III. LE PROGRAMME 361 « TRANSMISSION DES SAVOIRS ET DÉMOCRATISATION DE LA CULTURE » : UNE PROGRESSION DES CREDITS MOINS CENTRÉE SUR LE PASS CULTURE
Créé en loi de finances pour 2021 et issu pour partie du programme 224, le programme 361 « Transmission des savoirs et démocratisation de la culture » est géré par la délégation générale à la transmission et à l'éducation artistiques et culturelles. Il répond à cinq objectifs :
- permettre la participation à la vie culturelle de tous les habitants, quels que soient leur âge et leur situation géographique ;
- améliorer l'attractivité de l'enseignement supérieur de la culture et assurer l'insertion professionnelle des diplômés ;
- promouvoir et développer la politique linguistique de l'État ;
- produire des connaissances scientifiques et techniques reconnues au niveau international ;
- promouvoir auprès de tous les publics la recherche culturelle et la culture scientifique et technique.
Les crédits du programme 361 s'élèveraient en 2024 à 833,26 millions d'euros en AE et 828,08 millions d'euros en CP dont 33,48 millions d'euros en AE et 30,79 millions d'euros en CP de mesures nouvelles. Cela correspond à une majoration de la dotation du programme de 3,89 % en AE et 3,56 % en CP par rapport au projet de loi de finances pour 2023.
Corrigée de l'hypothèse d'inflation prévue en projet de loi de programmation des finances publiques 2023-2027, la majoration des crédits en volume atteint 1,35 % en AE et 1,04 % en CP.
Ces crédits sont répartis au sein de quatre actions, dont les deux premières concentrent la quasi-intégralité des crédits nouveaux accordés en 2024 :
- l'action 01 « soutien aux établissements d'enseignement supérieur et insertion professionnelle », à laquelle seraient affectés 315,7 millions d'euros en crédits de paiement ;
- l'action 02 « soutien à la démocratisation et à l'éducation artistique et culturelle » qui serait dotée de 389,2 millions d'euros en crédits de paiement ;
- l'action 03 « langue française et langue de France » dont les crédits de paiement dédiés pourraient atteindre, comme lors de l'exercice précédent, 4,22 millions d'euros. L'essentiel de l'action du ministère en la matière semble désormais concentrée sur la construction de la Cité internationale de la langue française à Villers-Cotterêts (cf supra), qui ne relève pas du programme 361. Les crédits de cette action sont stables par rapport à l'année précédente ;
- l'action 04 « recherche culturelle et culture », pour laquelle le présent projet de loi de finances prévoit 118,9 millions d'euros. Cette action reprend les crédits affectés jusqu'en 2021 au programme 186 « Recherche culturelle et culture scientifique » au ministère de la recherche et de l'enseignement supérieur.
Répartition des crédits
prévus en 2024 au sein du programme 361
« Transmission des savoirs et démocratisation de la
culture »
Source : commission des finances du Sénat
A. UNE PROGRESSION BIENVENUE DES CRÉDITS DÉDIÉS À L'ENSEIGNEMENT SUPÉRIEUR CULTURE DANS UN CONTEXTE DE TENSION POUR LES ÉTABLISSEMENTS
1. La poursuite de la compensation des effets de l'inflation pour les écoles nationales
L'enseignement supérieur Culture (ESC) compte 99 établissements répartis sur l'ensemble du territoire qui accueillent plus de 37 000 étudiants.
Comme l'année précédente, l'action 1 du programme 361 concentre l'essentiel de la progression des dépenses, le projet de loi de finances prévoyant 26 millions d'euros en AE et 23 millions en CP de mesures nouvelles. Au total, les dotations devraient être majorées de 8,3 % en AE et 7,4 % en CP par rapport à la loi de finances pour 2023.
Ces crédits se répartissent selon les axes suivants :
- compensation de la hausse du point d'indice pour les établissements de l'enseignement supérieur culturel (+ 3,37 millions d'euros en AE=CP) ;
- compensation de l'inflation pour le fonctionnement (+ 1,32 million d'euros en AE=CP) et l'investissement (+ 2,42 millions d'euros en AE=CP) des établissements de l'ESC ;
- renforcement les moyens des écoles d'architecture (+ 3,5 millions d'euros en AE=CP) ;
- augmentation de la dotation d'investissement des écoles de la création (+ 1 million d'euros en AE=CP) ;
- soutien aux investissements structurants dans les établissements nationaux (+ 9,11 millions d'euros en AE et + 7,67 millions d'euros en CP) et territoriaux (+ 4,29 millions d'euros en AE et 3,04 millions d'euros en CP).
Les rapporteurs spéciaux rappellent les observations qu'ils avaient formulées lors de leur mission de contrôle sur l'enseignement supérieur du spectacle vivant12(*). Le taux global d'insertion devrait ainsi être affiné et mieux documenté, s'agissant notamment des revenus perçus. Les éléments fournis par la plupart des opérateurs auditionnés relevaient en effet des enquêtes DESC, menées par le département des études et prospectives du ministère de la culture. Ces enquêtes portaient jusqu'en 2019 sur l'insertion professionnelle des diplômés 3 ans après l'obtention du diplôme. Un nouvel instrument a été mis en place en vue d'interroger les jeunes diplômés, six mois après leur sortie.
Après plusieurs années de baisse, qui pouvaient susciter l'inquiétude, les taux d'insertion observés ces trois dernières années entre les différentes filières présentent une progression significative. Selon l'enquête 2023 sur l'insertion des diplômés 2019 de l'ESC, l'insertion professionnelle progresse significativement de 6 points par rapport à 2021 ; soit 93 % de diplômés 2019 insérés. On observe que les taux d'insertion des diplômés en architecture et patrimoine d'une part et en arts plastiques d'autre part progressent également avec respectivement 94 % et 88 % d'activité. Le ministère souligne pourtant la faiblesse du taux de réponse de l'enquête 2023 (32 %), dont il indique que les données doivent donc être prudemment interprétées.
Financements du programme 361 en faveur de l'enseignement supérieur culture
(en AE en millions d'euros)
Source : commission des finances du Sénat, d'après les documents budgétaires
En 2024, 11,54 millions d'euros en AE et 10,10 millions d'euros en CP de mesures nouvelles seront consacrés aux investissements structurants de l'ESC.
S'agissant des investissements, ces crédits viennent notamment abonder des chantiers déjà couverts par une dotation l'an passé (nouvelle école supérieure d'art de Cergy, écoles nationales supérieure d'architecture (ENSA) de Paris-Malaquais, Marseille et Toulouse, Villa Arson à Nice).
Les projets les plus importants bénéficiant de crédits en 2024 sont :
- la rénovation et l'extension du Conservatoire national supérieur de musique et de danse de Lyon (5,2 millions en AE et 1 million d'euros en CP) ;
- le Conservatoire national supérieur de musique et de danse de Paris (1 million d'euros en AE et 4,8 millions d'euros en CP) ;
- l'École d'art de Cergy (3,3 millions d'euros en CP) ;
- le Conservatoire national supérieur d'art dramatique (3,33 millions d'euros en AE et 0,8 million d'euros en CP) ;
- l'École nationale supérieure des Beaux-Arts (0,8 million d'euros en AE et 5,84 millions d'euros en CP).
Enfin, la réforme des bourses mise en place à la rentrée 2023 a conduit à une augmentation de 2,6 millions d'euros, qui sera porté à 7 millions d'euros en année pleine dès 2024. Sur les 37 000 étudiants de l'enseignement supérieur culture, on dénombre 10 500 boursiers. Les rapporteurs spéciaux se félicitent de cette réforme, dans un contexte d'accroissement de la précarité des étudiants, et dans la mesure où elle contribue également à la diversification des étudiants inscrits dans l'ESC.
2. Un soutien plus que nécessaire aux écoles nationales supérieures d'architecture
L'année 2023 a été marquée par plusieurs mouvements sociaux dans les écoles nationales supérieures d'architecture (ENSA), faisant remonter le malaise des personnels et des étudiants sur la gouvernance et les moyens de ces écoles : nombre insuffisant de personnels administratifs employés dans ces établissements, état des locaux, stabilité du nombre d'étudiants et niveau des ressources financières.
Un effort budgétaire spécifique a donc été effectué par le ministère de la Culture pour ces écoles, dans la poursuite des crédits supplémentaires ouverts au cours des années précédentes. La contribution totale au réseau des ENSA s'est élevée à 214 millions d'euros en 2023.
Rapportés aux 19 560 étudiants répartis dans 20 ENSA, cela correspond à une dépense moyenne légèrement supérieure à 11 000 euros par étudiant, proche de la dépense moyenne par étudiant dans l'enseignement supérieur français.
Modalités de financement par l'État des écoles nationales supérieures d'architectures en 2023
(en millions d'euros)
Source : commission des finances d'après les documents budgétaires
La contribution du ministère en faveur des ENSA devrait atteindre 228,34 millions d'euros en AE et 218,59 millions d'euros en CP, ce qui représente une progression de respectivement 14,84 millions d'euros et 5,05 millions d'euros par rapport à la LFI 2023. 10 millions d'euros sont prévus pour financer les projets d'investissement des établissements. S'y ajoutent :
- 3 millions d'euros en faveur de la vie étudiante et des projets pédagogiques des ENSA ;
- 0,5 million d'euros pour augmenter la subvention pour charges de service public de certaines écoles afin de soutenir leur fonctionnement, de poursuivre la revalorisation salariale des enseignants contractuels et d'aligner la rémunération des doctorants contractuels des ENSA sur les conditions pratiquées à l'université ;
- 1,33 million d'euros de compensation de l'inflation et du mouvement de revalorisation des rémunérations engagé lors du rendez-vous salarial de juin 2022.
Un effort particulier est également consenti en direction des dépenses de personnel des ENSA. Les plafonds d'emploi des écoles ont déjà été relevés au total de 20 ETPT en gestion au cours de l'année 2023. Cette hausse sera pérennisée en 2024 et complétée par une hausse supplémentaire de 10 ETP, soit une croissance de 30 ETP par rapport au plafond d'emplois en LFI 2023. En outre, en 2024, 17 ETPT seront transférés du plafond des emplois rémunérés par les ENSA vers le plafond des emplois rémunérés par l'État au titre de la poursuite du plan de titularisation des enseignants chercheurs.
Ces efforts doivent être soulignés, mais ils ne peuvent être considérés comme solde de tout compte ni comme l'unique solution à apporter aux ENSA. Comme l'a récemment formulé un rapport de la commission des finances de l'Assemblée nationale, « si un concours budgétaire supplémentaire est nécessaire, la réponse aux difficultés des ENSA ne saurait cependant se limiter à des crédits additionnels. À l'heure de la transition écologique et de transformations technologiques et numériques substantielles pour le monde de l'architecture, un cap doit être donné aux ENSA. Une trajectoire pluriannuelle en termes de ressources et de moyens doit être définie et doit précéder une évolution des compétences, de l'organisation et des effectifs étudiants de ces écoles. Les conditions d'exercice de la tutelle doivent être réaffirmées et rééquilibrées et le modèle financier des ENSA doit être rénové pour diversifier et accroître leurs ressources, notamment leurs ressources propres »13(*).
* 12 Répartition territoriale, ouverture sociale, insertion professionnelle et contrainte immobilière : les défis de l'enseignement du spectacle vivant. Rapport d'information n° 501 (2021-2022) de MM. Vincent ÉBLÉ et Didier RAMBAUD, fait au nom de la commission des finances, 16 février 2022.
* 13 Rapport d'information déposé par la commission des finances, de l'économie générale et du contrôle budgétaire sur les écoles nationales supérieures d'architecture de M. Alexandre Holroyd.