C. LE MAINTIEN DU PROGRAMME 369 « AMORTISSEMENT DE LA DETTE DE L'ÉTAT LIÉE À LA COVID-19 » NE RÉPOND À AUCUNE JUSTIFICATION RÉELLE, DE MÊME QUE L'ISOLEMENT DE LA CHARGE DE LA DETTE DE SNCF RÉSEAU REPRISE PAR L'ÉTAT AU SEIN DU PROGRAMME 355

1. Le programme 369 ne présente aucun fondement économique ou budgétaire

Le programme 369 vise à retracer l'amortissement du surcroît de la dette de l'État en 2020 et en 2021 liée à la crise sanitaire, 70 milliards d'euros ayant déjà été repris au titre des années 2020 et 2021 pour la sphère sociale par le biais de la Caisse d'amortissement de la dette sociale (Cades)21(*). 165 milliards d'euros ont ainsi été ouverts en 2022 en autorisations d'engagement sur ce programme et 1,9 milliard d'euros en crédits de paiement.

Pour 2025, 5,2 milliards d'euros en crédits de paiement seraient ouverts pour financer ce programme (contre 6,5 milliards d'euros en 2024 et 6,6 milliards d'euros en 2023).

Pour rappel, les crédits de paiement inscrits sur le programme 369 correspondent à une part, par défaut fixée à 5,9 %, de la hausse des recettes fiscales due à la croissance par rapport à celles de 2020 (256 milliards d'euros). Plus précisément, le calcul de la dotation correspond à 5,9 % de la hausse spontanée de recettes fiscales nettes, pondéré par le rapport entre la croissance prévue en PLF et la croissance prévue par la trajectoire prévisionnelle de croissance de référence établie en 202122(*), et élevé à la puissance 1 / nombre d'année depuis 2022. La dotation est nulle en cas de croissance négative. L'objectif initial du programme était d'amortir la « dette covid » d'ici 2042.

Interrogée par les services de la commission des finances, l'Agence France Trésor a précisé que le risque d'une croissance du PIB durablement inférieure à la trajectoire prévisionnelle n'était pas exclu et que cela participait à la « pédagogie du programme » : en cas de croissance du PIB durablement atone, la « dette covid » pèserait plus longtemps sur les finances publiques. Cependant, ce risque serait pour le moment maîtrisé : la croissance nominale du PIB ayant été plus dynamique en sortie de crise covid que prévue initialement, l'amortissement de la dette covid est aujourd'hui en avance par rapport à la prévision de 2021.

Les crédits du programme sont affectés à la Caisse de la dette publique (CDP), via une dotation au programme 732 du compte d'affectation spéciale « Participations financières de l'État »23(*), les montants étant ensuite re-transférés de la CDP vers l'Agence France Trésor (compte de commerce 903 « Gestion de la dette et de la trésorerie de l'État ») afin de financer l'amortissement des titres de dette arrivant à échéance.

Or, aucun argument économique ou budgétaire n'est de nature à justifier l'isolement de la « dette covid », les recettes fiscales supplémentaires pouvant tout aussi bien servir à réduire le déficit budgétaire courant. La création (et le maintien) de ce programme est avant tout et seulement une opération de communication, dénuée de tout effet budgétaire.

À cet égard, il convient de souligner que les crédits ainsi ouverts sur le programme 369 ne financent pas d'hypothétiques titres émis pour la « dette covid », l'Agence France Trésor n'ayant pas émis de souches « spéciales covid » en 2020 et en 2021 qu'elle pourrait ensuite retracer : elle a simplement exécuté le programme de financement de la France, dont les émissions servent à la fois à financer le déficit (dont une part n'était pas liée à l'épidémie) et à refinancer les titres arrivés à échéance.

En conséquence, le rapporteur spécial propose à la commission des finances, comme lors de l'examen des PLF 2023 et 2024, de supprimer les crédits du programme 369.

2. Si l'existence d'un programme spécifique pour la charge de la dette de SNCF Réseau reprise par l'État peut éventuellement davantage se justifier, la présentation transparente de la charge totale de la dette de l'État impose également la suppression du programme 355

La réforme du système ferroviaire décidée en 2018 s'était accompagnée de la décision de l'État de reprendre 35 milliards d'euros de dette de SNCF Réseau. Cette reprise a été mise en oeuvre en deux temps : 25 milliards d'euros en loi de finances pour 2020, et 10 milliards d'euros en loi de finances pour 2022.

Les charges d'intérêt résultant de cette reprise de dette sont inscrites dans le programme 355 « Charge de la dette de SNCF Réseau reprise par l'État » et devraient représenter 692 millions d'euros (AE = CP) en 2025 (contre 807 millions d'euros en 2024).

Précédemment rattaché à la mission « Écologie », le programme 355 avait été transféré à la mission « Engagements financiers de l'État » par la loi de finances initiale pour 2024. Si ce transfert a constitué une avancée, en regroupant sur une même mission (« Engagements financiers de l'État ») tous les programmes ayant trait aux charges de la dette ainsi qu'à son amortissement (programme 117, programme 355, programme 369), cette solution n'est pas totalement satisfaisante.

De fait, on peut regretter que le Gouvernement n'ait pas retenu l'option consistant à inclure directement la charge de la dette de SNCF Réseau reprise par l'État dans le programme 117. Cette mesure présenterait l'avantage d'une plus grande clarté, en ce qu'elle représenterait plus fidèlement l'ensemble des crédits affectés à la charge de la dette.


* 21 Lois organique n° 2020-991 et ordinaire n° 2020-992 du 7 août 2020 relatives à la dette sociale et l'autonomie.

* 22 Selon les réponses de l'Agence France Trésor, interrogée par les services de la commission des finances, la trajectoire prévisionnelle de croissance établie en 2021 anticipait une croissance de 2,8 % en 2025 puis 3,0 % à partir de 2026.

* 23 Les crédits ouverts sur le programme 369 alimentent le programme 732 du compte d'affectation spéciale « Participations financières de l'État », qui alimente en retour la Caisse de la dette publique.

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