II. LA PROPOSITION DE LOI PERMET D'ADAPTER LE RÉGIME DES ARRÊTS MALADIE AUX SPÉCIFICITÉS DES DYSMNÉNORRHÉES
A. LA CRÉATION D'UN ARRÊT DE TRAVAIL SUI GENERIS, ADAPTÉ AUX PARTICULARITÉS DES DOULEURS MENSTRUELLES
1. En France, quelques organisations pionnières expérimentent un « congé menstruel »
Si aucune disposition spécifique d'aménagement du temps de travail en cas de dysménorrhée n'existe à ce jour en droit français, certaines organisations ont d'ores et déjà décidé d'expérimenter un « congé menstruel » dans un souci d'améliorer les conditions de travail de leurs employées.
Les collectivités territoriales ont été pionnières en la matière, la commune de Saint-Ouen-sur-Seine a par exemple mis en oeuvre une autorisation spéciale d'absence de deux jours par mois sur présentation d'un justificatif médical, avant que la commune de Bagnolet et les métropoles de Lyon et Strasbourg n'emboîtent le pas avec des dispositifs similaires.
Certaines entreprises ont également prévu des adaptations : si l'exemple très médiatique de Carrefour ne concernera qu'un champ restreint aux salariées ayant une RQTH, d'autres grandes entreprises comme L'Oréal ou plus petites comme la coopérative La Collective sont également expérimentatrices.
2. La proposition de loi propose la création d'un « congé menstruel » sous la forme d'un arrêt de travail cadre d'au plus deux jours par mois, indemnisé sans jour de carence
Les expérimentations de « congés menstruels » en France le démontrent : il existe une indéniable et légitime attente des salariées souffrant de dysménorrhées pour une meilleure prise en compte de leurs douleurs menstruelles dans le milieu professionnel.
La proposition de loi vise à y apporter une réponse en créant, en son article 1er, un nouveau type d'arrêt de travail adapté aux particularités des douleurs menstruelles.
Prescrit par le médecin ou la sage-femme, cet arrêt de travail serait novateur en ce qu'il serait valable pour une durée d'un an et ouvrirait droit à l'assurée souffrant de dysménorrhée d'interrompre le travail deux jours par mois au plus. Cette dérogation au droit commun s'explique par la récurrence et la cyclicité des douleurs menstruelles tant que par leur caractère le plus souvent bénin. L'assurée bénéficierait alors d'un « crédit » de deux jours d'arrêt de travail à utiliser chaque fois que ses douleurs menstruelles le rendent nécessaire. Cela allègerait les démarches de l'assurée, qui n'aurait plus à consulter à chaque période de menstruation douloureuse, libérerait du temps médical dans un contexte de tension sur l'offre de soins et permettrait même aux femmes dont les douleurs menstruelles sont trop intenses pour effectuer une consultation d'avoir recours à un arrêt de travail.
Cet arrêt de travail menstruel ne ferait, en outre, pas l'objet d'un délai de carence, aux termes de l'article 2. La suppression du délai de carence, déjà appliquée pour les arrêts liés à une affection longue durée1(*) ou pour les arrêts en cas d'interruption spontanée de grossesse, garantira une indemnisation par la sécurité sociale des arrêts menstruels dès le premier jour.
Parcours des assurées souffrant de
dysménorrhées pour se faire prescrire
un arrêt de
travail
Source : Commission des affaires sociales du Sénat
En cas d'adoption du texte, les salariées qui recourraient à l'arrêt de travail menstruel resteraient protégées en droit contre toute discrimination à l'embauche, à la promotion ou à la rémunération.
L'article 3 prévoit que les arrêts de travail dans le cadre du « congé menstruel » soient pris en charge à 100 % par la sécurité sociale, un traitement dérogatoire plus favorable que les arrêts de travail de droit commun, pris en charge à 50 %.
Malgré la spécificité des douleurs menstruelles, la rapporteure a, dans un souci d'équité, amendé le texte pour supprimer cet article. Il ne lui a en effet pas paru justifié d'instaurer des différences de traitement entre les différentes pathologies dans le niveau de prise en charge par la solidarité nationale.
En tout état de cause, ce dispositif serait financé par la sécurité sociale, et non par l'employeur. Selon des estimations de la DGOS sur un champ restreint à l'endométriose, le coût pour la sécurité sociale d'un arrêt de travail menstruel sans délai de carence avoisinerait 100 millions d'euros par an.
* 1 À l'exception du premier arrêt en lien avec une ALD.