N° 38
SÉNAT
SESSION ORDINAIRE DE 2024-2025
Enregistré à la Présidence du Sénat le 16 octobre 2024
RAPPORT
FAIT
au nom de la commission des lois constitutionnelles,
de législation, du suffrage universel, du Règlement et
d'administration générale (1) sur la proposition de loi organique
visant à reporter le
renouvellement général des
membres du
congrès
et des
assemblées de
province de la Nouvelle-Calédonie
(procédure accélérée),
Par M. Philippe BAS et Mme Corinne NARASSIGUIN,
Sénateur et Sénatrice
(1) Cette commission est composée de : M. François-Noël Buffet (2), président ; M. Christophe-André Frassa, Mme Marie-Pierre de La Gontrie, MM. Marc-Philippe Daubresse, Jérôme Durain, Thani Mohamed Soilihi, Mme Cécile Cukierman, MM. Dany Wattebled, Guy Benarroche, Mme Nathalie Delattre, vice-présidents ; Mmes Agnès Canayer, Muriel Jourda, M. André Reichardt, Mme Isabelle Florennes, secrétaires ; MM. Jean-Michel Arnaud, Philippe Bas, Mme Nadine Bellurot, MM. Olivier Bitz, François Bonhomme, Hussein Bourgi, Ian Brossat, Christophe Chaillou, Mathieu Darnaud, Mmes Catherine Di Folco, Françoise Dumont, Jacqueline Eustache-Brinio, Françoise Gatel, Laurence Harribey, Lauriane Josende, MM. Éric Kerrouche, Henri Leroy, Stéphane Le Rudulier, Mme Audrey Linkenheld, MM. Alain Marc, Hervé Marseille, Michel Masset, Mmes Marie Mercier, Corinne Narassiguin, M. Paul Toussaint Parigi, Mme Olivia Richard, MM. Teva Rohfritsch, Pierre-Alain Roiron, Mmes Elsa Schalck, Patricia Schillinger, M. Francis Szpiner, Mmes Lana Tetuanui, Dominique Vérien, M. Louis Vogel, Mme Mélanie Vogel.
Voir les numéros :
Sénat : |
759 (2023-2024) et 39 (2024-2025) |
(2) M. François-Noël Buffet a été nommé membre du Gouvernement le 21 septembre 2024.
L'ESSENTIEL
Après la présentation et l'adoption, en mai 2024, du projet de réforme constitutionnelle du gouvernement de l'époque tendant à procéder à un dégel partiel du corps électoral spécial dans la perspective des élections provinciales, une crise profonde a été déclenchée en Nouvelle-Calédonie.
De violentes émeutes ont éclaté sur le territoire calédonien, entraînant la déclaration de l'état d'urgence le 16 mai 2024. Ces émeutes ont provoqué le décès de 13 personnes, parmi lesquelles plusieurs gendarmes. Au-delà des violences, l'activité du territoire a été bloquée pendant plusieurs semaines, entraînant une dégradation sans précédent de la situation économique et sociale de la Nouvelle-Calédonie.
Dans ce contexte, la proposition de loi organique visant à reporter le renouvellement général des membres du congrès et des assemblées de province de la Nouvelle-Calédonie, déposée par Patrick Kanner et plusieurs de ses collègues du groupe Socialiste, écologiste et républicain, vise à reporter les élections aux assemblées provinciales et au Congrès au plus tard au 30 novembre 2025. Celles-ci, qui devaient initialement se tenir le 12 mai 2024, ont déjà fait l'objet d'un premier report au plus tard au 15 décembre 2024, dans l'objectif de permettre la conclusion d'un accord entre les différentes parties prenantes calédoniennes et l'État ainsi que l'aboutissement de la réforme du corps électoral.
Après avoir pris connaissance de l'avis du Conseil d'État demandé par le Président du Sénat, la commission des lois a constaté que le dispositif proposé satisfaisait aux exigences constitutionnelles. Elle a approuvé le report des élections provinciales, le considérant comme nécessaire au vu de l'inquiétante dégradation économique et sociale et de la nécessité de renouer le dialogue pour tenter d'aboutir à un accord entre l'ensemble des parties prenantes. Elle a donc adopté le texte, après l'avoir modifié par l'adoption de trois amendements des rapporteurs.
I. UN NOUVEAU REPORT DES ÉLECTIONS AUX ASSEMBLÉES DE PROVINCE ET AU CONGRÈS DU FAIT DE LA CRISE TRAVERSÉE PAR LA NOUVELLE-CALÉDONIE
A. LA NOUVELLE-CALÉDONIE TRAVERSE UNE CRISE DEPUIS MAI 2024, DANS UN ENVIRONNEMENT ÉCONOMIQUE ET SOCIAL DÉGRADÉ ET UN CONTEXTE MARQUÉ PAR LE PROJET DE RÉFORME DU CORPS ÉLECTORAL
Le 29 janvier 2024, parallèlement à un projet de loi reportant les élections provinciales de Nouvelle-Calédonie de mai à décembre 2024, le Gouvernement a adopté en conseil des ministres un projet de loi constitutionnelle visant à modifier la composition du corps électoral pour les élections provinciales. Modifié par le Sénat le 2 avril 2024, puis adopté en des termes identiques par l'Assemblée nationale le 14 mai 2024, le texte prévoyait un dégel partiel du corps électoral spécial, en permettant aux électeurs inscrits sur la liste électorale générale de Nouvelle-Calédonie y étant nés ou y étant domiciliés depuis au moins dix années d'y participer.
L'adoption par l'Assemblée nationale et le Sénat de ce texte a déclenché une profonde crise sur l'archipel à compter du mois de mai 2024. De violentes émeutes ont en effet éclaté, donnant lieu à des pillages ou à des attaques à l'encontre des membres des forces de l'ordre, entraînant la mise en place d'un couvre-feu à Nouméa dès le 14 mai. À la suite du décès de quatre personnes la nuit du 15 mai, dont un gendarme, l'état d'urgence a été déclaré sur le territoire calédonien le 16 mai 2024.
Près de cinq mois plus tard, l'archipel reste encore profondément marqué par cette crise, qui a provoqué le décès de 13 personnes à ce jour, alors que des violences affectent encore le territoire. Plusieurs mesures visant à rétablir l'ordre public demeurent encore en vigueur, tel que le couvre-feu, prolongé à ce jour jusqu'au 21 octobre 2024. Sur le plan économique, ces troubles ont de plus provoqué la perte de l'ordre de 6 000 emplois, ainsi que la destruction de nombreuses infrastructures publiques et privées (écoles, routes, hôpitaux, etc.). Le coût économique de la crise était ainsi estimé à plus de deux milliards d'euros au début du mois de juillet 2024.
Le projet de loi constitutionnelle portant modification du corps électoral pour les élections au congrès et aux assemblées de province de la Nouvelle-Calédonie a depuis lors été abandonné, le Premier ministre Michel Barnier ayant annoncé, durant son discours de politique générale du 1er octobre 2024, que « le projet de loi constitutionnelle sur le dégel du corps électoral adopté en mai dernier par les assemblées parlementaires ne sera[it] pas soumis au Congrès ».