EXAMEN EN COMMISSION

MERCREDI 7 FÉVRIER 2024

_________

M. Laurent Lafon, président. - Nous poursuivons cette réunion par l'examen du rapport de nos collègues Jérémy Bacchi, Sonia de La Provôté et Alexandra Borchio Fontimp sur la proposition de loi visant à conforter la filière cinématographique en France.

M. Jérémy Bacchi, rapporteur. - Une nouvelle fois, le cinéma nous montre sa faculté à susciter des aventures collectives au sein de notre commission. Mes collègues Sonia de La Provôté, Alexandra Borchio Fontimp et moi-même avons aujourd'hui la lourde charge de vous présenter la proposition de loi visant à conforter la filière cinématographique en France.

Cette proposition de loi constitue, puisque nous sommes dans l'univers du cinéma, le « deuxième épisode » de l'aventure dans laquelle notre commission s'est engagée l'année dernière avec le rapport d'information intitulé Le cinéma contre-attaque, que vous avez adopté à l'unanimité le 24 mai dernier.

En guise de préambule, nous pouvons nous féliciter de notre capacité collective à mener des travaux approfondis et transpartisans, puis de les voir déboucher sur des évolutions législatives dans des délais somme toute assez réduits. Nous parvenons ainsi à instaurer une continuité que je crois bienvenue entre la mission de contrôle et la mission de législation du Parlement. Je me félicite de ce qui devient presque une habitude pour nous, avec comme dernier exemple l'examen, la semaine dernière, de la proposition de loi sur l'accompagnement humain des élèves en situation de handicap, qui fait suite à la mission de notre collègue Cédric Vial sur le sujet.

J'en viens au coeur du sujet qui nous occupe aujourd'hui ; le rapport d'information sur le cinéma que Sonia de La Provôté, Céline Boulay-Espéronnier, à laquelle je veux adresser un salut très amical, et moi avions rédigé avait souligné la forte résilience de notre modèle de soutien et de financement du cinéma.

À ce propos, je vous ai présenté en novembre dernier le rapport pour avis sur le cinéma, dans lequel je faisais état de premiers chiffres encourageants sur la fréquentation des salles en 2023. Depuis lors, les chiffres définitifs du Centre national du cinéma et de l'image animée (CNC) ont confirmé cet optimisme : 181 millions de billets de cinéma ont été vendus l'année dernière, soit une progression de 20 % par rapport à 2022. Le cinéma n'a pas encore retrouvé le niveau moyen de la décennie 2010, mais la fréquentation est maintenant en ligne avec la décennie 2000 et elle est très supérieure à celle des années 1990. Au petit jeu des comparaisons, constatons que notre fréquentation surpasse très nettement celle de nos voisins européens. Ainsi, l'Allemagne a enregistré en 2023 83 millions d'entrées, l'Espagne 68 millions et l'Italie, autrefois immense terre de cinéma, 63 millions. La France demeure donc de très loin le premier marché européen du septième art.

La fréquentation dans nos cinémas repose sur deux piliers qui se partagent 80 % du marché : les productions françaises d'un côté et les films américains de l'autre. En 2023, les films français ont représenté 40 % des entrées, soit un niveau supérieur à celui qui était observé avant la pandémie et qui correspond au niveau des films américains. Cette reprise accélérée et cette bonne santé de la production française doivent beaucoup, il faut le reconnaître, aux mécanismes de soutien adoptés à l'occasion de la pandémie. Ainsi, le CNC avait mis en place une garantie pour la continuité des tournages. Le Centre s'était engagé à rembourser les frais si les travaux étaient interrompus pour cause d'épidémie. Cela a permis aux tournages de reprendre très rapidement et, comme l'a indiqué le directeur général du CNC, n'a absolument rien coûté, puisque toutes les précautions avaient été prises sur les plateaux et qu'aucune garantie n'a finalement été appelée !

Les perspectives actualisées pour 2024 semblent cependant un peu moins bonnes. Les salles devraient souffrir de la conjonction de deux facteurs négatifs : d'une part, la grève qui a frappé Hollywood et a retardé les tournages, donc les sorties des films américains et, d'autre part, l'impact des évènements sportifs de l'année, notamment la coupe d'Europe de football et les jeux Olympiques et Paralympiques. Un grand réseau de salles très implanté en Île-de-France nous a ainsi confié sa crainte à ce sujet, car il possède de nombreux établissements situés à proximité immédiate des lieux de compétition...

Mme Alexandra Borchio Fontimp, rapporteure. - Le rapport d'information soulignait que le succès de notre cinéma - les auditions que nous avons menées avec les deux rapporteurs l'ont rappelé - résulte d'une alchimie complexe et quelque peu « magique ». Les mécanismes de soutien au cinéma sont anciens, avec la création du CNC en 1946, et se sont sans cesse adaptés depuis lors. Ils englobent trois éléments :

- des financements publics, via le CNC, procédant de taxes affectées, mais également de financements privés provenant des diffuseurs ;

- un encadrement réglementaire avec la chronologie des médias ou les engagements de programmation ;

- et un haut niveau de formation.

Ces mécanismes ont permis au septième art en France de résister successivement à l'arrivée de la télévision dans les années 1960, à celle d'internet dans les années 2000 et à celle du streaming à partir de 2010. On peut donc parler d'une « histoire d'amour au long cours » entre la France et son cinéma, ce qui nous singularise de nos voisins européens encore aujourd'hui, comme le montrent d'ailleurs les chiffres de fréquentation pour 2023 que vous a rappelés Jérémy Bacchi.

Ce rapport d'information a été très bien accueilli par la profession et les pouvoirs publics, grâce à son approche équilibrée sans être complaisante du cinéma.

Les auteurs du rapport d'information ne prétendent pas, au travers de cette proposition de loi, révolutionner des mécanismes complexes qui ont fait la preuve de leur efficacité. Toutefois, ce texte sera le premier exclusivement consacré au cinéma depuis la loi du 30 septembre 2010, qui ne concernait que l'équipement cinématographique des salles. C'est dire si nous n'avons que rarement l'occasion de nous pencher sur cette thématique, habituellement traitée via l'examen de projets de loi plus larges, qui renvoient d'ailleurs régulièrement à des ordonnances.

Le rapport de la commission comportait quatorze recommandations. La présente proposition de loi constitue la traduction législative des cinq recommandations qui ne pouvaient pas passer par la voie réglementaire. L'ancienne ministre de la culture avait fait part, lors de son audition devant la commission en octobre dernier, de son soutien à notre initiative. Je ne peux que croire que la nouvelle ministre s'inscrira dans cette perspective...

Le CNC nous a indiqué travailler pour mettre en oeuvre rapidement les recommandations relevant de son action. En un mot, tout cela est de bon augure pour la proposition de loi comme pour la réalisation concrète de nos travaux.

Mme Sonia de La Provôté, rapporteure. - Je vais maintenant vous présenter les grands axes de ce texte.

Les sept articles de la proposition de loi ont fait l'objet d'un dialogue nourri avec les parties prenantes et font l'objet, pour la plupart, d'une très large unanimité. Ils sont rassemblés autour des grands objectifs fixés dans le rapport : fluidifier les relations entre les exploitants de salles et les pouvoirs publics et promouvoir partout sur le territoire les films d'art et d'essai, notamment français, afin que chacun puisse bénéficier, quel que soit son lieu de résidence, de la créativité de nos réalisateurs.

Les articles 1er et 2 s'inscrivent dans la lignée des travaux de la mission de Bruno Lasserre, dont les conclusions ont été rendues publiques le 6 avril dernier et qui ont été très utiles pour notre réflexion. Ces articles ont pour objet de faciliter l'émission des cartes illimitées par les réseaux. Je rappelle que ces cartes, essentiellement distribuées par les deux grands réseaux Pathé et UGC, ont été lancées en 2000 et représentent 7 % de la fréquentation nationale et 20 % de la fréquentation chez les émetteurs. Il s'agit d'un système unique au monde et qui semble, par bien des aspects, en avance sur son temps, si l'on considère le développement ultérieur des offres d'abonnement des plateformes de streaming. Ces cartes sont un atout précieux pour la diversité, car elles sont une bonne incitation pour les salles à adopter une programmation variée, afin de justifier leur acquisition. Les possesseurs sont en effet significativement plus nombreux à assister aux projections de films français et d'art et d'essai.

Leur émission est actuellement soumise à une procédure d'agrément du CNC très lourde et contraignante, qui traduit en réalité la méfiance qui les entourait lors de leur création. La présente proposition de loi met donc en place un mécanisme plus souple mais qui - j'insiste sur ce point - ne fait pas l'économie des garanties apportées à la fois aux ayants droit et aux cinémas qui souhaiteraient s'associer à la formule. Le dispositif doit également permettre de rendre moins opaque la détermination du prix de référence, qui sert de base à la rémunération des auteurs et des distributeurs. De nombreux témoignages ont fait état d'une incompréhension sur ce prix, qui a évolué de seulement 1,8 % depuis 2000, quand le prix des cartes et des billets a connu une progression de plus de 30 %. C'est donc l'ensemble du modèle économique des cartes illimitées qui se trouvera modifié, notamment au bénéfice de l'ensemble des maillons de la chaîne du cinéma.

L'article 3 donne la possibilité aux exploitants de proposer en ligne des tarifs promotionnels sur le prix des billets. Il s'agit là encore de remédier à une incohérence un peu ancienne, afin de tenir compte de ce mode de commercialisation, qui tend à se développer de manière exponentielle, notamment avec les réservations par le biais des applications.

L'article 4 vise, sur le modèle des engagements de programmation des salles, à définir des engagements de diffusion des distributeurs. La mission a en effet constaté que les oeuvres classées en cinéma d'art et d'essai étaient moins souvent proposées dans certaines zones du territoire, que nous pouvons qualifier de « sous-denses ». Il est ainsi proposé que les distributeurs soient tenus de consacrer une part minimale du plan de diffusion à des établissements situés dans des périmètres géographiques identifiés au regard de leur faible nombre d'habitants.

L'article 5 donne en conséquence au CNC un pouvoir de sanction administrative en cas de méconnaissance par les distributeurs de leurs obligations. La Médiatrice du cinéma émettrait un avis sur cette sanction. Nous vous proposerons dans la suite de notre discussion un amendement COM-4 visant à affiner le mécanisme et à le rendre plus opératoire pour les professionnels, sans rien céder sur son ambition.

L'article 6 prévoit de conditionner le bénéfice des aides du CNC au respect par les producteurs des rémunérations minimales des auteurs prévues dans les accords étendus. Il prévoit également de moduler les aides en fonction du respect de critères environnementaux. Là encore, nous retrouvons la volonté exprimée dans le rapport d'information de mieux associer le cinéma aux grandes politiques publiques.

L'article 7 procède à des coordinations de nature juridique dans le code du cinéma et de l'image animée.

Enfin, nous vous proposerons un amendement important, qui a lui aussi fait l'objet d'une large concertation, sur le sujet épineux du piratage des oeuvres cinématographiques. Il s'agit notamment de lutter contre la pratique dite du « cam cording », qui consiste à filmer une oeuvre dans la salle et à la rendre immédiatement disponible sur un site en ligne.

Je vous indique en conclusion que le travail sur cette proposition de loi, mené en équipe avec les deux autres auteurs du rapport d'information et maintenant avec Alexandra Borchio Fontimp, représente dans notre esprit une étape nécessaire dans l'adaptation de notre cinéma au XXIe siècle. Rendre le cinéma plus dynamique, plus accessible, sur l'ensemble des territoires, mieux associer le cinéma aux grandes politiques publiques que sont l'attractivité des territoires, le respect des droits d'auteur et l'environnement, tels étaient les grands axes de notre action. Le travail ne fait cependant que commencer et nous aurons à coeur dans les mois qui viennent de veiller à la bonne mise en oeuvre par le CNC des recommandations qui dépendent de sa compétence.

M. Laurent Lafon, président. - Avant d'ouvrir la discussion générale, j'invite nos rapporteurs à nous présenter le périmètre de cette proposition de loi.

M. Jérémy Bacchi, rapporteur. - Je vous propose de définir le périmètre de la proposition de loi en réservant notre examen aux conditions permettant de conforter et d'améliorer l'attractivité des établissements de spectacles cinématographiques, aux engagements de diffusion des distributeurs et aux principes guidant l'attribution des soutiens financiers du CNC.

Il en est ainsi décidé.

Mme Monique de Marco. - Je remercie les rapporteurs de ce travail transpartisan consacré à la filière cinématographique. Les textes consacrés au septième art étant rares, c'est une prouesse en soi.

Je souhaite en profiter pour élargir notre réflexion à ce sujet. En effet, est-il possible de conforter cette filière sans traiter pleinement les difficultés qu'elle traverse et qui détériorent l'image du cinéma français dans l'opinion ? La filière et le public attendent des réponses claires. Je pense ici à la question de la violence et du harcèlement sur les tournages et, plus largement, aux rapports entre les hommes et les femmes qui concourent à la réalisation d'oeuvres cinématographiques. Depuis des années, des voix s'élèvent pour dénoncer les violences physiques ou psychiques. Le manque de parité inquiète également, la filière étant encore dominée par les hommes. ; or cela a un impact sur le public et cela structure les représentations de nos concitoyens. La critique de cinéma Iris Brey a montré comment le regard féminin avait représenté une révolution à l'écran.

En réalité, ces attentes existent depuis le mouvement #MeToo. On avait assisté en 2018 à une montée des marches exclusivement féminine au 71e festival de Cannes et, en 2019, il avait été institué, sous l'impulsion de deux femmes - Françoise Nyssen et Frédérique Bredin, présidente du CNC - un bonus de 15 % pour le fonds de soutien pour les productions ayant recruté à parité. Depuis, plus rien. La charte pour la parité dans les festivals a donné peu de résultats et la formation de trois heures de rappel à la loi sur les violences sexuelles ou sexistes n'est dispensée qu'aux gérants des entreprises de production et non aux professionnels réellement chargés des ressources humaines sur les plateaux.

Ces attentes n'ont pourtant pas disparu et rejoignent l'accusation d'entre-soi qui touche le cinéma français, lequel protège ses monstres sacrés.

De façon générale, je m'interroge sur notre politique de soutien au cinéma. Cette proposition de loi comporte un certain nombre des mesures recommandées par Bruno Lasserre et, au fil des années, on s'est éloigné de l'idée d'une politique destinée à promouvoir l'exception culturelle française pour s'orienter vers une logique de rentabilité, qui profite à un faible nombre d'acteurs. Est-ce la vocation d'une politique culturelle que de financer des films facilement commercialisables ? Cela ne relève-t-il pas plutôt du ministère de l'économie ? Une telle logique est court-termiste, la vie d'un film dépasse la durée d'un quinquennat. Le CNC devrait concentrer son action sur les projets économiquement fragiles, portés par des réalisateurs débutants et sur l'accès à ce milieu. Il faut reprendre les travaux sur les quotas, à la suite de ce que Jacques Chirac avait imposé aux chaînes audiovisuelles en 2005.

Je proposerai des amendements allant en ce sens.

Sur la proposition de loi, je partage les inquiétudes émises à propos de l'article 4, dont la rédaction est datée et correspond à un contexte prénumérique, d'avant 2016.

Sur le prix des places, l'effort de simplification de la tarification doit se poursuivre. Les prix des abonnements doivent être réalistes au regard des prix proposés par les plateformes de vidéo en ligne. Le cinéma doit rester une expérience de salle.

Je salue la préoccupation des auteurs pour ce qui concerne la prise en compte des enjeux environnementaux lors de la production du film et la rémunération des auteurs. Je ferai néanmoins des propositions à ce sujet.

M. David Ros. - Nous tenons à saluer le processus qui a conduit de l'excellent rapport d'information à la rédaction de cette proposition de loi.

Au regard de la reprise des fréquentations, le cinéma semble bien enraciné. L'objectif de cette proposition de loi est de conforter la filière, de réduire les disparités territoriales et d'assouplir certaines procédures administratives.

Nous saluons les dispositions sur les cartes d'accès illimité, dont le déploiement sera simplifié. Nous saluons la conditionnalité des aides, notamment en fonction de la protection de l'environnement et de la juste rémunération des auteurs.

Enfin, nous nous réjouissons du traitement de la question des disparités territoriales et de l'obligation pour les distributeurs de diffuser plus équitablement les films d'art et d'essai, en particulier en milieu rural. Nous voterons pour cette proposition de loi.

Mme Laure Darcos. - Je remercie les trois rapporteurs d'avoir trouvé un point d'équilibre permettant d'obtenir un consensus sur la diffusion des films d'art et d'essai.

Un point de vigilance, toutefois : si l'amendement que vous allez nous proposer sur l'Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique (Arcom) et le piratage va dans le bon sens, car cette autorité tâche de réduire ses temps de traitement, prenons garde de susciter des réactions de gros opérateurs, qui demanderaient que le monde du cinéma paie, comme dans le sport. Le cinéma n'est pas le sport !

M. Stéphane Piednoir. - Je m'exprime au nom d'Agnès Evren, qui n'a pu participer à cette réunion.

La crise sanitaire a révélé les fragilités du modèle, mais la fréquentation est repartie à la hausse. Je salue la qualité du rapport d'information, dont les recommandations ont conduit à cette proposition de loi.

Je me réjouis de la suppression de l'agrément des cartes d'accès illimité, qui permettra de dynamiser cette belle formule. Je me réjouis également des nouvelles règles de diffusion des films d'art et d'essai dans les territoires ruraux et je me félicite des nouvelles obligations de production pour assurer la rémunération minimale des auteurs.

Le groupe Les Républicains votera pour cette proposition de loi.

Mme Catherine Morin-Desailly. - Le groupe Union Centriste soutient cette proposition de loi qui fait suite à l'excellent rapport d'information précité. Le cinéma français est un secteur exceptionnel et sophistiqué.

Néanmoins, le rôle des régions n'a peut-être pas été assez souligné. Celles-ci investissent largement dans le secteur, via leurs fonds d'aides, notamment pour la rénovation des salles, qui constituent un maillage crucial. Il faudra rappeler que le CNC doit continuer d'être le bénéficiaire des taxes affectées. Ces taxes conditionnent la structuration de la filière avec les régions.

J'ai en outre une question sur la chronologie des médias. Il y a une négociation tous les trois ans et nous arrivons prochainement à l'échéance de la période triennale actuelle. Est-ce une occasion pour le législateur d'intervenir si ces négociations n'aboutissent pas ? Les usages évoluent très vite, donc la durée qui sépare la sortie d'un film de son exploitation sur d'autres canaux peut aujourd'hui paraître trop longue.

M. Jérémy Bacchi, rapporteur. - Les discussions entre opérateurs concernant la chronologie des médias reprennent. Il leur reste un peu moins d'un an pour se mettre d'accord. Nous considérons que nous avons intérêt à ce qu'ils s'entendent entre eux ; le législateur intervient seulement en ultime recours. La chronologie des médias est une exception française, mais elle dynamise la production des films. Certains souhaiteraient en effet la faire évoluer, mais nous laissons pour l'instant les opérateurs discuter.

Examen des articles

Article 1er

L'amendement rédactionnel COM-1 est adopté.

L'article 1er est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission.

Article 2

L'article 2 est adopté sans modification.

Article 3

L'amendement rédactionnel COM-2 est adopté.

L'article 3 est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission.

Article 4

Mme Sonia de La Provôté, rapporteure. - Au travers de l'amendement COM-3, nous vous proposons de modifier le mécanisme des engagements de diffusion afin de le rendre plus applicable et acceptable par l'ensemble des professionnels que nous avons pu entendre lors de nos auditions.

Notre objectif est d'éviter une séparation entre ce que l'on pourrait appeler un « cinéma des villes » et un « cinéma des champs » ou, à tout le moins, des villes moyennes ou petites. Pour ce faire, il est essentiel de prévoir un mécanisme qui donne au CNC la capacité d'intervenir si des films d'art et d'essai porteurs ne sont pas distribués rapidement dans les zones les moins denses.

Cependant, ce principe d'équité territoriale sera d'autant mieux assuré qu'il reposera sur des règles acceptées par les professionnels chargés de le mettre en oeuvre. La rédaction que nous vous proposons précise ainsi les conditions de mise en oeuvre de ces engagements. Le principe serait non plus l'existence générale et permanente d'engagements de diffusion mais un mécanisme temporaire, limité aux situations dans lesquelles il serait objectivement constaté un déséquilibre dans la diffusion de ces films au détriment des territoires peu denses. Le président du CNC aura ainsi la capacité d'agir rapidement.

De cette manière, sans rien céder sur notre ambition initiale, je crois pouvoir dire que ce dispositif sera plus facilement accepté et intégré et que nous aurons enfin introduit dans notre droit des engagements de diffusion. Le système en manque singulièrement.

Mme Annick Girardin. - Je tiens à souligner à cet égard la spécificité des territoires ultramarins, où la situation est encore plus complexe.

L'amendement COM-3 est adopté.

L'article 4 est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission.

Article 5

L'article 5 est adopté sans modification.

Article 6

M. Laurent Lafon, président. - Les amendements COM-6 rectifié et COM-8 rectifié sont irrecevables au titre de l'article 40 de la Constitution.

M. Jérémy Bacchi, rapporteur. - L'amendement COM-7 rectifié bis est irrecevable au titre de l'article 45 de la Constitution, au regard du périmètre que nous avons défini.

Mme Monique de Marco. - Je le conteste.

M. Jérémy Bacchi, rapporteur. - L'objectif de diversification et d'une meilleure prise en compte de la parité est présent dans le milieu du cinéma depuis plusieurs années, ce qui est très positif. Or cet amendement veut aller plus loin, en donnant au CNC une compétence pour établir des règles pour l'accès à différents postes. Cependant, il est sans lien avec l'objet du texte, puisqu'il ne concerne ni les conditions permettant de conforter d'améliorer l'attractivité des établissements de spectacle cinématographique, ni les engagements de diffusion, ni les soutiens financiers du CNC, c'est-à-dire les trois axes que notre commission a admis comme relevant du périmètre de cette proposition de loi.

Mme Monique de Marco. - J'en modifierai la rédaction afin de le redéposer en séance publique.

L'amendement COM-7 rectifié bis est déclaré irrecevable en application de l'article 45 de la Constitution.

M. Jérémy Bacchi, rapporteur. - L'amendement COM-9 rectifié de Mme de Marco tend à réserver les aides financières du CNC aux oeuvres « dont la commercialisation anticipée n'est pas suffisante pour en permettre le financement » et au cinéma indépendant.

La logique de cet amendement semble être de réserver les aides à des films qui n'ont pas trouvé de financements suffisants, notamment les premiers films. Cela est contraire à la logique historique de financement du CNC et ne respecte pas le rôle de filtre que constitue pour un film la recherche de financements.

En outre, la catégorie des « salles indépendantes » n'a pas d'existence juridique.

Avis défavorable.

L'amendement COM-9 rectifié n'est pas adopté.

Mme Sonia de La Provôté, rapporteure. - L'amendement COM-10 rectifié a un objet quelque peu ambigu.

S'il concerne le patrimoine cinématographique en lui-même, il ne semble pas pertinent de limiter le patrimoine à une classe spécifique d'oeuvre, dont la définition est, au reste, assez floue. On peut le déplorer, mais une grande partie des grandes oeuvres cinématographiques patrimoniales du passé ont été le fait d'hommes. Les temps changent cependant, heureusement, comme en témoigne le succès de cinéastes françaises et européennes, c'est donc le patrimoine qui se construit actuellement qui s'inscrit dans la logique souhaitée par l'auteure de l'amendement.

S'il concerne, comme sa rédaction semble l'indiquer, les conditions de collecte et de conservation qui doivent être réalisées « dans des conditions représentatives de la parité », son objectif est moins compréhensible et probablement peu opérant.

Avis défavorable.

L'amendement COM-10 rectifié n'est pas adopté.

M. Jérémy Bacchi, rapporteur. - L'amendement COM-11 rectifié relatif à l'intelligence artificielle intervient dans un cadre dans lequel le droit européen s'impose, notamment pour ce qui concerne le droit d'auteur. Cette question ne relève donc pas de la compétence du CNC et une régulation des liens existant entre les droits d'auteur et l'intelligence artificielle serait contraire au droit européen en gestation.

Cela ne signifie nullement que notre commission ne se penchera pas sur ce sujet épineux au cours des années à venir.

L'amendement COM-11 rectifié n'est pas adopté.

Mme Alexandra Borchio Fontimp, rapporteure. - L'amendement COM-12 rectifié a pour objet de rendre inéligibles aux aides du CNC les entreprises de production d'oeuvres cinématographiques qui auraient financé des tournages pendant lesquels des faits de violences sexuelles ou sexistes auraient été constatés et qui n'auraient pas pris de mesures au moment des faits.

Cette proposition s'appuie sur le constat que de nombreuses productions seraient le lieu de violences sexuelles ou sexistes et sur l'idée selon laquelle la suppression des aides du CNC serait un moyen efficace d'inviter les producteurs à prendre les mesures adéquates.

Cet amendement est en pratique largement satisfait, car le code du cinéma et de l'image animée prévoit que « Le Centre national du cinéma et de l'image animée s'assure [...] du respect par les bénéficiaires des aides financières de leurs obligations sociales ». En écho à cette disposition, le règlement général des aides financières du CNC prévoit que, « En cas de non-respect de ces obligations, le Centre national du cinéma et de l'image animée peut refuser d'attribuer les aides demandées ou retirer les aides indûment attribuées ».

Pour toutes ces raisons, nous émettons un avis défavorable sur cet amendement.

L'amendement COM-12 rectifié n'est pas adopté.

L'article 6 est adopté sans modification.

Article 7

L'amendement rédactionnel COM-4 est adopté.

L'article 7 est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission.

Après l'article 7

Mme Alexandra Borchio Fontimp, rapporteure. - Au travers de l'amendement COM-5, nous proposons d'apporter une amélioration au mécanisme de lutte contre les « sites miroirs ». Les conséquences du piratage pour l'ensemble des oeuvres cinématographiques et audiovisuelles sont énormes ; elles sont estimées à plus de 1 milliard d'euros par an, soit plus que le fonds de soutien au CNC.

Parmi les pratiques les plus courantes figure celle dite des « sites miroirs ». La loi du 25 octobre 2021 a donc prévu une procédure spécifique, qui permet de demander le blocage de ces sites. Toutefois, à l'usage, on a constaté trois limites majeures à ce dispositif : tout d'abord, les délais de mise en oeuvre, qui sont majorées par la nécessité d'attendre deux mois l'expiration des délais de recours avant que l'Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique (Arcom) puisse demander aux intermédiaires techniques d'appliquer sur le site miroir la décision de justice initiale ; ensuite, la nécessité de réunir pour chaque décision le collège de l'Arcom, qui ne se réunit que deux fois par mois ; enfin, le fait que seules les personnes directement concernées par la décision, soit les ayants droit directs, peuvent saisir l'Arcom, ce qui est en pratique complexe et qui interdit aux organisations représentatives comme aux organismes de gestion collective (OGC), qui disposent de plus de moyens, d'exercer une action efficace.

Le dispositif proposé permettrait de lever ces obstacles. Ainsi, l'Arcom pourrait procéder au blocage sans attendre l'expiration des délais légaux, ce qui va accélérer la procédure ; la décision relèvera de son président ou d'un seul membre du collège désigné par lui ; et la liste des personnes habilitées à demander le blocage sera élargie aux organismes de gestion collective et aux organismes de gestion collective, qui peuvent d'ailleurs déjà agir dans le cadre du code de la propriété intellectuelle.

L'amendement COM-5 est adopté et devient article additionnel.

La proposition de loi est adoptée dans la rédaction issue des travaux de la commission.

Le sort des amendements examinés par la commission est retracé dans le tableau suivant :

Auteur

Objet

Sort de l'amendement

Article 1er

M. BACCHI, rapporteur

1

Rédactionnel

Adopté

Article 3

M. BACCHI, rapporteur

2

Rédactionnel

Adopté

Article 4

M. BACCHI, rapporteur

3

Engagements de diffusion

Adopté

Article 6

Mme de MARCO

6 rect.

Remplacer la modulation des aides du CNC en fonction du respect de critères environnementaux par des exigences de formations des différents secteurs.

Irrecevable art. 40 C

Mme de MARCO

7 rect. bis

Compléter les missions du CNC par l'établissement de règles destinées à renforcer la parité et la diversité au sein de différentes instances, comme les postes d'encadrement, les comités de sélection des aides automatiques ou encore les conseils d'administration des festivals et des écoles spécialisées.

Irrecevable art. 45,

al. 1 C (cavalier)

Mme de MARCO

8 rect.

Étendre les aides financières du CNC à des formations de l'ensemble des professions à la prévention et au signalement des violences sexuelles et sexistes et au harcèlement. 

Irrecevable art. 40 C

Mme de MARCO

9 rect.

Réserver les aides financières du CNC aux oeuvres "dont la commercialisation anticipée n'est pas suffisante pour en permettre le financement" et au cinéma indépendant. 

Rejeté

Mme de MARCO

10 rect.

Limiter les aides du CNC à la collecte et à la transmission du patrimoine cinématographique "dans des conditions représentatives de la parité et de la diversité". 

Rejeté

Mme de MARCO

11 rect.

Compléter les missions du CNC par une prévention de la "fragilisation du droit d'auteur par le recours à l'intelligence artificielle". 

Rejeté

Mme de MARCO

12 rect.

Rendre inéligibles aux aides du CNC les entreprises de production d'oeuvres cinématographiques qui auraient financé des tournages pendant lesquels des faits de violences sexuelles ou sexistes auraient été constatés et qui n'aurait pas pris de mesures au moment de la survenue des faits. 

Rejeté

Article 7

M. BACCHI, rapporteur

4

Rédactionnel

Adopté

Article(s) additionnel(s) après Article 7

M. BACCHI, rapporteur

5

Lutte contre le piratage

Adopté

Les thèmes associés à ce dossier

Partager cette page