III. LES ÉQUIPEMENTS : UNE ANNÉE MARQUÉE PAR LA POURSUITE DES GRANDS PROGRAMMES, MAIS DES ENJEUX DE RECOMPLÈTEMENT QUI DEMEURENT PRÉGNANTS

A. LA LOI DE PROGRAMMATION MILITAIRE A ENTRAÎNÉ LE DÉCALAGE DE PLUSIEURS PROGRAMMES D'ARMEMENTS STRUCTURANTS

La LPM 2024-2030 s'inscrit dans la continuité de la précédente LPM, qui avait été adossée à une programmation visant à poser les jalons permettant d'atteindre « l'Ambition 2030 ».

Cette ambition définit les contrats opérationnels, et les formats des armées à l'horizon 2030, en posant des jalons intermédiaires en 2021 et en 2025 sur chaque segment capacitaire. Pour autant, la programmation proposée pour 2024-2030 prévoit le décalage de ces cibles à l'horizon 2035 sur certains segments pourtant majeurs concernant les trois forces. Sont notamment concernés le programme Scorpion de renouvellement des capacités de combat de l'armée de Terre, le programme « Frégates de défense et d'intervention » de la Marine ainsi que le programme Rafale de l'armée de l'Air et de l'Espace.

D'après les responsables du ministère des armées auditionnés par le rapporteur, ce choix se justifierait notamment par un souci de faire primer la « cohérence » sur la masse. En d'autres termes, la programmation proposée permettrait de s'assurer que chaque capacité soit pleinement opérationnelle en termes de soutien, de maintien en condition opérationnelle, de munitions et de formation des effectifs appelés à l'utiliser, quitte à retarder certaines livraisons et décaler l'atteinte des cibles prévues.

Cependant, comme le rapporteur spécial l'avait rappelé en sa qualité de rapporteur pour avis sur le projet de loi de programmation militaire8(*) « si ce raisonnement est fondé, on ne peut que constater que la nouvelle programmation militaire n'est pas à la hauteur de l' “Ambition 2030”. Il est donc à cet égard permis de douter de la crédibilité de la trajectoire amorcée en 2019 et par conséquent de se demander s'il n'y avait pas, d'emblée, un décalage entre l'ambition opérationnelle affichée et l'effort financier réel à mener pour l'atteindre. En effet, l'importance pour la conduite de la guerre contemporaine, des nouvelles priorités à financer (renseignement, cyber, spatial...) est loin de constituer une découverte et l'on ne peut donc que déplorer que l'ambition affichée en 2018 pour l'horizon 2030 n'ait pas permis de les intégrer d'emblée au bon niveau. Par ailleurs, l'importance de la “cohérence” des programmes à effets majeurs avec les infrastructures et les petits équipements avait expressément été identifiée dans le rapport annexé à la LPM 2019-2025 et ne constitue pas davantage une préoccupation nouvelle. L'atteinte effective de l' « Ambition 2030 » reposera donc sur la prochaine programmation militaire, et est donc à ce titre affectée de fortes incertitudes. Ces décalages envoient en tout état de cause un très mauvais signal alors que la guerre en Ukraine, conflit de haute intensité faisant appel à la masse, a justement confirmé le diagnostic posé à l'époque sur la dégradation du contexte stratégique qui a justifié l'élaboration de l' “Ambition 2030”. »

Principaux décalages de programmes à effet majeur
prévus par la LPM 2024-2030

Force

Capacités

« Ambition 2030 »

Parc fin 2023

Parc fin 2030

Parc à horizon 2035

Équipements

Description

Armée de Terre

Leclerc rénovés

Char de combat. Les travaux de rénovation doivent permettre d'intégrer cette capacité au programme SCORPION pour le combat collaboratif avec les autres blindés.

200

19

160

200

SCORPION (programme de renouvellement des capacités de l'armée de Terre autour d'un système de combat collaboratif)

Jaguar

Engin blindé de reconnaissance. Appelé notamment à remplacer l'AMX- 10 RC.

300

60

238

300

Griffon

Véhicule blindé multirôle (VBMR) lourd destiné au transport de soldats au plus près des combats. Appelé à remplacer les véhicules de l'avant blindés (VAB).

1818

575

1437

1818

Serval (dont Scorpion)

VBMR léger tactique polyvalent (transport de troupe, pose de commandement...). Appelé à remplacer les véhicules de l'avant blindés (VAB).

2038 (978)

189 (nc)

1405 (660)

2038 (978)

Marine nationale

Frégates de défense et d'intervention (FDI)

Bâtiments de combat capables d'opérer dans tous les domaines de lutte (antinavire, antiaérien, anti-sous-marin et projection de forces spéciales). Appelées à remplacer les Frégates type La Fayette (FLF).

5 FDI

5 FLF

3 FDI + 
2 FLF rénovées

5 FDI

Patrouilleurs hauturiers (PH)

Bâtiments contribuant à des missions de surveillance et de défense maritime du territoire. Appelés à remplacer les Patrouilleurs de haute-mer et les Patrouilleurs de service public (PSP).

10 PH

6 PHM + 3 PSP

7 PH

10 PH

Armée de l'Air et de l'Espace

Rafale

Avions de chasse omnirôle (pénétration et attaque au sol par tous les temps, attaque à la mer, défense et supériorité aérienne, intervention à long rayon d'action avec ravitaillement en vol, reconnaissance tactique et stratégique). Objectif de remplacement des Mirage 2000 D pour atteindre le « tout-Rafale ».

185 Rafale

100 Rafale + 36 M2000 D rénovés

137 Rafale + 48 M2000 D rénovés

185 Rafale

Source : commission des finances du Sénat, d'après le rapport annexé à la LPM 2024-2030


* 8 Rapport pour avis n° 730 (2022-2023) fait par M. Dominique de Legge au nom de la commission des finances du Sénat, sur le projet de loi relatif à la programmation militaire pour les années 2024 à 2030 et portant diverses dispositions intéressant la défense, déposé le 13 juin 2023.

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