SECTION 2
MIEUX ENCADRER LES MOBILITÉS ENTRE
L'ADMINISTRATION ET LES CABINETS DE CONSEIL

La commission a adopté l'amendement COM-10 de la rapporteure visant à rétablir la division.

Article 16
Encadrement des mobilités entre l'administration et le secteur du conseil

L'article 16 tend à introduire un contrôle systématique par la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique (HATVP) lorsqu'un agent public souhaite exercer une activité de consultant dans le secteur privé, et lorsqu'un consultant ou ancien consultant rejoint l'administration.

Si le Sénat a reconnu la nécessité de prévoir un régime de contrôle particulier pour le secteur du conseil au regard des risques déontologiques élevés inhérents aux mobilités entre l'administration et le secteur du conseil, la commission des lois de l'Assemblée nationale a adopté l'amendement de suppression du rapporteur Bruno Millienne, estimant que l'article entrerait en contradiction avec le régime issu de la loi de transformation de la fonction publique du 6 août 2019 et qu'il poserait d'importantes difficultés opérationnelles.

Non convaincue par les arguments mis en avant par la commission des lois de l'Assemblée nationale et continuant à considérer comme justifié le régime de contrôle spécifique au secteur du conseil que tend à instaurer l'article 16, la commission a, à l'initiative de la rapporteure, rétabli l'article 16 tel qu'adopté par le Sénat en première lecture.

La commission a adopté l'article 16 ainsi modifié.

1. Visant à instaurer un régime spécifique de contrôle des mobilités pour le secteur du conseil, l'article 16 a été supprimé par la commission des lois de l'Assemblée nationale

a) L'article 16 tend à créer un régime spécifique de contrôle des mobilités entre l'administration et le secteur du conseil

Les travaux de la commission d'enquête du Sénat ont abouti à un constat sans appel : les cabinets de conseil occupent une place à part au sein du secteur privé en raison de leur propension à influencer la décision publique. À partir de ce constat, l'article 16 de la proposition de loi tend à instaurer un régime spécifique de contrôle des mobilités entre l'administration et le secteur du conseil, c'est-à-dire lorsqu'un agent public souhaite exercer une activité de consultant dans le secteur privé, et lorsqu'un consultant ou ancien consultant rejoint l'administration.

Tout agent public cessant ou ayant cessé ses fonctions depuis moins de trois ans et qui souhaiterait « fournir des prestations de conseil dans le secteur privé lucratif » verrait ainsi sa demande soumise directement et obligatoirement à l'avis préalable de la HATVP. S'appliquerait donc à l'ensemble des agents publics ayant un projet de reconversion professionnelle dans le secteur du conseil, le régime de l'article L. 124-5 du code général de la fonction publique (CGFP), actuellement en vigueur pour les seuls agents publics occupant ou ayant occupé au cours des trois années qui ont précédé « un emploi dont le niveau hiérarchique ou la nature des fonctions le justifient » et souhaitant rejoindre le secteur privé.

De manière symétrique, la HATVP serait obligatoirement saisie par l'autorité hiérarchique lorsque celle-ci envisagerait de nommer, à quelque poste que ce soit dans l'administration, « une personne fournissant ou ayant fourni des prestations de conseil dans le secteur privé lucratif au cours des trois dernières années ». Le régime défini aujourd'hui pour les seuls emplois « stratégiques » énumérés à l'article L. 124-8 du CGFP serait donc étendu aux personnes venant du secteur du conseil, quel que soit le poste envisagé au sein des trois versants de la fonction publique.

Enfin, des obligations renforcées de reddition de comptes seraient prévues pour les agents publics ayant rejoint le secteur du conseil. Aux termes du nouvel alinéa qui serait créé à l'article L. 124-18 du CGFP, ceux-ci seraient ainsi tenus de rendre compte de leur activité à la HATVP au moins tous les six mois, dans les conditions fixées par celle-ci, et durant les trois années qui suivent le début de leur activité de conseil.

b) Considérant qu'il entrerait en contradiction avec le régime issu de la loi de transformation de la fonction publique de 2019, et qu'il poserait d'importantes difficultés opérationnelles, la commission des lois de l'Assemblée nationale a supprimé l'article 16

À l'initiative du rapporteur Bruno Millienne138(*), et contre l'avis défavorable du rapporteur Nicolas Sansu, la commission des lois de l'Assemblée nationale a supprimé l'article 16.

Le rapport de la commission des lois de l'Assemblée nationale ainsi que l'objet de l'amendement du rapporteur Bruno Millienne mettent en avant quatre types d'arguments à l'appui de cette suppression.

En premier lieu, le rapporteur Brunot Millienne estime que l'objectif de l'article 16 est satisfait par le droit existant : « les prestations de conseil dans le secteur privé lucratif étant inclues dans la notion, plus générale, d'activité privée lucrative mentionnée aux articles L. 124-4 et L. 124-8 du CGFP, ces ajouts ne paraissent pas modifier le champ des contrôles déontologiques déjà réalisés par la Haute Autorité de la transparence de la vie publique. En l'état de la rédaction proposée, ils semblent donc satisfaits »139(*).

Ensuite, il considère que la disposition présenterait en tout état de cause un intérêt limité tout en induisant de lourdes obligations pour la HATVP, en conduisant celle-ci « à contrôler un grand nombre de mobilités qui ne présentent aucun risque déontologique et qui font actuellement l'objet d'un contrôle de premier rang par l'autorité hiérarchique de l'agent »140(*).

De plus, la commission des lois de l'Assemblée nationale a jugé, à la suite du rapporteur Bruno Millienne, que la disposition posait « un problème de principe » ; s'interrogeant sur la pertinence à « contrôler spécifiquement les mobilités vers et depuis les cabinets de conseil et pas vers et depuis d'autres secteurs sensibles »141(*), la commission s'est inquiétée de ce que « la référence à un secteur d'activité en particulier poserait immédiatement la question d'une éventuelle extension à d'autres secteurs »142(*).

Enfin, elle a considéré que la procédure de contrôle que tend à instaurer l'article 16 « alourdirait les processus de recrutement de certains contractuels dont les compétences sont pourtant recherchées (dans le domaine informatique par exemple), alors même que ces personnels n'auraient pas vocation à exercer des emplois exposés », et « affaiblirait l'attractivité de l'État employeur, dans un contexte où la volonté de développer le conseil interne peut nécessiter de recruter des profils techniques »143(*).

2.    Continuant à juger pertinent l'encadrement, selon un régime spécifique, des mobilités entre l'administration et le secteur du conseil, la commission a rétabli l'article 16 dans sa rédaction adoptée par le Sénat en première lecture

La rapporteure ne s'estime guère convaincue par les arguments mis en avant par la commission des lois de l'Assemblée nationale.

a) La nécessité de légiférer

Tout d'abord, la rapporteure souligne que, contrairement à ce qu'avance la commission des lois de l'Assemblée nationale, l'objectif de l'article 16 n'est pas entièrement satisfait par le droit existant.

Certes, les mobilités entre l'administration et le secteur du conseil font d'ores et déjà l'objet d'un encadrement et d'un contrôle par l'administration, voire par la HATVP, dans le cadre des règles issues de la loi n° 2019-828 du 6 août 2019 de transformation de la fonction publique.

Plus précisément, il faut distinguer deux régimes, en fonction de la nature des fonctions et du niveau hiérarchique de l'emploi occupé par l'agent public.

(1) Le régime de droit commun : l'internalisation du contrôle et la saisine facultative de la HATVP

i. Les départs de l'administration vers le secteur privé

Dans le cas d'un départ vers le secteur privé144(*) - y compris, donc, vers le secteur du conseil -, il revient à l'agent de saisir au préalable son autorité hiérarchique, en application de l'article L. 124-4 du CGFP. Celle-ci apprécie la compatibilité de toute activité lucrative, salariée ou non, dans une entreprise privée ou un organisme de droit privé ou de toute activité libérale avec les fonctions exercées au cours des trois années précédant le début de cette activité.

En cas de doute sérieux, l'administration peut, préalablement à sa décision, saisir pour avis le référent déontologue. Si le doute subsiste, la HATVP peut être saisie.

ii. Les recrutements dans l'administration en provenance du secteur privé

S'agissant du retour du fonctionnaire ou du recrutement d'un contractuel dans le secteur public après un passage dans le secteur privé, aucun contrôle particulier n'est prévu pour les réintégrations ou nominations autres que celles aux emplois « dont le niveau hiérarchique ou la nature des fonctions le justifient », en application des articles L. 124-5 et L. 124-7 du CGFP.

(2) Le régime des emplois « stratégiques » : une saisine obligatoire de la HATVP

i. Les départs vers le secteur privé

Pour certains agents, la saisine de la HATVP par l'autorité hiérarchique, ou à défaut, par l'agent lui-même, est obligatoire en cas de mobilité vers le secteur privé - incluant le secteur du conseil. Conformément à l'article L. 124-5 du CGFP, il s'agit des agents publics occupant ou ayant occupé au cours des trois années qui ont précédé « un emploi dont le niveau hiérarchique ou la nature des fonctions le justifient ».

Au total, 14 000 emplois au sein des trois versants de la fonction publique sont concernés par la saisine obligatoire de la HATVP145(*). Parmi les emplois concernés, énumérés à l'article 2 du décret n° 2020-69 du 30 janvier 2020 relatif aux contrôles déontologiques dans la fonction publique, figurent notamment : les directeurs d'administration centrale ; les membres du Conseil d'État ; les emplois de direction des autorités administratives indépendantes et des autorités publiques indépendantes.

ii. Les recrutements dans l'administration en provenance du secteur privé

La saisine obligatoire de la HATVP en cas de nomination ou de réintégration dans la fonction publique d'un agent en provenance du secteur privé vaut dans un nombre de cas encore plus restreint.

Conformément à l'article L. 124-8 du CGFP, l'autorité hiérarchique doit saisir préalablement pour avis la HATVP lorsqu'elle envisage de nommer à l'un des emplois suivants une personne exerçant ou ayant exercé au cours des trois années qui ont précédé une activité privée lucrative :

- emplois de directeur d'administration centrale ou de dirigeant d'un établissement public de l'État dont la nomination relève d'un décret en conseil des ministres ;

- emplois de directeur général des services des régions, des départements, des communes de plus de 40 000 habitants et des établissements publics de coopération intercommunale à fiscalité propre de plus de 40 000 habitants ;

- emplois de directeur d'établissements publics hospitaliers dotés d'un budget de plus de 200 millions d'euros.

Au total, 3 000 emplois au sein des trois versants de la fonction publique sont concernés146(*).

(3) Le cas particulier des agents qui effectuent des mobilités entre l'administration et le secteur du conseil sans occuper ou avoir occupé pour autant un emploi à responsabilités dans l'administration n'est qu'imparfaitement couvert par le droit existant

En l'état du droit, le contrôle des mobilités entre l'administration et le secteur du conseil s'effectue selon des modalités très variables selon la nature des fonctions ou le niveau de l'emploi concernés dans l'administration.

Le contrôle des mobilités entre l'administration et le secteur du conseil dans le droit existant

 

Mobilité de l'administration vers le secteur du conseil

Mobilité du secteur du conseil vers l'administration

Emploi stratégique (parmi 3 000 emplois)

1°) Saisine de l'autorité hiérarchique ;

2°) Saisine obligatoire de la HATVP pour avis par l'autorité hiérarchique

(art. L. 124-5 CGFP)

1°) Saisine de l'autorité hiérarchique ;

2°) Saisine obligatoire pour avis de la HATVP par l'autorité hiérarchique

(art. L. 124-8 CGFP)

Emploi caractérisé par un certain niveau hiérarchique ou la nature des fonctions (parmi 14 000 emplois)

1°) Saisine de l'autorité hiérarchique ;

2°) Saisine pour avis du référent déontologue par l'autorité hiérarchique en cas de doute sérieux ;

3°) Si le doute persiste, saisine pour avis de la HATVP par l'autorité hiérarchique

(art. L. 124-7 CGFP)

Autre emploi public

1°) Saisine de l'autorité hiérarchique ;

2°) Saisine pour avis du référent déontologue par l'autorité hiérarchique en cas de doute sérieux ;

3°) Si le doute persiste, saisine pour avis de la HATVP par l'autorité hiérarchique

(art. L. 124-4 CGFP)

Le CGFP ne prévoit aucune saisine ni aucun contrôle

Source : commission des lois

En particulier, la mobilité d'un ancien consultant vers un emploi de l'administration sans responsabilités particulières ne fait, à l'heure actuelle, l'objet d'aucun contrôle.

Par ailleurs, la mobilité, vers le secteur du conseil, d'un agent public dont l'emploi n'est pas caractérisé par un niveau hiérarchique particulièrement élevé est encadrée selon le régime de droit commun, défini par l'internalisation du contrôle et la saisine facultative de la HATVP.

À l'inverse, en conséquence de l'article 16, la saisine pour avis de la HATVP serait obligatoire pour toute mobilité d'un agent public vers le secteur du conseil ainsi que toute mobilité d'un ancien consultant vers l'administration, indépendamment du niveau de responsabilité de l'emploi occupé ou visé dans l'administration.

Le contrôle des mobilités entre l'administration et le secteur du conseil tel qu'il résulterait de l'article 16

 

Mobilité de l'administration vers le secteur du conseil

Mobilité du secteur du conseil vers l'administration

Tout emploi public

1°) Saisine de l'autorité hiérarchique ;

2°) Saisine obligatoire de la HATVP pour avis par l'autorité hiérarchique

(nouvel alinéa de l'art. L. 124-5 CGFP)

1°) Saisine de l'autorité hiérarchique ;

2°) Saisine obligatoire pour avis de la HATVP par l'autorité hiérarchique

(nouvel alinéa de l'art. L. 124-8 CGFP)

Source : commission des lois

Ainsi, l'article 16 aurait pour conséquence de rendre obligatoire la saisine pour avis de la HATVP en cas de mobilité de l'administration vers le secteur du conseil, laquelle n'est que facultative en l'état du droit ; de plus, il comblerait le vide juridique actuel s'agissant de l'encadrement de la mobilité du secteur du conseil vers l'administration pour les emplois autres que ceux à fortes responsabilités.

Dans la mesure où les mobilités entre l'administration et le secteur du conseil ne concernent pas uniquement des emplois du public caractérisés par un niveau hiérarchique élevé, mais peuvent également concerner des emplois de niveau « intermédiaire »147(*), l'apport de l'article 16 paraît à la rapporteure à la fois tangible et pertinent, et permettrait de couvrir des situations aujourd'hui non couvertes par le droit.

b) Une dérogation substantielle au régime actuel de contrôle des mobilités, mais justifiée

Le régime de contrôle des mobilités issu de la loi n° 2019-828 du 6 août 2019 de transformation de la fonction publique repose sur un contrôle du risque lié davantage au niveau de responsabilité au sein de l'administration, qu'au type de secteur d'activité lucrative privée.

À ce titre, la rapporteure a conscience que la mesure proposée par l'article 16 tend à s'écarter de la logique de subsidiarité et de proportionnalité posée alors ; elle estime néanmoins que les règles spécifiques définies par la proposition de loi pour le secteur du conseil sont justifiées au regard de la forte propension de ce secteur à influencer la décision publique, et donc des risques déontologiques élevés qui en découlent pour les agents publics concernés par les mobilités entre l'administration et le secteur du conseil.

Ainsi, la rapporteure ne partage pas le point de vue de la commission des lois de l'Assemblée nationale selon lequel la disposition « pose un problème de principe » ; au contraire, les enjeux spécifiques au recours par l'État aux prestations de conseil appellent des réponses spécifiques.

En outre, contrairement à la commission des lois de l'Assemblée nationale, la rapporteure ne considère pas comme certain que « la référence à un secteur d'activité en particulier poserait immédiatement la question d'une éventuelle extension à d'autres secteurs ». Peu de secteurs lucratifs privés semblent susceptibles de soulever la question de l'influence de la décision publique dans les mêmes proportions que le secteur du conseil ; en tout état de cause, il reviendrait au législateur de se prononcer au cas par cas.

c) Une dérogation raisonnable dans ses implications

La crainte d'une « submersion » des services de la HATVP - à effectifs constants - sous l'effet de cette disposition dérogatoire, telle qu'exprimée par la commission des lois de l'Assemblée nationale, a bien été entendue par la rapporteure.

Pour autant, si l'on se fonde sur le nombre de mobilités entre l'administration et le secteur du conseil contrôlées actuellement par la HATVP au titre des articles L. 124-5 et L. 124-8 du CGFP, le nombre d'agents qui seraient concernés par l'extension du contrôle systématique de la HATVP serait vraisemblablement restreint.

En effet, entre février 2020 et janvier 2022, sur les 264 avis de reconversion professionnelle des agents publics rendus par la HATVP, seuls 7 concernaient des hauts fonctionnaires souhaitant rejoindre des cabinets de conseil (soit 2,7 %) ; sur les 573 avis de prénomination rendus sur la même période, 8 portaient sur des mobilités depuis les grands cabinets de conseil susceptibles de délivrer des prestations à l'État (soit 1,4 %)148(*).

Dès lors, il peut être déduit de ces ordres de grandeur que le nombre d'agents qui sont aujourd'hui concernés à l'échelle de l'ensemble de la fonction publique, toutes catégories confondues, par une mobilité vers le secteur du conseil est relativement limité ; en conséquence, la charge de travail supplémentaire pour la HATVP qui découlerait de la dérogation introduite par l'article 16 ne nécessiterait probablement qu'un accroissement modéré des moyens de cette autorité.

La crainte d'une augmentation du nombre de saisines mal fondées de la HATVP sous l'effet de cette nouvelle dérogation a également été entendue. Si le risque que l'introduction d'un régime propre au secteur du conseil contribue à nuire à la lisibilité du système et puisse être source de dysfonctionnements pour la Haute Autorité ne peut être nié, il doit cependant être mis en regard des risques déontologiques élevés qu'emportent les mobilités entre l'administration et le secteur du conseil.

Par ailleurs, la rapporteure souligne que l'obligation de reddition de comptes, telle que prévue par l'article 16 pour les agents publics ayant rejoint le secteur du conseil durant les trois années suivant le début de cette activité, modifierait certes l'approche actuelle de la HATVP, mais soulagerait dans une certaine mesure les services de cette autorité, en plaçant l'agent public à l'initiative du suivi.

d) Des conséquences sur l'attractivité de l'emploi public à ne pas surestimer

Le dernier argument mis en avant par la commission des lois de l'Assemblée nationale pour supprimer l'article 16 consiste à anticiper les répercussions négatives de cette disposition sur l'attractivité de l'emploi public. Par un tel argument, la commission des lois semble ainsi partir du principe que les contractuels en provenance du monde du conseil constituent un vivier particulièrement intéressant pour l'État à l'heure actuelle.

Il est vrai que la volonté, affichée depuis peu par l'État, de développer son offre de conseil interne149(*) pourrait logiquement le conduire à favoriser le recrutement d'anciens consultants. Mais pour la rapporteure, cette circonstance tend d'autant plus à justifier l'encadrement des mobilités entre l'administration et le secteur du conseil sous le contrôle de la HATVP. Du reste, la rapporteure doute qu'un tel contrôle ait un effet aussi dissuasif sur les candidats, et donc des conséquences aussi néfastes pour l'attractivité de l'État, que ne le craint la commission des lois de l'Assemblée nationale.

Enfin, si l'État a en effet besoin de compétences d'agents dans le domaine informatique, comme le souligne la commission des lois de l'Assemblée nationale, et si une part de ces agents peuvent venir du secteur du conseil, la rapporteure rappelle que toutes les prestations de conseil dans le domaine informatique ne sont pas considérées comme des prestations de conseil au sens de la présente proposition de loi : aux termes du neuvième alinéa de l'article 1er, adopté dans les mêmes termes par le Sénat et l'Assemblée nationale, les prestations de conseil comprennent ainsi le conseil en informatique, mais pas les prestations de programmation et de maintenance ; de surcroît, la commission a souhaité préciser encore plus le champ des prestations de conseil concernées dans le domaine informatique, en retenant, à l'article 1er, les seules prestations de conseil en stratégie numérique150(*).

En conséquence, la rapporteure invite à ne pas surestimer les éventuelles incidences négatives des dispositions de l'article 16 sur la faculté de l'État à recruter des agents pouvant lui faire bénéficier de compétences techniques.

Au bilan, la commission réitère sa position, exprimée à l'occasion de l'examen en première lecture, selon laquelle la dérogation proposée à l'article 16 à la fois justifiée dans son principe, et raisonnable dans ses implications.

Elle a par conséquent adopté l'amendement COM-17 de la rapporteure visant à rétablir l'article 16 dans sa rédaction adoptée par le Sénat.

La commission a adopté l'article 16 ainsi modifié.


* 138  Amendement n° CL 142.

* 139 Exposé des motifs de l'amendement n° CL 142.

* 140 Rapport n° 2112 fait par Bruno Millienne et Nicolas Sansu au nom de la commission des lois de l'Assemblée nationale sur la proposition de loi, adoptée par le Sénat, encadrant l'intervention des cabinets de conseil privés dans les politiques publiques, p. 129.

* 141 Exposé des motifs de l'amendement n° CL 142.

* 142 Rapport précité n° 2112 de Bruno Millienne et Nicolas Sansu, p. 129.

* 143 Ibidem.

* 144 Qu'il s'agisse d'une cessation temporaire de fonctions ou d'une cessation définitive.

* 145 D'après les informations transmises par la direction générale de l'administration et de la fonction publique (DGAFP).

* 146 D'après les informations transmises par la DGAFP.

* 147 Comme un emploi de chef de bureau en administration centrale.

* 148 Éléments communiqués par Didier Migaud, président de la HATVP, lors de son audition par la commission d'enquête du Sénat le 26 janvier 2022. La HATVP n'a pas été en mesure de communiquer, dans les délais impartis, les chiffres pour la période 2022-2024.

* 149 En témoignent la création d'un service « Conseil interne » au sein de la direction interministérielle de la transformation publique (DITP) et le recrutement de 25 consultants internes en loi de finances initiale pour 2023.

* 150 Voir le commentaire de l'article 1er.

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