II. LES OBSERVATIONS DU RAPPORTEUR SPECIAL

1. Une revalorisation du point PMI toujours inférieure à l'inflation

Les deux principales pensions servies par la mission « Anciens combattants » sont indexées sur le « point de pension militaire d'invalidité » (point PMI).

Depuis 2005, la valeur du point de pension militaire d'invalidité (PMI) est révisée proportionnellement à l'évolution de l'indice Insee des traitements bruts de la fonction publique de l'État. Il était jusqu'en 2022 revalorisé selon le principe du « rapport constant », auquel s'est désormais substituée une revalorisation fixe au début de chaque année civile.

Au 1er janvier 2023, la valeur du point PMI est passé de 15,05 euros à 15,63 euros, soit une augmentation de 3,85 %, à mettre en regard d'une inflation à 4,8 % sur la même période. Les revalorisations du point PMI sont systématiquement inférieures à l'inflation depuis 2012.

Du fait toutefois de l'augmentation du nombre de points PMI de la retraite du combattant6(*), cette dernière connait une évolution supérieure à celle de l'inflation depuis 2012. Elle reste cependant modeste en valeur absolue (812,76 euros annuels au 1er janvier 2023).

En revanche, la revalorisation du point d'indice plus faible que l'inflation conduit in fine à une perte de pouvoir d'achat pour les invalides de guerre, dont le nombre de points est déterminé par leur degré d'invalidité. Cette problématique est particulièrement prégnante pour les personnes lourdement invalides dont la pension constitue une source de revenus essentielle voire unique.

À ce titre, le rapporteur spécial réitère son souhait d'une réflexion dur l'évolution des pensions.

2. Une meilleure anticipation du montant du point PMI dans le budget initial est nécessaire

Depuis le décret 2022-128 du 4 février 2022, le point PMI est revalorisé annuellement, selon l'évolution des rémunérations publiques intervenue entre le 1er juillet de l'année n- 2 et le 30 juin de l'année n- 1, la nouvelle valeur s'appliquant à compter du 1er janvier de l'année concernée.

Ainsi, à titre d'exemple, la revalorisation intervenue au 1er janvier 2024 est sensé prendre en compte les revalorisations des rémunérations publiques intervenues entre le 1er juillet 2022 et le 30 juin 2023.

Si ce modèle semble satisfaisant à premier égard, une difficulté liée au calendrier de l'évolution des rémunération publique se pose : face à l'inflation, le Gouvernement à par deux fois, en 2022 et 2023, décidé d'une mesure de revalorisation globale des rémunérations publiques prenant effet au 1er juillet.

Cette date d'entrée en vigueur avait en principe pour conséquence, à 24h près, de repousser d'un an le bénéfice, pour les anciens combattants, de la revalorisation du point d'indice associée. Dans les deux cas, lors des revalorisation des 1er janviers 2023 et 2024, le Gouvernement a fait preuve de souplesse et accepté de prendre en compte la revalorisation du 1er juillet de l'année n- 1.

Cependant, ce faisant, les crédits rendus nécessaires par cette revalorisation n'apparaissent pas dans le PLF. Cela a été le cas pour 2023 et cette non prise en compte explique la surexécution de la mission au regard de la programmation initiale, et la même situation se présente pour l'année 2024. La situation pour 2024 est par ailleurs d'autant plus inquiétante que les réserves du CAS Pensions ont déjà été mobilisées en 2023 et que le décret d'annulation de 10 milliards d'euros de février 2024 a réduit de 17 millions d'euros les crédits - déjà sous-évalués - du programme 169.

La situation apparaît difficilement satisfaisante et la prise en compte en PLF des revalorisations générales des rémunération publique intervenues début juillet apparait nécessaire à l'établissement d'une programmation budgétaire sincère des crédits du programme 169, a fortiori lorsque la décision politique de prendre en compte cette revalorisation a été prise.

3. Un montant important de dépenses en lien avec les objectifs de la mission est financé par d'autre vecteurs

Les politiques portées par la mission « Anciens combattants, mémoire et liens avec la Nation » sont abondées par :

- des crédits relevant formellement d'autres missions budgétaires, dont notamment la mission « Défense » ;

- des dépenses fiscales importantes, s'élevant à plus de 650 millions d'euros.

- divers autres financements provenant de l'Union européenne et de collectivités territoriale pour l'action « lien armées-jeunesse » du programme 169.

Les ministères ont considérablement réduit les informations communiquées ces dernières années dans les documents annexés aux projets de loi de finances qui ne comportent plus d'éléments permettant d'apprécier les moyens totaux des politiques publiques rattachées à la mission budgétaire. Cela est particulièrement préjudiciable pour les politiques de l'action « lien armée-jeunesse » (JDC et SMV) dont plus de 80 % du financement est finalement extérieur à la mission.

a) Des dépenses fiscales rattachées à la mission estimées à 30 % des crédits inscrits dans son budget

Les anciens combattants bénéficient d'un régime fiscal spécifique et favorable. Le coût de ce régime dérogatoire est évalué par le rapport annuel de performances annexé au projet de loi de règlement à 621 millions d'euros (en baisse de 20 millions d'euros par rapport à 2022), soit 32 % du montant du budget de la mission en 2023.

La totalité de la dépense fiscale bénéficie aux anciens combattants et victimes de guerres. La seule demi-part fiscale dont bénéficient les anciens combattants et leurs veuves à partir de 74 ans représente 78,7 % de cette dépense fiscale. Le montant de la dépense fiscale en valeur absolue ne cesse de diminuer d'une année sur l'autre, dans des proportions similaires aux crédits de la mission, pour les mêmes raisons d'érosion de la population des bénéficiaires.

Le gouvernement a indiqué souhaiter mener une évaluation des dépenses fiscales de la mission en 2024, ce qu'il faut saluer au regard de leur importance dans l'effort de la Nation envers les anciens combattants.

b) Les crédits budgétés sur d'autres missions servant à la mise en oeuvre des politiques de la mission « Anciens combattants »

En ce qui concerne les crédits issus d'autres missions budgétaires, ils correspondent principalement aux dépenses de personnel acquittées par le ministère de la défense pour organiser la journée défense et citoyenneté (JDC) et le service militaire volontaire (SMV). Le coût total de la JDC et du SMV s'élevait à 157 millions d'euros en 2022, alors que la LFI pour 2022 ne prévoit que 23,6 millions d'euros pour ces deux dispositifs. Pour 2023, le cout de ces deux dispositifs doit également s'élever à environ 150 millions d'euros, pour une programmation initiale en LFI de 24,4 millions d'euros.

L'organisation du SMV bénéficie également du soutien de certaines collectivités territoriales. Cependant, seul le soutien de la région Grand-Est est comptabilisé dans le cadre de la documentation budgétaire.

Le SMV dispose également de financements très significatifs du Fonds social européen. Les modalités de versement des crédits européens expliquent une sous-exécution significative de l'action face aux crédits effectivement disponibles (54,8 millions d'euros disponibles pour une exécution de 35,4 millions d'euros).

Le rapporteur spécial regrette une fois de plus qu'il ne soit pas possible de connaitre le coût d'exécution réel des politiques portées - en l'espèce le SMV - par la mission sur la base des documents budgétaires s'y rattachant, a fortiori lors de l'examen de la loi de règlement.


* 6 La retraite du combattant comptait 48 points PMI en 2012 et en compte 52 en 2023.

Les thèmes associés à ce dossier

Partager cette page