II. UNE PROPOSITION DE LOI DONT LES OBJECTIFS DOIVENT ÊTRE CONFORTÉS
Reprenant, en large partie, des réflexions récentes du Sénat qui ont trait au fonctionnement du Fijaivs et du Fijait, les auteurs de la proposition de loi font valoir que le droit en vigueur comporte des lacunes et que celles-ci privent ces fichiers d'une partie de leur efficacité.
Souscrivant à ce constat, la commission des lois a souhaité conforter les dispositifs proposés sur le plan juridique et garantir leur pleine applicabilité opérationnelle.
A. UN DISPOSITIF TENDANT À OPTIMISER LE FONCTIONNEMENT DU FIJAISV ET DU FIJAIT
Répondant aux détournements de la procédure simplifiée de changement de nom créée par la loi dite « Vignal » du 2 mars 202211(*) comme de la procédure analogue de changement de prénom prévue par l'article 60 du code civil, l'article 1er de la proposition de loi entend encadrer les changements de nom demandés par les personnes inscrites au Fijaisv ou au Fijait : contrairement à la procédure de droit commun, un tel changement ne fait, en effet, l'objet d'aucun contrôle et d'aucune publicité. Cette particularité a pu - comme le rappelle l'exposé des motifs de la proposition de loi - permettre à « des individus condamnés pour des faits particulièrement graves - singulièrement des condamnés pour crimes sexuels ou terroristes [... d']échapper à leur passé et [de] retrouver une forme d'anonymat, sans que l'autorité judiciaire n'en ait été avertie ou qu'il soit possible d'en établir - par exemple via une publication au Journal officiel de la République française - la traçabilité » ; elle a également « induit des difficultés dans l'établissement de certains fichiers pouvant aller jusqu'à des ruptures, particulièrement préjudiciables, de prise en charge de ces profils extrêmement dangereux ».
C'est pourquoi l'article 1er instaure un pouvoir d'opposition du procureur de la République, saisi par l'officier de l'état civil, en cas de changement de nom ou de prénom demandé par une personne condamnée pour une infraction dont la liste sera fixée par un décret en Conseil d'État : sur ce point, le texte reprend le dispositif adopté par le Sénat en janvier 2024 lors de l'examen de la proposition de loi instituant des mesures judiciaires de sûreté applicables aux condamnés terroristes et renforçant la lutte antiterroriste12(*).
Par ailleurs, le même article 1er propose de mettre en place une mesure de sûreté nouvelle pour les personnes inscrites au Fijaisv ou au Fijait, consistant en l'obligation de déclarer tout changement de nom ou de prénom - étant souligné que le non-respect d'une telle obligation serait passible de deux ans d'emprisonnement et 30 000 euros d'amende13(*).
L'article 2 du texte prévoit d'élargir le périmètre des infractions soumises à la procédure particulière applicable aux infractions sexuelles ou commises sur les mineurs, qui emporte notamment l'infraction de leurs auteurs au Fijaisv. Il vise ainsi à y intégrer deux nouveaux délits : l'incitation d'un mineur, par un moyen de communication électronique, à commettre un acte sexuel sur lui-même ou avec ou sur un tiers (article 227-22-2 du code pénal) et la sollicitation d'images pornographiques auprès d'un mineur (article 227-23-1 du même code), tous deux punis de sept ans d'emprisonnement et de 100 000 euros d'amende dans leur forme simple, et de dix ans d'emprisonnement et 150 000 euros (voire un million d'euros en cas de commission en bande organisée) s'ils sont commis sur un mineur de quinze ans.
Enfin, l'article 3 prévoit d'ouvrir aux « entreprises de transport public de personnes » la possibilité d'être informés d'une inscription au Fijaisv à l'occasion des vérifications s'exerçant en amont des procédures de recrutement, d'affectation, d'autorisation, d'agrément, d'habilitation ou de contrôle des personnels en contact avec des mineurs ou avec des majeurs vulnérables. De même que les maires et les présidents d'exécutifs locaux, ces entreprises bénéficieraient d'un accès indirect au Fijaisv, la consultation du fichier étant effectuée pour leur compte par les administrations compétentes de l'État14(*).
* 11 Loi n° 2022-301 du 2 mars 2022 relative au choix du nom issu de la filiation.
* 12 Article 15 bis de la proposition de loi précitée.
* 13 Article 706-53-5 (pour le Fijaisv) et article 706-25-7 (pour le Fijait) du code de procédure pénale.
* 14 Voir supra.