II. UNE ÉVOLUTION DES CRÉDITS CONFORME À LA LOI DE PROGRAMMATION MILITAIRE
A. DANS UN CONTEXTE GÉOSTRATÉGIQUE BOULEVERSÉ, LE PARLEMENT A ADOPTÉ UNE NOUVELLE LOI DE PROGRAMMATION MILITAIRE POUR LA PÉRIODE 2024-2030
L'invasion de l'Ukraine lancée par la Russie le 24 février 2022 et la guerre qui se poursuit depuis lors constituent un tournant stratégique majeur pour la sécurité en europe. Elle marque le retour de l'affrontement entre États souverains et de la guerre de haute intensité en europe, avec un emploi désinhibé de la force. Elle se caractérise également par un changement d'échelle de la conflictualité, qui se déploie sur tous les champs, aussi bien sur les trois champs historiques (terre, mer, airs) que dans les champs cyber et informationnels et un volume des unités de combat engagées sans commune mesure avec les combats des dernières décennies.
Ces évolutions s'inscrivent dans le prolongement des tendances géopolitiques identifiées depuis plusieurs années par les principaux documents stratégiques publiés par les armées françaises. Dès 2017, la Revue nationale stratégique de défense et de sécurité nationale (RSDSN) faisait état d'un « durcissement des menaces » dont il résulte « un risque accru d'escalade et de montée aux extrêmes entre États, potentiellement jusqu'au franchissement du seuil nucléaire ».
La Revue nationale stratégique (RNS) présentée par le Président de la République le 9 novembre 2022 s'inscrit ainsi dans la continuité de la précédente. Tirant les premiers enseignements de la guerre en Ukraine, la RNS insiste sur la nécessité de se préparer à des conflits placés sous le triple signe du retour du fait nucléaire, de la haute intensité et de l'hybridité. Pour faire face à un éventuel « engagement majeur sous la voûte nucléaire de l'agresseur », elle souligne explicitement « le besoin de masse et de densité de l'action interarmées ». Elle rappelle également l'importance de renforcer notre capacité à nous défendre et à agir dans les champs hybrides, notamment cyber.
Le bouleversement géostratégique induit par la guerre en Ukraine a amené le Parlement, à l'initiative du Président de la République, à décider d'interrompre la loi de programmation militaire (LPM) prévue pour la période 2019-2025, au profit d'une nouvelle LPM couvrant la période 2024-2030, entrée en vigueur le 1er août 20233(*).
Cette nouvelle LPM poursuit et amplifie l'effort de « réparation » entrepris par la LPM 2019-20254(*), qui faisait suite à une programmation 2014-20195(*) placée sous le signe de la rigueur budgétaire.
Elle prévoit une enveloppe de 400 milliards d'euros en CP pour la période, soit une hausse de plus de 100 milliards d'euros par rapport à la précédente programmation, auxquels doivent s'ajouter 5,9 milliards d'euros de ressources extrabudgétaires (REB). Il est à noter que la programmation intègre une prise en compte de l'impact de l'inflation à hauteur de 30 milliards d'euros sur la période.
Le projet de LPM initial prévoyait de reporter l'essentiel de l'effort sur les trois dernières années de la programmation - soit au prochain quinquennat. Le Sénat a souhaité accélérer la mise en oeuvre de ces efforts à enveloppe constante, et ainsi « lisser » la trajectoire. L'accord trouvé en commission mixte paritaire, repris dans le texte adopté, a permis de satisfaire cette attente.
Comparaison entre la trajectoire du projet de loi
initial
et de la LPM 2024-2030 adoptée
(en milliards d'euros courants)
|
2024 |
2025 |
2026 |
2027 |
2028 |
2029 |
2030 |
Total |
Projet de loi initial |
47,04 |
50,04 |
53,04 |
56,04 |
60,32 |
64,61 |
68,91 |
400,00 |
Variation par rapport à l'année N- 1 |
+ 3,1 |
+ 3,0 |
+ 3,0 |
+ 3,1 |
+ 4,3 |
+ 4,3 |
+ 4,3 |
|
LPM adoptée |
47,2 |
50,5 |
53,7 |
56,9 |
60,4 |
63,9 |
67,4 |
400,00 |
Variation par rapport à l'année N- 1 |
+ 3,3 |
+ 3,3 |
+ 3,2 |
+ 3,5 |
+ 3,5 |
+ 3,5 |
+ 3,5 |
Note : Le périmètre de la LPM 2024-2030 porte sur les CP de la mission « Défense » à périmètre constant, hors contribution au CAS « Pensions ».
Source : commission des finances du Sénat
Les CP de la mission, à périmètre constant, hors contribution au CAS « Pensions », seraient ainsi portés à 67,4 milliards d'euros en 2030. La trajectoire programmée prévoit un taux de croissance annuel moyen de 6 % des crédits de la mission, dans la lignée de la programmation précédente.
Trajectoires en crédits de paiement prévues par les trois dernières LPM
(en milliards d'euros courants et en pourcentage)
Source : Commission des finances du Sénat, d'après la LPM 2014-2019 actualisée, la LPM 2019-2025 et la LPM 2024-2030
* 3 Loi n° 2023-703 du 1er août 2023 relative à la programmation militaire pour les années 2024 à 2030 et portant diverses dispositions intéressant la défense.
* 4 Loi n° 2018-607 du 13 juillet 2018 relative à la programmation militaire pour les années 2019 à 2025 et portant diverses dispositions intéressant la défense.
* 5 Loi n° 2013-1168 du 18 décembre 2013 relative à la programmation militaire pour les années 2014 à 2019 et portant diverses dispositions concernant la défense et la sécurité nationale.