II. LES OBSERVATIONS DU RAPPORTEUR SPÉCIAL

A. LES DÉPENSES D'INVESTISSEMENT SONT SOUS-EXÉCUTÉES, ALORS MÊME QUE LE RENOUVELLEMENT ET L'EXTENSION DE LA FLOTTE AÉRIENNE DE LA SÉCURITÉ CIVILE DOIVENT ÊTRE ACCÉLÉRÉS

1. La sous-exécution importante des dépenses d'investissement met en lumière un certain retard dans le renouvellement de la flotte aérienne de la sécurité civile

Les dépenses d'investissement engagées en 2023 s'élèvent à 77,4 millions d'euros en CP, soit un montant très éloigné de celui ouvert lors de la programmation budgétaire, qui s'élevait à 140 millions d'euros.

Comme évoqué supra, l'écart de 44 % entre la budgétisation initiale et l'exécution des crédits d'investissement s'explique notamment par le report de 24 millions d'euros en CP destinés au financement d'une commande de Canadair. Lors de l'examen du projet de loi de finances pour 2023, ces crédits étaient venus abonder le programme 161 par un amendement du Gouvernement déposé en séance publique au Sénat. Le rapporteur spécial avait à l'époque fait part de son scepticisme sur la concrétisation rapide de cette commande. En effet, la chaîne de production des nouveaux modèles de Canadair n'était, à l'époque, pas opérationnelle, et elle n'a pas ailleurs toujours pas été relancée à ce jour5(*).

Il était donc prévisible que ces crédits ne puissent être exécutés en 2023, et leur non consommation montre bien que l'amendement du Gouvernement traduisait davantage un effet d'annonce qu'une réelle matérialisation de cette commande de Canadair.

Par ailleurs, d'après les informations recueillies par le rapporteur spécial, la livraison du premier appareil ne devrait pas intervenir avant 2027. Il est dès lors peu probable que les 24 millions d'euros de CP consacrés à cette commande, qui ont fait l'objet d'un report sur l'exercice suivant, puissent même être consommés en 2024.

2. Le renouvellement de la flotte aérienne est d'autant plus urgent dans un contexte de dégradation du taux de disponibilité des aéronefs

Les indicateurs de performance du programme 161 mettent en lumière la dégradation du taux de disponibilité des hélicoptères de la sécurité civile, qui s'élève à seulement 63,8 % en 2023, contre 90,7 % en 2022. Les raisons invoquées par la direction générale de la sécurité civile et de la gestion des crises (DGSCGC) sont « des difficultés majeures de mise en oeuvre du nouveau marché de maintien en condition opérationnelle des hélicoptères6(*) ». Ces difficultés avaient déjà eu de lourdes conséquences quant à la disponibilité technique et aux délais de régénération du potentiel de vol des appareils en 2022, comme l'avait mis en évidence le rapporteur spécial dans son rapport sur le projet de loi de règlement pour l'année 20227(*).

En ce qui concerne les avions de la sécurité civile, le taux d'alertes tenues, qui reflète la disponibilité opérationnelle de la flotte, s'élève à 89 % en 2023, en légère hausse par rapport à l'année 2022, où il s'élevait à 87,7 %. Toutefois, le rapporteur spécial relève que ce taux de disponibilité est sensiblement inférieur à la cible fixée pour l'année 2023, qui s'élevait à 98 %. Il convient en outre de relever que l'année 2024 pourrait se traduire par une dégradation importante du taux d'alertes tenues, après un été marqué par des défaillances du prestataire de maintenance des avions de la sécurité civile, Sabena Technics. Un mouvement de grève a en effet été lancé début juin par les techniciens de cette entreprise pour dénoncer leurs conditions de travail. Par conséquent, seulement 0 à 2 Canadair étaient disponibles au 15 juin 2024 sur les 12 appareils composant la flotte, ce qui ne permettait pas d'assurer la réponse opérationnelle et les entrainements des pilotes. Le nombre d'appareils disponibles s'est élevé à 9 appareils en juillet, ce qui, du point de vue du syndicat national du personnel navigant de l'aviation civile (SNPNAC), aurait été insuffisant en cas d'incendies comparables à ceux de l'été 2022.

En tout état de cause, le phénomène de dégradation de la disponibilité des aéronefs de la sécurité civile est particulièrement préoccupant dans un contexte de sollicitation croissante de la flotte. En effet, si la saison des feux de forêt de l'année 2023 se situe proche de la moyenne en termes d'hectares brûlée sur la période 2006-2021 (14 500 hectares contre 14 721), le nombre de départs de feu, 16 000 recensés en 2023, est largement supérieur à la moyenne constatée sur cette même période, qui s'élève à 11 176.

Face à ce constat, il est primordial que l'acquisition de nouveaux appareils de la flotte aérienne de la sécurité civile se concrétise. Ce renouvellement est d'autant plus urgent que le vieillissement de la flotte implique mécaniquement une immobilisation accrue des appareils, et partant, une moindre disponibilité opérationnelle.

Dans cette attente, la DGSCGC a eu recours à la location d'aéronefs bombardiers d'eau chaque été depuis 2020. Le rapporteur spécial a déjà eu l'occasion de souligner les limites du recours à la location d'aéronefs pour renforcer le dispositif, en raison notamment de son coût budgétaire important, et d'éventuelles difficultés d'intégration des appareils loués dans le dispositif aérien8(*). Si cette solution peut s'avérer efficace à court terme, elle ne doit évidemment pas dispenser la DGSCGC de poursuivre ses efforts pour le renouvellement et la diversification de sa flotte permanente de lutte contre les incendies.


* 5 Sur ce point, voir les développements du rapport d'information n° 838 (2022-2023), déposé le 5 juillet 2023 par M. Jean Pierre Vogel au nom de la commission des finances.

* 6 Rapport annuel de performances de la mission « Sécurités » pour l'année 2023.

* 7 Rapport n° 771 (2022-2023), tome II, annexe 29, volume 2, déposé le 28 juin 2023.

* 8 Sur ce point, voir les développements du rapport d'information n° 838 (2022-2023), déposé le 5 juillet 2023 par M. Jean Pierre Vogel au nom de la commission des finances.

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