B. LA NÉCESSITÉ DE RENFORCER L'ÉVALUATION DE LA POLITIQUE DE SOLIDARITÉ INTERNATIONALE
Ainsi, malgré l'ensemble de ces évaluations internes et externes, la France n'est pas classée parmi les meilleures en ce qui concerne la transparence de l'aide. L'ONG Publish What You Fund ne classait en 2022 l'AFD qu'au 28ème rang sur 50 bailleurs (en progression toutefois par rapport aux classements précédents) en matière de transparence de l'aide :
Source : Publish what you fund, rapport pour 2022.
Par ailleurs, l'évaluation reproduit l'éclatement du pilotage de la politique d'aide publique au développement française entre deux ministères et un établissement public, ce qui rend plus difficile des appréhensions transversales ou globales de cette politique.
En outre, comme l'a souligné le rapport d'Hervé Berville en 2018, c'est la nature même de l'évaluation réalisée qui apparaît insatisfaisante : « le suivi de la politique d'aide publique au développement constitue rarement une évaluation à proprement parler. Une évaluation est une analyse ayant pour objet d'apprécier l'efficacité d'une politique en comparant ses résultats aux objectifs assignés et aux moyens mis en oeuvre. Or, les différentes instances françaises mentionnées concentrent leur analyse sur les processus de gestion, l'organisation institutionnelle et les enjeux financiers et budgétaires (...) et abordent peu la cohérence externe, l'efficacité, l'efficience, l'impact et la durabilité des interventions françaises ».
Enfin, la nécessité de bien évaluer l'aide apparaît plus prégnante que jamais compte-tenu l'augmentation des moyens de cette politique, qui est passée de 0,38% à 0,55% du RNB et de 9,5 à près de 15 milliards d'euros entre 2016 et 2023.
C. LA CRÉATION D'UNE COMMISSION D'ÉVALUATION PAR LA LOI DU 4 AOÛT 2021
Dès lors, la loi de 2021 précitée a créé une commission indépendante d'évaluation, sur le modèle de l'« Independant committee on aid impact (ICAI) » britannique. L'ICAI a été créée au Royaume-Uni comme contrepartie à la fixation de l'objectif des 0,7 % du RNB dans la loi, celui-ci impliquant une forte hausse des moyens consacrés à l'APD. L'ICAI est donc un organisme indépendant du Gouvernement dont la mission est de rendre compte à la Commission parlementaire chargée du développement de la chambre des communes. Elle est dirigée par trois commissaires dont un président à temps plein, dispose d'un secrétariat de dix membres et fait appel à des consultants externes. La nouvelle commission d'évaluation française partage les mêmes objectifs : ajouter de la transparence alors que la politique de solidarité internationale a vu ses moyens augmenter fortement depuis 2016, avec une AFD capable d'engager plus de 12 milliards d'euros par an (prêts et dons).
À l'issue des modifications effectuées lors de l'examen par les deux assemblées du projet de loi de programmation relative au développement solidaire, la nouvelle commission est composée de deux collèges : un collège de parlementaires composé de deux députés et de deux sénateurs ; un collège d'experts indépendants composé de dix personnalités qualifiées, désignées par décret en raison de leurs compétences en matière d'évaluation et de développement. La loi prévoit également que « la commission élit son président parmi ses membres » La commission arrête de manière indépendante son programme de travail et pourra être saisie de demandes d'évaluation par le Parlement.
Enfin, la loi prévoit, à l'initiative de la commission des affaires étrangères de l'Assemblée nationale, que la nouvelle commission sera placée auprès de la Cour des comptes, son secrétariat étant assuré par celle-ci, afin de faire bénéficier la commission de « l'expertise, de l'expérience et de la renommée de cette institution de référence », selon les termes du rapporteur.