N° 247

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 2023-2024

Enregistré à la Présidence du Sénat le 17 janvier 2024

RAPPORT

FAIT

au nom de la commission des finances (1) sur la proposition de loi, adoptée avec modifications par l'Assemblée nationale en deuxième lecture, visant à protéger le groupe Électricité de France d'un démembrement,

Par Mme Christine LAVARDE,

Sénateur

(1) Cette commission est composée de : M. Claude Raynal, président ; M. Jean-François Husson, rapporteur général ; MM. Bruno Belin, Christian Bilhac, Jean-Baptiste Blanc, Emmanuel Capus, Thierry Cozic, Bernard Delcros, Thomas Dossus, Albéric de Montgolfier, Didier Rambaud, Stéphane Sautarel, Pascal Savoldelli, vice-présidents ; M. Michel Canévet, Mmes Marie-Claire Carrère-Gée, Frédérique Espagnac, M. Marc Laménie, secrétaires ; MM. Arnaud Bazin, Grégory Blanc, Mme Florence Blatrix Contat, M. Éric Bocquet, Mme Isabelle Briquet, M. Vincent Capo-Canellas, Mme Marie-Carole Ciuntu, MM. Raphaël Daubet, Vincent Delahaye, Vincent Éblé, Rémi Féraud, Mme Nathalie Goulet, MM. Jean-Raymond Hugonet, Éric Jeansannetas, Christian Klinger, Mme Christine Lavarde, MM. Antoine Lefèvre, Dominique de Legge, Victorin Lurel, Hervé Maurey, Jean-Marie Mizzon, Claude Nougein, Olivier Paccaud, Mme Vanina Paoli-Gagin, MM. Georges Patient, Jean-François Rapin, Teva Rohfritsch, Mme Ghislaine Senée, MM. Laurent Somon, Christopher Szczurek, Mme Sylvie Vermeillet, M. Jean Pierre Vogel.

Voir les numéros :

Première lecture : 671, 808 et T.A. 78

Deuxième lecture : 1076, 1090 et T.A. 110

Première lecture : 341, 464, 465 et T.A. 90 (2022-2023)

Deuxième lecture : 579 (2022-2023) et 248 (2023-2024)

L'ESSENTIEL

La commission des finances, réunie le 29 mars 2023, sous la présidence de M. Claude Raynal, avait adopté avec modifications, sur le rapport de M. Gérard Longuet, en première lecture, la proposition de loi n° 341 (2022-2023) visant à protéger le groupe EDF d'un démembrement, déposée à l'Assemblée nationale le 27 décembre 2022 par le député Philippe Brun.

La commission avait ainsi adopté cinq amendements :

l'amendement COM-4 supprime l'article 1er, qui vise à la nationalisation d'électricité de France. En effet, une offre publique d'achat simplifiée étant déjà en cours, une telle disposition est inutile dans son objet et potentiellement nocive dans ses effets en menaçant la sécurité juridique de l'opération de marché. Par conséquent, l'amendement COM-6 supprime l'article 3 relatif à la commission administrative nationale d'évaluation ;

l'amendement COM-5, sous amendé (COM-9) par M. Victorin Lurel et le groupe socialiste, procède à la réécriture de l'article 2. En effet, plutôt que de figer les activités d'EDF en créant un groupe public unifié, il est proposé d'inscrire dans la loi la détention par l'État de l'entreprise, et de maintenir une part d'actionnariat salarié. Par ailleurs, l'amendement précise que l'activité d'EDF s'exerce conformément au code de l'énergie, et s'inscrit ainsi dans un corpus juridique complexe, issu du droit national et européen. Enfin, le sous-amendement vise à indiquer que la société anonyme est « d'intérêt national » ;

l'amendement COM-7 prévoit l'extension des tarifs réglementés de vente d'électricité (TRVe) à l'ensemble des TPE et des petites communes sans considération de puissance électrique souscrite ;

l'amendement COM-8 supprime les gages prévus par l'auteur de la proposition de loi. En effet, la proposition n'ayant aucun coût pour les finances publiques, ceux-ci sont superflus.

En séance publique, le Sénat a adopté un amendement n° 19 du Gouvernement visant à ne pas contraindre l'État à mettre en place de l'actionnariat salarié, tout en lui laissant la possibilité de le faire.

En deuxième lecture, l'Assemblée nationale a maintenu plusieurs modifications introduites par le Sénat en conservant :

- les suppressions des articles 1, 3 et 4, votées par le Sénat en première lecture ;

- à l'article 2, la qualification « d'intérêt national » de l'entreprise EDF, et sa détention à 100 % par l'État ;

- à l'article 3 bis, la généralisation des TRVe à l'ensemble des TPE et des petites communes sans considération de la puissance électrique souscrite.

Par ailleurs, l'Assemblée nationale a procédé à d'importantes modifications aux articles 2 et 3 bis (cf. infra) qui restent en discussion. L'article 3 ter, qui concerne une demande de rapport sur l'opportunité d'une nationalisation d'Électricité de Mayotte, n'a été modifié que marginalement par rapport à la version votée par le Sénat : seule la date de remise du rapport a été amendée. Il reste donc également en discussion.

I. DANS LE TEXTE INITIAL ADOPTÉ PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE, L'ILLUSION D'UN RETOUR À LA NATIONALISATION DE 1946, AU RISQUE D'EMPÊCHER LES ÉVOLUTIONS INDISPENSABLES DE L'ENTREPRISE ÉLECTRICITÉ DE FRANCE

A. LA NATIONALISATION D'EDF, UNE MESURE D'AFFICHAGE

Appliquant sur ce point le programme national de la résistance, l'article 1er de la loi n°46-628 du 8 avril 1946 disposait que sont « nationalisés : la production, le transport, la distribution, l'importation et l'exportation de l'électricité. » À cette occasion est créé « Électricité de France », établissement public industriel et commercial (EPIC) qui ne deviendra une société anonyme (SA) que bien plus tard, en 2005.

La transformation de l'EPIC en société trouve alors plusieurs explications. D'abord, sur le fondement du cadre européen des aides d'État, la Commission européenne avait alors demandé à la France de supprimer « la garantie illimitée dont bénéficie EDF sur tous ses engagements en vertu de son statut d'EPIC »1(*) cette évolution permet d'écarter les risques liés au contentieux des aides d'État. Elle permet également à l'entreprise de diversifier les leviers de financement de l'entreprise, en lui ouvrant la possibilité d'augmentations de capital pour financer son développement. Enfin, le passage à une société anonyme émancipe EDF du principe de spécialité de l'EPIC et lui ouvre la faculté de diversifier son offre de services, à l'heure où la concurrence sur le marché de la fourniture d'électricité se développe.

Cependant, la santé financière de l'entreprise s'est très nettement dégradée depuis l'ouverture de son capital. Ainsi, en 2022, les activités de production et de commercialisation d'électricité d'EDF ont connu un EBITDA2(*) négatif de 23 milliards d'euros. D'après le rapport annuel de l'entreprise, « le recul de la production nucléaire, essentiellement lié aux contrôles et réparations de la corrosion sous contrainte, a un impact estimé à - 29,1 milliards d'euros en EBITDA ». Alors que l'EBITDA de l'ensemble des activités d'EDF est redressé par les résultats positifs de filiales (pour se situer à - 5 milliards d'euros) l'endettement financier net d'EDF était de 64,5 milliards d'euros en fin d'exercice 2022.

C'est dans ce contexte de grande difficulté que le Gouvernement a fait le choix d'engager une offre publique d'achat simplifiée (OPAS), portant sur les actions et obligations convertibles échangeables en actions nouvelles ou existantes (Oceane). Annoncée en juillet 2022, cette OPAS a été ouverte en novembre dernier, grâce au vote des crédits nécessaires en loi de finances rectificative pour 2022. D'après le Gouvernement « l'urgence climatique et la situation géopolitique imposent des décisions fortes pour assurer l'indépendance et la souveraineté énergétique de la France, dont celle de pouvoir planifier et investir sur le très long terme les moyens de production, de transport et de distribution d'électricité »3(*).

En tout état de cause, l'OPAS qui était en cours rendait inutile la mention d'une nationalisation. En effet, hormis la dimension symbolique de l'opération, la mention d'une nationalisation était inutile dans son objet, et potentiellement nocive dans ses effets. Ainsi, si la présente proposition de loi était entrée en vigueur avant le terme de la procédure d'OPAS initiée par le Gouvernement et la procédure de retrait obligatoire, celle-ci n'aurait plus été conforme au procédé choisi par le législateur. Les dispositions initiales prévues par la présente proposition de loi auraient eu des conséquences très incertaines sur la procédure qui était alors en cours.

Ainsi, plutôt que de mettre inutilement en cause l'opération de marché, l'amendement COM-5 à l'article 2 adopté par la commission permettait de garantir la détention par l'État d'EDF au 1er janvier 2024 sans imposer de moyen au Gouvernement. Parvenant ainsi au même résultat que l'article 1er, le Sénat a supprimé celui-ci par l'adoption d'un amendement COM-4.

B. LA CRÉATION D'UN GROUPE PUBLIC UNIFIÉ ÉTAIT PORTEUSE DE DAVANTAGE D'INCERTITUDES QUE DE VÉRITABLES SOLUTIONS

Alors que le droit national et européen fixe des règles exigeantes en matière d'organisation du groupe EDF, la solution initialement retenue par la proposition de loi visant à définir les contours d'un « groupe public unifié » était très insatisfaisante.

En effet, il n'est aucunement souhaitable de rigidifier le cadre d'action d'EDF et d'interdire à l'entreprise de céder des participations dans l'ensemble de ses filiales intervenant dans « la production, le transport, la distribution, l'importation [...] l'exportation d'électricité, le développement, la construction, l'exploitation et la maintenance des sources d'énergie hydraulique, nucléaire, renouvelable et thermique [ou encore] la prestation de services énergétiques ». Cette énumération porterait une contrainte disproportionnée sur les évolutions de l'entreprise : il est absolument vital pour EDF de pouvoir céder certaines de ses filiales, réaliser des montages capitalistiques pour accompagner la mise en oeuvre de projets d'infrastructures, ou encore retrouver des marges de manoeuvre financières pour garantir le financement d'une électricité bon marché et décarbonée dans une économie ouverte et compétitive.

Ainsi, l'amendement COM-5 adopté par la commission a prévu de maintenir EDF sous forme de société anonyme et d'augmenter le niveau minimal de détention par l'État dans l'entreprise EDF, de plus de 70 % à 100 %, afin de garantir l'intervention du Parlement en cas de projet de réouverture de son capital. Sans avoir pour objectif de figer définitivement la structure capitalistique d'EDF, la détermination par la loi d'une participation de l'État à hauteur de 100 % impose au Gouvernement de saisir le Parlement de toute nouvelle évolution de la participation publique au capital de la société.

L'amendement permettait également le maintien d'une part d'actionnaires salariés : il est nécessaire que l'État montre lui-même l'exemple en maintenant au sein d'EDF la possibilité pour les salariés d'être actionnaires de leur entreprise. De plus, la présence d'un actionnariat salarié pondère le rôle de l'État, dont les principales décisions depuis une décennie ont considérablement affaibli EDF.

Enfin, l'amendement a inscrit dans le texte que l'entreprise EDF doit exercer ses activités conformément aux dispositions du code de l'énergie. Plutôt qu'une énumération équivoque des activités d'EDF, cette disposition inscrit l'entreprise dans le corpus juridique développé et exigeant, issu du droit national et du droit de l'Union européenne. En particulier, l'organisation des filiales de transport et de distribution résulte d'un équilibre juridique complexe, permettant de garantir la structuration concurrentielle du marché. La proposition de loi, qui n'aborde pas la question essentielle de l'organisation du marché, faisait donc l'impasse sur le coeur du sujet et risquait uniquement de pénaliser l'entreprise publique. Enfin, le sous-amendement COM-9, adopté à l'initiative de M. Victorin Lurel et du groupe socialiste, a introduit une disposition suivant laquelle la société anonyme EDF est qualifiée « d'intérêt national ».

II. LA NÉCESSITÉ D'ÉTENDRE L'ÉLIGIBILITÉ DES TARIFS RÉGLEMENTÉS DE VENTE D'ÉLECTRICITÉ (TRVE) À L'ENSEMBLE DES TPE POUR LES PROTÉGER DES FLUCTUATIONS DES PRIX DE L'ÉLECTRICITÉ

A. LES LEÇONS TIRÉES DE LA CRISE DES PRIX DE L'ÉLECTRICITÉ IMPOSENT D'ÉLARGIR LES TRVE À L'ENSEMBLE DES TPE

Sans que cette condition soit requise par le droit de l'Union européenne, le bénéfice des tarifs réglementés de vente d'électricité (TRVe) est limité aux TPE et aux petites communes qui disposent d'un compteur électrique d'une puissance inférieure ou égale à 36 kilovoltampères (kVA). Cette condition exclut notamment une grande majorité de boulangers, de restaurateurs, de fleuristes et d'autres secteurs économiques dont les activités supposent une forte consommation d'électricité. Ces TPE non éligibles aux TRVe sont bien souvent celles qui animent la vie locale de proximité. Elles jouent un rôle fondamental de lien social et contribuent très directement à l'intérêt général. Les boulangers en sont l'archétype.

Les TPE non éligibles aux TRVe et, par voie de conséquence, à la protection apportée par le bouclier tarifaire, ont été fortement exposées à la hausse des prix de l'électricité, en particulier celles qui ont dû renouveler leur contrat en 2022. Pour elles, le dispositif de « sur-amortisseur », décidé en urgence en février 2023, leur a garanti un prix ne pouvant dépasser 280 euros/MWh en moyenne sur l'année 2023.

Il convient de tirer les leçons de cette crise en protégeant de façon structurelle l'ensemble des TPE des fluctuations intempestives des marchés européens de l'énergie. Pour ce faire, l'amendement COM-7 adopté par la commission a proposé d'étendre de façon pérenne l'éligibilité des TRVe à l'ensemble des TPE en supprimant la condition limitative relative à la puissance d'électricité souscrite dans leur contrat. L'intérêt de cette évolution est partagé tant par la CRE que par EDF. Il est regrettable que le Gouvernement n'ait pas suivi les conseils du régulateur de l'énergie qui, dès l'automne 2022, lui avait suggéré cette solution. Si cette extension avait été anticipée, de nombreuses TPE n'auraient pas été si exposées à la crise des prix de l'électricité et les mesures improvisées en urgence n'auraient pas été nécessaires.

B. INOPÉRANTES ET JURIDIQUEMENT PROBLÉMATIQUES, PLUSIEURS DISPOSITIONS DE L'ARTICLE 3 BIS ADOPTÉES PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE EN PREMIÈRE LECTURE ONT ÉTÉ ÉCARTÉES PAR LE SÉNAT

Dans sa version issue de son adoption en première lecture à l'Assemblée nationale, l'article 3 bis présentait plusieurs difficultés d'ordre juridique que l'amendement COM-7 adopté par la commission entendait résoudre :

- premièrement, l'extension, même pour la seule année 2023, du bénéfice des TRVe à l'ensemble des entreprises jusqu'aux entreprises de taille intermédiaire (ETI) était contraire au droit de l'Union européenne et ne pouvait être appliquée ;

- deuxièmement, la disposition qui prévoyait que les offres aux TRVe devraient se substituer aux contrats en cours pouvait être frappée d'inconstitutionnalité en ce qu'elle aurait porté une atteinte disproportionnée au principe de liberté contractuelle. En toute hypothèse, cette disposition aurait fait l'objet de contentieux et les fournisseurs se seraient vu allouer des indemnités par les consommateurs ou par la puissance publique.

Par ailleurs, cette disposition n'était pas opérationnelle puisque, d'une part la construction par la CRE des nouveaux TRVe prendrait plusieurs mois et, d'autre part, à court terme, sans application du bouclier tarifaire, ces nouveaux TRVe n'auraient pas été plus intéressants que les dispositifs d'aide existants.

En effet, les analyses juridiques convergeaient pour considérer que sauf à adopter une interprétation très extensive de la loi de finances pour 2023, le dispositif de bouclier tarifaire n'aurait pas pu s'appliquer à l'extension de TRVe prévue à l'article 3 bis. C'est d'ailleurs ce qui avait permis d'assurer sa recevabilité financière au regard des dispositions de l'article 40 de la Constitution. Et quand bien même une interprétation extensive aurait autorisé l'application du bouclier, le Gouvernement, selon les dispositions de la loi de finances pour 2023, aurait conservé un pouvoir discrétionnaire et n'aurait en rien été tenu d'étendre le bouclier au bénéfice de ces nouveaux tarifs ;

- troisièmement, l'article prévoyait que l'ensemble des fournisseurs d'électricité, et non plus seulement EDF et les entreprises locales de distribution (ELD), proposent des TRVe. Cette mission, qui s'accompagne d'obligations de service public prévues par l'article 121-5 du code de l'énergie, comme celle de jouer le rôle de fournisseur en dernier ressort, ne peut pas être imposée à l'ensemble des fournisseurs.

Il ressortait de ces analyses et de l'opérationnalité matérielle de la création de nouveaux TRVe, qu'à très court terme, un soutien opérationnel et concret aux TPE et aux PME ne pouvait passer que par une accélération de la mise en oeuvre et/ou un renforcement des dispositifs d'amortisseur et de « sur-amortisseur ».

III. EN SÉANCE

Lors de la séance publique, le Sénat a adopté un amendement n° 19 du Gouvernement visant à ne pas contraindre l'entreprise à mettre en place de l'actionnariat salarié, tout en maintenant la possibilité de le faire

IV. LA SUITE DE LA NAVETTE : EN DEUXIÈME LECTURE L'ASSEMBLÉE NATIONALE A FAIT PEU DE CAS DES MODIFICATIONS ADOPTÉES PAR LE SÉNAT

En deuxième lecture, même si elle a maintenu les suppressions des articles 1er, 3 et 4 votées par le Sénat, l'Assemblée nationale est revenue sur de nombreuses modifications qui avaient été adoptées par lui en première lecture, afin de rétablir des dispositions qui figuraient dans le texte initial.

Ainsi, lors de l'examen du texte en commission des finances de l'Assemblée nationale, l'article 2 a été modifié à l'initiative des co-rapporteurs du texte, MM. Philippe Brun et Sébastien Jumel, pour intégrer une liste d'activités : « le groupe Électricité de France assure notamment la production, le transport dans les zones non interconnectées, la distribution, la commercialisation, l'importation et l'exportation d'électricité, le développement, la construction, l'exploitation et la maintenance des sources d'énergie hydraulique, nucléaire, renouvelable et thermique et la prestation de services énergétiques. »

Ainsi, d'après le rapport sur le texte fait au nom de la commission des finances en deuxième lecture, l'amendement des rapporteurs réintroduit une liste « explicitement non-limitative, des missions devant être assurées par EDF ou par ses filiales, en raison de leur caractère stratégique pour le service public de l'électricité, dans le but d'éviter que ces activités soient totalement privatisées. »

Par ailleurs, un amendement de séance du rapporteur du texte, M. Philippe Brun, a introduit des dispositions visant à rendre obligatoire l'actionnariat salarié. Ainsi, en application des dispositions du présent article, une opération d'ouverture du capital, portant au minimum sur 1,50 % du capital de l'entreprise, devrait être réalisé en faveur des salariés et anciens salariés qui détenaient des actions dans l'entreprise le 22 novembre 2022, le prix initial ne pouvant être supérieur à 12 euros, et un rabais spécifique devant être proposé « si les salariés s'engagent à une période de détention minimum de deux ans. »

Dans sa rédaction issue de la première lecture au Sénat, l'article 3 bis relatif à l'éligibilité aux tarifs réglementés de vente d'électricité (TRVe) n'avait pas été modifié par la commission des finances de l'Assemblée nationale. Cependant, contre l'avis de la commission et du Gouvernement, plusieurs amendements ont été adoptés en séance publique pour élargir le périmètre d'éligibilité des TRVe bien au-delà des seules TPE (élargissement adopté par le Sénat en première lecture) et pour des entités qui, en toute hypothèse, ne pourront pas en bénéficier compte-tenu des normes européennes en la matière. Trois amendements ont ainsi été adoptés par l'Assemblée nationale pour étendre l'éligibilité des TRVe aux PME, aux collectivités territoriales de moins de 50 000 habitants ainsi qu'à l'ensemble des organismes d'habitations à loyer modéré (HLM).

V. LA POSITION DE LA COMMISSION EN DEUXIÈME LECTURE : DONNER À EDF LES MOYENS D'ATTEINDRE SES OBJECTIFS, ET ÉTENDRE LES TRVE À TOUTES LES TPE ET LES PETITES COMMUNES

À l'article 2, la commission des finances a adopté un premier amendement COM-2 de Mme Christine Lavarde, rapporteur pour la deuxième lecture au nom de la commission des finances, qui vise à prévoir dans la loi des objectifs pour l'entreprise « Électricité de France », qui devront être précisés dans une convention décennale entre l'État et l'entreprise, révisée tous les trois ans. En effet, la priorité de l'entreprise, désormais détenue à 100 % par l'État, doit être de fournir à tous les ménages et aux entreprises une électricité compétitive et décarbonée. La direction de l'entreprise doit disposer des latitudes opérationnelles pour parvenir à ces objectifs. La signature d'un contrat décennal, revu tous les trois ans, entre l'entreprise et l'État actionnaire doit permettre de donner de la visibilité à l'entreprise sur les orientations de l'État actionnaire, et préciser la stratégie financière et d'investissement de l'entreprise pour parvenir à ces objectifs.

Ce faisant, l'amendement supprime la liste des secteurs d'activité réintroduite par l'Assemblée nationale, afin de ne pas paralyser le groupe et permettre des évolutions dans les actifs détenus par EDF. L'amendement fixe néanmoins une limite à ces évolutions : l'entreprise Enedis. Le capital de celle-ci, qui bénéficie d'un monopole naturel, doit être sanctuarisé et demeurer à 100 % détenu par EDF. Une telle disposition décline des dispositions de l'alinéa 9 du préambule de 1946, qui dispose que « tout bien, toute entreprise, dont l'exploitation a ou acquiert les caractères d'un service public national ou d'un monopole de fait, doit devenir la propriété de la collectivité. »

Enfin, l'amendement proposé par le rapporteur et adopté par la commission étend aux anciens salariés la possibilité de détenir du capital de l'entreprise. Cette disposition doit permettre aux salariés partant à la retraite ou aux anciens salariés d'EDF de devenir ou rester détenteurs d'actions. L'amendement supprime néanmoins l'opération telle qu'elle est prévue par le texte adoptée par l'Assemblée nationale, car la réouverture du capital d'EDF dans de telles conditions pose plusieurs difficultés, notamment en termes de valorisation des actions et de renouvellement des opérations d'ouverture en capital.

La commission des finances a également adopté un amendement COM-3 du rapporteur qui vise à rétablir la rédaction de l'article 3 bis qui avait été adoptée en première lecture par le Sénat. En cohérence avec les dispositions adoptées à la quasi-unanimité par la chambre haute, il apparaît en effet légitime et nécessaire d'étendre le périmètre de l'éligibilité aux TRVe, sans considération de puissance de compteur électrique, à l'ensemble des consommateurs non résidentiels répondant aux critères de la microentreprise au sens du droit de l'Union européenne, c'est-à-dire notamment les TPE et les petites communes. En revanche, les extensions complémentaires du périmètre d'éligibilité aux TRVe adoptées en deuxième lecture par l'Assemblée nationale ne pourraient pas s'appliquer dans la mesure où elles contreviennent aux normes européennes. Il apparaît également nécessaire de préciser une date d'entrée en vigueur réaliste et opérationnelle de l'extension des TRVe proposée par le présent article, la date la plus proche envisageable étant le 1er février 2025. Le rapporteur souligne par ailleurs qu'à compter de 2026, en raison de la disparition du dispositif d'accès régulé à l'électricité nucléaire historique (Arenh), le mode de calcul des TRVe sera révisé par la CRE.

La commission des finances a enfin adopté l'article 3 ter sans modification.


* 1 Lettre du 16 octobre 2002 de M. Mario Monti, commissaire européen, à M. Dominique de Villepin, ministre des affaires étrangères, citée par M. Jean-Claude LENOIR, député, dans son rapport fait au nom de la commission des affaires économiques, de l'environnement et du territoire sur le projet de loi relatif au service public de l'électricité et du gaz aux entreprises électriques et gazières, 8 juin 2004.

* 2 Earnings before interest, taxes, depreciation and amortization (EBITDA), soit le bénéfice avant intérêts, impôts, dépréciation et amortissement.

* 3 Note d'information de l'État français sur l'offre publique d'achat sur les actions et Oceane de l'entreprise EDF.

Partager cette page