TRAVAUX EN COMMISSION
Désignation
d'un rapporteur
(Mercredi 20 décembre 2023)
M. Jean-François Longeot, président. - Nous devons procéder à la désignation d'un rapporteur sur le projet de loi relatif à l'organisation de la gouvernance de la sûreté nucléaire et de la radioprotection pour répondre au défi de la relance de la filière nucléaire et sur le projet de loi organique modifiant la loi organique n° 2010-837 du 23 juillet 2010 relative à l'application du cinquième alinéa de l'article 13 de la Constitution.
Le projet de loi, qui devrait être déposé aujourd'hui, vise à titre principal à réformer la sûreté nucléaire, en créant une nouvelle organisation, l'autorité de sûreté nucléaire et de radioprotection (ASNR), issue de la fusion de l'Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire (IRSN) et de l'Autorité de sûreté nucléaire (ASN).
Il comprend également des mesures relatives à l'énergie nucléaire, qui seront légitimement en application de l'acte de partage déléguées au fond à la commission des affaires économiques, laquelle devrait par ailleurs se saisir pour avis de l'ensemble du projet de loi.
La proposition de loi organique, qui devrait également être déposée aujourd'hui, effectue simplement une coordination, en remplaçant l'ASN et l'IRSN par l'ASNR dans la liste des emplois dont la nomination fait l'objet d'un contrôle par le Parlement au titre de l'article 13 de la Constitution.
Les sujets abordés dans ces textes sont suivis attentivement depuis de longs mois par notre commission. Nous avons ainsi entendu en audition, au format rapporteur, en février 2023, les dirigeants de l'ASN et de l'IRSN sur ce projet de fusion, qui était à l'origine intégré au projet de loi relatif à l'accélération des procédures liées à la construction de nouvelles installations nucléaires à proximité de sites nucléaires existants et au fonctionnement des installations existantes.
La commission entendra de nouveau le président de l'ASN, Bernard Doroszczuck, et le directeur général de l'IRSN, Jean-Christophe Niel, le 17 janvier 2024, ainsi que la ministre de la transition énergétique, Agnès Pannier-Runacher, le 24 janvier 2024, en audition plénière conjointe avec la commission des affaires économiques.
Les présents textes devraient ensuite être examinés conjointement en commission le mercredi 31 janvier, puis en séance publique à partir du mercredi 6 février. Un vote solennel sur l'ensemble est prévu le mardi 13 février.
Compte tenu de ce calendrier très resserré, il m'a semblé opportun de désigner un rapporteur dès à présent.
La commission désigne M. Pascal Martin rapporteur sur le projet de loi relatif à l'organisation de la gouvernance de la sûreté nucléaire et de la radioprotection pour répondre au défi de la relance de la filière nucléaire et sur le projet de loi organique modifiant la loi organique n° 2010-837 du 23 juillet 2010 relative à l'application du cinquième alinéa de l'article 13 de la Constitution.
Audition de M. Bernard Doroszczuk,
président
de l'Autorité de sûreté nucléaire (ASN)
(Mercredi 17 janvier 2024)
M. Jean-François Longeot, président de la commission de l'aménagement du territoire et du développement durable. - La commission de l'aménagement du territoire et du développement durable et la commission des affaires économiques sont réunies conjointement ce matin pour deux auditions consacrées au projet de loi relatif à l'organisation de la gouvernance de la sûreté nucléaire et de la radioprotection pour répondre au défi de la relance de la filière nucléaire et au projet de loi organique associé.
Nous commençons par l'audition de M. Bernard Doroszczuk, président de l'Autorité de sûreté nucléaire (ASN).
Je vous rappelle que la commission des affaires économiques, saisie pour avis, se réunira pour examiner le texte le 30 janvier. Le projet de loi et le projet de loi organique seront ensuite examinés ensemble en commission de l'aménagement du territoire et du développement durable le mercredi 31 janvier puis en séance publique, le mercredi 7 et le jeudi 8 février. Un vote solennel sur l'ensemble des deux textes est prévu le mardi 13 février.
Pascal Martin a été désigné rapporteur par la commission de l'aménagement du territoire et du développement durable et Patrick Chaize, rapporteur pour avis, par la commission des affaires économiques. Les auditions des rapporteurs ont commencé dès le début du mois de janvier.
Vous avez déjà eu l'opportunité de vous exprimer dans ce format, M. Doroszczuk, mais il nous a semblé essentiel que vous puissiez également nous présenter votre point de vue en plénière, devant les commissaires des deux commissions et l'ensemble des groupes représentés.
Il y a près d'un an, la fusion entre l'ASN et l'Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire (IRSN) avait été proposée par le Gouvernement dans le cadre de l'examen du projet de loi « accélération du nucléaire » à l'Assemblée nationale. Nous avions été nombreux, au Sénat, à déplorer la méthode employée par le Gouvernement, que la présidente Primas avait alors qualifiée « d'insupportable » : cette proposition n'avait fait l'objet d'aucune concertation ni d'aucune évaluation et n'avait pas été soumise à la première assemblée saisie, le Sénat ! Il est heureux que la proposition du Gouvernement ait finalement été rejetée par les députés.
Malmené, le Parlement a réagi par le biais d'une saisine de l'Office parlementaire des choix scientifiques et technologiques (Opecst) par la commission des affaires économiques du Sénat, initiative que je souhaite à nouveau saluer. Le rapport de l'Opecst de Stéphane Piednoir et Jean-Luc Fugit est paru en juillet dernier. Ses conclusions ont alimenté le projet de fusion proposé par le Gouvernement, dont nous sommes aujourd'hui saisis.
Avant de céder la parole à la présidente Estrosi Sassone, j'aimerais partager l'état d'esprit qui est le mien à l'amorce de ce chantier législatif, sans entrer à ce stade dans les considérations de fond concernant l'opportunité de la réforme.
Notre priorité - je le dis en tant que président de la commission en charge des politiques de prévention des risques - est claire : nous souhaitons maintenir notre sûreté nucléaire à un niveau d'exigence le plus élevé possible, en l'adaptant aux enjeux de notre décennie et de celles à venir. L'opportunité de la relance du nucléaire dans notre pays, qui constitue un débat majeur pour notre Nation et qui nous mobilisera dans le cadre du projet de loi « souveraineté énergétique », est une problématique d'un autre ordre. Ne nous y trompons pas : le texte qui va nous mobiliser dans les prochaines semaines ne nous amène pas à nous positionner pour ou contre l'énergie nucléaire. Il nous est demandé de réfléchir au cadre le plus adapté pour nos concitoyens pour assurer leur sécurité, protéger la santé, la salubrité publiques, la protection de la nature et de l'environnement, tout en garantissant un niveau de transparence satisfaisant.
Il me semble donc nécessaire de dissocier les deux sujets, même s'ils sont liés : un système de sûreté irréprochable et une transparence préservée, voire accrue, sont des conditions sine qua non de l'acceptabilité sociale du nucléaire, sans laquelle la relance de la filière ne pourra pas se faire.
Mme Dominique Estrosi Sassone, présidente de la commission des affaires économiques. - Dans le contexte de la relance de la filière française du nucléaire, la réforme de la gouvernance de la sûreté nucléaire et de la radioprotection, proposée par le Gouvernement, peut constituer une opportunité pour consolider les processus d'expertise, d'instruction, d'autorisation et de contrôle.
Pour autant, cette réforme ne peut réussir que si elle ne déstabilise pas les règles de sûreté et de sécurité, la disponibilité des compétences et, in fine, la confiance du public.
C'est pourquoi l'examen du projet de loi soumis au Sénat doit être approfondi et exigeant, en pesant les avantages mais aussi les inconvénients de la réforme.
La commission des affaires économiques du Sénat a expurgé la loi relative à l'accélération des procédures liées à la construction de nouvelles installations nucléaires à proximité de sites nucléaires existants et au fonctionnement des installations existantes, dite « Nouveau Nucléaire », du 22 juin 2023, de toute référence au premier projet de réforme, pour lui préférer une saisine de l'Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques (Opecst). En rejetant les amendements présentés à la hâte par le Gouvernement, après le vote massif du Sénat sur ce texte, nous nous sommes opposés à une réforme mal anticipée et mal évaluée. En saisissant l'Opecst, nous avons remis les parlementaires au coeur des enjeux.
Je constate que le nouveau projet de loi est plus abouti ; il est le fruit des travaux préalables de l'Opecst, d'une dizaine de saisines d'organismes consultatifs et d'un an de concertation sociale. Il arrive à un moment crucial, où la France s'apprête à se fixer de nouveaux objectifs de construction de réacteurs nucléaires, dans le projet de loi relatif à la souveraineté énergétique, qui définira notre prochain cap énergétique, et la programmation pluriannuelle de l'énergie (PPE), qui déclinera ce cap réglementairement.
Aussi, je vous poserai quatre questions.
En premier lieu, au regard des exemples étrangers, quels sont les bénéfices attendus d'un modèle de sûreté nucléaire et de radioprotection intégré, tel que pratiqué aux États-Unis, au Royaume-Uni ou en Espagne ? Ce modèle a-t-il un impact positif avéré sur la fluidité des processus, le partage des informations et l'attractivité des métiers ?
En second lieu, que pensez-vous du calendrier proposé par le Gouvernement pour réaliser la réforme ? Cette réforme, source inévitable de désorganisation, met-elle en risque la relance de la filière française du nucléaire ? À l'inverse, est-elle une nécessité pour faire face à l'afflux des dossiers de création des réacteurs nucléaires ou de prolongation ?
Autre point, que pensez-vous des suites données dans le nouveau projet de loi au rapport de l'Opecst ? S'agissant des recommandations sur la séparation entre l'expertise et la décision ou sur la publication des rapports et des avis, le renvoi au règlement intérieur de la future autorité de sûreté est-il adapté ? Certaines recommandations ne sont-elles pas omises ? Je pense à la nécessité, selon l'Opecst, du rappel du caractère indépendant de l'autorité dans son intitulé, du renforcement des groupes permanents d'experts, de l'amélioration de la gestion de crise, de l'institution d'un département de recherche ou encore de la coordination entre sûreté et sécurité nucléaires.
Enfin, au-delà de cette réforme, quelle est votre vision de la sûreté nucléaire et de la radioprotection de demain ? Car nous nous apprêtons à légiférer pour les prochaines décennies, la mise en service des premiers nouveaux réacteurs nucléaires n'étant pas attendue avant 2036-2037 ? Dans ce contexte, ne faut-il pas mieux intégrer les nouveaux risques, tels que la résilience des réacteurs nucléaires au changement climatique et leur cyberrésilience ? Ne faut-il pas mieux tenir compte des nouveaux acteurs du nucléaire, dont les opérateurs des petits réacteurs modulaires ? C'est un point d'attention pour notre commission, qui a complété en ce sens notre arsenal législatif, dans la loi « Nouveau Nucléaire », du 22 juin 2023.
M. Bernard Doroszczuk, président de l'Autorité de sûreté nucléaire. - Le 20 décembre dernier, un projet de loi visant à créer une nouvelle autorité indépendante chargée du contrôle de la sûreté nucléaire et de la radioprotection a été présenté en Conseil des ministres. Ce projet s'appuie sur les recommandations formulées en juillet dernier par l'Opecst, vous l'avez rappelé. La création de cette autorité est motivée, selon le Gouvernement, par les perspectives de développement du nucléaire, inégalées depuis le « plan Mesmer » il y a 50 ans, pour faire face aux enjeux majeurs de souveraineté énergétique et pour lutter contre le dérèglement climatique.
Une réflexion sur l'organisation du système de contrôle actuel dans un tel contexte n'est pas illégitime. C'est la responsabilité du Gouvernement de proposer une réforme, s'il l'estime nécessaire, et c'est bien entendu la responsabilité du Parlement de décider de son opportunité. Le système actuel de contrôle a 20 ans, il est le résultat d'évolutions successives intervenues à l'occasion de choix de politiques nucléaires et de retours d'expériences d'événements marquants concernant la sûreté nucléaire et la radioprotection tant en France qu'à l'étranger. Ce système a fait ses preuves « en temps de paix », c'est-à-dire avec un parc d'installation à contrôler stable, voire en décroissance. Cependant, si les nouvelles perspectives très ambitieuses de développement du nucléaire dans notre pays sont confirmées, dans les 20 ans qui viennent, le système en place devra affronter un contexte sans précédent depuis le début de l'épopée nucléaire en France, pour lequel il n'a pas été conçu. Ce sera un contexte hors normes en termes de charge de travail et d'autorisations à délivrer, tant sur les installations existantes que pour le nouveau nucléaire, dans un environnement en pleine mutation, avec de nouveaux acteurs, de nouvelles technologies, - vous avez évoqué les Small Modular Reactors, les SMR, ou petits réacteurs modulaires -, et de nouveaux usages du nucléaire. Le système de contrôle devra aussi anticiper les enjeux liés au dérèglement climatique mais aussi l'innovation et le développement des usages numériques, dont l'intelligence artificielle, tant dans les domaines de la sûreté que de la radioprotection, dans le secteur médical mais aussi dans le secteur industriel.
Dans un tel contexte, l'organisation actuelle ne pourra pas assurer ses missions avec efficacité sans un renforcement substantiel de ses moyens et de ses compétences et sans une évolution de son organisation et de ses modes de fonctionnement. Ce point est central et se posera quelle que soit l'option retenue. Le système de contrôle devra changer d'échelle, gagner en efficacité et éviter la dispersion des compétences techniques et scientifiques rares dans un contexte de tension sur les ressources. Il lui faudra développer de nouveaux modes de dialogue techniques moins séquencés qu'actuellement et plus adaptés aux phases de maturation et de mode de gestion des projets qui lui sont présentés.
Pour rendre ces évolutions réalisables, il n'est pas hors de propos d'envisager un système dans lequel une seule et même entité maîtrise l'ensemble des activités nécessaires au contrôle. Le choix d'un système intégré est celui qu'ont fait la plupart des pays occidentaux ayant des ambitions nucléaires. Si cette réforme est décidée, elle devra s'opérer sans amoindrir le niveau actuel de transparence ni les compétences techniques et scientifiques de l'ASN et de l'IRSN, qui sont indispensables à la confiance du public dans le contrôle. Cela est tout à fait possible dans une organisation resserrée dont l'indépendance, véritable clé de voûte de notre système, devra être renforcée.
Ces évolutions et le succès de leur mise en oeuvre supposeront l'engagement de chacun, tant de l'ASN que de l'IRSN et de leur personnel, ainsi qu'une ambition porteuse de sens. Les personnels des deux entités sont fortement engagés dans leur mission et je tiens à leur rendre hommage. Une bonne partie d'entre eux se connaissent, s'apprécient, travaillent ensemble. Des parcours croisés existent entre les deux entités, au bénéfice de tous. Tous les personnels techniques de l'ASN et de l'IRSN disposent d'une formation de haut niveau, nos deux établissements font beaucoup pour impliquer les parties prenantes dans les processus d'instruction, de dialogue technique et de concertation et pour développer une culture de sécurité et de radioprotection au sein de la population. Il est tout à fait possible de créer un système intégré au moins aussi sûr et transparent que le système actuel.
S'il est créé, ce système bénéficiera, comme aujourd'hui, de l'appui de groupes permanents d'experts pluralistes et externes à l'autorité, qui permettent un débat riche et une prise de recul par rapport aux conclusions des expertises et aux arguments des industriels. Face à cela, il ne me paraît guère rationnel de prétendre, comme certains le font, que le système de contrôle risque de s'effondrer d'ici 10 à 15 ans si la fusion était décidée. Un tel système intégré existe depuis longtemps à l'étranger, dans des pays qui ont un niveau d'expertise scientifique et d'exigences comparables aux nôtres. L'ASN et l'IRSN sont deux entités dont l'excellence est reconnue, tant en France qu'à l'étranger, et qui partagent la même raison d'être, celle de la protection de la population et de l'environnement. Il n'y a pas de raison objective de penser que cette excellence et cette raison d'être commune disparaîtraient au seul motif que les deux entités seraient fusionnées au sein d'une nouvelle autorité indépendante. C'est au contraire cette excellence dans tous les domaines, de la recherche à l'inspection en passant par l'expertise et la décision, et c'est la reconnaissance comme référence internationale dans tous ces domaines d'activité qui doivent être au coeur des ambitions de la nouvelle autorité si sa création était décidée.
Voilà ce que je souhaitais dire en introduction et je reviendrai, au cours du débat, sur toutes les questions que vous venez de me poser.
M. Pascal Martin, rapporteur de la commission l'aménagement du territoire et du développement durable. - Le Président Jean-François Longeot a rappelé la priorité qui guide mon travail en tant que rapporteur pour la commission de l'aménagement du territoire et du développement durable sur ce projet de loi : maintenir notre sûreté nucléaire à un niveau d'exigence le plus élevé possible, en l'adaptant aux enjeux de notre décennie et de celles à venir.
J'ai organisé, durant les premières semaines de janvier, une vingtaine d'auditions, afin d'entendre l'ensemble des parties prenantes sur ce texte. J'ai également souhaité travailler en bonne intelligence avec la commission des affaires économiques, saisie pour avis : certaines de ces auditions ont ainsi été organisées conjointement avec Patrick Chaize, je m'en félicite.
Monsieur le Président, nous vous avons déjà entendu au tout début du cycle d'auditions. Au terme de ces auditions, j'ai identifié cinq enjeux centraux, sur lesquels je souhaiterais vous entendre.
Premier enjeu : l'humain. La sûreté nucléaire repose d'abord sur des compétences, sur des experts et des chercheurs, qui doivent être au coeur de notre réflexion. Je l'avais déjà rappelé, en tant que rapporteur budgétaire sur les crédits relatifs à la prévention des risques : la relance du nucléaire nécessitera la création de 100 000 postes durant les 10 prochaines années... Dans ce contexte fortement concurrentiel, nous devons être particulièrement attentifs à assurer l'attractivité de la sûreté nucléaire.
Comment une nouvelle autorité de sûreté nucléaire et de radioprotection pourrait-elle être suffisamment attractive, notamment pour les jeunes chercheurs et experts ? Comment éviter que la période de transition indispensable entre l'ancienne et la nouvelle organisation ne se traduise par une fuite de compétences ?
Deuxième enjeu, non moins important : la transparence. Les Français ont aujourd'hui très largement confiance en la robustesse de notre système de sûreté nucléaire. Cette confiance est le fruit d'un travail de plusieurs décennies de tous les acteurs, qui s'est notamment traduit par un effort accru d'information du public. Pour assurer l'acceptabilité de la relance du nucléaire, il est souhaitable de continuer à renforcer cette transparence.
L'exposé des motifs du projet de loi évoque une « transparence renforcée vis-à-vis du public ». Comment une nouvelle agence renforcerait-elle selon vous la transparence de la sûreté nucléaire ? Alors que l'IRSN publie aujourd'hui l'ensemble de ses avis d'expertise, comment la nouvelle agence pourrait-elle assurer un niveau au moins équivalent de publication ?
Troisième enjeu : la distinction entre expertise et décision. C'est un principe fondamental de notre système de sûreté nucléaire. Dans l'organisation actuelle, les décisions en matière de sûreté nucléaire sont prises par l'ASN, tandis que l'expertise est généralement déléguée à l'IRSN pour les décisions les plus importantes. La réforme propose d'intégrer expertise et décision au sein d'une même autorité. Quelle forme pourrait prendre la distinction entre expertise et décision au sein de l'organisation unique proposée par le Gouvernement ?
Quatrième enjeu : la recherche. L'IRSN exerce une activité de recherche en matière de sûreté nucléaire, qui nourrit son activité d'expertise. Cette recherche appliquée, dont l'excellence est reconnue internationalement, serait conservée dans le cadre de la future autorité. Le transfert d'activités de recherche à une autorité administrative indépendante (AAI) n'est pas sans poser de difficultés. La recherche nécessite de nombreux partenariats, avec d'autres établissements de recherche, mais aussi avec les principaux industriels du nucléaire, qui seront également contrôlés par la future autorité. La nouvelle agence pourrait-elle poursuivre les partenariats engagés entre l'IRSN et les principaux industriels du nucléaire sans risque déontologique de conflit d'intérêts ?
Enfin, le dernier enjeu que j'identifie est juridique. Il s'agit des conditions d'élaboration du règlement intérieur de la future autorité. J'ai pu constater au cours de mes auditions que la plupart des sujets les plus sensibles, relatifs notamment à la déontologie, à la publication des travaux d'expertise et à la distinction entre expertise et décision, sont renvoyés au règlement intérieur de la future autorité.
Cette option a l'avantage de la souplesse. Il ne faut pas tout figer dans la loi. Si le législateur fait le choix de la fusion, les grandes orientations devront être décidées par le législateur, puis la nouvelle agence devra les appliquer dans son règlement intérieur, c'est le principe d'une autorité administrative ou publique indépendante. Cette solution plus souple a cependant un inconvénient : elle ne garantit pas que les formulations adoptées par la nouvelle soient totalement conformes à l'esprit du législateur. Comment garantir que sur des enjeux aussi cruciaux que la déontologie, la transparence et la distinction entre expertise et décision, la volonté du Parlement soit respectée ? Vous semble-t-il envisageable de prévoir la saisine pour avis de l'Opecst sur le projet de règlement intérieur de la future autorité ?
M. Patrick Chaize, rapporteur de la commission des affaires économiques. - La commission des affaires économiques est saisie de l'examen au fond de quatre articles, sur les réformes du haut-commissaire à l'énergie atomique (HCEA) et des règles de la commande publique applicables aux projets de réacteurs nucléaires ; elle est saisie de l'examen pour avis des autres articles du texte, ayant trait à la réforme de la gouvernance de la sûreté nucléaire et de la radioprotection.
Dans le cadre de mes travaux préalables, toujours en cours, j'ai entendu une quarantaine de personnalités, à l'occasion d'une vingtaine d'auditions. Je remercie le rapporteur Pascal Martin de la qualité de nos échanges.
Ma première question concerne l'application de cette réforme. D'une part, compte tenu de la nécessité, pour la nouvelle autorité, d'élaborer un règlement intérieur étoffé et de négocier des conventions collectives, l'échéance du 1er janvier 2025 est-elle tenable ? D'autre part, votre mandat devant prendre fin en 2024, sans possibilité de renouvellement, ne faudrait-il pas prévoir la désignation d'un préfigurateur ?
Ma deuxième question porte sur le statut de la future autorité. Si le statut d'AAI est de nature à garantir l'indépendance de cette nouvelle instance, celui d'autorité publique indépendante (API) lui aurait conféré une autonomie budgétaire et une souplesse de gestion. Regrettez-vous le choix opéré par le Gouvernement ?
Ma troisième question concerne les missions de la future autorité. Le 8 mars 2023, lors de votre audition par notre commission sur le projet de loi « Nouveau Nucléaire », du 22 juin 2023, vous aviez regretté que la sécurité des installations nucléaires civiles ne figure pas parmi les missions de la nouvelle autorité. Est-ce toujours votre position ?
Ma quatrième question porte sur l'organisation de la future autorité. Le projet de loi renvoie à son règlement intérieur la séparation entre les processus d'expertise et d'instruction conduits par les services, d'une part, et les processus d'élaboration des avis et des décisions prises par le collège, d'autre part. Ne faut-il pas viser d'autres actes ? Les cas où les décisions sont prises par le collège sont peu nombreux. Ne faudrait-il pas étendre ce champ de compétence ? Le projet de texte renvoie également au règlement intérieur le soin de définir les activités d'expertise et d'instruction qui devront faire l'objet de publication : est-ce que cela offre des garanties suffisantes ? Certains rapports, avis ou décisions ne devraient-ils pas être d'emblée rendus publics, sous réserve des secrets protégés par la loi ?
Ma cinquième série de questions porte sur le personnel de la future autorité. Tout d'abord, la réforme garantira-t-elle l'accueil des salariés de l'IRSN dans des conditions équivalentes à leur situation actuelle ? Plus encore, la complexité des instances de représentation des personnels et des modalités de négociation des conventions collectives ne fait-elle pas courir le risque d'une autorité déséquilibrée, à deux vitesses, entre les agents publics et ceux privés ? Enfin, la jurisprudence constitutionnelle prohibe la délégation de fonctions inséparables de la souveraineté nationale à des agents étrangers, de même que la recherche d'infraction pénale par des agents privés : ne faudrait-il pas inscrire ces garde-fous s'agissant des personnels habilités ?
M. Bernard Doroszczuk. - Quel est l'enjeu de la réforme ? Il est d'abord, dans les deux décennies prochaines, celui du défi que représente un volume de travail que nous n'avons jamais rencontré y compris lors de l'épopée nucléaire des années 1980 et 1990 - où nous avions eu à construire tout un parc, mais sans avoir la charge que nous aurons dans les deux décennies à venir, de gérer le parc du passé. Aujourd'hui nous avons à nous interroger sur l'avenir de nos 56 réacteurs actuels, sur leur démantèlement, et sur les nouveaux projets de gros et petits réacteurs. Cette charge de travail est inédite, il nous faut rechercher une organisation efficace qui préserve les acquis de transparence et de culture comme d'exigence de sûreté. C'est possible, d'autres le font par exemple aux États-Unis, au Canada, en Grande-Bretagne, au Japon, en Finlande, des pays qui ont des projets de développement du nucléaire et qui ont intégré en une même autorité les phases d'expertise et de décision, avec pour certaines autorités l'intégration de capacités de recherche. Ce système intégré que vise le projet de loi existe donc à l'étranger, il a montré sa robustesse, et le niveau d'exigence et d'expertise scientifique de ces autorités ne fait pas débat. On peut donc penser que l'objectif de la réforme est l'efficacité, en réduisant les délais d'instruction qui sont nécessairement plus longs et les procédures plus complexes dans une gouvernance à deux autorités - l'intégration dans une seule autorité effacera les doublons et les frictions qui se produisent nécessairement quand il y a deux autorités. Parmi les doublons, je peux citer les organisations de crise : il y a d'un côté celle de l'IRSN, qui, intervenant comme expert, projette les risques de crise et les mesures à prendre pour protéger les populations, avec par exemple des évacuations, des confinements, puis c'est l'ASN qui porte ces recommandations auprès du Gouvernement pour les traduire en mesures concrètes. Ce chaînage entraîne des frictions qui disparaîtraient avec un centre de crise unique. Autre exemple, nos deux établissements entretiennent des relations internationales et je suis conduit à rencontrer certains de mes homologues qui ont la compétence en matière d'expertise et qui doivent faire la distinction entre les deux instances, ou me disent avoir eu tel ou tel échange avec l'IRSN ; ce n'est guère efficace dans les instances internationales - c'est particulièrement vrai pour les nouveaux réacteurs, où il vaudrait mieux parler d'une seule voix. Et il faut aussi considérer l'ensemble du processus décisionnel, avec la phase d'expertise, la phase d'analyse avant proposition de décision, pour les décisions les plus importantes. Ce processus comporte des interfaces puisqu'il relève de deux entités différentes qui peuvent avoir des priorités différentes, en fonction de leurs propres enjeux. Pour l'ensemble du processus, il vaut mieux qu'une seule autorité décide, ce sera plus efficace. Tous ces avantages méritent donc d'être soulignés, ils sont intéressants pour faire face aux défis des prochaines décennies.
Quels sont les risques ? Vous les avez évoqués. Il y a, d'abord, un sujet humain. Nos missions reposent sur les hommes et les femmes qui constituent nos deux entités : il faudra renforcer substantiellement ces moyens humains, ou bien nous ne tiendrons pas. Ils travaillent déjà ensemble, ils ont la même raison d'être, il n'y pas entre eux de concurrence des visions et ils ont la même mission de protection des personnes et de l'environnement. Il n'y a pas, comme on l'entend parfois, d'un côté les capacités d'analyse et de l'autre une entité qui prendrait des décisions sans considérer la sûreté et la radioprotection : nous avons la même raison d'être. L'ASN est d'ailleurs composée à 70 % d'ingénieurs, d'experts, d'universitaires, de médecins, de pharmaciens, nous n'ignorons pas la science : il n'y a pas d'un côté l'administratif et de l'autre le scientifique. Or, nous allons avoir à recruter 100 000 personnes en dix ans, quand le contexte est déjà tendu sur les ressources humaines : certains de nos experts et chercheurs sont déjà sollicités par des entreprises qui leur offrent de belles carrières - il y a donc un risque de perte de compétences. Il faut s'en occuper immédiatement en prenant des décisions fortes. Je crois que la constitution d'une entité unique de 2 200 agents, avec des métiers plus divers, offre des parcours de carrières plus intéressants ; c'est un facteur d'attractivité.
Vous m'interrogez, ensuite, sur le calendrier de la réforme. Nous sommes dans une phase de montée en charge importante de l'activité et nous allons vers un pic qui devrait se produire vers 2027-28. Pour tirer le meilleur bénéfice d'une réforme, il faut la faire maintenant, avant ce pic. Il faut aussi limiter l'incertitude, les personnels doivent savoir le plus tôt possible si la réforme va se faire. L'échéance du 1er janvier 2025 me paraît donc ambitieuse mais nécessaire, ou bien on risque d'inciter au départ de personnels.
Des questions portent sur la distinction entre expertise et décision : elles sont bien légitimes. Il me semble que deux questions se posent en la matière : d'abord, sur le fait de savoir si une autorité de décision peut disposer en son sein d'une capacité d'expertise. La réponse est oui, aucune règle ne l'interdit et rien n'oblige à devoir recourir à une expertise extérieure - l'expertise est intégrée dans plusieurs pays, ce modèle est tout à fait compatible avec les évaluations internationales conduites par l'Agence internationale de l'énergie atomique (AIEA), rien ne s'oppose de ce point de vue à une fusion. D'ailleurs, pour être en mesure d'exercer sa mission de contrôle, une AAI dispose en général de compétences internes de haut niveau, c'est un atout pour l'exercice indépendant de ses missions. Deuxième question : comment distinguer la phase d'expertise interne de la décision ? C'est très important. Or, aujourd'hui, contrairement à ce qu'on en dit, il n'y a pas de barrière étanche entre les équipes de l'IRSN et l'ASN : elles sont associées, il y a des échanges, le dialogue technique est continu, de la préparation à la décision. Pour autant, il faut des règles, pour distinguer la responsabilité de l'expert de celle du décideur : c'est un principe à faire figurer dans la loi, sur le plan des responsabilités, quelle que soit la modalité du recours à une expertise. Et c'est bien au règlement intérieur d'en fixer les modalités, conformément à l'architecture fixée par la loi organique de 2017 sur les AAI et les API : la loi pose les principes, le règlement intérieur définit les modalités d'application. La loi doit-elle prévoir des consultations pour l'élaboration du règlement intérieur ? C'est au législateur d'en décider, de même que c'est au Parlement de dire quels seront les interlocuteurs réguliers de l'AAI.
Pour répondre à vos questions sur la transparence, je commencerai par souligner que nous disposons d'un modèle très développé de partage de l'information, de dialogue technique, d'association de la société civile, un modèle que je présente régulièrement à l'étranger, et que c'est bien ce niveau élevé de transparence qu'il nous faut préserver. Or, je ne vois pas en quoi la fusion le compromettrait, les deux instances actuelles ont un niveau élevé de transparence, leur regroupement ne devrait pas changer les choses et je n'y vois pas un sujet d'inquiétude. Il me semble, même, que le projet de loi comporte des avancées en la matière, en prévoyant une publicité particulière pour les sujets à fort enjeu, avec une association particulière du public à différentes étapes. C'est le cas par exemple pour la poursuite d'exploitation des centrales au-delà de 50 ou 60 ans, c'est un véritable sujet pour lequel nous avons déjà organisé des rendez-vous avec la population tout au long du processus décisionnel. C'est aussi le cas pour la mise en service du centre industriel de stockage géologique (Cigéo) : il faut une décision pour 2027-28 et nous avons déjà bien engagé, avec le Haut comité pour la transparence et l'information sur la sécurité nucléaire (HCTISN), un processus par étapes pour en décider. Le projet de loi précise également que chaque année, la future autorité présentera à l'Opecst les sujets sur lesquels elle propose un tel dialogue technique tout au long du processus d'instruction avec, bien sûr, publication des résultats : c'est encore une avancée.
Ensuite, il ne faut pas restreindre la question de la transparence aux seuls avis de l'IRSN. Nous effectuons par exemple 1 800 inspections par an, leurs résultats sont publiés au fur et à mesure, c'est une source d'information qui est largement exploitée par les associations pour interpeller les exploitants. Nous avons aussi des groupes permanents d'experts, placés hors de l'IRSN et qui subsisteraient d'ailleurs après une fusion. Ils associent des universitaires, des experts étrangers, et ses avis sont publics. Nous réalisons aussi tout un travail dans le cadre d'un comité directeur des situations post-accidentelles, avec des ateliers sur la culture de la sécurité et de la radioprotection, qui associent des riverains ; le tout est public. Notre système d'information sur le nucléaire est reconnu, il est en avance, je ne vois pas de raison qu'un regroupement de nos deux entités lui porte atteinte.
J'ai dit que la date du 1er janvier 2025 me paraissait nécessaire pour ne pas prolonger l'incertitude, et nous avons déjà lancé en interne une réflexion sur la préfiguration de la future autorité, le travail est en cours, avec l'IRSN. Nous avons installé 12 groupes de travail, un comité de concertation avec les représentants du personnel, pour préparer l'hypothèse où la loi serait votée et qu'on démarre alors aussitôt de manière opérationnelle.
Mon mandat se termine en novembre prochain, je ne serai donc pas présent au moment où le regroupement aurait été décidé. Faut-il un préfigurateur ? Je suis mal placé pour le dire, la décision revient à ceux qui vont désigner mon successeur, mais il me semblerait effectivement de bonne méthode d'initier les démarches de sélection de mon remplaçant avant le 12 novembre, d'autant plus que la loi aurait été votée l'été prochain.
Je vous confirme que je n'ai pas changé d'avis sur les liens entre sécurité et sûreté nucléaire : l'ASN estime que les deux sujets de la sécurité et de la sûreté des installations nucléaires civiles sont intimement liés. Pourquoi ? Parce que les actes de malveillance, qui sont du ressort de la sécurité, ont nécessairement un impact en termes de sûreté, il faut une approche globale. J'ai proposé que les responsabilités de sécurité et de sûreté des installations civiles soient placées entre les mains de la nouvelle autorité, comme cela se passe à l'étranger ; aussi, je regrette que le projet de loi retire à la prochaine autorité l'expertise en matière de sécurité des installations nucléaires civiles, pour la confier à l'autorité nucléaire de défense, qui n'a pas de compétence actuellement en la matière sur les installations civiles. Je crois que le Parlement doit se positionner sur ce sujet qui prendra plus d'importance à l'avenir avec le développement des SMR. Aujourd'hui, la sécurité des installations est assurée par une série de barrières physiques et la mobilisation de moyens importants en cas d'intrusion sur des sites nucléaires ; dès lors qu'on aura des micro-installations nucléaires installées dans le tissu industriel, sans ces barrières, il faudra que la protection soit intégrée dans la conception même des sites, c'est pourquoi je continue de croire qu'il vaut mieux confier aussi l'expertise de sécurité à la nouvelle autorité : vous le constatez, je n'ai pas changé d'avis, je maintiens ma position.
M. Sébastien Fagnen. - Je m'interroge sur les risques que la réforme désorganise notre système alors que la nouvelle autorité devra faire face à un pic d'activité. Nous savons que bien des agents et salariés s'opposent à la fusion, ce qui fait prendre en particulier le risque d'une fuite de compétences au moment où on en aura le plus besoin. Nous regrettons que l'Opecst ait fait primer dans les débats le scénario de la fusion, sans faire de place véritable à la piste consistant à renforcer le modèle actuel, ce que les deux instances ont proposé il y a plusieurs années déjà. Qu'en pensez-vous ?
Je m'interroge, ensuite, sur l'acceptation de cette réforme par la population - et je le fais en tant qu'élu du département le plus nucléarisé de France, trois sites nucléaires étant installés dans la Manche. L'Association nationale des comités et commissions locales d'information (Anccli) a mis en garde contre les risques que cette fusion fait porter à notre système au moment où le nucléaire est relancé et qu'il est appelé à se transformer avec les SMR. Des questions d'aménagement du territoire se poseront, l'inquiétude ne manquera pas de primer si l'on sent que l'expertise, le contrôle sont affaiblis. D'où cette question : quels sont donc les avantages de la fusion par rapport à un approfondissement des liens entre les deux entités ? A-t-on bien examiné les deux voies - et la fusion est-elle à ce point préférable qu'elle vaille les risques qui lui sont inhérents ?
Mme Évelyne Renaud-Garabedian. - Le Gouvernement souhaite une fusion dès 2025, mais tout le monde sait qu'un rapprochement provoque des contraintes de réorganisation sur de très nombreux plans, informatique, social, commercial, sur la communication, avec une augmentation des coûts et un allongement des délais. Combien de temps vous paraît nécessaire pour réaliser cette fusion ? Les bénéfices attendus sont-ils bien supérieurs aux dépenses qui ne manqueront pas, elles, d'être beaucoup plus importantes qu'on ne le prévoie ?
M. Gilbert-Luc Devinaz. - Vous soulignez que les deux instances sont reconnues sur le plan international. La Cour des comptes estime aussi que le système dual est efficace, nous sommes en droit de nous interroger sur la concomitance de cette réforme avec la relance du nucléaire. Dans sa conférence de presse d'hier, le Président de la République a appelé à « faire plus vite, moins cher et mieux » : ce projet de loi souscrit-il à ce triptyque et est-il bien le meilleur moyen de renforcer la sûreté et la sécurité de nos installations nucléaires ?
Mme Amel Gacquerre. - La relance de la filière nucléaire pose la question de la sûreté des installations, sujet très sensible pour la population - et condition indispensable à l'acceptation des EPR et EPR2. L'annonce d'un projet de fusion, l'an dernier, a créé le trouble : en avez-vous constaté un effet sur les départs de l'ASN ? Vous nous dites avoir besoin de plus de moyens pour la relance : avez-vous des garanties que les moyens seront renforcés s'il y a la fusion ? Que dit l'étude d'impact de ce projet de loi ? Enfin, comment avez-vous été associé à la préparation de ce texte ?
M. Ronan Dantec. - Quand on s'occupe de risques, il faut pouvoir penser « en dehors de la boîte », garder une faculté de poser des questions que personne ne pose. Or, l'ASN va devoir faire face à beaucoup de demandes d'expertise, au risque de saturer ses capacités. Comment garantir que toutes les questions pourront continuer à être posées ? Vous donnez l'exemple « intégré » des États-Unis, mais il faut bien voir qu'outre-Atlantique, les laboratoires des grandes universités jouent un rôle décisif justement par cette faculté de poser des questions, ils maintiennent l'autorité nucléaire en alerte. Comment maintenir cette capacité de penser à des choses hors agenda, en interne et en externe : mobiliserez-vous par exemple des laboratoires externes ?
M. Daniel Salmon. - Ce projet de loi est censé simplifier et fluidifier, mais ne va-t-il pas, au contraire, gripper notre système en forçant le regroupement de deux cultures qui sont très différentes ? On voit déjà qu'il y a des tensions, ne risque-t-on pas des conflits, qui seraient source de perturbations ? On parle d'un système dual, mais il y a en fait trois acteurs puisqu'il faut compter avec EDF, et ce fonctionnement à trois permet justement qu'il y ait toujours un tiers qui peut observer les autres, c'est très important pour notre sûreté.
Mme Marta de Cidrac. - Vous vantez les très bonnes relations de travail entre les deux entités, et vous dites qu'il faudra inscrire dans la loi le principe de la séparation entre la décision et l'expertise, et l'organiser dans le règlement intérieur : quel est donc l'intérêt de la fusion ? Vous dites aussi que pour faire face à la charge de travail qui arrive, vous devrez recourir davantage à de l'expertise externe : laquelle - d'où viendra-t-elle ? Comment passer cette étape cruciale pour notre pays, aussi bien pour le parc existant que pour celui que nous allons créer ?
Mme Sophie Primas. - J'aimerais prendre un exemple précis : sur le phénomène de corrosion sous contrainte (CSC), qu'est-ce qui aurait été différent si la fusion avait été faite ? Aurait-on détecté et réglé le problème plus vite, plus tôt ? Quels auraient été les avantages par rapport à l'organisation actuelle, pour vous et pour EDF ? On voit aussi que, dans l'aérospatial, il y a des compétences croisées entre le civil et le militaire : est-ce le cas aussi chez vous ?
Mme Nadège Havet. - Vous évaluez les besoins d'embauches à 100 000 postes dans les dix ans : avez-vous identifié des compétences rares ? L'offre de formation vous paraît-elle suffisante ?
M. Fabien Gay. - Vous présentez le projet de fusion sous un beau jour, mais on sait bien pourquoi il est forcé : la réalité, c'est qu'il y a une volonté politique forte de relancer très rapidement le nucléaire, c'est bien pourquoi nous avons déjà voté un texte d'accélération, où nous avons déjà posé des questions sur la transparence des décisions qui seront prises. Nous, communistes, notre position est claire sur le nucléaire : nous sommes pour, à condition de garantir un haut statut pour les salariés et la transparence pour les populations. Et nous avons toujours considéré que l'IRSN était un peu le caillou de l'expertise dans la chaussure des industriels et il faut donc faire attention quand on accélère au nom de l'efficacité, ce qui est le pourquoi de ce texte.
Vous dites que ce texte apporte un progrès de transparence pour l'ASN, nous y reviendrons dans le débat, mais on voit déjà que la situation n'est pas la même pour l'IRSN, dont les avis sont rendus publics depuis 2015 et qui risque d'y perdre avec ce texte.
Enfin, les salariés expriment leurs craintes face à ce que cette réforme peut signifier pour leurs statuts, certains relèvent du droit public, d'autres du droit privé, les uns et les autres ne veulent apparemment pas changer de statut mais ils craignent que, comme cela s'est passé ailleurs, des décisions leur soient imposées et que, par exemple, le privé prenne le pas sur le public.
Et pour finir, êtes-vous bien certain d'être prêt pour l'an prochain ? L'ASN utilise une cinquantaine de logiciels, l'IRSN en utilise près de 400 : des salariés qui connaissent la situation de près, nous disent que la fusion technique est impossible à réaliser dans un délai si court : qu'en dites-vous ? Et dans la négociation sociale en cours, chacun sait bien qu'avec le changement de direction, ceux qui prennent des engagements aujourd'hui n'auront pas eux-mêmes à les tenir. Tout ne pourra donc pas se faire par la négociation, le législateur devra intervenir.
M. Daniel Gremillet. - L'an dernier, le Sénat avait alerté sur les questions de sécurité et de sûreté nucléaires, surtout qu'avec les nouvelles générations de réacteurs, dont les SMR et les réacteurs de quatrième génération, le paysage va devenir bien plus complexe, puisqu'il y aura bien plus d'exploitants, bien au-delà d'EDF. Comment garantir la sûreté et la sécurité nucléaires dans ce contexte ? Comment faire, ensuite, pour disposer des ressources humaines suffisantes à la relance qu'on prétend faire, quand tout le monde relance le nucléaire à l'échelle internationale ?
On sait aussi que la recherche en matière de nucléaire concerne des domaines très divers comme l'énergie, le militaire, la santé : ce texte n'appauvrit-il pas notre capacité d'agir dans cette pluralité de domaines ?
Enfin, ce texte doit s'adapter aux évolutions à venir, je crois qu'il doit être vivant : certains articles ne peuvent-ils pas faire l'objet d'avenants, pour les adapter demain au contexte qui aura très probablement changé ?
M. Franck Montaugé. - Il semblerait que ce projet de réforme ait entraîné des départs en nombre : le confirmez-vous ? Sur les moyens, ensuite : la loi de finances initiale pour 2024 a-t-elle apporté un mieux, qui soit en lien avec cette réforme ?
M. Bernard Buis. - Une récente tribune dans le journal Le Monde estime que ce projet de fusion serait contraire aux objectifs de sûreté et de maintien de la confiance, car il conduirait à mettre fin à l'indépendance de l'expertise par rapport à la prise de décision en matière de sûreté nucléaire, indépendance actuellement assurée, outre l'existence de deux structures distinctes, par une disposition légale prescrivant la publicité des avis de l'IRSN. Les avis resteront-ils publics ?
M. Bernard Doroszczuk. - En tant que président de l'ASN, je ne suis pas l'auteur de ce projet de loi et bien des questions que vous me posez s'adressent en réalité au Gouvernement : c'est lui qui est à l'initiative de ce texte et qui a fait élaborer l'étude d'impact. Je ne peux donc guère vous répondre sur tout.
La réforme créerait-elle un risque de désorganisation ? Oui, c'est inhérent à la réforme. Est-ce un motif pour ne pas réformer ? C'est à vous d'en décider. Mais je pense qu'il faut y réfléchir, d'abord parce que l'enjeu devant nous est inédit. L'organisation actuelle permettrait-elle d'y faire face, en la renforçant ? C'est au Gouvernement de le dire, je crois que l'étude d'impact apporte des éléments sur cette alternative. En tout cas, je sais qu'on ne pourra pas faire face aux enjeux si l'on ne change pas notre organisation. Le contexte va changer en profondeur : alors qu'il n'y a aujourd'hui que quelques exploitants, une technologie et un seul usage du nucléaire civil - produire de l'électricité -, il y aura demain divers exploitants utilisant plusieurs technologies, pour des usages variés, par exemple la production de chaleur dans l'industrie. Un petit réacteur qui produira 1 mégawatt (MW), cela n'a guère à voir avec un EPR2 de 1 650 MW. Les questions de sécurité, de sûreté, d'acceptabilité n'ont certainement pas les mêmes réponses, d'autant que d'autres acteurs interviennent. Ces nouveaux acteurs sont très agiles, ils développent des concepts qui n'existent pas encore, sur lesquels nous n'avons pas d'expériences, avec des technologies nouvelles : nous devons investir dans de nouvelles compétences pour les expertiser. C'est évidemment plus difficile de le faire simultanément pour l'ASN et pour l'IRSN, plutôt qu'une fois pour une seule autorité. Il est donc plus efficace, pour ces ressources rares, d'avoir une seule autorité.
On dit qu'il y a des départs de l'IRSN, c'est exact. Pourquoi ? Si davantage de gens partent, c'est aussi parce que des start-up leur proposent de très bonnes conditions - ça peut aller jusqu'au doublement du salaire et on m'a parlé d'une reprise d'emprunt immobilier de 200 000 euros... On demande aux start-up des compétences pour entrer sur le marché : elles viennent les chercher en partie chez nous. L'expertise est une ressource rare et les propositions faites à nos experts continueront à l'avenir, qu'il y ait fusion ou pas.
La recherche est indispensable : je suis convaincu qu'une agence unifiée continuera à avoir de l'ambition pour la recherche, c'est nécessaire pour avoir une vision sur les enjeux en matière de sûreté, et cela passe aussi par des contrats avec des chercheurs étrangers, avec des industriels. Le projet de loi le prévoit en reconnaissant la nouvelle agence comme un organisme de recherche. Il y a eu un examen précis des outils nécessaires à prévoir dans la loi pour qu'elle ne perde pas de capacité de recherches. Elle sera en mesure d'éclairer l'expertise. Le fait d'avoir dans une même autorité des capacités de recherche, d'expertise, des outils de mesure et d'évaluation, sera par exemple un atout face aux enjeux du réchauffement climatique. Aujourd'hui, nous avons, à l'ASN, la responsabilité de la prescription des conditions de prélèvement d'eau et de rejet, par exemple ; nous avons des moyens de mesure dans l'environnement de ce que provoquent les rejets ; et l'IRSN a une capacité d'expertise interne, elle a des moyens de recherche dans le domaine du réchauffement climatique. Tout cet ensemble-là, sur la totalité de la chaîne de l'analyse prospective des enjeux et des impacts du réchauffement climatique, jusqu'à sa traduction dans les dispositions réglementaires qui s'imposeront aux exploitants, sera dans une même chaîne de commandement et de décision : c'est important, cela peut être une force pour la future autorité.
Le projet de loi prévoit le maintien de tous les statuts : nous l'avons spécifiquement demandé lors des consultations. C'est une richesse pour la future autorité. Chacun des statuts présente des avantages : il faut préserver notre capacité d'y recourir. Le texte le prévoit et c'est une force. Est-ce que cela va rendre la gestion complexe ? Oui, mais c'est déjà le cas et ce n'est certainement pas une raison d'y renoncer. Nous avons déjà des statuts divers, mais il n'y a pas de cultures différentes, nous avons des fonctionnements croisés et un même type d'approche sur les sujets.
Beaucoup d'arguments qui sont mis en avant contre la réforme proposée ont vocation à vous effrayer, il faut être réaliste. Il faut écouter, intégrer les craintes, mais par rapport à ce dont nous avons besoin, c'est-à-dire un système efficace, qui ne brade pas la sûreté ni les exigences de recherche, une entité plus resserrée, qui évite des doublons et bien des frictions, sera plus efficace. J'ai lu les tribunes - mais qui croit sérieusement qu'avec le regroupement, notre système va s'effondrer ? C'est une peur, cela n'a pas de sens.
M. Jean-François Longeot, président. - Merci pour toutes ces précisions.
Mme Dominique Estrosi Sassone, présidente de la commission des affaires économiques. - Effectivement, merci d'avoir répondu à bien de nos questions.
Audition de
M. Jean-Christophe Niel,
directeur général de l'Institut
de radioprotection et de sûreté nucléaire
(IRSN)
(Mercredi 17 janvier 2024)
M. Jean-François Longeot, président de la commission de l'aménagement du territoire et du développement durable. - Après avoir entendu le président de l'Autorité de sûreté nucléaire (ASN), nous avons le plaisir d'accueillir le directeur général de l'Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire (IRSN), Jean-Christophe Niel.
Monsieur le directeur général, vous avez déjà eu l'opportunité de vous exprimer auprès du rapporteur et du rapporteur pour avis, mais il nous a semblé essentiel que vous puissiez également présenter votre point de vue devant l'ensemble des membres des deux commissions.
Comme je l'ai fait avec M. Doroszczuk, je souhaite vous présenter mon état d'esprit à l'amorce de ce chantier législatif, sans entrer à ce stade dans les considérations de fond concernant l'opportunité de la réforme.
Notre priorité - je le dis en tant que président de la commission chargée des politiques de prévention des risques - est claire : nous souhaitons maintenir notre sûreté nucléaire à un niveau d'exigence le plus élevé possible, en l'adaptant aux enjeux de notre décennie et des suivantes. L'opportunité de la relance du nucléaire dans notre pays, qui constitue un débat majeur pour notre nation et qui nous mobilisera dans le cadre du projet de loi sur la souveraineté énergétique, est une problématique d'un autre ordre. Ne nous y trompons pas : le texte qui nous mobilisera au cours des prochaines semaines ne nous amène pas à nous positionner pour ou contre l'énergie nucléaire. Il nous est demandé de réfléchir au cadre le plus adapté pour nos concitoyens afin d'assurer leur sécurité, de protéger la santé et la salubrité publiques, de garantir la protection de la nature et de l'environnement, avec un niveau de transparence satisfaisant.
Vous l'aurez compris, il me semble nécessaire de dissocier les deux sujets, même s'ils sont liés : un système de sûreté irréprochable et une transparence préservée, voire accrue, sont des conditions sine qua non de l'acceptabilité sociale du nucléaire, sans laquelle la relance de la filière ne pourra pas se faire.
Mme Dominique Estrosi Sassone, présidente de la commission des affaires économiques. - Comme je l'ai indiqué lors de la précédente audition, à l'heure de la relance de la filière française du nucléaire, la réforme de la gouvernance de la sûreté nucléaire et de la radioprotection proposée par le Gouvernement peut constituer une opportunité pour consolider les processus d'expertise, d'instruction, d'autorisation et de contrôle. Pour autant, cette réforme ne peut réussir que si elle ne déstabilise pas les règles de sûreté et de sécurité, la disponibilité des compétences et, in fine, la confiance du public. C'est pourquoi l'examen du projet de loi soumis au Sénat doit être approfondi et exigeant, en soupesant les avantages, mais aussi les inconvénients de la réforme.
Je souhaite appeler votre attention sur quatre points.
En premier lieu, au regard des exemples étrangers, quels sont les bénéfices attendus d'un modèle intégré de sûreté nucléaire et de radioprotection, tel qu'il est pratiqué aux États-Unis, au Royaume-Uni ou en Espagne ? Quels en sont les risques ?
En deuxième lieu, que pensez-vous du calendrier proposé par le Gouvernement pour réaliser la réforme ?
En troisième lieu, pensez-vous que les conclusions du rapport de l'Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques (Opecst), rendu en application de la loi relative à l'accélération des procédures liées à la construction de nouvelles installations nucléaires à proximité de sites nucléaires existants et au fonctionnement des installations existantes, dite loi « Nouveau Nucléaire », du 22 juin 2023, ont été toutes prises en considération lors de la rédaction du présent projet de loi ? Je pense, en particulier, aux recommandations sur la séparation entre l'expertise et la décision. Certaines d'entre elles n'ont-elles pas été omises ? Si oui, faudrait-il les intégrer au texte ?
En quatrième lieu, enfin, au-delà de cette réforme, quelle est votre vision de la sûreté nucléaire et de la radioprotection de demain ? Car nous nous apprêtons à légiférer pour les prochaines décennies, la mise en service des nouveaux réacteurs nucléaires n'étant pas attendue avant 2036-2037. Dans ce contexte, ne faudrait-il pas intégrer davantage les nouveaux risques, tels que la résilience des réacteurs nucléaires face au changement climatique et leur cyberrésilience ? Ne faut-il pas mieux tenir compte des nouveaux acteurs du nucléaire, dont les opérateurs des petits réacteurs modulaires (SMR) ?
M. Pascal Martin, rapporteur de la commission de l'aménagement du territoire. - Monsieur le directeur général, je vous ai déjà entendu au tout début du cycle d'auditions. Au terme de ce cycle, j'ai identifié cinq enjeux centraux de ce projet de loi, qui doivent être approfondis. J'ai déjà eu l'occasion d'évoquer ces enjeux tout à l'heure avec le président de l'ASN, mais il me semble important d'avoir également votre point de vue.
Premier enjeu : l'humain. La sûreté nucléaire repose d'abord sur des compétences, sur des experts et des chercheurs, qui doivent être au coeur de notre réflexion. Je l'avais déjà rappelé en tant que rapporteur budgétaire pour avis sur les crédits relatifs à la prévention des risques, la relance du nucléaire nécessitera la création de 100 000 postes au cours des dix prochaines années. Dans un contexte fortement concurrentiel, nous devons être particulièrement attentifs à assurer l'attractivité de la sûreté nucléaire.
Dans l'hypothèse de la création d'une nouvelle autorité de sûreté nucléaire, comment la future autorité de sûreté nucléaire et de radioprotection (ASNR) pourrait-elle être suffisamment attractive, notamment pour les jeunes chercheurs experts ? L'éventualité d'une réorganisation prochaine de la sûreté nucléaire entraîne-t-elle déjà des conséquences sur l'attractivité de l'IRSN ? Comment éviter que la période de transition indispensable entre l'ancienne et la nouvelle organisation ne se traduise par une perte ou une fuite de compétences ?
Deuxième enjeu, non moins important : la transparence. Les Français ont aujourd'hui très largement confiance en la robustesse de notre système de sûreté nucléaire. Cette confiance est le fruit d'un travail de plusieurs décennies de tous les acteurs, qui s'est notamment traduit par un effort accru d'information du public. Pour assurer l'acceptabilité de la relance du nucléaire, il est à mon sens souhaitable de continuer à renforcer cette transparence. L'exposé des motifs du projet de loi évoque une « transparence renforcée vis-à-vis du public ». Comment la future ASNR renforcerait-elle, selon vous, la transparence de la sûreté nucléaire ? Alors que l'IRSN publie aujourd'hui l'ensemble de ses avis d'expertise, comment la future autorité pourrait-elle assurer un niveau au moins équivalent d'information du public ?
Troisième enjeu : la distinction entre expertise et décision. C'est un principe fondamental de notre système de sûreté nucléaire. Dans l'organisation actuelle, les décisions en matière de sûreté nucléaire sont prises par l'Autorité de sûreté nucléaire, tandis que l'expertise est généralement déléguée à l'IRSN pour les décisions les plus importantes. La réforme prévoit d'intégrer expertise et décision au sein d'une même autorité, dans un souci de simplification administrative, renforçant la lisibilité et le caractère opérationnel des services. Quelle forme pourrait prendre la distinction entre expertise et décision au sein de l'organisation unique proposée par le Gouvernement ?
Quatrième enjeu : la recherche. L'IRSN exerce aujourd'hui une activité de recherche en matière de sûreté nucléaire, qui nourrit son activité d'expertise. Cette recherche appliquée, dont l'excellence est reconnue internationalement, serait conservée dans le cadre de la future ASNR. Le transfert à une autorité administrative indépendante d'activités de recherche peut susciter quelques interrogations. La recherche nécessite de nombreux partenariats, avec d'autres établissements de recherche, mais aussi avec les principaux industriels du nucléaire, qui seront également contrôlés par la future autorité. L'ASNR pourrait-elle poursuivre les partenariats engagés entre l'IRSN et les principaux industriels du nucléaire sans risque déontologique de conflit d'intérêts ?
Enfin, le dernier enjeu que j'identifie est juridique : il s'agit des conditions d'élaboration du règlement intérieur de la future autorité. J'ai pu constater au cours de mes auditions que la plupart des sujets les plus sensibles, relatifs notamment à la déontologie, à la publication des travaux d'expertise et à la distinction entre expertise et décision, sont renvoyés, on peut tout à fait le comprendre, au règlement intérieur de la future autorité. Cette option a l'avantage de la souplesse ; il ne faut pas tout figer dans la loi. Si le législateur fait le choix de la fusion, les grandes orientations devront être décidées par lui, puis l'ASNR devra les appliquer dans son règlement intérieur. Cette solution plus souple peut cependant présenter un inconvénient : il n'est pas garanti - je ne formule aucune accusation a priori - que les solutions adoptées par l'ASNR soient totalement conformes à l'esprit du législateur. Comment garantir que, sur des enjeux aussi cruciaux que la déontologie, la transparence et la distinction entre expertise et décision, la volonté du Parlement soit respectée ? Vous semblerait-il pertinent et envisageable de prévoir la saisine pour avis simple de l'Opecst, par exemple, sur le projet de règlement intérieur de la future autorité ?
M. Patrick Chaize, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques. - Je l'ai indiqué précédemment, je suis chargé, en tant que rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques, de l'examen au fond de quatre articles du projet de loi, sur les réformes du haut-commissaire à l'énergie atomique (HCEA) et des règles de la commande publique applicables aux projets de réacteurs nucléaires, et de l'examen pour avis des autres articles du texte, ayant trait à la réforme de la sûreté nucléaire et de la radioprotection.
Je souhaite vous poser les questions que j'ai déjà indiquées au président de l'ASN.
Ma première question concerne l'application de cette réforme. D'une part, compte tenu de la nécessité, pour la nouvelle autorité, d'élaborer un règlement intérieur étoffé et de négocier des conventions collectives, l'échéance du 1er janvier 2025 est-elle tenable ? D'autre part, le mandat du président de l'ASN devant prendre fin en 2024 sans possibilité de renouvellement, ne faudrait-il pas prévoir la désignation d'un préfigurateur ?
Ma deuxième question porte sur le statut de la future autorité. Si le statut d'autorité administrative indépendante (AAI) est de nature à garantir l'indépendance de cette nouvelle instance, celui d'autorité publique indépendante (API) lui aurait conféré une autonomie budgétaire et une souplesse de gestion. Regrettez-vous le choix opéré par le Gouvernement ?
Ma troisième question concerne les missions de la future autorité. Lors de l'audition du président de l'ASN par notre commission, le 8 mars 2023, sur le premier projet de réforme proposé par le Gouvernement, dans le cadre de la loi dite « Nouveau Nucléaire », celui-ci avait regretté que la sécurité des installations nucléaires civiles ne figure pas parmi les missions de la nouvelle autorité. Partagez-vous cette position ?
Ma quatrième question porte sur l'organisation de la future autorité. Le projet de texte renvoie à son règlement intérieur la séparation entre, d'une part, les processus d'expertise et d'instruction conduits par les services et, d'autre part, les processus d'élaboration des avis et des décisions prises par le collège. Ne faut-il pas viser d'autres actes ? Les cas où les décisions sont prises par le collège sont peu nombreux, on en compte une quarantaine. Ne faudrait-il pas étendre ce champ de compétence ? Le projet de texte renvoie également au règlement intérieur le soin de définir les activités d'expertise et d'instruction qui devront faire l'objet d'une publication. Est-ce que cela offre des garanties suffisantes ? Certains rapports, avis ou décisions ne devraient-ils pas être d'emblée rendus publics, sous réserve des secrets protégés par la loi ?
Ma cinquième série de questions porte sur le personnel de la future autorité. Tout d'abord, la réforme garantira-t-elle l'accueil des salariés de l'IRSN dans des conditions équivalentes à leur situation actuelle ? Plus sensible encore, la complexité des instances de représentation des personnels et des modalités de négociation des conventions collectives ne fait-elle pas peser le risque d'une autorité déséquilibrée, à deux vitesses, entre les agents publics et les agents privés ? Enfin, la jurisprudence constitutionnelle prohibe la délégation à des agents étrangers de fonctions inséparables de la souveraineté nationale, de même que la recherche d'infractions pénales par des agents privés : ne faudrait-il pas inscrire ces garde-fous dans la loi pour les personnels habilités ?
M. Jean-Christophe Niel, directeur général de l'Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire (IRSN). - Mesdames, messieurs les sénateurs, c'est un honneur pour moi de répondre à vos questions. Je serai aidé pour cela, en tant que de besoin, par Karine Herviou, directrice générale adjointe de l'IRSN chargée de la sûreté nucléaire, et Patrice Bueso, directeur de la stratégie ; ils sont accompagnés d'Emmanuelle Mur, responsable des affaires institutionnelles.
Commençons par un rappel. L'IRSN est l'expert public du risque radiologique et nucléaire ; sa mission consiste à évaluer les risques liés à l'utilisation des rayonnements ionisants. Cette mission se décline en deux métiers : l'expertise à destination d'un grand nombre d'institutions, dont l'ASN, et la recherche. L'IRSN est donc un organisme scientifique et technique. Concrètement, 25 % à 30 % de notre activité sont actuellement consacrés à l'appui à l'Autorité de sûreté nucléaire, sous la forme de 400 livrables, dont 200 avis, par an. Le reste de notre activité réside dans la recherche ou dans l'expertise pour d'autres institutions : ministères chargés de la défense, de la santé, du travail, de l'environnement, des affaires étrangères, etc.
Ensuite, je veux dire un mot sur le projet de réorganisation du contrôle, qui fait suite aux deux conseils de politique nucléaire des 3 février et 19 juillet 2023. L'enjeu est en réalité de prévenir les accidents nucléaires ou radiologiques ; il ne s'agit pas seulement d'un processus de fusion administrative et budgétaire. En outre, quel que soit le risque considéré - sûreté nucléaire ou sécurité dans le domaine industriel -, le système de contrôle est un élément essentiel de la maîtrise des accidents ; les accidents de Tchernobyl ou de Fukushima, mais également d'AZF, de Lubrizol ou du Boeing 737-MAX en témoignent. Or, j'insiste, la réforme voulue par le Gouvernement n'est pas la conséquence d'une défaillance du système actuel de contrôle, ni à l'IRSN ni à l'ASN. Cela est souligné dans le rapport de l'Opecst, mais également dans le rapport d'audit de la Cour des comptes et du Haut Conseil de l'évaluation de la recherche et de l'enseignement supérieur (Hcéres).
Le présent projet du Gouvernement vise à fluidifier les processus afin de faire face à la forte augmentation de la demande. Il comporte des évolutions par rapport au premier amendement sur le sujet, déposé alors dans le cadre de l'examen l'année dernière du projet de loi relatif à l'accélération des procédures liées à la construction de nouvelles installations nucléaires à proximité de sites nucléaires existants et au fonctionnement des installations existantes, qui n'avait d'ailleurs pas été examiné par le Sénat, et il prévoit trois chantiers. Le premier réside dans la mise en place de l'ASNR. Le deuxième consiste à transférer la dosimétrie passive au Commissariat à l'énergie atomique et aux énergies alternatives (CEA) ; je vous présente ici un dosimètre, ce dispositif est utilisé par des professionnels - du dentiste à l'opérateur de centrale nucléaire -, que l'IRSN fabrique à 1 500 000 exemplaires par an. Troisième chantier : le transfert de l'expertise de défense au ministère des armées.
On retrouve dans le présent projet de loi les recommandations de l'Opecst. Je pense, notamment, au fait d'associer la recherche et l'expertise, d'afficher au plus haut niveau la séparation entre expertise et décision, de garantir la transparence de l'expertise, de préserver la capacité de réponse de l'État en cas de crise, d'assurer l'attractivité et la fidélisation des salariés, de fournir un appui technique aux autres autorités dans le domaine de la défense et de la sécurité ou dans le domaine de la radioprotection.
J'en viens à la future autorité de sûreté nucléaire et de radioprotection. Ses missions seraient celles qui incombent aujourd'hui à l'ASN et à l'IRSN, à l'exception, donc, de la dosimétrie passive et de l'expertise de défense. Cette nouvelle structure serait unique à plusieurs titres. D'abord, il s'agirait du seul organisme de recherche ayant le statut d'une autorité administrative indépendante. Ensuite, à l'échelle internationale, elle serait la seule autorité de sûreté faisant de la recherche ; même si certaines autorités de sûreté étrangères financent de la recherche.
La deuxième originalité de la nouvelle organisation est de rassembler 500 agents publics et 1 600 salariés de droit privé. Le Conseil d'État, au travers de son avis sur ce projet de loi, et le Conseil national de la transition écologique (CNTE) indiquent que ce dispositif présente une complexité certaine.
Ces constats amènent l'IRSN à se montrer vigilant sur cinq points.
Le premier point a trait aux activités de recherche. Il est essentiel que ces dernières s'intègrent dans l'écosystème afférent. Il faut être capable de mener des travaux avec les industriels afin de concevoir, de construire et d'exploiter des installations.
Le deuxième point est la gestion de crise. L'organisation prévue dans la loi améliorera la visibilité en la matière. Un certain nombre de sujets devront néanmoins être traités. Ainsi, il faudra s'assurer que les dosimètres passifs soient mis à la disposition des travailleurs ou du personnel intervenant, ce dont l'IRSN se charge actuellement. De plus, la gestion de crise pour ce qui est de la défense devra être éclaircie. Pour l'instant, l'expertise à ce sujet est faite au centre de crise de l'IRSN, qui sera intégré à l'autorité de sûreté civile.
Le troisième point est la séparation entre l'expertise et la décision. Ce principe résulte des grandes catastrophes technologiques des années quatre-vingt, comme Bhopal et Tchernobyl, et des crises sanitaires des années quatre-vingt-dix, comme le sang contaminé et la vache folle. Il me semble que la distinction retenue dans la loi entre le collège, chargé des décisions les plus importantes, et les services n'est pas suffisante.
Le quatrième point est l'attractivité. L'enjeu sera de maintenir dans la durée, conformément à l'objectif actuel, un nombre important de salariés de statut privé et le dialogue social, qui est 'une qualité reconnue à l'IRSN.
Le cinquième point est l'enjeu de la transparence et de l'interaction avec la société civile qui conditionnent la confiance dans le système de contrôle. Il faudra continuer à publier les expertises techniques et les recherches qui fondent les décisions.
Au-delà de ces points, il est nécessaire d'assurer la continuité de service pour garantir la réussite du plan de relance du nucléaire. J'ai remis à votre rapporteur un schéma élaboré par l'IRSN qui montre une concentration de notre travail d'expertise, avant les prises de décision, dès 2024 et 2025. Des travaux sont déjà menés sur les réacteurs EPR 2 ou sur les SMR.
En outre, pour reprendre les termes du Conseil supérieur de l'énergie (CSE), j'attire votre attention sur le risque d'instabilité qui pourrait accompagner la réforme. La complexité de cette dernière est mentionnée par la Cour des comptes, par le Conseil d'État ou par l'Opecst et par vos commissions.
Pour conclure, j'indique qu'une des conditions de la réussite de cette réforme est celle des moyens, en matière tant de relance du nucléaire que de réorganisation. Le constat figure notamment dans le rapport de M. Rapin au nom de la commission des finances du 24 mai 2023 Relance du nucléaire : adapter les moyens de l'Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire.
Une autre condition est que le dialogue social soit de qualité afin que l'adaptation soit à la hauteur de l'évolution.
M. Sébastien Fagnen. - À écouter précédemment le président de l'ASN, nous avons eu le sentiment que le plaidoyer en faveur du projet de fusion s'agissait en fait d'un réquisitoire ! D'après vous, la filière électronucléaire française peut-elle relever les défis des années à venir en conservant le système dual actuel et en le renforçant à l'aide de garanties financières et humaines ?
M. Yannick Jadot. - Le nucléaire sera encore présent pour des décennies : l'enjeu est celui de la sûreté et de la sécurité. Un président de l'ASN avait déclaré que le risque zéro n'existait pas. En outre, les risques sont de plus en plus nombreux. Il est nécessaire de les expertiser correctement. Les besoins explosent également en matière de décisions et potentiellement d'autorisations. L'accroissement des responsabilités est considérable. Nous avons l'impression que le Président de la République veut passer outre toutes les procédures de décision, notamment parlementaires, et que l'expertise sur le fond devient une forme de contre-pouvoir qu'il faudrait réduire, car source d'emmerdements en matière d'autorisations ! Or l'organisation en deux institutions nous paraît efficace et de plus en plus nécessaire. Un doublon en matière de sécurité nucléaire représente une sécurité.
Avec ce projet de loi, la séparation entre expertise et autorisation ne relèverait pas d'un encadrement décidé en responsabilité par le législateur. Elle se ferait au travers d'un règlement intérieur, ce qui, pour des décisions aussi importantes, me paraîtrait lunaire ! Ce rattachement à un tel document vous paraît-il suffisant pour assurer la sécurité de nos concitoyens ?
M. Gilbert-Luc Devinaz. - Votre organisme comme l'ASN sont reconnus à l'échelle internationale pour leurs compétences. En quoi cette réforme ira-t-elle dans le sens d'un renforcement de la sûreté et de la sécurité nucléaires ?
Par ailleurs, l'ex-ministre de la transition énergétique indiquait que votre établissement public industriel et commercial (Épic) serait plus indépendant à l'avenir en étant intégré dans une agence. En quoi manquez-vous actuellement d'indépendance ? En auriez-vous davantage à l'avenir ?
M. Serge Mérillou. - Le Gouvernement justifie entre autres cette fusion par le besoin d'augmenter l'efficience du travail, notamment pour améliorer le partage d'informations. Or, dans le même temps, le projet de loi prévoit une séparation entre la sûreté des installations civiles et celle des installations militaires. Vous évoquiez la complémentarité des deux domaines lors de votre audition à l'Assemblée nationale en octobre dernier. Cette mesure peut-elle représenter un frein au partage des données ? N'existe-t-il pas un risque de perte d'efficacité ?
En matière de recherche, vos partenaires, par exemple EDF et le CEA, sont soumis au contrôle de l'ASN. En créant une unité qui rassemble l'IRSN et cette dernière, de tels acteurs ne seront-ils pas réticents à mener des recherches en partenariat avec l'autorité qui les contrôle ? Le cas échéant, comment faire face à cette perte de compétitivité de votre organisme ?
M. Ronan Dantec. - Dans son audition édifiante, le président de l'ASN nous indiquait clairement que son organisme n'avait pas les moyens d'accomplir ses missions : nouveau programme nucléaire, carénage, SMR, etc. Les moyens humains de l'IRSN permettraient de répondre à la charge de travail.
Si l'IRSN doit répondre à davantage de demandes d'expertise sur l'ensemble des champs liés à la relance du nucléaire, aurez-vous encore les moyens de remplir vos autres missions, la radioprotection ne se limitant pas au nucléaire ? Certaines devront-elles être réduites, voire abandonnées ? Votre rôle out of the box, à savoir poser des questions que personne ne pose et non pas répondre seulement à des commandes d'études venant de l'ASN, pourra-t-il être rempli ?
M. Daniel Gremillet. - En matière de personnel, tout le monde reconnaît les besoins énormes qui sont impliqués par les nouvelles missions et par la nouvelle génération d'installations nucléaires. À ce titre, les moyens de l'IRSN ont été renforcés par le Sénat en 2023. Jusqu'à présent, EDF est votre principal interlocuteur. À l'avenir, il faudra compter sur les start-up. Le contexte changera complètement ! La future structure sera-t-elle un atout pour attirer plus de femmes et d'hommes malgré le déclin national du nucléaire ?
En outre, les installations nucléaires nécessiteront de nouveaux sites. La question de la transparence et des moyens afférents n'est-elle pas sous-estimée dans ce texte ?
Enfin, la France a été pionnière dans le nucléaire : énergie, santé, défense... Dans la nouvelle structure, la recherche ne serait-elle pas affaiblie ?
Mme Marie-Claude Varaillas. - Pour justifier la fusion, la ministre de la transition énergétique a mis en avant le manque de réactivité dans les situations de crise, évoquant la centrale de Civaux dont la reconnexion au réseau, après la résolution des problèmes de corrosion, aurait pris trop de temps. La fusion des deux entités permettrait-elle véritablement d'améliorer les délais ? La convention pluriannuelle avec l'ASN fixe des échéances qui semblent avoir toujours été respectées par l'IRSN. Il serait intéressant d'évaluer le gain de temps réellement induit par la création de cette nouvelle autorité administrative indépendante, et de vérifier que la fusion ne se fera pas au détriment de la transparence et de la sécurité.
M. Bernard Buis. - Compte tenu du niveau relativement faible des rémunérations existantes au sein de votre organisme pour certains métiers en tension de la filière du nucléaire, l'article 11 du projet de loi prévoit que l'IRSN et l'ASN consacreront respectivement 15 millions d'euros et 700 000 euros à l'augmentation des salariés et des contractuels de droit public en 2024. En parallèle, le Gouvernement réfléchit aux moyens d'accroître l'attractivité de la future autorité pour les fonctionnaires en veillant à maintenir un équilibre entre les différentes affectations. Y aurait-il d'autres pistes à envisager ?
M. Daniel Salmon. - Le président de l'ASN parlait de contexte hors norme. Est-ce compatible avec le nucléaire ? Il parlait de défis extrêmes devant nous, comme la sécurité du parc nucléaire vieillissant ou les nouveaux EPR2 et SMR. Des évolutions pourraient-elles être apportées au modèle actuel ou la fusion des deux organismes est-elle un passage obligé ? Quelles seraient vos propositions pour améliorer ce système dual qui donne satisfaction ?
Mme Anne-Catherine Loisier. - Dans quels pays y a-t-il, comme en France, des autorités et organismes distincts ? Est-il envisagé de les regrouper ?
M. Jean-Christophe Niel. - Tous les pays ayant un parc nucléaire ont besoin d'une expertise technique de sûreté nucléaire et disposent donc d'une autorité de sûreté nucléaire, conformément à la convention internationale. Pour autant, les modèles peuvent différer en termes d'interactions entre l'autorité de sûreté et les organismes techniques de sûreté, les TSO (Technical Safety Organizations), dont l'IRSN fait partie.
Il faut distinguer deux systèmes, reconnus au niveau international : le système américain, qui est intégré, et le système français, qui comprend une autorité et un expert techniques.
Sur les douze pays qui comptent le plus grand nombre de réacteurs, dix ont un TSO séparé. Les deux pays ayant un TSO unique sont des acteurs majeurs : les États-Unis et le Canada. Il convient de considérer les caractéristiques des TSO en examinant l'équilibre global du système. Ainsi peut-on noter que les autorités de sûreté américaine, canadienne et japonaise organisent leurs réunions de façon publique, télévisée. Par ailleurs, le système américain est très normatif : il ne prévoit pas de dialogues techniques laissant la place à l'innovation.
Pour ce qui concerne le calendrier, un regroupement de l'actuelle ASN et de l'IRSN au 1er janvier 2025 est un objectif très ambitieux. Par ailleurs, l'organisation de la nouvelle structure sera liée aux choix prévus dans la loi. Si cette date devait être retenue, le système devrait fonctionner à cette échéance, même s'il n'est pas définitif. Aussi travaillons-nous avec l'ASN pour définir les « incontournables », c'est-à-dire les sujets qui devront être absolument traités, faute de quoi le système ne fonctionnera pas. Je citerai un exemple trivial, les rémunérations, mais aussi l'organisation hiérarchique des postes, ainsi que le partage et les délégations de responsabilités et de pouvoirs.
Le président de l'ASN quittera ses fonctions en novembre 2024. Lorsque la nouvelle structure verra le jour, il serait bon que le nouveau dirigeant ait en main les options possibles et qu'il soit dépositaire du travail qui a été précédemment engagé. La notion de préfiguration n'est pas simple à mettre en oeuvre ; en effet, les nominations du président de l'ASN et du directeur général de l'IRSN doivent être approuvées par les commissions parlementaires. Il est difficile d'imaginer un préfigurateur qui ne serait pas passé par cette étape...
Nous travaillons donc avec les équipes de l'ASN, du CEA et du ministère des armées sur les points qui devront absolument être en place au 1er janvier 2025.
Le projet de loi fait référence à la vingtaine de recommandations du rapport l'Opecst, lesquelles pourraient être appliquées dans le système dual actuel.
J'en viens à la sûreté nucléaire et la radioprotection de demain. Parmi les installations nouvelles - EPR, EPR 2, SMR -, le réacteur EPR 2 n'est pas très différent de l'actuel EPR : la chaudière est la même ; EDF a pris la décision de garder le même récupérateur de corium ; seuls les bâtiments périphériques évoluent. Pour l'expertise de l'EPR 2, qui a déjà commencé - une vingtaine d'avis ont été produits de manière anticipée -, il faudra se concentrer sur les différences avec l'actuel EPR.
Nous échangeons avec les concepteurs des SMR. Avec l'ASN, nous avons travaillé sur la mise en place de nouveaux processus d'instruction, en prévoyant une étape qui permettra de gagner du temps : il s'agit d'évaluer la maturité du projet déposé par le concepteur de SMR afin d'examiner s'il est expertisable.
L'IRSN a engagé une réflexion sur les sujets majeurs de la cybersécurité et de la cyberrésilience, de même que sur le changement climatique, sur lesquels nous menons des activités de recherche et d'expertise. Il conviendra d'approfondir ce travail.
Parmi les cinq enjeux centraux rappelés par M. le rapporteur Pascal Martin, j'insisterai sur l'attractivité, l'aspect humain. La force de l'IRSN, c'est la qualité de ses personnels - ingénieurs, titulaires de doctorats, médecins, pharmaciens, experts. Le maintien de l'attractivité est un objectif essentiel. La période actuelle se caractérise par l'incertitude. Nos salariés sont inquiets et la question de l'évolution des effectifs se pose. Nous constatons une augmentation du nombre des démissions, qui demeure néanmoins limité. Mais lorsqu'un personnel part, il faut le remplacer. Il faut dix ans pour former un expert ; il convient donc, à cet égard, d'investir dans la durée.
Pour ce qui concerne les conditions salariales, on constate un écart de salaires de 23 % entre les experts de l'IRSN et ceux de l'industrie ou du secteur de la santé. Cet écart s'élève à 40 % s'agissant des experts de bon niveau et des managers. Par ailleurs, les nouveaux acteurs du secteur proposent des rémunérations que nous ne pouvons pas offrir.
La transparence est un enjeu essentiel pour la crédibilité et la confiance dans le système de contrôle. L'IRSN mène une politique volontaire et dynamique - et, je crois, reconnue - d'ouverture sur la société. Il convient de renforcer cette démarche. Notre comité d'orientation des recherches (COR) associe les parties prenantes à la définition des programmes de recherche. Les commissions locales d'information (CLI) et leur association nationale, ainsi que le Haut Comité pour la transparence et l'information sur la sécurité nucléaire (HCTISN) sont des acteurs essentiels de ce dispositif. Ainsi, le Haut Comité tiendra demain une conférence de presse, à laquelle l'IRSN participera, relative au lancement de la concertation sur la prolongation des réacteurs de 1 300 mégawatts.
La séparation entre l'expertise, relevant des services, et la décision, relevant du collège, n'est, selon moi, pas satisfaisante. Aujourd'hui, le collège rend 40 décisions par an, et l'IRSN transmet à l'ASN 200 avis ; la plupart de ceux-ci sont repris non par le collège, mais par les services. On pourrait imaginer, par exemple, une direction de l'instruction et de la réglementation, d'une part, et une direction de l'évaluation, d'autre part, avec des processus de prise de décision qui seraient placés à la bonne place hiérarchique.
Il y a certes un continuum entre expertise et décision, qui se présente comme suit : dépôt d'un dossier par l'opérateur ; discussion entre l'opérateur, l'IRSN et l'ASN pour définir le cadre de l'expertise ; expertise comprenant des interactions avec l'opérateur ; information de l'ASN ; avis ; décision. Pour autant, ce continuum n'exclut ni l'existence d'étapes ni une claire attribution des responsabilités, laquelle sera d'ailleurs prévue dans la nouvelle organisation dans le cadre de la démarche qualité. Plus fondamentalement, les experts qui signent un avis sur le nucléaire sont conscients de la responsabilité qu'ils portent.
La recherche est un enjeu très important de la création de la nouvelle structure. L'Autorité de sûreté nucléaire, dont j'ai été directeur général pendant dix ans, a un fonctionnement en surplomb. Quant au travail des organismes de recherche, il relève de la collaboration et de la compétition, notamment pour répondre à des appels à projets ou pour construire des partenariats - tous les partenaires de l'IRSN nous interrogent sur ce sujet.
Le lien avec les industriels est fondamental, car la recherche doit être non pas hors-sol, théorique, mais opérationnelle afin de répondre à un besoin d'expertise. L'IRSN a été créé dans les années 2000 pour faire naître une interaction entre la recherche et l'expertise, afin que celles-ci soient au plus haut niveau. La flexibilité, la souplesse et le pragmatisme du système sont dus à ce dialogue technique fondé sur la connaissance scientifique. Une bonne manière de faire de la recherche concrète est de discuter avec les industriels, et de confronter les points de vue et les approches.
La déontologie est un autre sujet majeur. L'IRSN dispose d'une commission d'éthique et de déontologie ; je pense que la nouvelle autorité devrait se doter d'une telle instance. Tous les ans, nous présentons à cette commission un état de ce que nous faisons en termes de déontologie.
Les programmes de recherche que l'IRSN conduit, par exemple avec EDF, ne sont jamais des tête-à-tête, mais toujours des partenariats qui associent de nombreux acteurs - TSO étrangers, organismes académiques, industriels. La nouvelle structure devra continuer à concevoir et exploiter ces programmes.
Au niveau juridique, le projet de loi contient de nombreuses références au règlement intérieur sur les points suivants : déontologie, transparence, expertise et décision. Une implication de la représentation nationale à cet égard serait bénéfique sur le fond, mais aussi en termes de perception par le public. Une intervention du HCTISN serait également positive.
L'IRSN a peu à dire sur les articles relatifs à la commande publique et au haut-commissaire à l'énergie atomique. Dès que ce dernier prendra ses fonctions, nous le contacterons, ainsi que les responsables de la nouvelle structure, pour évoquer les enjeux de la recherche dans le domaine de la sûreté nucléaire.
Compte tenu du statut de l'IRSN, le statut d'API présenterait beaucoup plus de facilité de mise en oeuvre. Il nous permettrait, par exemple, de conserver notre système d'information et de gestion (SIG), alors que le statut d'AAI nous contraindrait à nous rattacher au SIG de l'État. Contrairement à une AAI, une API a une personnalité morale, ce qui serait de nature à simplifier la mise en oeuvre du processus.
J'ai été interrogé sur la sécurité des installations nucléaires civiles. Dans la plupart des pays, la sécurité est intégrée à l'autorité de sûreté. La prévention contre le terrorisme recouvre à la fois une dimension technique et organisationnelle - l'installation de détecteurs, de portes épaisses, etc -, qui peut être du ressort d'une autorité de sûreté ou de sécurité, et la mobilisation d'agents de police, de gendarme et d'agents des services secrets. Dans aucun pays cette seconde dimension ne relève de l'autorité de sûreté.
Chaque année, l'IRSN remet à l'ASN 400 livrables, dont 200 avis. J'estime, et c'est aussi l'avis de nombreuses instances, qu'il faut tendre à rendre publics l'ensemble des avis, au même titre que les recherches.
J'en viens aux personnels. L'organisation envisagée est complexe - cela a d'ailleurs été relevé par le Conseil d'État -, car elle suppose d'intégrer 1 600 personnels de droit privé à une AAI, c'est-à-dire à un morceau d'État dépourvu de personnalité morale, ce qui pose trois difficultés : le statut de ces personnels, notamment leur salaire, le dispositif conventionnel - astreintes, sujétions, mutuelle, etc - et la structuration de l'autorité pour permettre le dialogue social avec les partenaires sociaux. Un tiers des articles du projet de loi sont consacrés à ce sujet.
N'étant pas compétent en la matière, je ne puis répondre à la question de la délégation aux agents étrangers et privés.
J'ai également été interrogé sur la capacité du système actuel à faire face aux évolutions qui sont envisagées. J'estime que l'atteinte des objectifs du plan de relance nucléaire dépendra des moyens qui lui seront alloués. L'IRSN et l'ASN ont fait la preuve de leur capacité à s'adapter à une nouvelle situation. Après Fukushima, nous avons dû plancher sur de nouveaux risques pendant de longs mois tout en continuant à travailler en parallèle sur d'autres sujets. Le système actuel pourrait évoluer pour devenir encore plus performant.
Du reste, 12 groupes de travail ont été constitués avec l'ASN pour réfléchir à l'élaboration de la future autorité.
Mme Karine Herviou, directrice générale adjointe de l'IRSN. - Nous avons travaillé récemment à une meilleure articulation entre les processus de l'IRSN et de l'ASN. Nous avons, par exemple, revu le séquencement afin de remédier aux lourdeurs identifiées dans le processus d'expertise, notamment dans la phase d'échange avec les exploitants. Certaines des évolutions proposées pourront d'ailleurs être testées avant le 1er janvier 2025.
M. Jean-Christophe Niel. - Le fait de travailler à ces évolutions dans le système actuel permet de nous prémunir contre le risque d'une rupture de la continuité du service.
Il n'y a pas de doublons avec l'ASN dans les champs métiers - à la différence des champs fonctionnels et support. En la matière, l'IRSN et l'ASN sont même complémentaires et pourront l'être encore davantage à l'avenir.
La création d'une entité unique renforcerait le positionnement international de l'ASN et de l'IRSN, qui sont d'ores et déjà deux instances reconnues.
Le projet de loi prévoit le transfert de deux missions au ministère de la défense : la sûreté des installations de défense, telles que le porte-avions Charles de Gaulle ou les installations où sont fabriquées des armes nucléaires, et la sécurité des installations civiles. L'un des enjeux du chantier « expertise défense » est la gestion des interfaces. En effet, pour l'expertise de sûreté défense, la future ASNR devra faire appel à des experts de l'autorité civile pour des aspects spécialisés - incendie, neutronique, thermohydraulique, etc. Il faudra mettre en place des conventions et des modalités de consultation.
Aujourd'hui, les exercices de crise relatifs aux installations de défense sont effectués dans notre centre de crise, qui a vocation à rejoindre l'ASNR. Les modalités d'exercices relatifs aux crises défense restent toutefois à déterminer.
En ce qui concerne les travaux avec les partenaires industriels, je ne reviens pas sur les enjeux de déontologie, que j'ai évoqués. S'il est essentiel de les traiter, on ne peut pas, pour l'heure, préjuger des éventuelles réticences des industriels à travailler avec l'ASNR.
J'en viens à la gestion des flux de demandes. La pression de l'expertise a conduit l'IRSN à réduire le volume de la recherche, mais aussi, conformément à la préconisation de la Cour des comptes, à augmenter ses moyens humains. Parallèlement, nous avons mis en place des dispositifs qui nous permettent de mieux gérer les flux, tels que l'organisation de séminaires communs.
Il convient également de ménager notre capacité à travailler hors commande. C'est essentiel pour la gestion du risque.
Je n'ai pas d'information quant aux sites retenus pour accueillir les futures installations nucléaires. Il est clair que la nouvelle structure, ou à défaut l'ASN et l'IRSN, devront être impliqués dans l'explication du système de contrôle et des enjeux de sûreté nucléaire et de radioprotection. Il conviendrait également de créer des commissions locales d'information.
En ce qui concerne la centrale de Civaux, l'Opecst a constaté, dans son rapport Les conséquences d'une éventuelle réorganisation de l'ASN et de l'IRSN sur les plans scientifiques et technologiques ainsi que sur la sûreté nucléaire et la radioprotection, que les difficultés avaient été correctement et diligemment traitées. Ce dossier ne nécessitant pas d'expertise à proprement parler, il a été géré dans un délai relativement court, et sans l'IRSN.
Mme Karine Herviou. - L'autorisation pour le redémarrage de la centrale de Civaux, déposée par EDF le 13 janvier 2023, a été gérée directement par l'ASN, qui a délivré cette autorisation pour le 17 janvier. Lorsque les phénomènes de corrosion sous contrainte sont apparus, la visite décennale de la centrale était en cours. Il a donc fallu terminer celle-ci avant de redémarrer la centrale.
M. Jean-Christophe Niel. - Vous m'avez demandé si la fusion de l'ASN et de l'IRSN améliorerait les temps de réponse. Dans le système actuel, le fait que l'IRSN travaille au service de donneurs d'ordre est un facteur puissant du respect des échéances. Nos groupes de travail s'efforcent toutefois de dégager des pistes pour améliorer encore les choses.
Les 15 millions d'euros que le projet de loi entend consacrer à des augmentations de salaire correspondent à une augmentation de l'ordre de 10 % du budget de l'IRSN. Des augmentations de salaire contribueraient en effet à fidéliser les experts actuellement en poste et à en attirer de nouveaux.
Je vous transmettrai enfin un document indiquant le calendrier de l'application des nouvelles normes. Il y a de nombreuses échéances en 2024-2025, puis de nouveau en 2026-2027. C'est une question de moyens autant que d'organisation, et nous y travaillons.
M. Jean-François Longeot, président de la commission de l'aménagement du territoire et du développement durable. - Je vous remercie d'avoir répondu aux questions de mes collègues, monsieur le directeur général.
Examen en
commission
(Mercredi 31 janvier 2024)
M. Jean-François Longeot, président. - Mes chers collègues, nous examinons ce matin le rapport de Pascal Martin sur le projet de loi relatif à l'organisation de la gouvernance de la sûreté nucléaire et de la radioprotection pour répondre au défi de la relance de la filière nucléaire et sur le projet de loi organique associé.
La commission des affaires économiques s'est réunie hier. Elle a adopté des amendements du rapporteur pour avis Patrick Chaize - que je salue - sur les articles et sujets sur lesquels elle s'est saisie pour avis. Elle a également adopté des amendements sur les quatre articles et thématiques associées sur lesquels elle bénéfice de délégations au fond.
Les deux textes seront examinés en séance publique le mercredi 7 et le jeudi 8 février. Un vote solennel est prévu le mardi 13 février.
Avant de laisser la parole au rapporteur, j'aimerais vous rappeler quelques éléments de contexte.
Voilà près d'un an, dans le cadre de l'examen à l'Assemblée nationale du projet de loi relatif à l'accélération des procédures liées à la construction de nouvelles installations nucléaires à proximité de sites nucléaires existants et au fonctionnement des installations existantes, dit « accélération du nucléaire », le Gouvernement avait proposé la fusion entre l'Autorité de sûreté nucléaire (ASN) - autorité administrative indépendante en charge de prendre les décisions individuelles et réglementaires - et l'Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire (IRSN) - établissement public industriel et commercial (EPIC) exerçant des missions d'expertise et de recherche dans le domaine de la sûreté, mais aussi de la sécurité des installations et de la radioprotection.
Nous avions été nombreux, au Sénat, à déplorer la méthode employée par le Gouvernement : cette proposition n'avait fait l'objet d'aucune concertation ni d'aucune évaluation, et n'avait pas été soumise à la première assemblée saisie, le Sénat ! La proposition du Gouvernement avait finalement été rejetée par les députés.
Malmené, le Parlement a réagi par le biais d'une saisine de l'Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques (Opecst) par la commission des affaires économiques du Sénat. Le rapport de l'Opecst de Stéphane Piednoir et Jean-Luc Fugit est paru en juillet dernier. Ses conclusions ont alimenté le projet de fusion proposé par le Gouvernement, dont nous sommes aujourd'hui saisis.
Ce projet de loi prévoit le démantèlement de l'IRSN, à compter du 1er janvier 2025. L'essentiel de ses missions et de ses 1 600 salariés - environ - serait transféré vers l'ASN, qui deviendrait l'autorité de sûreté nucléaire et de radioprotection (ASNR). L'ASNR emploierait des salariés de droit privé issus de l'IRSN et des fonctionnaires et contractuels issus de l'ASN.
Les activités commerciales relatives aux dosimètres passifs seraient transférées au Commissariat à l'énergie atomique et aux énergies alternatives (CEA) ; quant à l'expertise en matière de sûreté des installations de défense et de sécurité des installations civiles, elle serait exercée par le ministère des armées - environ 140 salariés.
L'objectif de la réforme affiché par le Gouvernement est d'adapter le système de sûreté à un contexte « hors normes », inédit dans l'histoire du nucléaire français.
Avant de laisser la parole au rapporteur, j'aimerais vous partager mon état d'esprit à l'entame de ce débat, comme je l'avais fait voilà quelques jours lors de l'audition du président de l'ASN et du directeur général de l'IRSN.
Notre priorité est claire : nous souhaitons maintenir notre sûreté nucléaire à un niveau d'exigence le plus élevé possible, en l'adaptant aux enjeux de notre décennie et de celles à venir. L'opportunité de la relance du nucléaire dans notre pays, qui constitue un débat majeur pour notre Nation et nous mobilisera dans le cadre du futur projet de loi sur la souveraineté énergétique, est une problématique d'un autre ordre.
Il me semble nécessaire de dissocier les deux sujets, même s'ils sont liés : un système de sûreté irréprochable et une transparence préservée, voire accrue, sont des conditions sine qua non de l'acceptabilité sociale du nucléaire, sans laquelle la relance de la filière ne pourra pas se faire.
Je terminerai en précisant que pour mener à bien sa mission, le rapporteur s'est appuyé sur le rapport de l'Opecst, mais aussi sur une étude de législation comparée réalisée à notre demande par les services du Sénat. Cette étude sera annexée au rapport de la commission et mise à la disposition de tous les parlementaires - sénateurs ou députés - qui voudraient s'en saisir pour alimenter le débat.
M. Pascal Martin, rapporteur. - Avant d'entamer mon propos, je salue la présence de Patrick Chaize, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques. J'ai eu l'occasion hier soir, dans le cadre de cette commission, d'exprimer mon avis sur le présent texte et je tiens à le remercier pour la qualité de nos échanges.
Après plusieurs semaines de travaux, menés dans un délai extrêmement contraint, le moment est donc venu de vous présenter mon rapport sur le projet de loi relatif à l'organisation de la gouvernance de la sûreté nucléaire et de la radioprotection pour répondre au défi de la relance de la filière nucléaire et sur le projet de loi organique modifiant la loi organique du 23 juillet 2010 relative à l'application du cinquième alinéa de l'article 13 de la Constitution.
Je souhaite tout d'abord vous remercier pour la confiance que vous m'avez accordée en me nommant rapporteur. C'était un beau cadeau de Noël !
J'ai organisé durant les premières semaines de janvier une vingtaine d'auditions, afin d'entendre l'ensemble des parties prenantes sur ce texte. J'ai également souhaité - je viens d'y faire référence - travailler en bonne intelligence avec la commission des affaires économiques, saisie pour avis et au fond sur quatre articles : certaines auditions ont ainsi été organisées conjointement avec Patrick Chaize, et je m'en félicite.
J'ai souhaité effectuer, au cours de mes auditions, une instruction « à charge et à décharge », laquelle m'a conduit à identifier des avantages et des inconvénients à ce projet de refonte.
Je commencerai par les avantages, qui sont au nombre de cinq.
Premier avantage : une efficacité accrue.
J'ai pu constater, au cours de mes auditions, l'excellence du système français de sûreté nucléaire, reconnue par l'ensemble des parties prenantes, à l'échelle nationale comme internationale.
Toutefois, ce système doit aujourd'hui s'adapter à l'évolution du flux de demandes : vous le savez, la relance du nucléaire est un chantier d'une ampleur inédite - en rien comparable avec le « plan Messmer » des années 1970.
La nouvelle organisation permettra de mettre fin aux frictions existantes dans les échanges entre l'ASN et l'IRSN et aux différences de priorisation, qui engendrent aujourd'hui des délais supplémentaires dans la prise de décision.
Dans un contexte de tension sur les ressources humaines - la filière nucléaire aura besoin de 100 000 emplois dans les dix années à venir -, la nouvelle gouvernance de la sûreté nucléaire et de la radioprotection est amenée également à éviter la dispersion des compétences techniques et scientifiques rares, ce que des mesures budgétaires et salariales ne pourront pas faire seules.
Deuxième avantage : une meilleure adaptation aux enjeux contemporains de la sûreté nucléaire.
Le premier enjeu contemporain est celui des petits réacteurs modulaires, ou SMR, développés par des start-ups. Le nucléaire est marqué par un foisonnement technologique inédit dans l'histoire de la filière. J'ai pu entendre, dans le cadre de mes auditions, les start-ups françaises engagées dans une course technologique contre les autres puissances nucléaires. La demande de simplification et de meilleur accompagnement par les pouvoirs publics est forte. La fusion de l'IRSN et de l'ASN, en offrant aux start-ups un interlocuteur unique, contribuerait à cette simplification.
Le deuxième enjeu contemporain est, nous en sommes bien conscients dans cette commission, le dérèglement climatique. Le grand défi du siècle en matière de sûreté nucléaire sera l'adaptation des parcs existants et à venir au réchauffement climatique. Regrouper l'ensemble des savoir-faire nécessaires, actuellement dispersés au sein de l'ASN et de l'IRSN, contribuera à armer notre pays face à ce défi immense.
Troisième avantage : une amélioration de la gestion de crise.
Pour assurer leurs missions en cas de crise, l'IRSN et l'ASN disposent chacun d'un centre de crise, d'une organisation spécifique et de moyens propres. Deux principaux bénéfices peuvent être attendus de la fusion en la matière : d'une part, la mise en place d'un interlocuteur unique, identifié par les services de l'État comme expert dans le domaine de la sûreté nucléaire et de la radioprotection ; d'autre part, la fluidification des échanges entre les équipes en charge de l'expertise et celles qui auront à proposer des actions de protection de la population aux autorités.
Quatrième avantage : une clarification de la communication.
On parle souvent - et à juste titre - de transparence, mais combien de nos concitoyens sont aujourd'hui capables de distinguer les missions de l'ASN de celles de l'IRSN ?
Émanant de deux institutions différentes, la communication a pu donner lieu, par le passé, à des cafouillages préjudiciables. La réforme permettra à la nouvelle autorité de parler d'une « voix commune » et partant, facilitera l'identification par le public de l'autorité décisionnaire.
Enfin, cinquième avantage : un renforcement de l'attractivité.
Possibilité d'être recruté sous différents statuts, d'en changer, avec par exemple la mise en place d'un concours réservé ; renforcement des opportunités de mobilité professionnelle, y compris géographique, au sein de l'autorité : les paramètres retenus par le Gouvernement constitueront des opportunités pour rendre la future autorité plus attractive.
Toutefois, les incertitudes causées par le projet de loi ont d'ores et déjà provoqué des départs. Des réponses doivent donc être rapidement apportées aux salariés, ainsi qu'aux agents de l'ASN, pour leur permettre légitimement de se projeter dans la nouvelle organisation.
En tout état de cause, une part de la réaction face au déficit d'attractivité des instances de sûreté réside dans l'augmentation des rémunérations et des moyens humains, un sujet qui doit être inscrit dans la durée, que la réforme se fasse ou non. Or, à ce jour, le Gouvernement n'a pas voulu le prendre suffisamment au sérieux, en dépit des nombreuses alertes parlementaires.
Vous l'aurez compris, la réforme de la gouvernance de la sûreté nucléaire permettra de renforcer le système de sûreté français dans un contexte totalement « hors norme ».
Ce projet présente cependant en l'état certains risques. Je les ai identifiés durant mes auditions et vous y avez été sensibles également, mes chers collègues, puisque j'ai retrouvé dans vos amendements plusieurs de mes réflexions.
Premier risque : la distinction entre expertise et décision.
Cette distinction est au coeur de la qualité et de la crédibilité du système de sûreté. En effet, une séparation insuffisante risque de placer l'expertise sous l'influence de la décision - les conclusions de l'expertise seraient orientées dans le sens de la décision - ou inversement - la décision, censée tenir compte de l'expertise, mais également d'enjeux comme l'approvisionnement en électricité du pays, pourrait ne pas s'autonomiser suffisamment des avis scientifiques qui lui sont présentés. Par ailleurs, démontrer la sûreté, c'est confronter le doute : le public est rassuré, non par l'affirmation de certitudes quant à l'état de la sûreté nucléaire, mais par la transparence sur les débats internes au système de sûreté nucléaire.
À ce sujet, le projet de loi constitue en l'état un recul, d'abord sur la méthode, en renvoyant le sujet au règlement intérieur de la future autorité, et surtout sur le fond, en prévoyant une distinction des « processus » d'expertise et de décision uniquement dans le cas d'une prise de décision par le collège, soit environ 30 dossiers par an, contre 300 dossiers aujourd'hui. Un redémarrage de centrale nucléaire ne ferait ainsi plus l'objet d'une expertise distincte du reste de l'instruction !
Je vous proposerai d'adopter un amendement qui vise à rééquilibrer le projet de texte, tout en préservant la fluidité permise par la fusion des deux entités, et ce à travers l'extension du champ de la distinction à l'ensemble des dossiers faisant l'objet d'une indispensable indépendance de l'expertise et une distinction des responsabilités, plutôt que des processus. Plus largement, les modalités organisationnelles de distinction et d'interaction des personnels en charge de l'expertise et de la décision seraient fixées par le règlement intérieur.
J'ai également souhaité renforcer l'expertise tierce, en donnant une assise juridique forte aux groupes permanents d'experts, les GPE, comme le proposait le rapport de l'Opecst de juillet dernier du député Jean-Luc Fugit et de notre collègue Stéphane Piednoir, qui nous a rejoints et dont je salue la présence.
Ces groupes sont constitués de spécialistes nommés en raison de leurs compétences et de leur expérience professionnelle. Ils contribuent au processus d'expertise en apportant un regard critique et des compétences spécialisées : ce croisement d'expertises garantit une évaluation impartiale, ainsi qu'une prise de décision fondée sur les meilleures pratiques et les connaissances les plus récentes. Le développement d'une expertise tierce et plurielle par la constitution de comités consultatifs constitue au demeurant une tendance dans d'autres modèles étrangers examinés par l'étude de législation comparée réalisée par le Sénat - je citerai pour exemple les États-Unis, la Finlande et le Royaume-Uni.
Deuxième risque : la transparence, pour laquelle le manque de garantie peut interpeller.
Depuis l'accident nucléaire de Tchernobyl, les crises sanitaires des années 1990 et, plus récemment, la pandémie de covid-19, la reddition des comptes concernant l'expertise scientifique mise à disposition des autorités politiques et administratives est essentielle ; elle conditionne la confiance du public envers les institutions chargées d'assurer leur protection et celle de leur environnement. La crédibilité du système de sûreté nucléaire repose également sur cette exigence impérieuse de transparence, qui apparaît indispensable pour assurer l'acceptabilité de la relance de l'atome dans notre pays.
En renvoyant au règlement intérieur les modalités de publication des résultats des activités d'expertise de la nouvelle ASNR, le projet de loi comporte pourtant des risques de recul en la matière. Ainsi, il n'est pas certain que l'exigence de publication sera conservée, et encore moins qu'elle sera renforcée.
Je vous proposerai un amendement intégrant à la loi le principe de publication des résultats d'expertise, ainsi que des avis des GPE, pour maintenir un niveau de transparence au moins équivalent à celui qu'offre le système actuel.
Troisième risque : le maintien des activités de recherche.
Le projet de loi comporte des risques pour la conduite des activités de recherche de la future ASNR, activités qui sont le socle de l'expertise en matière de sûreté et de radioprotection. Les acquis de l'IRSN - sa notoriété et sa visibilité dans le monde de la recherche - doivent être préservés. En particulier, l'ASNR devra poursuivre la collaboration engagée par l'IRSN avec les industriels du secteur nucléaire, indispensable à la recherche en sûreté nucléaire.
Pour prévenir les conflits d'intérêts qui pourraient apparaître, je vous proposerai deux amendements, visant à faciliter le déport du futur président de l'ASNR et à prévoir la création d'une commission d'éthique et de déontologie.
Enfin, quatrième risque : l'association du Parlement et de la société civile.
De nombreux sujets majeurs seront renvoyés au règlement intérieur de la future autorité. Ce choix peut s'entendre : il est justifié par la nécessité d'assurer une plus grande souplesse de fonctionnement - étant rappelé que nous parlons ici d'une autorité administrative indépendante, qui doit disposer d'une autonomie dans l'organisation de ses services. Une reddition des comptes sera cependant nécessaire pour garantir que la lettre du règlement soit conforme à l'intention du législateur.
Je vous proposerai un amendement en ce sens, prévoyant que le projet de règlement intérieur sera présenté et que les projets de modification seront transmis à l'Opecst, qui dispose d'une expertise reconnue dans le domaine de la sûreté nucléaire, au Haut Comité pour la transparence et l'information sur la sécurité nucléaire (HCTISN), qui rassemble l'ensemble des parties prenantes du nucléaire, et à l'Association nationale des comités et commissions locales d'information (Anccli), qui a pour mission d'assurer l'information du public et la concertation en matière nucléaire.
Tels sont, mes chers collègues, les nombreux ajouts que je vous présenterai plus en détail au moment de l'examen des amendements.
Je suis convaincu qu'avec ces apports de bon sens, qui s'appuient sur un travail d'écoute et de concertation avec l'ensemble des parties prenantes, le texte sortira grandement amélioré après son passage devant notre commission.
Je me permets d'insister sur le caractère objectif de la démarche que j'ai choisie, une instruction « à charge et à décharge » et, en conclusion, vous remercie par avance de vos contributions sur ce texte, certes complexe, mais essentiel à la sûreté et la protection des populations.
M. Patrick Chaize, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques. - Je vous remercie, mes chers collègues, de cette invitation à intervenir devant votre commission, ce qui me rappelle quelques souvenirs... M'associant aux propos du rapporteur sur la philosophie de ce texte, je vais essayer de ne pas faire de redites.
La commission des affaires économiques soutient, dans son principe, le nouveau projet de réforme, plus abouti que le précédent et indispensable à la relance de la filière nucléaire. Certes, des défis sont à relever en termes de continuité des procédures, de valorisation des compétences et de maintien des standards. Pour autant, le projet de loi est de nature à inspirer la confiance, du fait du statut d'autorité administrative indépendante conféré à la nouvelle instance.
Dans le cadre de mes travaux préparatoires, j'ai entendu une quarantaine de personnalités au cours d'une vingtaine d'auditions, dont trois en commun avec le rapporteur Pascal Martin. Je tiens à remercier celui-ci pour la qualité de nos échanges - dans un contexte particulier, puisqu'il n'y avait pas de ministre pour défendre le texte.
J'ai proposé 37 amendements, dont neuf identiques à des amendements du rapporteur. Ces propositions s'articulent autour de quatre axes.
Le premier axe vise à consolider la gouvernance de la filière française du nucléaire, en renforçant les attributions et le fonctionnement du haut-commissaire à l'énergie atomique (HCEA), et en prévoyant que le Parlement puisse le saisir pour avis et se prononcer sur sa désignation.
Le deuxième axe tend à simplifier les règles de la commande publique des projets nucléaires, en confortant les dérogations prévues en matière d'allotissement, de durée des accords-cadres, de règles de publicité et de concurrence, et en ajoutant un critère de crédibilité et une possibilité d'avenant.
Le troisième axe consiste à faire suite à la loi « accélération du nucléaire », en proposant l'application des recommandations du rapport de l'Opecst, dont je salue le président, et en réintroduisant les dispositions de règle de parité dans le collège de l'autorité et de règle de publicité dans sa commission des sanctions.
Le quatrième axe est de conforter l'organisation de l'autorité de sûreté, notamment en matière de garanties d'indépendance et de déontologie, de séparation entre les processus d'expertise et de contrôle, de publication des rapports et des décisions, ou encore d'association de l'Opecst et des différentes commissions permanentes.
Telles sont, en quelques mots, les grandes lignes des travaux de la commission des affaires économiques.
M. Stéphane Piednoir, président de l'Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques. - Merci de votre invitation, mes chers collègues ; j'ai plaisir à apporter ma contribution à cette réunion de commission, aux côtés du rapporteur et du rapporteur pour avis avec qui, évidemment, j'ai eu des échanges en amont.
Cela a été souligné à plusieurs reprises, l'Opecst s'est saisi du sujet dès l'an dernier, dans des conditions que tout le monde a en tête : la méthodologie était, pour le dire en termes diplomatiques « perfectible » ; constatons qu'elle s'est depuis grandement améliorée.
Nous avons remis notre rapport l'été dernier, juste avant la suspension des travaux parlementaires. En guise d'hypothèse de départ, nous nous étions posé la question de savoir ce qui, dans le contexte actuel, rendait une telle évolution pertinente, nécessaire, voire indispensable. La conclusion à laquelle Jean-Luc Fugit et moi-même sommes parvenus est que le regroupement des moyens humains, financiers et matériels s'imposait du fait des enjeux extraordinaires auquel notre pays devait faire face. Effectivement, alors que le « plan Messmer » des années 1970 portait sur la construction d'un parc, nous devons aujourd'hui envisager la construction d'un nouveau parc, mais aussi la mise en place de nouveaux procédés, technologies ou réacteurs. L'idée d'un regroupement en vue de se structurer, mais aussi d'attirer les compétences, paraît donc bonne.
Dans notre rapport, nous avons également cherché à dédramatiser la question tournant autour de l'expertise et de la décision. En réalité, l'organisation actuelle ne date pas de la nuit des temps et, à l'époque, la construction d'un dispositif dual, autour de l'IRSN et de l'ASN, avait suscité remous et objections très fortes. Nous sommes aujourd'hui à front renversé, avec, pour différence, le fait que presque aucun projet nucléaire n'était en cours dans les années 2000, alors que les enjeux autour du nucléaire sont actuellement massifs.
Évidemment, le point essentiel est de garantir la sûreté, et ce ne sera pas possible sans une transparence maximale. C'est pourquoi nous avons insisté dans notre rapport sur la publication des avis. Pour autant, il nous semble important que l'expertise n'emporte pas la décision.
J'aurai plaisir à m'exprimer au nom de l'Opecst lors de la discussion générale sur le texte - ce sera une première. Je rappellerai à cette occasion l'ensemble de ces points. Nous serons bien évidemment présents lors des débats en séance, et suivrons tout particulièrement les discussions autour des amendements des rapporteurs.
M. Gilbert-Luc Devinaz. - Il paraît qu'il faut revenir à des logiques de bon sens... Nous savons ce que nous avons aujourd'hui en matière de sûreté nucléaire, mais qu'aurons-nous demain avec cette réforme ?
Je rappelle que l'ASN et l'IRSN sont reconnus sur les plans national et international. Effectivement, cette construction remonte aux années 2000. Son objectif était de parvenir à créer un climat de confiance autour du nucléaire. On peut considérer, notamment au regard des sondages, que la démarche a porté ses fruits. Je comprends que l'on réfléchisse à des réformes, que l'on veuille à un moment aller plus vite et faire moins cher, mais ce type de logiques industrielles ne doit pas remettre en cause la sécurité et la sûreté, encore plus dans le domaine du nucléaire.
Le rapporteur a évoqué des cafouillages et on peut reconnaître que tous les Français ne font pas la distinction entre l'ASN et l'IRSN. Cela étant, nous avons choisi de fonder notre dispositif sur deux formes de sûreté : celle de l'ASN est une « sûreté réglée » - on regarde si les règles sont respectées - ; celle de l'IRSN est une « sûreté gérée » - on considère la capacité à assurer la sûreté en toutes circonstances. C'est cette confrontation de deux logiques, au travers de deux organismes différents, qui a permis d'accroître la confiance dans le système.
L'organisation mise en place voilà vingt-cinq ans ne me paraît donc ni si dépassée ni si cafouilleuse qu'on veut bien le dire.
Dernier point, je ne comprends pas l'urgence de cette réforme : tout doit être en place au 1er janvier 2025 ! Certes, la relance de la filière nucléaire est une nécessité. Mais, une fois cela dit, les futurs réacteurs pressurisés européens (EPR), les futurs SMR ne seront pas opérationnels avant les années 2030 ou 2035. Pourquoi engager une réforme aussi rapide, dont la conséquence est de déstabiliser deux services et de perturber les personnels, en prenant le risque de semer le trouble dans l'esprit de nos concitoyens au sujet de la sécurité et de la sûreté nucléaires, et ce alors même qu'il faut les convaincre de relancer ce secteur ?
Jugeant cette façon de faire maladroite et estimant que nous avons le temps, je soutiendrai la motion tendant à opposer la question préalable engagée par trois groupes politiques du Sénat.
M. Ronan Dantec. - Je ne m'exprimerai pas ici sur la motion tendant à opposer la question préalable ; j'y reviendrai au moment de son examen.
Sur un plan plus général, je rejoins les propos de mon collègue : de toute évidence, il n'y avait pas urgence !
Mais surtout, il ne s'agit pas d'un jeu à deux, comme l'ont présenté les rapporteurs - dont je salue le travail dans un temps particulièrement contraint. Cette fusion entre l'ASN et l'IRSN réintroduit dans le jeu le CEA, EDF et le ministère des armées, et implique un changement de rapports entre des acteurs beaucoup plus nombreux. En réalité, nous n'examinons que la partie émergée de l'iceberg : cette fusion menée à marche forcée va modifier en profondeur l'ensemble de la sûreté nucléaire en France - certains opposants au nucléaire considèrent même que c'est ce qui grippera la relance de la filière.
Le groupe écologiste se retrouve ainsi dans une situation assez paradoxale : évidemment opposés à cette réforme, nous allons néanmoins soutenir de nombreux amendements des rapporteurs qui visent, en fait, à revenir au point initial. Ce que nous sommes en train de faire, c'est effectivement de modifier le projet de loi pour essayer de revenir à deux acteurs dans une entité unique. Cela prouve le caractère aberrant de la situation...
Pour faire à nouveau écho à mon collègue Gilbert-Luc Devinaz, c'est une sorte de retour aux années Messmer et à la très forte méfiance de la société française à l'encontre du nucléaire à la fin des années 1970. C'est la direction que l'on prend : on va remettre en marche la boîte à fantasmes !
Cette fusion est donc une aberration. Nous n'avons pas eu le temps d'en analyser les raisons profondes et les justifications avancées, par exemple par le président de l'ASN, me semblent très insuffisantes - si l'autorité manque de personnels, il suffit d'accroître ses dotations ! Je pense que nous prenons des risques énormes et fragilisons le dispositif de sécurité nationale. Le Gouvernement fait fausse route : mélanger sûreté et relance du nucléaire n'est pas une bonne politique !
Mme Marta de Cidrac. - Je remercie le président de l'Opecst pour sa présence et les deux rapporteurs pour leur travail approfondi. Je soutiens leur démarche, mais souhaite leur poser une question à tous les trois : comment imaginez-vous qu'un responsable de cette nouvelle entité ayant à prendre des décisions puisse choisir Y si l'expertise dit X ? Quelle responsabilité faisons-nous porter à ces décideurs ? Seront-ils en capacité de faire les arbitrages importants qu'ils auront à faire ?
M. Sébastien Fagnen. - Je rejoins les questionnements qui viennent d'être soulevés sur l'expertise et la décision. Lors de son audition, le président de l'ASN, notamment à propos des compétences rares, a clairement indiqué que la fin programmée du système dual amènerait à ce qu'il y ait un recrutement là où il y aurait dû en avoir deux dans le système actuel. On peut donc imaginer que, sur les compétences rares, par nature les plus sensibles, les personnes conduites à expertiser pourraient être parties prenantes de la décision, avec un mélange des genres préjudiciable à l'impartialité, l'éthique, la déontologie ou la transparence.
M. Pascal Martin, rapporteur. - Mes réponses seront partielles, puisque nous allons débattre des différents sujets à l'occasion de l'examen de la motion et des amendements.
S'agissant du rapport entre décision et expertise, je présenterai plusieurs amendements dont l'objet est précisément de bien clarifier la question.
Pour le reste, comment peut-on affirmer de manière péremptoire que le passage d'un système dual à un système unique remettrait gravement en cause notre système de sûreté nucléaire ? Cette affirmation n'a rien d'une évidence. D'autres pays disposent d'un système unique et leur niveau de sûreté est peut-être identique au nôtre...
En matière d'acceptabilité des populations, je constate que, dans le département de Seine-Maritime, qui abrite déjà deux centrales nucléaires, l'arrivée de l'EPR2 à Penly fait l'unanimité des élus et des habitants. Je suis membre de la commission locale d'information et je peux vous assurer que la subtilité de la séparation entre IRSN et ASN n'est pas la préoccupation majeure des habitants de ces territoires.
Par ailleurs, il n'est évidemment pas question d'un aboutissement de la réforme au 1er janvier 2025. De premières dispositions seront prises à cette date, ce ne sera qu'un point de départ, et j'ai tout de même le sentiment que, compte tenu de l'immensité des chantiers qui nous attendent dans un avenir proche, il faut y aller maintenant.
Bien sûr, tout changement organisationnel amène des questionnements légitimes. Mais le projet de loi apporte une partie des réponses et nous essayons encore de l'améliorer avec nos amendements.
M. Patrick Chaize, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques. - En définitive, mes chers collègues, vos questions sont rassurantes ! Ce sont celles que nous nous sommes posées au début de nos travaux et je pense sincèrement que nous y répondons en grande partie, voire en totalité, avec nos amendements.
Je voudrais revenir sur la séparation entre expertise et décision. Il y a là un fonctionnement logique et normal de toute autorité administrative indépendante. Qu'elles interviennent sur la sûreté nucléaire ou dans d'autres domaines, ces entités sont composées d'un collège, celui-ci prenant des décisions sur le fondement d'expertises menées par des tiers.
M. Stéphane Piednoir, président de l'Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques. - Puisque Marta de Cidrac nous a invités à répondre collectivement, je vais moi aussi reprendre la parole.
S'agissant du calendrier, il me semble que le moment est le bon. Je reconnais d'ailleurs la malice de Ronan Dantec : dire que ce n'est pas le bon moment pour le faire, pour pouvoir dire, un peu plus tard, que ce n'est plus possible de le faire... On a déjà vu cette stratégie à l'oeuvre ; je crains qu'elle ne fonctionne pas aujourd'hui !
S'agissant de l'acceptabilité, je suis d'un territoire sans centrale nucléaire, mais il y en a une non loin, à Chinon, près de Saumur. Figurez-vous, monsieur Dantec, que le maire de cette ville, dont la sensibilité est plutôt proche de la vôtre, réclame l'installation de nouveaux équipements !
S'agissant des décideurs, rappelons qu'à l'heure actuelle les décisions au sein de l'ASN sont prises par un collège de 5 membres ayant un mandat unique. Il est proposé de maintenir ce dispositif. L'expertise, elle, est partout, notamment au sein de l'ISRN, mais aussi chez les exploitants - c'est EDF, par exemple, qui a détecté la corrosion sous contrainte de ses réacteurs.
S'agissant des gains de temps, enfin, l'idée n'est pas d'aller plus vite, en prenant des décisions à la légère. Mais il y a eu parfois des transmissions d'informations assez longues entre les deux structures, avec une forme de rivalité que l'on pouvait voir poindre.
M. Jean-François Longeot, président. - En l'absence d'autres prises de parole, je vous propose de passer à la définition du périmètre retenu au regard de l'article 45 de la Constitution.
M. Pascal Martin, rapporteur. - Je vous propose, mes chers collègues, de retenir dans le périmètre des deux textes en discussion les dispositions relatives aux missions, aux statuts, aux attributions, à la composition, et aux principes fondamentaux relatifs à l'organisation et au fonctionnement des établissements et des autorités chargées de la sécurité et de la sûreté nucléaires, et de la radioprotection ; aux statuts et à la rémunération des personnels des établissements et des autorités chargées de la sécurité et de la sûreté nucléaires, et de la radioprotection ; à l'organisation du dialogue social des établissements et des autorités chargées de la sécurité et de la sûreté nucléaire, et de la radioprotection ; aux transferts de personnels entre les établissements et les autorités chargées de la sécurité et de la sûreté nucléaires, et de la radioprotection ; aux moyens financiers et humains des établissements et des autorités chargées de la sécurité et la sûreté nucléaires, et de la radioprotection ; à la transparence et à l'information du public et du Parlement en matière de sécurité et de sûreté nucléaires, et de radioprotection ; à l'adaptation de l'application du cinquième alinéa de l'article 13 de la Constitution relatif aux emplois et fonctions pour lesquels le pouvoir de nomination du Président de la République s'exerce après avis public de la commission permanente compétente de chaque assemblée ; aux attributions, au positionnement, à la désignation et au fonctionnement du haut-commissaire à l'énergie atomique ; aux règles de la commande publique applicables aux projets nucléaires, dont la dérogation au principe d'allotissement et la dérogation à la durée maximale des accords-cadres, le critère de crédibilité et le recours aux avenants ; à la protection des intérêts fondamentaux de la Nation en matière nucléaire, dont les dérogations des projets nucléaires aux règles de la commande publique.
Il en est ainsi décidé.
PROJET DE LOI
EXAMEN DES ARTICLES
M. Jean-François Longeot, président. -Nous examinons tout d'abord la motion COM-26.
M. Ronan Dantec. - Je ne suis pas un fanatique des motions : le rôle du Parlement étant d'étudier les lois, il faut se montrer très parcimonieux quant à ces procédures. Pourtant cette motion tendant à opposer la question préalable - la première, je crois, que je défends en treize ans - est parfaitement justifiée.
Je ne m'attarde pas sur le fond, sur lequel nous venons de nous exprimer.
Mais voyons la forme : alors que nous nous accordons tous à considérer ce sujet comme d'une extrême importance, nous le traitons sans même une audition du ministre. Ce n'est pas possible !
Comme je l'ai dit, en rester à l'articulation entre l'IRSN et l'ASN dans le cadre de ce projet, c'est ne traiter que la partie émergée de l'iceberg. Qu'en est-il des relations entre l'IRSN et EDF ? Pourquoi le CEA souhaite-t-il revenir autant sur le sujet de la dosimétrie ? Quel sera le rôle du haut-commissaire ? Celui du ministère des armées ? Toutes ces questions n'ont pas été étudiées.
Effectivement, les rapporteurs ont cherché à renforcer les garanties apportées par le texte et je salue à nouveau le travail qu'ils ont mené dans un temps extrêmement court, au point que nous n'avons connaissance des amendements de Patrick Chaize que depuis quelques heures. On ne peut pas travailler sur un tel sujet de cette manière !
Je pourrais passer des heures à relayer des avis d'acteurs estimant que tout cela est d'une complexité extrême, va trop vite ou n'a pas été étudié au fond. Même pas d'audition ministérielle ! Vraiment ! Voilà ce qui justifie le dépôt de cette motion tendant à opposer la question préalable.
M. Sébastien Fagnen. - Nous avons eu connaissance du rapport, de grande qualité, de l'Opecst. Nous apprécions également le caractère contradictoire de la démarche de notre rapporteur Pascal Martin, même si nous aurions préféré que les auditions soient ouvertes.
Néanmoins, sur le fond, c'est bien la temporalité dans laquelle s'inscrit cette réforme qui pose problème, son inscription dans un contexte de relance majeure de la filière électronucléaire.
Je suis certainement le parlementaire qui représente le territoire le plus nucléarisé de France et d'Europe occidentale : sur un petit périmètre, nous concentrons une centrale de production nucléaire, une usine de retraitement et un site de production de sous-marins nucléaires.
Notre système de sécurité et de sûreté nucléaires est une architecture sensible et fragile, correspondant peu ou prou à une pyramide inversée : à la base, un système dual, reconnu internationalement et ayant fait toutes ses preuves ; puis, une triangulation entre expertise, décision et opérations ; enfin, une relation quadripartite entre l'IRSN, l'ASN, les opérateurs et la population. Mon territoire abrite ainsi trois commissions locales d'information auxquelles participent aussi bien des industriels locaux que des associations opposées au nucléaire, et tous parviennent à dialoguer.
À nos yeux, dans le cadre d'une relance de la filière électronucléaire, c'est ce système qu'il faut conforter, plutôt que d'engager une fusion qui entraînera une désorganisation majeure. Nous ne menons aucune politique de procrastination, nous ne prétendons pas qu'il faut reporter pour pouvoir dire opportunément après que ce n'est plus le moment. Nous disons : il ne faut pas le faire ! Il faut conforter, développer et renforcer sur le plan budgétaire le système dual actuel.
Sur la forme, effectivement, l'absence d'audition ministérielle nuit gravement au bon déroulé du travail parlementaire, a fortiori sur une question de cette nature.
Tels sont les motifs qui nous conduisent à déposer cette motion.
M. Pascal Martin, rapporteur. - J'ai déjà eu l'occasion de le souligner, je ne vois pas en quoi le passage d'un système dual à un système unique remettrait gravement en cause notre dispositif de sûreté nucléaire et de radioprotection. Il y a là, entre nous, une différence d'appréciation.
Je ne nie pas les risques associés à cette fusion, mais je pense apporter des réponses fortes à travers mes amendements, en défendant des principes intangibles en matière d'efficacité des procédures, d'amélioration de la gestion de crise, de publicité des décisions, d'expertise, de fluidité, d'attractivité des métiers, de transparence, de maintien des activités de recherche, etc.
Les auteurs de la motion prétendent que l'étude d'impact et l'exposé des motifs ne permettent pas d'apprécier les réels progrès de la réforme. Je suis partiellement d'accord, estimant que le Gouvernement ne fait pas preuve d'assez de pédagogie. Mais, encore une fois, le projet présente un certain nombre d'avantages.
La relance de la filière et la prolongation de la durée de vie du parc actuel conduisent déjà en effet à accroître la charge de travail des instances de sûreté. On pourrait alors penser qu'il serait nécessaire de renoncer à la réforme pour ne pas déstabiliser le système. Il me semble au contraire que la pression va aller en augmentant dans les années à venir et qu'il faut donc agir sans attendre.
Ce qu'il manque aujourd'hui, toujours d'après les auteurs de la motion, ce sont les vocations, les ressources humaines et les moyens alloués à l'expertise et au contrôle. Je l'ai également dit : réforme ou pas, il faudra améliorer les conditions de travail, renforcer les rémunérations et les moyens, notamment humains, de la filière nucléaire. Mais, d'une part, cela ne relève pas d'une loi ordinaire et, d'autre part, la nouvelle organisation permettra justement d'éviter la dispersion des compétences rares.
Enfin, je regrette moi aussi que nous n'ayons pas pu entendre un ministre sur ce texte. Cela nuit-il totalement à la qualité de l'examen parlementaire et à la bonne compréhension du projet de loi ? Au vu de vos amendements, mes chers collègues, je pense que vous avez bien compris les enjeux de la réforme et que cette absence - que je déplore - n'a pas nui à votre travail.
Pour toutes ces raisons, l'avis est défavorable.
La motion COM-26 n'est pas adoptée.
M. Pascal Martin, rapporteur. - Mon avis est favorable à l'amendement COM-63, sous réserve de l'adoption de mon sous-amendement COM-93. Ce dernier retient l'ajustement rédactionnel proposé, afin de privilégier la notion de « santé publique » à celle de « santé humaine ». La suppression des mots « et, plus généralement, » ne semble en revanche pas appropriée ; l'objectif de la sûreté nucléaire est effectivement de protéger la santé et l'environnement en général, dans un cadre qui peut excéder la seule prévention des accidents nucléaires.
M. Gilbert-Luc Devinaz. - Je souhaite préciser que les membres de mon groupe ne participeront pas au vote sur les amendements.
M. Ronan Dantec. - Pour notre part, nous y participerons. Il nous semble effectivement intéressant de voir si l'ensemble du bloc d'amendements réintroduisant une réelle différence entre l'expertise et la décision survit à la navette parlementaire.
Le sous-amendement COM-93 est adopté. L'amendement COM-63, ainsi sous-amendé, est adopté.
M. Pascal Martin, rapporteur. - Je comprends la logique de l'amendement COM-64, mais je suis dubitatif. Je note en effet qu'aucune autorité administrative indépendante ou autorité publique indépendante ne fait aujourd'hui figurer la notion « indépendante » dans son nom. En ajoutant cette notion dans le nom de la future ASNR, ne laisserait-on pas imaginer que les autres structures ne sont pas indépendantes ? Il me semble important de ne pas envoyer ce genre de message, même si je sais que ce n'est pas l'intention du rapporteur pour avis. L'avis est défavorable.
L'amendement COM-64 n'est pas adopté.
M. Pascal Martin, rapporteur. - La rédaction de l'amendement COM-65 me semble imprécise et, donc, source d'insécurité juridique : on comprend mal ce que signifie « tenir compte, sur un plan procédural, des projets de production ou de recherche nucléaires innovants ». L'intention est partagée, mais il ne me semble pas nécessaire de nous montrer trop bavards dans cet article relatif aux missions générales de la nouvelle autorité. L'avis est en conséquence défavorable.
L'amendement COM-65 n'est pas adopté.
L'amendement rédactionnel COM-8 est adopté.
L'amendement COM-66 est adopté.
M. Pascal Martin, rapporteur. - Je suis favorable à l'amendement COM-72, qui est identique à mon amendement COM-9. En revanche, l'information du public constituera une mission majeure pour la future ASNR, mais je ne crois pas que l'on puisse parler de « formation de public », comme le propose l'amendement COM-27. En effet, la formation désigne la transmission des connaissances ; on parle alors de formation initiale ou continue. Je ne crois pas que cette terminologie puisse s'appliquer aux modules de sensibilisation réalisés auprès du public.
M. Ronan Dantec. - Nous sommes au coeur du sujet. Cela a été dit lors de l'audition de l'IRSN et nous avons eu l'occasion d'en parler avec ses salariés : aujourd'hui, l'institut joue un rôle très important en matière de formation, notamment des membres des commissions locales d'information. Ce rôle-clé figure justement parmi les missions spécifiques qui vont disparaître. C'est un exemple type des difficultés soulevées par ce projet de loi.
Les amendements identiques COM-9 et COM-72 sont adoptés. En conséquence, l'amendement COM-27 devient sans objet.
M. Pascal Martin, rapporteur. - Je partage l'objectif des auteurs de l'amendement COM-28, qui est de doter la future ASNR en moyens humains et financiers suffisants. Je le martèle chaque année en tant que rapporteur budgétaire pour avis sur les crédits relatifs à la prévention des risques : la sûreté nucléaire doit disposer de moyens adéquats. Néanmoins, le vecteur législatif ne me semble pas le bon : plutôt que d'exprimer un voeu pieu dans le code de l'environnement, nous devons continuer à veiller chaque année à ce que la loi de finances dote l'ASNR de moyens suffisants. L'avis est défavorable.
L'amendement COM-28 n'est pas adopté.
L'amendement COM-51 n'est pas adopté.
M. Pascal Martin, rapporteur. - L'objectif des auteurs de l'amendement COM-29 est d'éviter que les membres du collège désignés par le Président de la République, qui sont majoritaires, puissent décider seuls. C'est actuellement loin d'être le cas : le collège de l'ASN a jusqu'à maintenant pris l'ensemble de sa décision à l'unanimité, malgré un mode de désignation pluriel. Cet esprit de consensus perdurera sans aucun doute dans le collège de la future ASNR. Il ne paraît donc pas nécessaire de faire évoluer le mode de désignation. L'avis est défavorable.
M. Ronan Dantec. - Cette évolution aurait été un symbole fort pour renforcer la confiance.
L'amendement COM-29 n'est pas adopté.
M. Pascal Martin, rapporteur. - Le collège de l'ASN est une instance regroupant des experts de la sûreté nucléaire, qui prennent à l'unanimité des décisions se fondant sur un avis d'expertise public. Dans la future ASNR, le collège devra également prendre ses décisions en se basant sur un rapport d'instruction public. La confidentialité des débats apparaît indispensable pour permettre à ses membres d'exprimer librement leur position et leurs réflexions, sans pression extérieure. L'avis est donc défavorable à l'amendement COM-30, qui prévoit la publication du compte rendu des délibérations du collège de l'ASNR.
L'amendement COM-30 n'est pas adopté.
L'article 1er est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission.
M. Pascal Martin, rapporteur. - Je reconnais volontiers que l'article 2 est perfectible : sur des questions aussi centrales que la distinction entre expertise et décision, la publication des avis ou encore la déontologie, le renvoi au règlement intérieur n'est pas satisfaisant. Plutôt que de supprimer un article fixant les règles de fonctionnement de la nouvelle autorité, je vous propose de l'améliorer en adoptant un certain nombre d'amendements. D'où un avis défavorable à l'amendement COM-31, visant à supprimer l'article 2.
L'amendement COM-31 n'est pas adopté.
L'amendement de coordination COM-10 est adopté.
M. Pascal Martin, rapporteur. - Je suis favorable à l'amendement COM-46 rectifié, identique à mon amendement COM-24. Je serais également favorable à l'amendement COM-45, si ses auteurs acceptaient de le rectifier pour le rendre identique.
M. Ronan Dantec. - Nous pouvons effectivement rectifier l'amendement dans le sens souhaité. Je rappelle que notre logique est d'améliorer ce texte, et de voir comment Gouvernement et Assemblée nationale réagissent à ces améliorations.
Les amendements identiques COM-24 et COM-46 rectifié, tout comme l'amendement COM-45, ainsi modifié, sont adoptés.
M. Pascal Martin, rapporteur. - L'adoption de l'amendement COM-77 conduirait à interdire à la nouvelle autorité de mener ses activités d'expertise et de recherche dans des domaines sur lesquels l'IRSN intervient aujourd'hui. Il me semble donc problématique.
Je suis toutefois sensible aux questions de déontologie, comme nous y a invités le rapport de l'Opecst. Nous y apportons des réponses avec deux amendements : le premier prévoit la création d'une commission d'éthique et de déontologie ; le deuxième permet au président de l'autorité de donner délégation de pouvoirs aux services pour la signature de conventions, afin de faciliter son déport. Ce sont des réponses concrètes et proportionnées à la problématique soulevée par cet amendement, sur lequel j'émets un avis défavorable.
L'amendement COM-77 n'est pas adopté.
M. Pascal Martin, rapporteur. - Comme précédemment, l'avis est favorable à l'amendement COM-78, identique à mon amendement COM-25. Je serai également favorable à l'amendement COM-32 si ses auteurs acceptent de le rectifier pour le rendre identique.
M. Ronan Dantec. - Nous l'acceptons.
Les amendements identiques COM-25 et COM-78, tout comme l'amendement COM-32, ainsi modifié, sont adoptés.
M. Pascal Martin, rapporteur. - Il s'agit ici d'opérer une distinction entre les personnes responsables de l'expertise et les personnes responsables de la prise de décision. Nous sommes donc au coeur de la réforme.
L'amendement COM-11 tend à étendre le champ de la distinction entre expertise et décision à l'ensemble des dossiers faisant l'objet d'une expertise, soit environ 300 dossiers par an. Dans la rédaction actuelle, des décisions majeures comme le redémarrage de centrales nucléaires ne seraient pas concernées par ce principe.
De plus, l'amendement remplace la distinction de processus par une distinction de responsabilités : il est ainsi précisé que la personne responsable de l'expertise devra être distincte de la personne ou des personnes responsables de l'élaboration de la décision et de la prise de décision.
Enfin, l'amendement prévoit que les modalités organisationnelles de distinction et d'interaction entre les personnels chargés des activités d'expertise et les personnels chargés des activités d'élaboration de la décision et de prise de décision sont fixées par le règlement intérieur.
L'avis est favorable à cet amendement et, par conséquent, défavorable aux amendements COM-33, COM-47 et COM-73.
M. Ronan Dantec. - Je voudrais une nouvelle fois saluer le travail de Pascal Martin, qui cherche à répondre à cette question essentielle de la séparation entre expertise et décision, et avance des propositions en ce sens, toujours dans un temps contraint. Je me demande simplement jusqu'à quel point le fonctionnement de la nouvelle entité ne sera pas plus complexe qu'un système à deux entités distinctes !
L'amendement COM-11 est adopté. En conséquence, les amendements COM-33, COM-47 et COM-73 deviennent sans objet.
M. Pascal Martin, rapporteur. - L'amendement COM-34 concerne l'intégration dans le processus d'évaluation des risques des phases de dialogue technique avec la société civile.
Ce dialogue est indispensable pour assurer l'acceptabilité de la sûreté nucléaire. Sont évoquées les expériences menées par l'IRSN, mais aussi par l'ASN, pour mieux associer le public. Il est déjà possible à cadre constant d'intégrer des phases de dialogue avec la société civile pendant la procédure d'instruction ; il n'est donc pas nécessaire de prévoir l'inscription au règlement intérieur de cette possibilité.
M. Ronan Dantec. - Nous examinons ici un point très important et assez obscur, avec renvoi au règlement intérieur. Il y a d'autres acteurs que ceux du territoire dans l'échange avec la société civile. L'IRSN, par exemple, travaille aujourd'hui directement avec EDF, dans une fluidité d'échange. Celle-ci perdurera-t-elle une fois l'ASNR créée ?... Il y a là une véritable question, qui méritait un approfondissement.
L'amendement COM-34 n'est pas adopté.
M. Pascal Martin, rapporteur. - Les amendements identiques COM-5 et COM-85 visent à consacrer sur un plan législatif les groupes permanents d'experts.
Les amendements identiques COM-5 et COM-85 sont adoptés.
M. Pascal Martin, rapporteur - L'amendement COM-4 traite de la publication des résultats des expertises et des avis des groupes permanents d'experts. La consécration législative du principe de publication de l'expertise conduira à maintenir un niveau de transparence équivalent au niveau atteint dans le système actuel. Il reviendra, par la suite, au règlement intérieur de définir les modalités de mise en oeuvre de ces dispositions.
L'avis est favorable à cet amendement et, par conséquent, défavorable aux amendements COM-35, COM-48 et COM-50.
L'amendement COM-4 est adopté. En conséquence, les amendements COM-35, COM-48 et COM-50 deviennent sans objet.
M. Pascal Martin, rapporteur. - Il n'est pas souhaitable de déterminer dans la loi la forme que prendra la publication des résultats d'expertise, pour permettre à la future autorité de disposer d'une flexibilité. L'avis est en conséquence défavorable à l'amendement COM-36.
L'amendement COM-36 n'est pas adopté.
M. Pascal Martin, rapporteur. - J'ai prévu d'inscrire dans la loi le principe d'une publication des résultats d'expertise. Faut-il, maintenant, inscrire dans la loi la forme précise que prendra cette publication ? Je ne le pense pas. Ce niveau de détail relèvera du règlement intérieur.
Il ne me semble pas non plus nécessaire de préciser que les résultats d'instruction peuvent prendre la forme de « décisions » : la loi le prévoit déjà à l'article L. 592-20 du code de l'environnement. D'où un avis défavorable à l'amendement COM-74.
L'amendement COM-74 n'est pas adopté.
M. Pascal Martin, rapporteur. - À travers l'amendement COM-75, il s'agit de prévoir que les résultats des activités d'expertise se rapportant à des résultats d'activités d'instruction sont publiés de manière concomitante prioritairement. Ces deux notions me semblent soulever des difficultés. La rédaction retenue présente effectivement l'avantage de la souplesse, mais elle est floue et, donc, source d'insécurité juridique. En définitive, bien que partageant les principes, je juge préférable de passer par le règlement intérieur de la future autorité.
M. Ronan Dantec. - Si l'on partage les principes, autant adopter la mesure ! Il m'apparaît vraiment dangereux de tout renvoyer au règlement intérieur et cette exigence de concomitance est positive. Cet amendement mériterait de passer le stade de la commission.
L'amendement COM-75 n'est pas adopté.
Les amendements identiques rédactionnels COM-12 et COM-76 sont adoptés, de même que l'amendement COM-13.
L'article 2 est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission.
M. Pascal Martin, rapporteur. - L'avis est favorable à l'amendement COM-90, visant à appliquer une règle de parité au sein du collègue de l'ASNR.
L'amendement COM-90 est adopté et devient article additionnel.
L'amendement COM-91 est adopté et devient article additionnel.
Article 3
Les amendements identiques rédactionnels COM-14 et COM-79 sont adoptés.
M. Pascal Martin, rapporteur. - Les règles de déontologie prévues par l'amendement COM-80 me semblent, d'une part, entrer dans un niveau de détail trop important et, d'autre part, être trop floues pour être adoptées en l'état.
Comme je l'ai déjà dit, je suis très sensible aux questions de déontologie, comme nous y invite le rapport de l'Opecst. Nous y apportons des réponses avec des amendements proportionnés et, me semble-t-il, mieux « bordés » juridiquement.
L'avis est défavorable.
L'amendement COM-80 n'est pas adopté.
L'amendement de coordination COM-15 est adopté, de même que l'amendement COM-16.
L'amendement rédactionnel COM-81 est adopté.
M. Pascal Martin, rapporteur. - Il est souhaitable de ne pas trop rigidifier la future ASNR et de laisser les groupes de travail chargés de la préfiguration décider s'ils souhaitent ou non créer un comité d'orientation des recherches, ainsi qu'un conseil scientifique au sein de la future autorité. L'ASNR pourra les intégrer à son règlement intérieur si elle le souhaite. Pour ces raisons, l'avis est défavorable aux amendements COM-37 et COM-49.
Les amendements COM-37 et COM-49 ne sont pas adoptés.
L'article 3 est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission.
M. Pascal Martin, rapporteur. - Je suis favorable à l'amendement COM-82, sous réserve de l'adoption de mon sous-amendement COM-92, apportant un ajustement technique. Ce sous-amendement vise à éviter que l'ASNR ne présente à chaque commission permanente compétente les sujets sur lesquels une association du public est organisée, en plus de la présentation déjà prévue par l'Opecst. Rendre des auditions systématiques devant plusieurs structures du Parlement pourrait être particulièrement lourd, tant pour l'ASNR que pour les commissions concernées. Le sous-amendement privilégie donc une association des commissions aux auditions qui seront organisées par l'Opecst.
Le sous-amendement COM-92 est adopté. L'amendement COM-82, ainsi sous-amendé, est adopté.
M. Pascal Martin, rapporteur. - L'avis est défavorable à l'amendement COM-38. La Commission nationale du débat public (CNDP) peut déjà émettre tous avis et recommandations de nature à favoriser et développer la participation du public, comme prévu à l'article L. 121-1 du code de l'environnement. Elle s'est particulièrement attachée, au cours des dernières années, à garantir la participation du public dans le domaine du nucléaire. Il n'est pas nécessaire d'ajouter une saisine obligatoire annuelle de plus pour la CNDP, qui fait déjà face à un certain engorgement.
L'amendement COM-38 n'est pas adopté.
Les amendements identiques COM-17 et COM-83 sont adoptés, de même que l'amendement COM-84.
L'article 4 est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission.
Article 5
L'amendement COM-67 est adopté.
L'article 5 est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission.
M. Pascal Martin, rapporteur. - L'amendement COM-86 concerne le personnel de la future autorité de nationalité étrangère ou apatride ne pouvant être recruté pour pourvoir des emplois dont les attributions, soit ne sont pas séparables de l'exercice de la souveraineté, soit comportent une participation directe ou indirecte à l'exercice de prérogatives de puissance publique.
Il est de jurisprudence constitutionnelle constante que les personnels de nationalité étrangère ne puissent exercer des fonctions inséparables de la souveraineté nationale. Il n'est pas nécessaire de le préciser au niveau législatif, comme l'a d'ailleurs indiqué le Conseil d'État dans son avis sur le projet de loi.
L'avis est défavorable.
L'amendement COM-86 n'est pas adopté.
M. Pascal Martin, président. - Je ne suis pas favorable à l'amendement COM-87 pour deux raisons.
Premièrement, afin de renforcer les effectifs consacrés à l'inspection de la nouvelle autorité, je vous proposerai un amendement à l'article 13 visant à ce que tous les personnels de la nouvelle autorité puissent être nommés inspecteurs de la sûreté nucléaire, mener des enquêtes techniques et être nommés inspecteurs de la radioprotection. C'est une demande forte de l'ASN, à laquelle aucune exigence constitutionnelle ne fait obstacle, comme le rappelle très clairement l'avis du Conseil d'État. Le présent amendement est clairement contradictoire avec celui que je proposerai à cet article 13.
Deuxièmement, l'amendement prévoit une habilitation des seuls fonctionnaires pour exercer les missions de police judiciaire. Cela va au-delà de ce que prévoit la jurisprudence, qui offre également cette possibilité aux contractuels de droit public.
L'amendement COM-87 n'est pas adopté.
L'amendement de clarification COM-1 est adopté.
L'article 6 est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission.
M. Pascal Martin, rapporteur. - Le code du travail prévoit qu'en cas de refus des salariés de droit privé d'accepter le contrat de droit public qui leur est proposé dans une structure publique d'accueil, leur contrat prend fin de plein droit. La personne publique doit alors appliquer les dispositions relatives aux agents licenciés prévues par le droit du travail et par leur contrat.
Il ne me semble pas pertinent d'appliquer cet alinéa aux transferts des contrats de l'IRSN à l'ASNR car les salariés de l'IRSN pourront garder leur contrat de droit privé et les avantages associés. Contrairement au cas de figure visé par le code du travail, il ne leur sera pas demandé d'accepter un contrat de droit public. C'est une garantie forte apportée par le projet de loi.
Pour ces raisons, l'avis est défavorable à l'amendement COM-39.
M. Ronan Dantec. - Je ne suis pas certain que cette réponse technique soit adaptée à un amendement de nature politique. Les personnes travaillant au sein de l'IRSN, monsieur le rapporteur, ont une certaine vision de l'expertise et de l'organisation globale de la sécurité et de la sûreté nucléaires ; une modification profonde de l'organisation générale est opérée : il est évident que la clause de conscience s'applique ! Nous sommes bien ici dans une fusion à marche forcée, dont l'origine tient dans la crainte de ne pas disposer d'assez de ressources humaines pour répondre aux missions, et c'est pourquoi on ne permet pas aux salariés d'exercer une clause de conscience dont la légitimité est évidente. Nous sommes assez loin d'une société démocratique ; cela ressemble plus au « pompidolisme » forcené des années 1970, ce qui me donne le sentiment d'un retour en arrière...
M. Jean-François Longeot, président. - Les années Pompidou n'étaient pas si mauvaises que cela !
L'amendement COM-39 n'est pas adopté.
M. Pascal Martin, rapporteur. - L'avis est par ailleurs défavorable à l'amendement COM-40.
M. Ronan Dantec. - Voilà à nouveau une question d'importance ! Le débat sur la dosimétrie est consubstantiel de cette fusion ; je ne comprends pas pourquoi on ne maintient pas la totalité des activités de dosimétrie dans la nouvelle entité.
M. Patrick Chaize, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques. - C'est impossible !
M. Ronan Dantec. - Je le sais, mais c'est un nouvel exemple de la désorganisation et des difficultés provoquées par cette fusion. L'existence de deux entités répondait à un certain nombre d'enjeux, notamment sur le plan commercial ; là, on va priver l'IRSN d'une partie de sa capacité d'action.
L'amendement COM-40 n'est pas adopté, non plus que l'amendement COM-41.
L'article 7 est adopté sans modification.
M. Pascal Martin, rapporteur. - Dans la discussion commune sur cet article, je suis favorable à l'amendement COM-42, qui fait tomber l'amendement COM-88. L'amendement COM-2 est, par ailleurs, rédactionnel.
L'amendement COM-42 est adopté, de même que l'amendement COM-2. En conséquence, l'amendement COM-88 devient sans objet.
L'article 8 est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission.
Article 9
L'article 9 est adopté sans modification.
Article 10
Les amendements identiques de clarification COM-7 et COM-89 sont adoptés, de même que l'amendement rédactionnel COM-43.
L'article 10 est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission.
Article 11
Les amendements COM-68, COM-69 et COM-3 sont adoptés.
L'article 11 est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission.
M. Jean-François Longeot, président. - L'article 12 ayant été délégué à la commission des affaires économiques, je vous propose de prendre acte du résultat des travaux de nos collègues.
L'amendement de suppression COM-44 n'est pas adopté.
L'amendement COM-52 est adopté.
L'article 12 est ainsi rédigé.
Article 13
L'amendement COM-18 est adopté, de même que l'amendement de coordination COM-70.
L'article 13 est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission.
Article 14
Les amendements identiques COM-19 et COM-71 sont adoptés, de même que les amendements COM-20, COM-21, COM-6 et COM-22.
L'article 14 est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission.
Article 15
L'amendement COM-23 est adopté.
L'article 15 est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission.
M. Jean-François Longeot, président. - Les articles 16 et suivants ayant été délégués à la commission des affaires économiques, je vous propose de prendre acte du résultat des travaux de nos collègues.
L'amendement COM-55 est adopté.
L'article 16 est ainsi rédigé.
Article 17
L'amendement COM-56 est adopté.
L'article 17 est ainsi rédigé.
Après l'article 17
L'amendement COM-57 est adopté et devient article additionnel.
L'amendement COM-58 est adopté et devient article additionnel.
Article 18
L'amendement COM-59 est adopté.
L'article 18 est ainsi rédigé.
M. Jean-François Longeot, président. - Avant de passer au vote sur l'ensemble du texte, y a-t-il des explications de vote ?
M. Ronan Dantec. - Une fois de plus, mes chers collègues, mes remerciements sincères vont aux deux rapporteurs. Le travail de la commission montre quel équilibre a pu être trouvé au regard d'un projet de loi qui, je le redis, soulève un grand nombre de questions. Cette tentative de rééquilibrage, même si celui-ci est d'une absolue nécessité, alourdit nettement le fonctionnement du futur organe et, en ce sens, va à l'encontre de l'objectif de départ. Cette évolution survivra-t-elle à la navette ? Il faudra en séance que nous ayons une discussion politique, afin de savoir si le Sénat est prêt à accepter que le Gouvernement et l'Assemblée nationale reviennent vers l'idée initiale.
Cela étant dit, nous voterons évidemment contre ce texte.
J'indique, enfin, que le maire de Saumur a fait toute sa carrière dans le secteur du nucléaire. Je ne suis pas certain qu'il soit tout à fait écologiste...
M. Gilbert-Luc Devinaz. - Nous associant à la précédente intervention, nous souhaitons saluer l'excellent travail des rapporteurs. Mais nous restons sur notre position : nous ne participerons pas au vote et ferons notre travail de parlementaires en séance publique.
Le projet de loi est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission.
Les sorts de la commission sont repris dans le tableau ci-dessous :
TITRE Ier : L'Autorité de sûreté nucléaire et de radioprotection |
|||
Chapitre Ier : Missions et fonctionnement de l'Autorité de sûreté nucléaire et de radioprotection |
|||
Section 1 : Dispositions modifiant le code de l'environnement |
|||
Article 1er |
|||
Auteur |
N° |
Objet |
Sort de l'amendement |
M. CHAIZE |
63 |
Modifications rédactionnelles de la définition de la sûreté nucléaire |
Adopté |
M. Pascal MARTIN, rapporteur |
93 |
Sous-amendement à l'amendement 63 |
Adopté |
M. CHAIZE |
64 |
Changement du nom de la nouvelle autorité (« Autorité indépendante de sûreté nucléaire et de radioprotection ») |
Rejeté |
M. CHAIZE |
65 |
ASNR veille à tenir compte, sur un plan procédural, des projets de production ou de recherche nucléaires innovants, tels que les petits réacteurs modulaires ou les réacteurs de quatrième génération |
Rejeté |
M. Pascal MARTIN, rapporteur |
8 |
Rédactionnel |
Adopté |
M. CHAIZE |
66 |
Contribution de la nouvelle autorité à l'information du Parlement, dont l'Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques et les différentes commissions parlementaires compétentes |
Adopté |
M. Pascal MARTIN, rapporteur |
9 |
Rédactionnel |
Adopté |
M. CHAIZE |
72 |
Rédactionnel |
Adopté |
M. DANTEC |
27 |
Ajout de la formation du public aux missions de l'ASNR |
Rejeté |
M. DANTEC |
28 |
Dotation de l'ASNR en moyens humains et financiers suffisants |
Rejeté |
M. FARGEOT |
51 |
Dissociation de la responsabilité du décideur de celle de l'expert |
Rejeté |
M. DANTEC |
29 |
Désignation d'un membre du collège de l'ASNR par le président du Conseil économique, social et environnemental |
Rejeté |
M. DANTEC |
30 |
Publication du compte rendu des délibérations du collège de l'ASNR |
Rejeté |
Article 2 |
|||
M. DANTEC |
31 |
Suppression de l'article |
Rejeté |
M. Pascal MARTIN, rapporteur |
10 |
Coordination légistique |
Adopté |
M. Pascal MARTIN, rapporteur |
24 |
Extension à l'ensemble des personnels de l'ASNR de la possibilité d'être délégataires de la signature du président |
Adopté |
M. FARGEOT |
46 rect. |
Extension à l'ensemble des personnels de l'ASNR de la possibilité d'être délégataires de la signature du président |
Adopté |
M. DANTEC |
45 rect. |
Extension à l'ensemble des personnels de l'ASNR de la possibilité d'être délégataires de la signature du président |
Adopté |
M. CHAIZE |
77 |
règlement intérieur veille à ce que les activités d'expertise et de recherche soient en lien avec les missions de l'ASNR et respectent les règles de concurrence et prohibe celles susceptibles de résulter de prescriptions imposées par cette autorité ou de faire l'objet d'un contrôle dans le cadre de ses attributions |
Rejeté |
M. Pascal MARTIN, rapporteur |
25 |
Création d'une commission d'éthique et de déontologie |
Adopté |
M. CHAIZE |
78 |
Création d'une commission d'éthique et de déontologie |
Adopté |
M. DANTEC |
32 rect. |
Création d'une commission d'éthique et de déontologie |
Adopté |
M. Pascal MARTIN, rapporteur |
11 |
Distinction entre la personne responsable de l'expertise et la personne ou les personnes responsables de l'élaboration de la décision et de la prise de décision |
Adopté |
M. DANTEC |
33 |
Indépendance des travaux d'évaluation des risques formulés sous forme de position scientifique et technique |
Rejeté |
M. FARGEOT |
47 |
Indépendance des travaux d'évaluation des risques et formulation sous forme de position scientifique et technique |
Rejeté |
M. CHAIZE |
73 |
Séparation des processus d'expertise et de décision, pour l'ensemble des décisions rendues par l'ASNR |
Rejeté |
M. DANTEC |
34 |
Intégration dans le processus d'évaluation des risques des phases de dialogue technique avec la société civile |
Rejeté |
M. Pascal MARTIN, rapporteur |
5 |
Consécration législative des groupes permanents d'experts |
Adopté |
M. CHAIZE |
85 |
Consécration législative des groupes permanents d'experts |
Adopté |
M. Pascal MARTIN, rapporteur |
4 |
Publication des résultats des expertises et des avis des groupes permanents d'experts |
Adopté |
M. DANTEC |
35 |
Publication des avis d'expertise en amont du processus d'élaboration d'avis et de décision |
Rejeté |
M. FARGEOT |
48 |
Publication des avis d'expertise en amont du processus d'élaboration d'avis et de décision |
Rejeté |
M. FARGEOT |
50 |
Publication des activités d'expertise sous la forme de positions scientifiques et techniques |
Rejeté |
M. DANTEC |
36 |
Publication des activités d'expertise sous la forme de positions scientifiques et techniques |
Rejeté |
M. CHAIZE |
74 |
Résultats publiés au titre des activités d'expertise peuvent comprendre des rapports et ceux publiés au titre des activités d'instruction des décisions |
Rejeté |
M. CHAIZE |
75 |
Résultats des activités d'expertise se rapportant à des résultats d'activités d'instruction publiés de manière concomitante prioritairement |
Rejeté |
M. Pascal MARTIN, rapporteur |
12 |
Rédactionnel |
Adopté |
M. CHAIZE |
76 |
Rédactionnel |
Adopté |
M. Pascal MARTIN, rapporteur |
13 |
Possibilité de délégation de pouvoirs du président de l'ASNR en matière de passation de conventions |
Adopté |
Article(s) additionnel(s) après Article 2 |
|||
M. CHAIZE |
90 |
Parité du collège de l'ASNR |
Adopté |
M. CHAIZE |
91 |
Intégration au rapport annuel du compte rendu de l'activité de la commission des sanctions |
Adopté |
Article 3 |
|||
M. Pascal MARTIN, rapporteur |
14 |
Rédactionnel |
Adopté |
M. CHAIZE |
79 |
Rédactionnel |
Adopté |
M. CHAIZE |
80 |
Règlement intérieur veille à l'absence de démarchage, à la séparation entre les services chargés de la mise en paiement et ceux chargés de la décision ou de l'inspection |
Rejeté |
M. Pascal MARTIN, rapporteur |
15 |
Coordination légistique |
Adopté |
M. Pascal MARTIN, rapporteur |
16 |
Remplacement du terme « agents » remplacé par le terme plus englobant de « personnels » |
Adopté |
M. CHAIZE |
81 |
Amendement rédactionnel |
Adopté |
M. DANTEC |
37 |
Création au sein de l'ASNR d'un comité d'orientation des recherches |
Rejeté |
M. FARGEOT |
49 |
Création au sein de l'ASNR d'un conseil scientifique et d'un conseil d'orientation des recherches |
Rejeté |
Article 4 |
|||
M. CHAIZE |
82 |
Ajout des commissions permanentes compétentes aux bénéficiaires des obligations de transparence prévue à l'article 4 |
Adopté |
M. Pascal MARTIN, rapporteur |
92 |
Sous-amendement à l'amendement n° 82. |
Adopté |
M. DANTEC |
38 |
Avis annuel de la CNDP sur la participation des citoyens aux décisions dans le domaine nucléaire |
Rejeté |
M. Pascal MARTIN, rapporteur |
17 |
Présentation pour observations du projet de règlement intérieur à l'Opecst et transmission pour observation au HCTISN et à l'Anccli |
Adopté |
M. CHAIZE |
83 |
Présentation pour observations du projet de règlement intérieur à l'Opecst et transmission pour observation au HCTISN et à l'Anccli |
Adopté |
M. CHAIZE |
84 |
Observations formulées par l'Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques sur un projet de décision d'adoption ou de modification du règlement intérieur de l'Autorité de sûreté nucléaire et de radioprotection élaborées en lien avec les différentes commissions permanentes compétentes |
Adopté |
Section 2 : Dispositions transitoires |
|||
Article 5 |
|||
M. CHAIZE |
67 |
Ajustement des modalités de transfert des biens, droits et obligations de l'Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire à l'État et au Commissariat à l'énergie atomique et aux énergies alternatives |
Adopté |
Chapitre II : Ressources humaines |
|||
Section 1 : Dispositions modifiant le code de l'environnement |
|||
Article 6 |
|||
M. CHAIZE |
86 |
Personnel de l'Autorité de sûreté nucléaire et de radioprotection de nationalité étrangère ou apatride ne pouvant être recruté pour pourvoir des emplois dont les attributions soit ne sont pas séparables de l'exercice de la souveraineté, soit comportent une participation directe ou indirecte à l'exercice de prérogatives de puissance publique |
Rejeté |
M. CHAIZE |
87 |
Habilitation et assermentation des seuls fonctionnaires et contractuels de droit public pour exercer les fonctions d'inspecteurs de la sûreté nucléaire ; habilitation des seuls fonctionnaires pour exercer les missions de police judiciaire. |
Rejeté |
M. Pascal MARTIN, rapporteur |
1 |
Amendement de clarification |
Adopté |
Section 2 : Dispositions transitoires |
|||
Article 7 |
|||
M. DANTEC |
39 |
Application du dernier alinéa de l'article L. 1224-3 du code du travail aux transferts des contrats de l'IRSN à l'ASNR |
Rejeté |
M. DANTEC |
40 |
Maintien des activités de dosimétrie passive au sein de l'ASNR |
Rejeté |
M. DANTEC |
41 |
Maintien, au sein de l'ASNR, de l'expertise en matière de sécurité des installations civiles, de sûreté et de radioprotection pour les installations et activités nucléaires intéressant la défense, de non-prolifération et de contrôle des matières dangereuses |
Rejeté |
Article 8 |
|||
M. DANTEC |
42 |
Possibilité pour l'ensemble des salariés de droit privé de bénéficier des conventions, accords et engagements unilatéraux qui étaient applicables au 31 décembre 2024 à l'IRSN jusqu'à l'entrée en vigueur des conventions, accords ou engagements qui leur sont substitués au sein de la nouvelle autorité. |
Adopté |
M. CHAIZE |
88 |
Rédactionnel |
Rejeté |
M. Pascal MARTIN, rapporteur |
2 rect. |
Amendement rédactionnel |
Adopté |
Article 10 |
|||
M. Pascal MARTIN, rapporteur |
7 |
Amendement de clarification, visant à préciser que la formation conjointe du comité social d'administration de l'Autorité de sûreté nucléaire (ASN) et du comité social et économique de l'Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire (IRSN) pourra siéger à la demande de ces comités ou à la demande du président de la nouvelle Autorité de sûreté nucléaire et de radioprotection (ASNR) |
Adopté |
M. CHAIZE |
89 |
Amendement de clarification, visant à préciser que la formation conjointe du comité social d'administration de l'Autorité de sûreté nucléaire (ASN) et du comité social et économique de l'Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire (IRSN) pourra siéger à la demande de ces comités ou à la demande du président de la nouvelle Autorité de sûreté nucléaire et de radioprotection (ASNR) |
Adopté |
M. DANTEC |
43 |
Amendement rédactionnel |
Adopté |
Article 11 |
|||
M. CHAIZE |
68 |
Intégration du Commissariat à l'énergie atomique et aux énergies alternatives (CEA) dans le rapport d'évaluation sur les moyens de la sûreté nucléaire |
Adopté |
M. CHAIZE |
69 |
Évaluation de la faisabilité et de l'opportunité d'instituer un préfigurateur chargé de la mise en oeuvre de la création de l'Autorité de sûreté nucléaire et de radioprotection |
Adopté |
M. Pascal MARTIN, rapporteur |
3 |
Amendement de clarification |
Adopté |
Chapitre III : Le haut-commissaire à l'énergie atomique |
|||
Article 12 |
|||
M. SALMON |
44 |
Suppression de l'article abrogeant la base légale du Haut-commissaire à l'énergie atomique (HCEA) |
Rejeté |
M. CHAIZE, rapporteur pour avis |
52 |
Réécriture de la base légale du Haut-commissaire à l'énergie atomique (HCEA) |
Adopté |
Chapitre IV : Dispositions de coordination et finales |
|||
Article 13 |
|||
M. Pascal MARTIN, rapporteur |
18 |
Extension à l'ensemble des personnels de l'ASNR d'être nommé inspecteur de la sûreté nucléaire, de mener des enquêtes techniques et d'être nommé inspecteur de la radioprotection |
Adopté |
M. CHAIZE |
70 |
Coordination légistique |
Adopté |
Article 14 |
|||
M. Pascal MARTIN, rapporteur |
19 |
Correction d'une erreur de référence |
Adopté |
M. CHAIZE |
71 |
Correction d'une erreur de référence |
Adopté |
M. Pascal MARTIN, rapporteur |
20 |
Correction d'erreurs et d'omissions de références |
Adopté |
M. Pascal MARTIN, rapporteur |
21 |
Coordination légistique |
Adopté |
M. Pascal MARTIN, rapporteur |
6 |
Suppression d'une référence obsolète au Haut-Conseil des biotechnologies |
Adopté |
M. Pascal MARTIN, rapporteur |
22 |
Compétence de la commission compétente en matière de prévention des risques naturels et technologiques pour l'audition du président de l'ASNR au titre de l'article 13 de la Constitution |
Adopté |
Article 15 |
|||
M. Pascal MARTIN, rapporteur |
23 |
Entrée en vigueur des dispositions relatives à l'application de l'article 13 de la Constitution |
Adopté |
TITRE II : Adaptation des règles de la commande publique aux projets nucléaires |
|||
Chapitre Ier : Sécurisation des procédures relatives à la commande publique pour les porteurs de projets nucléaires |
|||
Article 16 |
|||
M. CHAIZE, rapporteur pour avis |
55 |
Consolidation de la possibilité, pour les marchés publics de certains projets nucléaires, de déroger à l'obligation d'allotissement |
Adopté |
Article 17 |
|||
M. CHAIZE, rapporteur pour avis |
56 |
Consolidation de la possibilité de dérogation à la durée maximale des accords-cadres pour certains projets nucléaires |
Adopté |
Article(s) additionnel(s) après Article 17 |
|||
M. CHAIZE, rapporteur pour avis |
57 |
Ajout d'un critère de crédibilité des offres pour les projets liés à la relance du nucléaire |
Adopté |
M. CHAIZE, rapporteur pour avis |
58 |
Ajout d'une possibilité d'avenants pour les projets liés à la relance du nucléaire |
Adopté |
Chapitre II : Mesures destinées à renforcer la protection des intérêts fondamentaux de la Nation en matière de nucléaire |
|||
Article 18 |
|||
M. CHAIZE, rapporteur pour avis |
59 |
Consolidation de la dérogation aux règles de publicité et de mise en concurrence pour les marchés publics de certains projets nucléaires |
Adopté |
PROJET DE LOI ORGANIQUE
EXAMEN DES ARTICLES
Article 1er
Les amendements COM-1 et COM-3 sont adoptés.
L'article 1er est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission.
Article 2
L'amendement COM-2 est adopté.
L'article 2 est ainsi rédigé.
Après l'article 2
L'amendement COM-4 est adopté et devient article additionnel.
Le projet de loi organique est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission.
Les sorts de la commission sont repris dans le tableau ci-dessous :
Article 1er |
|||
Auteur |
N° |
Objet |
Sort de l'amendement |
M. Pascal MARTIN, rapporteur |
1 |
Suppression d'une référence obsolète au Haut Conseil des biotechnologies |
Adopté |
M. CHAIZE |
3 |
Désignation du haut-commissaire à l'énergie atomique (HCEA) selon la procédure prévue au cinquième alinéa de l'article 13 de la Constitution |
Adopté |
Article 2 |
|||
M. Pascal MARTIN, rapporteur |
2 |
Entrée en vigueur de la suppression de la référence au Haut Conseil des biotechnologies |
Adopté |
Article(s) additionnel(s) après Article 2 |
|||
M. CHAIZE |
4 |
Entrée en vigueur de l'ajout du haut-commissaire à l'énergie atomique |
Adopté |