N° 2662 rectifié
CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958 SEIZIÈME LÉGISLATURE |
N° 631
SESSION ORDINAIRE DE 2023-2024 |
|
Enregistré à la Présidence de
l'Assemblée nationale |
Enregistré à la Présidence du Sénat le 28 mai 2024 |
RAPPORT
FAIT
au nom de la commission mixte paritaire(1)
chargée de proposer un texte sur les dispositions restant
en discussion de la proposition de loi
visant à
accroître le
financement des entreprises et
l'attractivité
de la
France,
PAR M. Alexandre HOLROYD, Député |
PAR M. Albéric de MONTGOLFIER, Sénateur |
(1) Cette commission est composée de : M. Claude Raynal, sénateur, président ; M. Éric Coquerel, député, vice-président ; M. Albéric de Montgolfier, sénateur, M. Alexandre Holroyd, député, rapporteurs.
Membres titulaires : MM. Jean-François Husson, Laurent Somon, Michel Canévet, Rémi Féraud, Bernard Buis, sénateurs ; MM. Daniel Labaronne, Benjamin Dirx, Kévin Mauvieux, Patrick Hetzel, Mohamed Laqhila, députés.
Membres suppléants : Mmes Christine Lavarde, Muriel Jourda, M. Vincent Capo-Canellas, Mme Florence Blatrix Contat, MM. Éric Bocquet, Louis Vogel, Thomas Dossus, sénateurs ; M. Jean-Philippe Tanguy, Mme Félicie Gérard, MM. Philippe Brun, Charles de Courson, députés.
Voir les numéros :
Assemblée nationale (16e législ.) : |
Première lecture : 2321, 2428 et T.A. 290 |
Sénat : |
Première lecture : 536,
574, 584, 585 et T.A.
124 (2023-2024) |
Mesdames, Messieurs,
Conformément au deuxième alinéa de l'article 45 de la Constitution et à la demande de M. le Premier ministre, une commission mixte paritaire chargée de proposer un texte sur les dispositions restant en discussion de la proposition de loi visant à accroître le financement des entreprises et l'attractivité de la France s'est réunie au Sénat le mardi 28 mai 2024.
La commission mixte paritaire a tout d'abord procédé à la désignation de son bureau, ainsi constitué : M. Claude Raynal, sénateur, président ; M. Éric Coquerel, député, vice-président ; M. Albéric de Montgolfier, sénateur, rapporteur pour le Sénat ; M. Alexandre Holroyd, député, rapporteur pour l'Assemblée nationale.
Étaient également présents MM. Jean-François Husson, Michel Canévet, Rémi Féraud et Bernard Buis, sénateurs titulaires, ainsi que MM. Daniel Labaronne, Benjamin Dirx, Kévin Mauvieux, Patrick Hetzel et Mohamed Laqhila, députés titulaires, Mme Florence Blatrix Contat, sénatrice suppléante, Mmes Christine Lavarde et Muriel Jourda et MM. Thomas Dossus et Louis Vogel, sénateurs suppléants, ainsi que M. Charles de Courson, député suppléant.
*
* *
La commission mixte paritaire a procédé à l'examen des dispositions restant en discussion.
M. Claude Raynal, sénateur, président. - Alors que la proposition de loi initiale comportait 14 articles, le texte adopté par l'Assemblée nationale et transmis au Sénat en comptait 19. Lors de l'examen du texte par le Sénat, 6 articles ont été adoptés conformes, 13 ont été modifiés et 10 articles ont été ajoutés. En conséquence, 23 articles restent en discussion sur les 29 articles composant le texte.
Comme il est de tradition, je vous rappelle qu'une commission mixte paritaire (CMP) est simultanément saisie du texte adopté par l'Assemblée nationale et du texte adopté par le Sénat. Elle peut, sur chaque article restant en discussion, choisir l'une ou l'autre des rédactions, ou retenir une rédaction de compromis, proposée par les rapporteurs ou par tout autre membre de la CMP. Pour simplifier nos débats, toutes les propositions de modification et de rédaction portent sur le texte du Sénat, celui-ci ayant été la dernière assemblée saisie.
M. Éric Coquerel, député, vice-président. - Je souhaite tout d'abord remercier le président Raynal pour son accueil. La proposition de loi visant à accroître le financement des entreprises et l'attractivité de la France, déposée par M. Alexandre Holroyd, que nous avions examinée à l'Assemblée nationale en première lecture, comportait à la fois des dispositions consensuelles comme celles qui sont relatives à la dématérialisation des titres de créance et d'autres dispositions qui ont suscité davantage d'opposition et de réserves, y compris de ma part. Il s'agit notamment de l'approche particulièrement libérale qui a consisté à ouvrir la faculté d'émission d'actions à droits de vote multiples, susceptible de renforcer le pouvoir de quelques actionnaires, ou encore des nouvelles conditions d'augmentation de capital sans droit préférentiel de souscription, de la dématérialisation de la tenue des assemblées générales ou des habilitations à légiférer par voie d'ordonnance introduites par le Gouvernement dans le texte, visant à proposer des modifications très larges du droit applicable aux instruments financiers, ce qui a suscité les réserves de l'Autorité des marchés financiers (AMF).
Au Sénat, le texte a évolué sans être fondamentalement transformé. Pour ce qui est des habilitations, elles ont tout au plus été précisées.
Les rapporteurs pour l'Assemblée nationale et pour le Sénat ont travaillé à élaborer une solution de compromis. Il reste à examiner les propositions qui ont été faites sur les points qui suscitent des oppositions ou des réserves, légitimes de mon point de vue.
M. Claude Raynal, sénateur, président. - Après l'intervention des deux rapporteurs de la CMP, je proposerai de laisser la parole à notre collègue sénateur Louis Vogel, qui, en première lecture au Sénat, était rapporteur pour avis au nom de la commission des lois, à qui la commission des finances avait délégué l'examen au fond des articles 1er, 3, 10 à 10 ter, 11 et 11 bis.
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur pour le Sénat. - Comme cela a été rappelé, le Sénat a été saisi après l'Assemblée nationale de la proposition de loi visant à renforcer le financement des entreprises et l'attractivité de la France. Ses dispositions touchent tant au droit des sociétés qu'au droit monétaire et financier. Je tiens d'ailleurs à saluer l'initiative de notre collègue député Alexandre Holroyd, auteur de ce texte, car ce n'est pas si souvent que nous pouvons aborder des sujets de droit bancaire, financier ou boursier dans un texte dédié.
Si certaines dispositions peuvent apparaître très techniques, touchant au fonctionnement des marchés, aux règles applicables aux acteurs financiers ou encore à celles des assemblées générales des entreprises, elles pourraient avoir un effet très concret sur l'attractivité de la place de Paris et, dans un second temps, sur le financement des entreprises, sujets sur lesquels la commission des finances avait commencé à travailler en amont du Brexit, avec la publication d'un rapport sur la stratégie de la place financière de Paris qui avait été suivi d'un certain nombre d'avancées.
Lors de l'examen de ce texte, le Sénat s'est une nouvelle fois inscrit dans une démarche constructive, poursuivant ainsi les travaux entamés par la commission des finances et par la commission des lois. Notre approche a été guidée par une double exigence : tout d'abord, celle de préserver l'équilibre entre l'attractivité financière de la place de Paris et la protection des acteurs qui y opèrent ; ensuite, celle d'orienter encore davantage le contenu de la proposition de loi vers le financement des petites et des moyennes entreprises (PME) et des entreprises de taille intermédiaire (ETI).
Cela s'est traduit par l'adoption de plusieurs dispositifs. Je pense, par exemple, à l'assouplissement des critères d'éligibilité des entreprises cotées au plan d'épargne en actions (PEA) destiné au financement des PME et des ETI, le PEA-PME, qui ne fonctionne pas très bien aujourd'hui ; à l'éligibilité des droits préférentiels de souscription au PEA ; à l'éligibilité des titres de sociétés de capital-risque à divers produits financiers ou encore à l'assouplissement de la composition de l'actif des fonds communs de placement d'entreprise (FCPE). J'ajouterai à cette liste l'adoption en séance d'un amendement du Gouvernement visant à être habilité à légiférer par voie d'ordonnance pour définir un cadre juridique solide et clair pour l'acquisition de fractions d'actions, sujet qui a suscité des débats.
Nous n'avons pas oublié que l'attractivité de la place financière de Paris allait de pair avec une régulation adéquate et rigoureuse. C'est d'ailleurs l'un des arguments aujourd'hui avancés par les établissements financiers quand ils justifient leur choix de s'installer à Paris. Je n'ai donc qu'un regret sur cette proposition de loi, l'absence d'un titre dédié à cette régulation, sujet sur lequel nous avions travaillé avec le rapporteur général Jean-François Husson dans le cadre de la proposition de loi tendant à renforcer la protection des épargnants. Vous le savez, la protection des épargnants est un sujet qui me tient particulièrement à coeur, car il est le contrepoids nécessaire au renforcement de l'attractivité.
Dans cette recherche d'équilibre, je tiens également à souligner les améliorations que le Sénat a pu apporter au texte grâce aux travaux de la commission des lois, en particulier de son rapporteur Louis Vogel, avec qui j'ai pu échanger en toute transparence et en parfaite intelligence. Ainsi le Sénat, comme la commission des lois l'y a invité, a pleinement soutenu la création d'actions à droits de vote multiples dans le cadre des introductions en bourse - dispositif dont je précise qu'il est encadré -, tout en renforçant les garanties prévues pour les actionnaires et les acteurs de marché. Notre assemblée a également renforcé les dispositifs permettant de faciliter le fonctionnement dématérialisé des organes sociaux, dans des conditions sécurisées pour les entreprises.
J'en viens aux principales modifications opérées sur le texte adopté par le Sénat concernant les 19 articles relevant de la compétence de la commission des finances et restant en discussion. Nous nous sommes rapidement accordés sur le fait de vous proposer d'adopter la majorité d'entre eux dans leur version issue des travaux du Sénat, sous réserve de quelques ajustements rédactionnels ou de coordination. Des modifications plus substantielles ont été apportées à quatre d'entre eux. Je me dois de saluer une nouvelle fois le rapporteur Alexandre Holroyd pour la qualité de nos échanges, pour sa disponibilité et pour avoir accepté que nous retravaillions ensemble plusieurs dispositifs.
Je citerai deux exemples. Le premier concerne la demande d'habilitation du Gouvernement à légiférer par voie d'ordonnance pour réformer le cadre juridique applicable aux organismes de placement collectif (OPC). La commission des finances avait supprimé l'article 10 quater, car le périmètre de l'ordonnance était bien trop large. En effet, il revenait à donner un blanc-seing au Gouvernement, pour « réformer, simplifier, moderniser » les règles applicables aux OPC, qu'il s'agisse de leur vie sociale, de leurs organes de gouvernance ou de leurs opérations.
Je ne vous avais pas caché mon agacement quand le Gouvernement, faisant fi du vote de la commission, avait proposé de rétablir cet article à l'identique en séance. Le Sénat avait largement sous-amendé l'amendement du Gouvernement, en proposant de restreindre la durée de l'habilitation ainsi que son champ. Je me réjouis que nous ayons pu trouver un accord avec Alexandre Holroyd sur ce point extrêmement technique, sous réserve de quelques précisions. Je ne suis pas hostile au fait de légiférer par ordonnance quand le sujet s'y prête, comme c'est le cas ici, mais à la condition que la demande d'habilitation soit encadrée.
Le second changement substantiel concerne le plafonnement des indemnités de licenciement des preneurs de risques, autrement dit les traders. Je vous avais exposé mes motivations : c'est un enjeu d'attractivité majeur pour la place financière de Paris, enjeu que notre commission avait déjà relevé dans le rapport précité de 2017, sur la place de Paris après le Brexit. Je vous avais également fait part des doutes du Gouvernement et des miens quant à la rédaction que nous avions proposée au Sénat, porteuse de risques juridiques.
À nouveau, je veux remercier le rapporteur Alexandre Holroyd pour son engagement : nous sommes parvenus à une rédaction de compromis qui nous semble plus sécurisée juridiquement. Elle ne concerne tout d'abord que les indemnités octroyées par le juge pour un licenciement sans cause réelle et sérieuse - ces indemnités étant déjà plafonnées par le « barème Pénicaud ». Le champ des salariés concernés est par ailleurs réduit aux seuls traders ainsi qu'à leurs responsables directs, et le mécanisme de plafonnement prend bien davantage en compte l'ancienneté et donc l'impératif de réparer le préjudice subi par le salarié.
Pour résumer, je crois que nous pouvons nous féliciter des apports de cette proposition de loi et de l'accord que nous vous proposons.
M. Alexandre Holroyd, rapporteur pour l'Assemblée nationale. - Je vous remercie pour votre accueil ce matin et souhaite que nous puissions adopter un texte commun sur la proposition de loi visant à accroître le financement des entreprises et l'attractivité de la France, que j'ai déposée sur le Bureau de l'Assemblée nationale au début du mois de mars dernier et que nos deux chambres ont approuvée au cours des dernières semaines, au terme de débats parfois techniques, mais toujours révélateurs de l'opinion des uns et des autres sur la compétitivité de la place de Paris.
Grâce à la qualité des échanges que nous avons eus avec les personnes que nous avons auditionnées, avec la direction générale du Trésor et surtout entre nous, rapporteurs des commissions des finances des deux assemblées et de la commission des lois du Sénat, je crois pouvoir dire que nous avons amélioré tant la portée pratique que la sécurité juridique du texte, qui est passé de 14 à 29 articles.
Nos négociations préalables à la réunion de cette commission mixte paritaire se sont inscrites dans le droit fil de cette recherche d'efficacité et de rigueur pour les mesures prévues par la proposition de loi.
Le titre Ier, relatif au renforcement des capacités de financement des entreprises depuis la France, a été l'objet de nombreux enrichissements au cours des travaux de la Haute Assemblée. Je me réjouis de leur pertinence, qui nous permettra d'en conserver la plupart. Aussi les rapporteurs que nous sommes ne vous proposeront-ils que des ajustements marginaux.
Le titre II est afférent à la transférabilité et à la convertibilité des lettres de change, billets à ordre et autres warrants sous forme électronique, pour un gain de temps et de confiance, donc de ressources financières, en faveur des importateurs et des exportateurs internationaux, ainsi que des établissements de crédit et des assurances. Ses quatre articles n'ont certes pas été adoptés en termes conformes, mais nous gardons tous les apports techniques de la Haute Assemblée.
S'agissant du titre III, nous avons obtenu un équilibre satisfaisant, non pas tant entre la rédaction de l'Assemblée nationale et celle du Sénat, car nous n'avons jamais été en désaccord sur la plupart des diagnostics et sommes pareillement attachés au bon fonctionnement des entreprises, mais plutôt entre la volonté de moderniser leur gouvernance et celle que cette simplification ne retire aucun droit aux actionnaires minoritaires.
C'est ainsi que, par exemple à l'article 10, nous préservons un droit d'opposition large au recours à des consultations écrites électroniques en lieu et place d'une réunion du conseil, mais évitons de compliquer la vie des sociétés par des contraintes pratiques disproportionnées ou des risques contentieux qui nuiraient à notre objectif, à savoir l'attractivité de la France.
Par ailleurs, à la suite de nos échanges avec les administrations compétentes, nous proposons quelques ajustements et compléments très circonscrits aux précisions bienvenues apportées par le Sénat à l'habilitation à légiférer par ordonnance en matière d'organismes de placement collectif, sollicitée par le Gouvernement, qui figure à l'article 10 quater. Un même pragmatisme nous conduit à vous proposer, au terme d'un travail mené avec les services de la Chancellerie, une rédaction modifiée de l'article 10 sexies. Cette rédaction donnera son caractère opératoire à la réduction souhaitée des délais d'examen des recours formés contre certaines décisions de l'AMF.
Le titre IV présente un caractère technique et prévoit l'entrée en vigueur du texte et son application outre-mer.
M. Louis Vogel. - Je tiens tout d'abord à remercier tous ceux qui ont travaillé sur ce texte, au premier rang desquels Alexandre Holroyd, auteur du texte et rapporteur pour l'Assemblée nationale, les membres de la commission des finances de l'Assemblée nationale, ceux des commissions des finances et des lois du Sénat, et Albéric de Montgolfier, rapporteur pour le Sénat.
Il est important de noter que cette proposition de loi intervient dans un contexte certes favorable pour la place de Paris, qui est désormais la première en Europe, devant Londres, mais aussi au moment où de nombreux pays assouplissent leur législation et entrent en concurrence frontale avec nous, comme les Pays-Bas ou le Royaume-Uni. La concurrence entre les droits est donc forte.
Cette proposition de loi nous permet d'améliorer notre compétitivité et in fine notre attractivité. Elle fait suite à d'autres textes qui avaient la même vocation sur d'autres aspects, et devra, à mon sens, être suivie par d'autres mesures. En effet, l'attractivité ne saurait se résumer au droit des sociétés et il faut également prendre en compte le coût du travail, la protection sociale et la fiscalité, entre autres critères.
Les articles sur lesquels la commission des lois du Sénat a reçu une délégation au fond offrent aux entreprises de nouvelles possibilités juridiques. Il s'agit notamment de l'article 1er, qui permet la création d'actions dotées de droits de vote multiples ; de l'article 3, qui prévoit un assouplissement des modalités d'augmentation de capital sans droit préférentiel de souscription ; et de l'article 10, qui permet une extension du recours à la dématérialisation des modalités de décision du conseil d'administration, du conseil de surveillance et de l'assemblée générale des actionnaires.
Lors de l'examen du texte au Sénat, il n'y a pas eu de remise en cause des principes traditionnels du droit français des sociétés. Je me suis en effet opposé à tous les amendements allant dans ce sens, le texte proposé n'ayant pas cet objet.
En revanche, le Sénat, sur l'initiative de la commission des lois, a adopté plusieurs modifications, qui me paraissent importantes. À l'article 1er, les amendements adoptés par le Sénat ont permis de renforcer certaines garanties pour les actionnaires, en complétant le champ des catégories de résolutions pour lesquelles les droits de vote multiples n'ont pas vocation à s'appliquer et en assurant la bonne information des acteurs de marché sur les modalités de recours à ces actions de préférence.
À l'article 10, le Sénat a entendu renforcer l'opérationnalité des dispositifs de consultation dématérialisée des organes sociaux, tout en veillant à la sécurité juridique des décisions prises, en supprimant les nouveaux cas de nullité créés par le texte, alors que l'article 11 bis vise à habiliter le Gouvernement à refondre le régime des nullités pour le simplifier.
Dans le même temps, nous avons veillé à améliorer la protection des actionnaires minoritaires en adoptant, notamment, l'article 10 bis A, qui vise à renforcer l'efficacité des procédures contentieuses pour les rendre plus rapides.
Je me félicite que, sur ces articles, la plupart des apports du Sénat soient conservés dans le projet de texte de compromis présenté par nos rapporteurs. Les propositions de rédaction qui vous seront soumises concernant ces articles ne remettent pas en cause les équilibres trouvés.
En particulier, s'agissant de l'article 1er, j'ai été convaincu par les arguments d'Alexandre Holroyd sur la nécessité de ne pas prévoir de plafond aux droits de vote associés aux actions de préférence sur les marchés réglementés.
S'agissant de l'article 10, la préservation d'un droit pour tout membre du conseil d'administration de s'opposer à une procédure de consultation écrite, comme l'avait souhaité l'Assemblée nationale, paraît constituer une garantie raisonnable dès lors que le dispositif, comme l'avait souhaité le Sénat, peut être appliqué dans l'ensemble des sociétés anonymes et n'est pas réservé à celles où la présidence du conseil d'administration et la direction générale sont assurées par des personnes différentes.
Ce texte doit nous permettre d'être compétitifs, d'attirer de nouvelles entreprises en France, mais aussi d'empêcher le départ d'entreprises vers des places autrement plus « agressives » juridiquement parlant, sans remettre en cause, encore une fois, les grands principes de notre droit des sociétés.
M. Charles de Courson, député. - Le bénéficiaire d'actions à droits de vote multiples pourrait se voir octroyer jusqu'à 25 voix par action. Par conséquent, avec une minorité d'actions, ils pourraient être majoritaires en voix. Qu'avez-vous prévu pour éviter que ces bénéficiaires n'abusent de leur pouvoir ? Par exemple, si un bénéficiaire détient 5 % des actions et plus de 50 % des voix, peut-il décider d'augmenter considérablement la rémunération des dirigeants plutôt que de distribuer les dividendes ?
M. Alexandre Holroyd, rapporteur pour l'Assemblée nationale. - Nous aurons l'occasion de revenir sur ce sujet. Le cas de figure que vous évoquez existerait dans le cas où un actionnaire détiendrait 51 % des actions et pourrait ainsi abuser de son pouvoir d'actionnaire majoritaire, situation que permet déjà le droit commun. En outre, il y a déjà en France des droits de vote doubles qui peuvent permettre qu'un actionnaire détienne 25 % du capital et 50 % des voix.
Toutefois, un encadrement est prévu grâce à des exceptions très précises pour l'application des droits de vote multiples. L'Assemblée nationale et le Sénat ont souhaité le renforcer.
De manière plus fondamentale, la décision d'investir dans une entreprise cotée relève de la liberté de l'investisseur, qui souhaite s'engager dans un projet de croissance et qui peut le valoriser en fonction des droits de gouvernance qui sont les siens.
Pour reprendre votre exemple de la distribution des dividendes, certaines grandes entreprises de tech américaines exerçant les droits de vote multiples ont fait le choix de ne pas fournir de dividendes pendant les premières années. Les investisseurs ont choisi de les soutenir non pas pour la rémunération sur les dividendes, mais pour une rémunération issue de la valorisation de l'action.
Selon moi, il faut laisser à l'investisseur le choix d'investir. Évitons de surtransposer le droit européen, qui prévoit que les droits de vote multiples doivent être plafonnés sur les systèmes multilatéraux de négociation, mais pas sur les marchés réglementés. La proposition de loi se tient à cette philosophie en laissant leur liberté aux investisseurs sur les marchés réglementés.
M. Éric Coquerel, député, vice-président. - Si l'on poussait votre logique jusqu'au bout, les sociétés finiraient par ne plus être encadrées par le droit. L'initiative finirait par prévaloir contre tout. En ce qui me concerne, je n'ai toujours pas compris pourquoi est proposé un multiplicateur de vingt-cinq, alors que l'Autorité des marchés financiers recommande un multiplicateur maximal de dix. Vous nous répondez que le plafond ne sera jamais atteint, mais nous n'avons aucune assurance en la matière. Un multiplicateur à vingt-cinq augmentera de manière considérable le pouvoir de certains actionnaires, qui ne seront d'ailleurs pas forcément ceux qui ont été à l'initiative de la société.
M. Louis Vogel. - Je souhaiterais apporter une précision en complément des propos d'Alexandre Holroyd, s'agissant du texte qui est proposé à la CMP. Le Sénat a étendu la liste des résolutions pour lesquelles les droits de vote multiples ne s'applique pas. Cette règle vaudrait, par exemple, non seulement pour l'approbation des comptes, mais aussi pour la politique de rémunération des dirigeants ou les conventions réglementées. Les cas où il pourrait y avoir un éventuel abus de pouvoir sont donc encadrés.
M. Alexandre Holroyd, rapporteur pour l'Assemblée nationale. - Sur ce point, je remercie le Sénat d'avoir repris certaines dispositions qui n'avaient pas été adoptées à l'Assemblée nationale, malgré l'avis favorable que j'avais donné. Je suis heureux que nous puissions trouver un équilibre dans le cadre de la CMP.
Il est certain que les droits de vote multiples n'ont pas vocation à assurer une rémunération disproportionnée à la personne qui les détient. Le Sénat a suffisamment encadré le dispositif pour éviter une telle situation.
Le marché financier doit se caractériser par la clarté et la transparence des conditions dans lesquelles on investit. L'AMF joue un rôle fondamental en cela. Comme l'a rappelé Albéric de Montgolfier, nous avons la chance d'avoir en France un régulateur de première qualité, capable d'assurer à l'investisseur la connaissance précise des conditions dans lesquelles il investit. Il revient donc à l'investisseur de faire le choix d'investir et de savoir à quel prix il le fait. La liberté d'investir ou non dans une entreprise est totale. C'est à chacun de choisir s'il veut ou non prendre le risque d'investir, même si ses droits de gouvernance sont dilués.
En pratique, on constate que les entreprises qui recourent le plus à ce type de dispositif sont à très forte croissance, à besoin de capitaux importants et au développement rapide. Les actionnaires qui y investissent croient à la valorisation de l'entreprise plus qu'à la rémunération des dividendes. L'entreprise propose une offre à ses actionnaires potentiels, qui sont libres de choisir d'investir dans des catégories et selon un prix qu'il leur revient de définir.
EXAMEN DES DISPOSITIONS RESTANT EN DISCUSSION
M. Claude Raynal, sénateur, président. - Mes chers collègues, nous allons maintenant examiner chaque article restant en discussion, les modifications et rédactions qui vous sont proposées portant toutes sur le texte du Sénat.
Article 1er
M. Alexandre Holroyd, rapporteur pour l'Assemblée nationale. - La proposition commune de rédaction n° 1 tend à rétablir le texte adopté par l'Assemblée nationale en première lecture, qui prévoit de circonscrire aux sociétés dont les titres sont admis à la négociation sur un système multilatéral de négociation la limitation du ratio entre les droits de vote associés aux actions de préférence et ceux qui sont associés aux actions ordinaires, fixé à vingt-cinq pour un.
La proposition commune de rédaction n° 1 des rapporteurs et de M. Louis Vogel est adoptée.
M. Alexandre Holroyd, rapporteur pour l'Assemblée nationale. - La proposition commune de rédaction n° 2 vise à clarifier la rédaction des alinéas 26 et 28. Il n'est pas nécessaire de prévoir que l'AMF soit formellement consultée sur les modalités d'application réglementaires de cet article parce qu'elle l'est déjà de manière informelle pour ce qui concerne toute publication de données d'information.
La proposition commune de rédaction n° 2 des rapporteurs et de M. Louis Vogel est adoptée.
L'article 1er est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission mixte paritaire, comprenant également des modifications rédactionnelles et de précision.
Article 1er bis (nouveau)
L'article 1er bis est adopté dans la rédaction du Sénat, sous réserve d'une modification rédactionnelle.
Article 2
M. Alexandre Holroyd, rapporteur pour l'Assemblée nationale. - La proposition commune de rédaction n° 3 apporte plusieurs modifications formelles et de coordination à l'article 2 tel qu'adopté par le Sénat. L'unique modification de fond concerne le report de l'entrée en vigueur des nouvelles exigences de préliquidation applicables aux fonds communs de placement à risques (FCPR) agréés à compter de la promulgation de la loi, afin d'éviter que les FCPR existants ne doivent modifier leur règlement.
La proposition commune de rédaction n° 3 des rapporteurs est adoptée.
L'article 2 est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission mixte paritaire.
Article 2 bis (nouveau)
L'article 2 bis est adopté dans la rédaction du Sénat, sous réserve d'une correction rédactionnelle.
Article 2 ter (nouveau)
L'article 2 ter est adopté dans la rédaction du Sénat, sous réserve de clarifications rédactionnelles.
Article 2 quater A (nouveau)
L'article 2 quater A est adopté dans la rédaction du Sénat, sous réserve de modifications rédactionnelles.
Article 2 quater (nouveau)
L'article 2 quater est adopté dans la rédaction du Sénat.
Article 2 quinquies (nouveau)
L'article 2 quinquies est adopté dans la rédaction du Sénat, sous réserve d'une correction matérielle et d'une coordination.
M. Louis Vogel, sénateur. - Dans la continuité de la proposition de rédaction n° 2, la proposition commune de rédaction n° 4 vise à ne pas prévoir dans la loi de consultation formelle de l'AMF pour la détermination des conditions d'application réglementaires du présent article.
La proposition commune de rédaction n° 4 des rapporteurs et de M. Louis Vogel est adoptée.
L'article 3 est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission mixte paritaire.
Article 5 bis
L'article 5 bis est adopté dans la rédaction du Sénat.
Article 5 ter (nouveau)
L'article 5 ter est adopté dans la rédaction du Sénat, sous réserve de modifications rédactionnelles.
Article 6
L'article 6 est adopté dans la rédaction du Sénat, sous réserve de correction d'une erreur matérielle et de modifications rédactionnelles.
Article 7
L'article 7 est adopté dans la rédaction du Sénat, sous réserve d'une clarification rédactionnelle.
Article 8
L'article 8 est adopté dans la rédaction du Sénat.
Article 9
L'article 9 est adopté dans la rédaction du Sénat.
Article 10
M. Alexandre Holroyd, rapporteur pour l'Assemblée nationale. - Avec le rapporteur pour avis de la commission des lois, Louis Vogel, nous avons discuté des conditions dans lesquelles serait applicable la possibilité créée par la loi pour un conseil de surveillance d'une société anonyme ou un conseil d'administration de procéder par circularisation. L'Assemblée nationale avait prévu deux dispositifs : premièrement, tout membre du conseil d'administration avait le droit de s'opposer à cette procédure ; deuxièmement, cette procédure était limitée aux sociétés dans lesquelles les fonctions de président du conseil d'administration et de directeur général étaient assurées par des personnes différentes.
Nous vous proposons de ne conserver que le premier garde-fou, à savoir que tout membre du conseil peut s'opposer à cette procédure, le second étant de nature à poser un problème juridique.
La proposition commune de rédaction n° 5 des rapporteurs et de M. Louis Vogel est adoptée.
M. Alexandre Holroyd, rapporteur pour l'Assemblée nationale. - Par la proposition commune de rédaction n° 6, nous supprimons la phrase selon laquelle la voix du président du conseil de surveillance est prépondérante en cas de partage. Nous laissons les sociétés déterminer les règles de départage des votes au sein de leur instance.
La proposition commune de rédaction n° 6 des rapporteurs et de M. Louis Vogel est adoptée.
L'article 10 est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission mixte paritaire, comprenant également des clarifications rédactionnelles.
Article 10 bis A (nouveau)
L'article 10 bis A est adopté dans la rédaction du Sénat, sous réserve d'une modification rédactionnelle.
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur pour le Sénat. - Le Sénat a restreint la demande d'habilitation du Gouvernement à légiférer par voie d'ordonnance pour réviser le cadre juridique applicable aux OPC, tant pour ce qui concerne son calendrier que pour ce qui concerne son champ. La proposition commune de rédaction n° 7 vise à préciser et à compléter le champ de l'habilitation s'agissant, par exemple, du fractionnement des actifs des organismes de placement collectif immobilier ou du rôle des organes de surveillance des sociétés d'investissement. L'objectif est en effet de parvenir à une réforme cohérente du cadre juridique des OPC.
M. Patrick Hetzel, député. - Voilà un bel exemple de l'intérêt du bicamérisme ! Cette précision est bienvenue. Certains d'entre nous sont en effet enclins à encadrer les habilitations à légiférer par voie d'ordonnance. Merci au Sénat d'avoir proposé ces précisions.
La proposition commune de rédaction n° 7 des rapporteurs est adoptée.
L'article 10 quater est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission mixte paritaire, comprenant également des clarifications rédactionnelles.
Article 10 quinquies (nouveau)
L'article 10 quinquies est adopté dans la rédaction du Sénat, sous réserve de modifications rédactionnelles.
Article 10 sexies (nouveau)
M. Alexandre Holroyd, rapporteur pour l'Assemblée nationale. - La proposition commune de rédaction n° 8 concerne le délai laissé à la juridiction pour statuer sur un recours contre une décision individuelle de l'AMF relative à une offre publique.
Nous sommes parvenus au compromis selon lequel un décret en Conseil d'État fixera la liste des cas dans lesquels le délai sera réduit à trois mois, contre cinq pour les décisions les plus complexes.
La proposition commune de rédaction n° 8 des rapporteurs est adoptée.
L'article 10 sexies est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission mixte paritaire.
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur pour le Sénat. - La proposition commune de rédaction n° 9 vise à sécuriser le dispositif de plafonnement des indemnités de licenciement en le restreignant aux seuls traders et à leurs responsables directs ainsi qu'aux seules indemnités octroyées par le juge pour des licenciements sans cause réelle et sérieuse - ces indemnités faisant déjà l'objet d'un encadrement. Toujours dans cet objectif de sécurisation, la proposition de rédaction permet de mieux prendre en compte l'ancienneté du salarié et donc l'impératif constitutionnel de réparer le préjudice subi ; ce ne sont en effet plus les indemnités de licenciement qui seraient plafonnées mais le montant de la rémunération mensuelle prise en compte pour calculer le montant maximal de l'indemnité pouvant être octroyée au salarié par le juge. Nous proposons enfin de décaler l'entrée en vigueur du dispositif aux licenciements intervenus postérieurement à la publication de la présente loi.
Ce dispositif, qui existe déjà dans d'autres pays, concernera un nombre très limité de personnes, mais est important pour accroître l'attractivité financière de la place de Paris
M. Charles de Courson, député. - Le plafond retenu par le code de la sécurité sociale s'élève à un peu plus de 46 000 euros. Quid dans le cas où le contrat ou un accord conventionnel aurait prévu une indemnisation supérieure ?
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur pour le Sénat. - La disposition prévue à l'article 12, telle que modifiée par la proposition de rédaction n° 9, ne s'appliquerait qu'aux indemnités octroyées par le juge, dans le cas d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse.
M. Charles de Courson, député. -Elle ne s'appliquerait donc pas dans le cas d'une rupture conventionnelle ?
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur pour le Sénat. - La disposition ne concerne en effet pas les ruptures conventionnelles ou l'octroi d'autres indemnités prévues dans le contrat de travail.
Je le répète, la portée de cette disposition est limitée, mais elle est de nature à accroître l'attractivité de la France pour les établissements financiers et à conduire ces derniers à localiser ces emplois très mobiles en France, et non à New York, Londres, Francfort ou Amsterdam. C'est une demande assez partagée de la place de Paris.
M. Charles de Courson, député. - Quelle est son utilité ?
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur pour le Sénat. - Attirer des établissements financiers et des emplois très qualifiés. Le coût des licenciements de ces personnels est bien moins élevé en Allemagne ou aux Pays-Bas par exemple.
M. Alexandre Holroyd, rapporteur pour l'Assemblée nationale. - Il s'agit là aussi de reconnaître la particularité de cette profession, avec des rémunérations sans commune mesure avec celles qui existent dans d'autres professions et qui ne sont pas du tout liées à l'ancienneté dans l'entreprise. Les preneurs de risques exercent un métier par nature cyclique : en contrepartie de rémunérations très élevées, leur carrière connaît des hauts et des bas. Sur toutes les grandes places financières, que ce soit à Londres, à New York, à Amsterdam, à Hong Kong ou à Singapour, la sécurité de l'emploi s'est dégradée en contrepartie de rémunérations élevées. Le dispositif cible les salariés d'un établissement de crédit, d'une société de financement, d'une entreprise d'investissement ou d'une entreprise d'assurance ou de réassurance. Certains employeurs sont susceptibles de tenir compte des indemnités de licenciement afférentes à l'activité pour choisir le lieu de travail de leur personnel. De plus, notre rédaction de compromis se fonde sur le barème Pénicaud.
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur pour le Sénat. - En combinant le dispositif que nous vous proposons et le barème Pénicaud, avec quinze ans d'ancienneté, un trader pourrait se voir octroyer par le juge une indemnité maximale de licenciement de 602 000 euros ; 927 360 euros pour trente ans d'ancienneté.
La proposition commune de rédaction n° 9 des rapporteurs est adoptée.
L'article 12 est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission mixte paritaire.
Article 13
L'article 13 est adopté dans la rédaction du Sénat, sous réserve de coordinations.
Article 14
L'article 14 est adopté dans la rédaction du Sénat, sous réserve de modifications rédactionnelles.
La commission mixte paritaire adopte, ainsi rédigées, l'ensemble des dispositions restant en discussion de la proposition de loi visant à accroître le financement des entreprises et l'attractivité de la France.
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En conséquence, la commission mixte paritaire vous demande d'adopter la proposition de loi visant à accroître le financement des entreprises et l'attractivité de la France dans le texte figurant dans le document annexé au présent rapport.