l'approbation de l'accord de coopération entre la France et l'UMOA, fait au nom de la commission des finances, déposé le 20 janvier 2021.

Partager cette page