N° 128 SÉNAT SESSION ORDINAIRE DE 2023-2024 |
Enregistré à la Présidence du Sénat le 23 novembre 2023 |
RAPPORT GÉNÉRAL FAIT au nom de la commission des finances (1) sur le projet de loi de finances, considéré comme adopté par l'Assemblée nationale en application de l'article 49, alinéa 3, de la Constitution, pour 2024, |
Par M. Jean-François HUSSON, Rapporteur général, Sénateur LES MOYENS DES POLITIQUES PUBLIQUES ET DISPOSITIONS SPÉCIALES (seconde partie de la loi de
finances) CONSEIL ET CONTRÔLE DE L'ÉTAT |
Rapporteur spécial : M. Christian BILHAC |
(1) Cette commission est composée de : M. Claude Raynal, président ; M. Jean-François Husson, rapporteur général ; MM. Bruno Belin, Christian Bilhac, Jean-Baptiste Blanc, Emmanuel Capus, Thierry Cozic, Bernard Delcros, Thomas Dossus, Albéric de Montgolfier, Didier Rambaud, Stéphane Sautarel, Pascal Savoldelli, vice-présidents ; M. Michel Canévet, Mmes Marie-Claire Carrère-Gée, Frédérique Espagnac, M. Marc Laménie, secrétaires ; MM. Arnaud Bazin, Grégory Blanc, Mme Florence Blatrix Contat, M. Éric Bocquet, Mme Isabelle Briquet, M. Vincent Capo-Canellas, Mme Marie-Carole Ciuntu, MM. Raphaël Daubet, Vincent Delahaye, Vincent Éblé, Rémi Féraud, Mme Nathalie Goulet, MM. Jean-Raymond Hugonet, Éric Jeansannetas, Christian Klinger, Mme Christine Lavarde, MM. Antoine Lefèvre, Dominique de Legge, Victorin Lurel, Hervé Maurey, Jean-Marie Mizzon, Claude Nougein, Olivier Paccaud, Mme Vanina Paoli-Gagin, MM. Georges Patient, Jean-François Rapin, Teva Rohfritsch, Mme Ghislaine Senée, MM. Laurent Somon, Christopher Szczurek, Mme Sylvie Vermeillet, M. Jean Pierre Vogel. |
Voir les numéros : Assemblée nationale (16ème législ.) : 1680, 1715, 1719, 1723, 1745, 1778, 1781, 1805, 1808, 1820 et T.A. 178 Sénat : 127 et 128 à 134 (2023-2024) |
L'ESSENTIEL
La mission « Conseil et contrôle de l'État » rassemble les crédits de trois programmes propres à des institutions : le Conseil d'État et l'ensemble des juridictions administratives, le Conseil économique, social et environnemental (CESE), la Cour des comptes ainsi que les juridictions financières et le Haut Conseil des finances publiques (HCFP).
I. UN BUDGET EN AUGMENTATION
La mission bénéficierait en 2024 de 883,5 millions d'euros en crédits de paiement, soit une hausse de 8,1 % par rapport à la loi de finances initiale pour 2023. Les dépenses de personnel représentent plus de 79 % des crédits demandés pour la mission.
Le programme 165 « Conseil d'État et autres juridictions administratives » représente 66 % des dépenses de la mission, contre 28,9 % pour les juridictions financières et seulement 5,1 % pour le CESE.
Évolution des crédits de paiement de
la mission
« Conseil et contrôle de
l'État »
(en millions d'euros et en pourcentage)
Intitulé des programmes et titres de la dépense |
LFI 2023 |
PLF 2024 |
Évolution PLF 2024/LFI 2023 (volume) |
165 - Conseil d'État et autres juridictions administratives |
525,0 |
583,4 |
+ 11,1 % |
126 - Conseil économique, social et environnemental |
45,1 |
44,9 |
- 0,5 % |
164 - Cour des comptes et autres juridictions financières |
247,4 |
255,4 |
+ 3,2 % |
Mission « Conseil et contrôle de l'État » |
753,7 |
817,6 |
+ 8,1 % |
Source : commission des finances du Sénat, d'après les documents budgétaires
La progression des crédits se concentre sur le programme 165 « Conseil d'État et autres juridictions administratives » à raison principalement du rattachement de la commission du contentieux du stationnement payant (CCSP) au programme et de la hausse des dépenses de personnel.
Les dépenses de fonctionnement connaissent une légère hausse en CP à l'échelle de la mission, notamment du fait d'une augmentation des frais informatiques des juridictions administratives.
S'agissant des dépenses d'investissement, leur évolution est contrastée selon les programmes. Celles du programme 165 augmenteraient de 65,7 % en CP. La baisse des AE, de l'ordre de 75 %, résulte principalement de la budgétisation en 2023 des AE dédiées aux renouvellements de baux et de la revalorisation des opérations de relogement de la CNDA, des tribunaux administratifs de Montreuil et de Guyane. Une baisse de l'ordre de 50 % en AE comme en CP est en revanche observable pour le programme 164 « Cour des comptes et autres juridictions financières ».
II. UNE HAUSSE DE NOUVEAU MARQUÉE DU BUDGET DES JURIDICTIONS ADMINISTRATIVES, CONSÉQUENCE D'UNE MESURE DE PÉRIMÈTRE ET D'UNE PROGRESSION DES DÉPENSES DE PERSONNEL
Rassemblant deux-tiers des crédits de la mission, le budget des juridictions administratives est fixé à 583,4 millions d'euros en CP, soit une augmentation de 11,1 % des CP par rapport à 2023.
Le transfert de la commission du contentieux du stationnement payant, dont le fonctionnement figurait jusqu'à présent sur les crédits de la mission « Administration générale et territoriale de l'État », concerne 143 emplois et une enveloppe de 11,4 millions d'euros (7,6 millions d'euros de crédits de titre 2, dont 1,96 million d'euros au titre du « CAS pensions », et 3,8 millions d'euros de crédits de titre 3). Ainsi, à périmètre constant, c'est-à-dire sans le rattachement de la CCSP au programme 165, les crédits demandés pour 2024 s'élèvent à 572 millions d'euros en CP, soit une hausse de 8,9 %, du même ordre qu'en 2023.
Les crédits de titre 2 progressent de 7,4 % par rapport à 2023. Cette hausse s'explique principalement par un nouveau renforcement du schéma d'emplois du programme de + 41 ETP, l'augmentation de 1,5 % du point d'indice de la fonction publique au 1er juillet 2023, pour un coût de 1,6 million d'euros en année pleine, et la revalorisation indiciaire des magistrats administratifs pour poursuivre l'alignement sur le corps des administrateurs de l'État, à hauteur de 2,4 millions d'euros en année pleine.
Ces moyens, dimensionnés face à la pression contentieuse, permettent de maîtriser les délais de jugement. Au cours des huit premiers mois de l'année, les tribunaux administratifs ont été confrontés à une augmentation de cinq contentieux par rapport à la même période en 2022 : le contentieux des étrangers, qui représente 43 % des entrées, augmente de 4,9 %, celui des contentieux sociaux de 10,2 %, celui de la police administrative de 12,3 %, celui des droits des personnes et libertés publiques de 15,8 % et celui des marchés et contrats de 10,6 %.
Évolution de l'activité des juridictions administratives depuis 2015
(en nombre d'affaires)
Source : commission des finances du Sénat, d'après les documents budgétaires
Si les délais moyens de jugement sont stables, les délais de traitement des seules affaires ordinaires, en excluant les ordonnances, les référés, les obligations de quitter le territoire français (OQTF) et le contentieux électoral, sont bien plus élevés. En 2022, le délai de jugement pour les affaires ordinaires devant les tribunaux administratifs, soit 1 an 4 mois et 8 jours, est ainsi majoré de 6 mois par rapport au délai moyen.
Une attention particulière doit être portée à la maîtrise des stocks, intrinsèquement liée à l'objectif de raccourcissement des délais. La proportion d'affaires en stock depuis plus de deux ans a nettement augmenté devant les tribunaux administratifs, atteignant 10,3 % du stock global en 2022.
III. LE BUDGET CONTENU DU CESE EN RECHERCHE D'UNE PLUS GRANDE TRANSPARENCE ET D'ADÉQUATION AUX PRÉVISIONS RÉELLES DE SON ACTIVITÉ
Les crédits demandés pour le CESE en 2023 sont légèrement en baisse de 0,5 % avec 44,9 millions en AE et en CP.
Pour 2024, l'enveloppe de 4,2 millions d'euros entièrement fléchée vers la participation citoyenne est stable, malgré une demande du CESE de la porter annuellement à 6 millions d'euros. Dans son rapport d'information1(*) relatif à la participation citoyenne au CESE, le rapporteur spécial avait émis des réserves quant à cette progression de près de 43 % des crédits de la participation citoyenne, eu égard à la faible fréquence annoncée des conventions citoyennes.
En l'absence d'annonce de la présidence de la République quant à l'organisation d'une nouvelle convention citoyenne, le CESE dispose d'une enveloppe de 4,2 millions d'euros uniquement pour l'association et la consultation des citoyens dans le cadre de ses travaux courants.
Il ressort des informations transmises par le CESE que le plus gros poste de dépenses en matière de participation citoyenne est l'organisation des États généraux de l'information à partir d'octobre 2023, pour un montant estimé à 0,35 million d'euros par la direction du budget et compris entre 0,7 et un million d'euros pour le CESE.
Le montant des crédits dédiés à la participation citoyenne ne ressort pas des documents budgétaires. La création d'une action spécifique pour la participation citoyenne, ou, a minima, l'isolement des crédits de l'enveloppe budgétaire allouée à la participation citoyenne, participerait de la sincérisation de ce budget.
Le rapporteur tient toutefois à saluer les efforts annoncés pour accroître la prévisibilité et la maîtrise des dépenses allouées à la participation citoyenne dans la lignée des recommandations de son rapport de contrôle, avec notamment un début de programmation des travaux incluant des aspects participatifs et des mesures affichées pour l'organisation de la future convention citoyenne (réduction du nombre de sessions en fonction du sujet, internalisation des compétences en matière d'animation et mise en place de partenariats afin de bénéficier de tarifs de transports et d'hébergements moindres).
La sous-consommation du plafond d'emplois est récurrente. Malgré un plafond d'emplois de nouveau relevé d'un ETP, il n'atteignait que 142,8 ETP en juillet 2023 et la prévision de consommation pour l'année entière n'est que de 149,8 ETP. Dans un contexte de créations d'emploi annoncées jusqu'en 2027 pour accompagner la montée en compétences du CESE en matière de participation citoyenne, la consommation complète de ce plafonds est indispensable à la sincérité du budget.
IV. UNE HAUSSE DES CRÉDITS ALLOUÉS AUX JURIDICTIONS FINANCIÈRES MAÎTRISÉE AU NIVEAU DE L'INFLATION
Les crédits demandés pour 2024 s'élèvent à 255,3 millions d'euros en CP dont 227,9 millions de dépenses de personnel. Les crédits affectés à la Cour des comptes et aux autres juridictions financières augmentent de 3,2 % par rapport à 2023, soit globalement maintenus au niveau de l'inflation.
Les dépenses de titre 2 du programme 164 sont en augmentation de 8,5 millions d'euros pour 2024, soit une hausse de 3,9 % par rapport à 2023.
Comme les magistrats administratifs, les magistrats financiers ont bénéficié d'une revalorisation indiciaire par le décret n° 2023-482 du 21 juin 2023, applicable dès le 1er juillet 2023 et pour un coût de 1,7 million d'euros en année pleine.
Par ailleurs, les juridictions financières développent de nouvelles méthodes de travail, et assument de nouvelles missions, dont les effets n'ont pas encore été entièrement déployés.
Évolution des crédits de paiement du programme 164 par titre
(en millions d'euros)
Source : commission des finances du Sénat, d'après les documents budgétaires
En premier lieu, la Cour des comptes a développé à partir de 2022 une plateforme de participation citoyenne pour recueillir les propositions de contrôles. Une nouvelle campagne a été ouverte en 2023, dont il sera possible d'évaluer les résultats en termes de nombre de rapports en 2024.
En deuxième lieu, la mission d'évaluation des politiques publiques confiées aux cours régionales des comptes (CRC) est encore en devenir. Seule une CRC a été saisie en 20232(*). Une acculturation à cette mission pourrait toutefois entraîner à l'avenir une progression des saisines. La Cour a mentionné que si une partie de ces besoins nouveaux ont été gagés sur les effectifs en fonction, il ressort un besoin net non financé de 12 ETP.
En dernier lieu, il est pour l'heure impossible de dresser un bilan de la centralisation des missions juridictionnelles au profit de la Cour des comptes après à peine une année d'activité. Le rapporteur spécial relève toutefois que les CRC pourraient être amenées à être plus incluses dans ce nouveau régime, en assurant par exemple un rôle précontentieux en cas d'accroissement des affaires devant la chambre contentieuse.
Réunie le mercredi 25 octobre 2023, sous la présidence de M. Jean-Baptiste Blanc, vice-président, la commission des finances a décidé de proposer au Sénat l'adoption, sans modification, des crédits de la mission « Conseil et contrôle de l'État ».
Réunie à nouveau le jeudi 23 novembre 2023, sous la présidence de M. Claude Raynal, président, la commission a confirmé sa décision de proposer au Sénat d'adopter, sans modification, les crédits de la mission « Conseil et contrôle de l'État ». Elle a décidé de proposer au Sénat de ne pas adopter l'article 50 F tendant à porter à douze, contre six actuellement, le nombre de conseillers maîtres en service extraordinaire (CMSE) pouvant être recrutés à raison de leur expérience et leur expertise particulières nécessaires aux activités et missions de la Cour des comptes, sur le fondement de l'article L. 112-5 du code des juridictions financières.
Au 10 octobre 2023, date limite, en application de l'article 49 de la LOLF, pour le retour des réponses aux questionnaires budgétaires concernant la présente mission, 99,3 % des réponses étaient parvenues au rapporteur spécial.
* 1 Rapport d'information n° 791 (2022-2023) de M. Christian BILHAC, fait au nom de la commission des finances sur l'activité du Conseil économique, social et environnemental consacrée à la participation citoyenne.
* 2 Au 31 août 2023, seule la chambre régionale d'Auvergne-Rhône-Alpes a été saisie par le président de région pour évaluer les investissements de la SNCF en trains de desserte régionale et leur impact sur la qualité de service et la satisfaction des usagers.