N° 34

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 2024-2025

Enregistré à la Présidence du Sénat le 16 octobre 2024

RAPPORT

PRÉSENTÉ

au nom de la commission des finances (1) sur le projet de loi,
rejeté par l'Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée,
relative aux
résultats de la gestion et portant approbation des comptes
de l'année 2023,

Par M. Jean-François HUSSON,
Rapporteur général,

Sénateur

TOME II
CONTRIBUTION DES RAPPORTEURS SPÉCIAUX

ANNEXE N° 29b
Sécurités

(Programme 161 « Sécurité civile »)

Rapporteur spécial : M. Jean Pierre VOGEL

(1) Cette commission est composée de : M. Claude Raynal, président ; M. Jean-François Husson, rapporteur général ; MM. Bruno Belin, Christian Bilhac, Jean-Baptiste Blanc, Emmanuel Capus, Thierry Cozic, Bernard Delcros, Thomas Dossus, Albéric de Montgolfier, Didier Rambaud, Stéphane Sautarel, Pascal Savoldelli, vice-présidents ; M. Michel Canévet, Mmes Marie-Claire Carrère-Gée, Frédérique Espagnac, M. Marc Laménie, secrétaires ; MM. Arnaud Bazin, Grégory Blanc, Mme Florence Blatrix Contat, M. Éric Bocquet, Mme Isabelle Briquet, M. Vincent Capo-Canellas, Mme Marie-Carole Ciuntu, MM. Raphaël Daubet, Vincent Delahaye, Vincent Éblé, Rémi Féraud, Stéphane Fouassin, Mme Nathalie Goulet, MM. Jean-Raymond Hugonet, Éric Jeansannetas, Christian Klinger, Mme Christine Lavarde, MM. Antoine Lefèvre, Dominique de Legge, Victorin Lurel, Hervé Maurey, Jean-Marie Mizzon, Claude Nougein, Olivier Paccaud, Mme Vanina Paoli-Gagin, MM. Georges Patient, Jean-François Rapin, Mme Ghislaine Senée, MM. Laurent Somon, Christopher Szczurek, Mme Sylvie Vermeillet, M. Jean Pierre Vogel.

Voir les numéros :

Assemblée nationale (17ème législ.) : 3, 291 et T.A. 3

Sénat : 32 (2024-2025)

LES PRINCIPALES OBSERVATIONS
DU RAPPORTEUR SPÉCIAL

1. En 2023, l'exécution des crédits de paiement (CP) du programme 161 « Sécurité civile » s'est élevée à près de 674,5 millions d'euros, soit un montant inférieur aux 714,5 millions d'euros programmés en loi de finances initiale (LFI). Cette sous-consommation de près de 5,6 % s'explique en grande partie par le report sur l'année 2024 de plusieurs dépenses d'investissement consacrées au renouvellement de la flotte aérienne de la sécurité civile.

2. Les dépenses d'investissement ont été exécutées à hauteur de 77,4 millions d'euros en CP contre 140 millions d'euros ouverts en LFI pour 2023. La sous-exécution des dépenses de titre 5, de l'ordre de 44,7 %, est source de préoccupation dans un contexte où la sécurité civile doit investir massivement dans le renouvellement et l'extension de sa flotte aérienne pour répondre l'intensification du risque incendie. En outre, la dégradation du taux de disponibilité des aéronefs, aggravée par le vieillissement de la flotte, rend d'autant plus urgent l'acquisition de nouveaux appareils.

3. L'année 2023 a par ailleurs été marquée par l'engagement de 157,8 millions d'euros en AE et 32,3 millions d'euros en CP pour le lancement des pactes capacitaires entre l'État, les collectivités territoriales et les services d'incendie et de secours (SIS). Le rapporteur spécial se félicite de l'utilisation de cette enveloppe qui permettra aux SIS de renforcer leurs moyens opérationnels de lutte contre les incendies grâce notamment à l'acquisition de camions citernes feux de forêts (CCF).

4. Enfin, le rapporteur spécial regrette que le déploiement de NexSIS 18-112, projet informatique de mutualisation des systèmes d'information des SIS, ait de nouveau été retardé, alors même que l'année 2023 était censée marquer le déploiement du programme au sein des 9 premiers SIS.

I. L'EXÉCUTION DES CRÉDITS DU PROGRAMME EN 2023 

A. UNE EXÉCUTION DES CRÉDITS DU PROGRAMME 161 LÉGÈREMENT EN DEÇA DE LA PRÉVISION

Près d'1,16 milliard d'euros ont été exécutés en autorisation d'engagement (AE) en 2023 sur le programme « Sécurité civile », soit une hausse de 64,2 % par rapport à l'année 2022. L'augmentation des AE s'explique par l'engagement du renouvellement de la flotte d'hélicoptères de la sécurité civile, qui s'est traduite par l'ouverture d'un montant de crédits exceptionnellement élevé en loi de finances initiale (LFI).

En revanche, l'exécution pour 2023 en crédits de paiement (CP), qui s'élève à 674,5 millions d'euros, est relativement stable par rapport à l'année précédente (+ 3,3 %). Le montant des crédits finalement consommés en 2023 est inférieur de près de 40 millions d'euros en CP par rapport aux crédits votés en LFI. Cet écart entre la prévision et l'exécution, de l'ordre de 5,6 %, s'explique en grande partie par le report de certaines dépenses d'investissement sur l'année 2024 (cf. infra).

Exécution des crédits en 2023
pour le programme 161 « Sécurité civile »

(en millions d'euros, incluant les fonds de concours
et attributions de produits)

 

Crédits exécutés en 2022

Crédits votés en LFI 2023

Crédits exécutés en 2023

Écart entre les crédits exécutés
en 2022 et 2023

Écart entre l'exécution et les crédits ouverts en LFI pour 2023

AE

704

1 472

1 155,7

+ 64,2 %

- 21,5 %

CP

652,7

714,5

674,5

+ 3,3 %

- 5,6 %

Source : commission des finances du Sénat (d'après les documents budgétaires)

Évolution de la consommation des crédits de paiement
du programme 161

(en millions d'euros,
incluant les fonds de concours et attributions de produits)

Source : commission des finances du Sénat (d'après les documents budgétaires)

Le programme « Sécurité civile » a fait l'objet de mouvements de crédits relativement modestes en 2023, qui ont porté le total des crédits finalement disponibles à 751,3 millions d'euros en CP, soit une augmentation de 5,1 % par rapport au montant initialement budgété. Le programme 161 a plus particulièrement fait l'objet d'un report de 22,1 millions d'euros en AE et en CP de l'année 2022 vers l'année 2023. Il a en outre bénéficié d'un abondement de 31 millions d'euros en AE et en CP par l'intermédiaire de plusieurs fonds de concours, dont 27,6 millions d'euros destinés à la commande d'un avion bombardier d'eau intégralement financée par l'Union européenne.

Mouvements intervenus en cours de gestion 2023 
sur le programme « Sécurité civile »

(en millions d'euros)

Source : commission des finances du Sénat (d'après la Cour des comptes et les documents budgétaires)

B. LA SOUS-EXÉCUTION DES CRÉDITS RÉSULTE PRINCIPALEMENT DU REPORT EN 2024 DE CERTAINES DÉPENSES D'INVESTISSEMENT

La LFI pour 2023 a ouvert près de 790,9 millions d'euros en AE consacrés aux dépenses d'investissement - soit un montant environ 20 fois supérieur aux crédits d'investissement de la LFI pour 2022 - et 140 millions d'euros en CP, ce qui correspond à une hausse de 46,9 % par rapport à 2022.

La hausse des crédits d'investissement s'explique notamment par l'engagement du renouvellement de la flotte d'hélicoptères « Dragons » de la sécurité civile. La loi d'orientation et de programmation du ministère de l'Intérieur1(*) (LOPMI), a en effet prévu l'acquisition sur la période 2023 à 2027 de 36 appareils afin de renouveler la flotte actuelle vieillissante, pour un montant total de 411 millions d'euros.

Au total, 77,4 millions d'euros en CP ont été consommés sur le titre 5 en 2023, soit à peine 44,7 % des crédits ouverts. Concernant la commande d'hélicoptères, les 19,6 millions d'euros inscrits en CP ont été reportés sur 2024, compte tenu de la date tardive de notification du marché. Par ailleurs, les 24 millions d'euros en CP destinés à l'acquisition d'un avion bombardier d'eau ont également été reportés, faute de concrétisation de la commande de Canadair pourtant annoncée depuis plusieurs années (cf. infra).

L'année 2023 a néanmoins été marquée par la livraison du dernier des six avions Dash commandés en 2018. À cet effet, 41,4 millions d'euros ont été exécutés en CP2(*). Après règlement des 500 000 euros restants en 2024, le marché d'un montant total de 346,1 millions d'euros sera totalement exécuté.

Principaux investissements de la sécurité civile en 2023 (titre 5)

(en crédits de paiement et en millions d'euros)

Nature

Montant

En proportion des crédits d'investissement exécutés

Avion Dash

40,4

52,25 %

Véhicules et équipements spécialisés

14

18,1 %

Immobilier

8,9

11,5 %

Paiement du solde lié à l'acquisition de deux hélicoptères H145

8,8 

11,26 %

Source : commission des finances du Sénat (d'après la Cour des comptes et les documents budgétaires)

C. LA SURCONSOMMATION DES CRÉDITS DE FONCTIONNEMENT EST PRINCIPALEMENT DUE À L'INFLATION

Les dépenses de fonctionnement (titre 3) du programme 161 se sont élevées à 212,8 millions d'euros en CP, contre 189,2 millions d'euros ouverts en LFI pour 2023. La surconsommation des dépenses de fonctionnement (+ 16,75 %) est notamment induite, d'après la Cour des comptes3(*), par l'inflation qui a principalement pesé sur les dépenses de carburant.

Les crédits de titre 3 demeurent en grande partie consacrés aux dépenses de maintien en condition opérationnelle (MCO) des aéronefs, qui s'élèvent à 74,5 millions d'euros en 2023. Par ailleurs, près de 29,6 millions d'euros ont été consacrés à la location d'aéronefs dans le cadre du dispositif de lutte contre les feux de forêt.

D. LA PROGRESSION DES DÉPENSES D'INTERVENTION S'EXPLIQUE PAR LE DYNAMISME DE LA CONTRIBUTION DE L'ÉTAT AU BUDGET DE LA BRIGADE DES SAPEURS-POMPIERS DE PARIS

Les dépenses d'intervention se sont élevées à près de 181,3 millions d'euros en CP en 2023, soit un montant inférieur de 3,5 % au montant programmé en LFI (- 6,5 millions d'euros). Ces dépenses connaissent toutefois une progression de 8,3 % par rapport à l'année 2022.

La progression des dépenses d'intervention s'explique avant tout par le dynamisme de la contribution de l'État au financement de la brigade des sapeurs-pompiers de Paris (BSPP)4(*), qui a encore progressé cette année, s'élevant à 103,8 millions d'euros (+ 7 % par rapport à 2022). La contribution de l'État pour l'année 2023 est toutefois légèrement inférieure aux crédits programmés en LFI, qui s'élevaient à 104,9 millions d'euros. En hausse de 29 % depuis 2015, ce financement représente aujourd'hui près de 22 % des dépenses hors titre 2 du programme « Sécurité civile ».

E. DES DÉPENSES DE PERSONNEL EN LÉGÈRE HAUSSE EN RAISON DE DIVERSES MESURES DE REVALORISATION SALARIALE

Les dépenses de personnel se sont élevées à 198,8 millions d'euros en AE et en CP, contre 190,3 millions d'euros en 2022, soit une hausse de 4,54 %. Cet écart s'explique par la hausse du point d'indice, le relèvement de certains planchers de rémunération et diverses mesures catégorielles. Le montant des dépenses de titre 2 finalement exécutées apparait toutefois légèrement inférieur à la prévision de la LFI pour 2023, qui s'élevait à 201,8 millions d'euros.

Le plafond d'emplois du programme 161 fixé par la LFI pour 2023 était en légère hausse par rapport à celui prévu en LFI pour 2022, avec un total de 2 467 ETPT prévus, contre 2 463 ETPT l'année précédente. Le plafond d'emplois a été marqué, comme c'est le cas depuis 2015, par une légère sous-exécution, qui correspond cette année à - 5 ETPT.

Évolution de l'exécution du plafond d'emplois

(en ETPT)

 

2016

2017

2018

2019

2020

2021

2022

2023

Plafond d'emplois autorisé

2 402

2 450

2 483

2 498

2 479

2 490

2 463

2 467

Plafond d'emplois réalisé

2 379

2 411

2 444

2 454

2 454

2 470

2 438

2 462

Source : commission des finances, d'après les documents budgétaires

En ce qui concerne le schéma d'emplois, celui-ci a non seulement été réalisé, mais il a été largement dépassé, puisque 83 ETP ont été recrutés, contre 17 initialement prévus en LFI. Cet écart s'explique par l'engagement en 2023 des premiers recrutements nécessaires à la création d'une 4e unité d'instruction et d'intervention de la sécurité civile (UIISC), annoncée par le président de la République en octobre 2022 en réaction aux incendies qui ont frappé le pays cette même année.

II. LES OBSERVATIONS DU RAPPORTEUR SPÉCIAL

A. LES DÉPENSES D'INVESTISSEMENT SONT SOUS-EXÉCUTÉES, ALORS MÊME QUE LE RENOUVELLEMENT ET L'EXTENSION DE LA FLOTTE AÉRIENNE DE LA SÉCURITÉ CIVILE DOIVENT ÊTRE ACCÉLÉRÉS

1. La sous-exécution importante des dépenses d'investissement met en lumière un certain retard dans le renouvellement de la flotte aérienne de la sécurité civile

Les dépenses d'investissement engagées en 2023 s'élèvent à 77,4 millions d'euros en CP, soit un montant très éloigné de celui ouvert lors de la programmation budgétaire, qui s'élevait à 140 millions d'euros.

Comme évoqué supra, l'écart de 44 % entre la budgétisation initiale et l'exécution des crédits d'investissement s'explique notamment par le report de 24 millions d'euros en CP destinés au financement d'une commande de Canadair. Lors de l'examen du projet de loi de finances pour 2023, ces crédits étaient venus abonder le programme 161 par un amendement du Gouvernement déposé en séance publique au Sénat. Le rapporteur spécial avait à l'époque fait part de son scepticisme sur la concrétisation rapide de cette commande. En effet, la chaîne de production des nouveaux modèles de Canadair n'était, à l'époque, pas opérationnelle, et elle n'a pas ailleurs toujours pas été relancée à ce jour5(*).

Il était donc prévisible que ces crédits ne puissent être exécutés en 2023, et leur non consommation montre bien que l'amendement du Gouvernement traduisait davantage un effet d'annonce qu'une réelle matérialisation de cette commande de Canadair.

Par ailleurs, d'après les informations recueillies par le rapporteur spécial, la livraison du premier appareil ne devrait pas intervenir avant 2027. Il est dès lors peu probable que les 24 millions d'euros de CP consacrés à cette commande, qui ont fait l'objet d'un report sur l'exercice suivant, puissent même être consommés en 2024.

2. Le renouvellement de la flotte aérienne est d'autant plus urgent dans un contexte de dégradation du taux de disponibilité des aéronefs

Les indicateurs de performance du programme 161 mettent en lumière la dégradation du taux de disponibilité des hélicoptères de la sécurité civile, qui s'élève à seulement 63,8 % en 2023, contre 90,7 % en 2022. Les raisons invoquées par la direction générale de la sécurité civile et de la gestion des crises (DGSCGC) sont « des difficultés majeures de mise en oeuvre du nouveau marché de maintien en condition opérationnelle des hélicoptères6(*) ». Ces difficultés avaient déjà eu de lourdes conséquences quant à la disponibilité technique et aux délais de régénération du potentiel de vol des appareils en 2022, comme l'avait mis en évidence le rapporteur spécial dans son rapport sur le projet de loi de règlement pour l'année 20227(*).

En ce qui concerne les avions de la sécurité civile, le taux d'alertes tenues, qui reflète la disponibilité opérationnelle de la flotte, s'élève à 89 % en 2023, en légère hausse par rapport à l'année 2022, où il s'élevait à 87,7 %. Toutefois, le rapporteur spécial relève que ce taux de disponibilité est sensiblement inférieur à la cible fixée pour l'année 2023, qui s'élevait à 98 %. Il convient en outre de relever que l'année 2024 pourrait se traduire par une dégradation importante du taux d'alertes tenues, après un été marqué par des défaillances du prestataire de maintenance des avions de la sécurité civile, Sabena Technics. Un mouvement de grève a en effet été lancé début juin par les techniciens de cette entreprise pour dénoncer leurs conditions de travail. Par conséquent, seulement 0 à 2 Canadair étaient disponibles au 15 juin 2024 sur les 12 appareils composant la flotte, ce qui ne permettait pas d'assurer la réponse opérationnelle et les entrainements des pilotes. Le nombre d'appareils disponibles s'est élevé à 9 appareils en juillet, ce qui, du point de vue du syndicat national du personnel navigant de l'aviation civile (SNPNAC), aurait été insuffisant en cas d'incendies comparables à ceux de l'été 2022.

En tout état de cause, le phénomène de dégradation de la disponibilité des aéronefs de la sécurité civile est particulièrement préoccupant dans un contexte de sollicitation croissante de la flotte. En effet, si la saison des feux de forêt de l'année 2023 se situe proche de la moyenne en termes d'hectares brûlée sur la période 2006-2021 (14 500 hectares contre 14 721), le nombre de départs de feu, 16 000 recensés en 2023, est largement supérieur à la moyenne constatée sur cette même période, qui s'élève à 11 176.

Face à ce constat, il est primordial que l'acquisition de nouveaux appareils de la flotte aérienne de la sécurité civile se concrétise. Ce renouvellement est d'autant plus urgent que le vieillissement de la flotte implique mécaniquement une immobilisation accrue des appareils, et partant, une moindre disponibilité opérationnelle.

Dans cette attente, la DGSCGC a eu recours à la location d'aéronefs bombardiers d'eau chaque été depuis 2020. Le rapporteur spécial a déjà eu l'occasion de souligner les limites du recours à la location d'aéronefs pour renforcer le dispositif, en raison notamment de son coût budgétaire important, et d'éventuelles difficultés d'intégration des appareils loués dans le dispositif aérien8(*). Si cette solution peut s'avérer efficace à court terme, elle ne doit évidemment pas dispenser la DGSCGC de poursuivre ses efforts pour le renouvellement et la diversification de sa flotte permanente de lutte contre les incendies.

B. L'ANNÉE 2023 A ÉTÉ MARQUÉE PAR LA MISE EN oeUVRE DES PACTES CAPACITAIRES VISANT À FINANCER DES MOYENS OPÉRATIONNELS POUR LES SERVICES D'INCENDIE ET DE SECOURS

L'année 2023 a également été marquée par l'exécution de 157,8 millions d'euros en AE et 32,3 millions d'euros en CP pour le lancement des pactes capacitaires, qui permettent des projets d'investissements structurants pour les services d'incendie et de secours (SIS), dans le cadre de cofinancements entre l'État et les collectivités locales. Annoncés dans le cadre de la LOPMI, les pactes capacitaires devaient initialement être dotés d'une enveloppe totale de 30 millions d'euros sur cinq ans, financée par l'intermédiaire de la dotation de soutien aux investissements structurant des SDIS (DSIS²). La budgétisation initiale du programme 161 pour l'année 2023 prévoyait un montant de 8 millions d'euros en AE et d'1 million d'euros en CP. Une enveloppe de 150 millions d'euros en AE et 37,5 millions d'euros en CP a ensuite été ajoutée à cette ligne budgétaire en cours de discussion sur le PLF, à l'initiative du Gouvernement, afin de traduire les annonces du président de la République du 28 octobre 2022 d'un renforcement des moyens de lutte contre les feux de forêt à la suite des incendies qui ont frappé le pays lors de l'été 2022.

D'après la DGSCGC, près de 100 conventions ont été signées avec les différents SIS en 2023 au titre du pacte capacitaire, et deux enveloppes financières distinctes ont été exécutées dans ce cadre :

150 millions d'euros en AE et 32,1 millions d'euros en CP qui ont vocation à financer des moyens dédiés à la détection et de la lutte contre les feux de forêts ;

7,8 millions d'euros en AE et 0,15 million d'euros en CP au titre des moyens dédiés aux risques complexes ou émergents d'espaces naturels.

Le rapporteur spécial se félicite de la concrétisation de ces pactes capacitaires, qui doivent permettre aux SIS de bénéficier de prix avantageux pour le renouvellement de leurs véhicules, et notamment, de leurs camions citerne feux de forêt (CCF). Il avait toutefois été alerté, dans le cadre de ses auditions du PLF pour 2024, sur le fait que la limitation du nombre de modèles de véhicules disponibles dans le référentiel élaboré par la DGSCGC dans un but d'uniformisation des commandes, auraient conduit certains SIS à ne pas recourir au dispositif9(*). Il semble toutefois que cette situation n'ait concerné qu'un nombre très limité de SIS.

Le rapporteur spécial sera également attentif aux délais de livraisons des véhicules. Lors de ses travaux sur le PLF pour 2024, un risque de retard dans la livraison des CCF avait en effet été identifié, en raison de tensions rencontrées par les industriels sur les chaînes internationales d'approvisionnement.

C. LE DÉPLOIEMENT DU PROJET NEXSIS 18-112 TARDE À SE CONCRÉTISER

Les indicateurs de performance du programme 161 mettent en évidence un nouveau retard en 2023 dans le déploiement de NexSIS 18-112, projet de mutualisation des systèmes d'information des services d'incendie et de secours (SIS), dont la conception, le déploiement et la maintenance sont assurés par l'Agence du numérique de la sécurité civile (ANSC).

Le déploiement programme NexSIS a été fortement perturbé depuis 2021, en raison notamment de la persistance des conséquences de la crise sanitaire10(*). Entendu par le rapporteur spécial dans le cadre de l'examen du PLF pour 2023, l'ANSC avait indiqué que l'année 2023 marquerait le déploiement effectif du programme au sein des 9 premiers SIS, dont le SDIS préfigurateur de Seine-et-Marne. Force est toutefois de constater que le déploiement effectif du projet NexSIS n'a toujours pas été amorcé en 2023.

Pour expliquer ce retard, les documents budgétaires indiquent que l'ANSC aurait fait le choix de privilégier en 2023 une nouvelle stratégie fondée sur des « mises à l'épreuve du réel » (MER) au sein de certains SIS, ce qui impliquait de retarder de nouveau le déploiement définitif de la solution. Ces MER auraient permis d'identifier les paramétrages, corrections et ajustements fonctionnels nécessaires au bon fonctionnement du système, au prix d'un nouveau retard du calendrier de déploiement.

Le rapporteur spécial s'étonne de ce revirement stratégique, bien que cette approche puisse effectivement présenter un intérêt pour favoriser le déploiement de NexSIS dans de bonnes conditions. En effet, il ressortait de ses auditions sur le PLF pour 2023 que le retard accumulé dans le déploiement du programme risquait d'entamer la crédibilité de l'agence vis-à-vis des SIS. Or l'adhésion des SIS au projet est essentiel dans la mesure où le financement de NexSIS repose en partie sur leurs contributions volontaires. Toutefois cette préoccupation peut aujourd'hui être nuancée à la lumière des informations contenues dans les documents budgétaires, qui soulignent que les contributions financières de SIS au projet seraient en hausse par rapport à l'année 2022, malgré les retards successifs dans le déploiement du programme.


* 1 Loi n° 2023-22 du 24 janvier 2023 d'orientation et de programmation du ministère de l'intérieur.

* 2 Dont 1 million d'euros imputable sur les dépenses de titre 3.

* 3 Cour des comptes, Note d'analyse de l'exécution budgétaire 2023 - Mission « Sécurités ».

* 4 En application de l'article L. 2512-19 du code général des collectivités territoriales, l'État participe aux dépenses de fonctionnement de la BSPP. Cette participation est égale à 25 % des dépenses inscrites au budget spécial de la préfecture de police relatives à la rémunération des militaires (y compris alimentation, frais d'habillement, de transport et de missions), au service d'instruction et de santé, à l'entretien, la réparation et l'installation du matériel de lutte contre l'incendie, du matériel de transport, ainsi que du matériel de transmission.

* 5 Sur ce point, voir les développements du rapport d'information n° 838 (2022-2023), déposé le 5 juillet 2023 par M. Jean Pierre Vogel au nom de la commission des finances.

* 6 Rapport annuel de performances de la mission « Sécurités » pour l'année 2023.

* 7 Rapport n° 771 (2022-2023), tome II, annexe 29, volume 2, déposé le 28 juin 2023.

* 8 Sur ce point, voir les développements du rapport d'information n° 838 (2022-2023), déposé le 5 juillet 2023 par M. Jean Pierre Vogel au nom de la commission des finances.

* 9 Sur ce point, voir les développements du rapport général n° 115 (2022-2023), tome III, annexe 29, volume 2, déposé le 17 novembre 2022.

* 10 Ibid.

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