C. LE PROGRAMME 209 : UNE DIMINUTION DE L'AIDE MULTILATÉRALE EN PARTIE COMPENSÉE PAR LA HAUSSE DES CRÉDITS DE L'AIDE BILATÉRALE

Le programme 209 « Solidarité avec les pays en développement » retrace les crédits gérés par le ministère de l'Europe et des affaires étrangères pour la mise en oeuvre des opérations de coopération bilatérale, multilatérale et communautaire.

Pour 2024, les crédits demandés reculent de 645,4 millions en autorisations d'engagement (- 18 %) et de 1,1 million en crédits de paiement (- 2,5 %) par rapport à 2023. Cette baisse des autorisations d'engagement s'explique principalement par une baisse des contributions multilatérales portées par le programme. Les crédits de paiement, quant à eux, se maintiennent à un niveau équivalent à l'exercice précédent, du fait de décaissements de crédits engagés en AE.

Malgré une baisse générale des crédits du programme, l'aide bilatérale progresse, portée par le niveau élevé de l'aide-projet et par le renforcement des dispositifs d'aide humanitaire et des crédits destinés à la gestion de crises.

Évolution des crédits du programme 209 - Solidarité
à l'égard des pays en développement

(en millions d'euros - en pourcentage)

 

LFI 2023

PLF 2024

Évolution
en valeur

Variation en pourcentage

Variation corrigée de l'inflation*

AE

CP

AE

CP

AE

CP

AE

CP

AE

CP

209 - Solidarité à l'égard des pays en développement

4 054,8

3 436

3 409,4

3 434,9

- 645,4

- 1,1

- 15,9

- 0,03

- 18

- 2,5

Coopération multilatérale

1 353,1

825,4

703,7

769,1

- 649,4

- 29,3

- 48

- 3,6

- 49,3

- 9,1

Coopération bilatérale

2 166,2

2 075,1

2 251,3

2 184,4

85,1

109,3

3,93

5,27

1,4

2,7

Coopération communautaire

374,1

374,1

285

285

- 89,1

- 89,1

- 23,8

- 23,8

25,7

25,7

Dépenses de personnels concourant au programme

161,4

161,4

169,4

169,4

8

8

4,97

4,97

2,4

2,4

Note : la prévision d'inflation retenue correspond à la variation de l'indice des prix à la consommation hors tabac figurant au rapport social, économique et financier annexé au PLF pour 2024.

Source : commission des finances du Sénat d'après les documents budgétaires

1. L'aide multilatérale portée par le programme 209 se contracte en 2024

Jusqu'en loi de finances initiale pour 2023, les reconstitutions de fonds multilatéraux relevant du programme 209 faisaient l'objet d'une budgétisation en AE=CP. Dans un souci de sincérisation et à l'instar des reconstitutions relevant du programme 110, ces opérations sont désormais budgétés en AE?CP. Concrètement, les reconstitutions font l'objet d'un engagement unique en AE et d'un échéancier pluriannuel de versement en CP, ce qui permet de refléter le caractère irréversible de l'engagement et la prévisibilité des versements.

Par rapport à l'exercice 2023, les crédits de l'action « Coopération multilatérale » reculent de près de 649,4 millions d'euros en autorisations d'engagement et de 29,3 millions en crédits de paiement dans le projet de loi de finances pour 2024.

Cette contraction s'explique par le caractère exceptionnel de certaines dépenses opérées en 2023. Ainsi, l'exercice 2023 avait été marqué par la reconstitution du Fonds mondial de lutte contre le sida, la tuberculose et le paludisme (FMTP) à hauteur de 469,1 millions d'euros ouverts en AE. En outre, 150 millions d'euros d'AE avaient été mobilisés au titre de la reconstitution de l'Alliance pour la vaccination et l'immunisation (GAVI).

La ventilation des crédits de l'action continue toutefois de traduire les priorités de l'aide au développement de la France. Deux exemples thématiques peuvent être soulignés.

En premier lieu, les contributions volontaires aux Nations unies comprendront une part importante (200 millions d'euros en AE et en CP) destinée à l'aide humanitaire assurée par l'ONU. Le maintien de ce niveau de contribution élevé participe du renforcement de l'aide humanitaire au sein de l'APD française, qui se traduit également, comme explique infra, en matière d'aide bilatérale.

En second lieu, en matière de santé, la France devrait contribuer à plusieurs instruments multilatéraux comme l'Initiative mondiale pour l'éradication de la poliomyélite (IMEP), à hauteur de 45 millions en AE et de 15 millions en CP, ou le Fonds français Muskoka (FMM) qui finance des actions contre la mortalité infantile en Afrique de l'Ouest pour 10 millions d'euros en AE=CP.

À cet égard, la nature de l'aide au développement versée par la France en matière de santé interroge. Dans un référé remis à la Première ministre en décembre 202214(*) et rendu public, la Cour des comptes soulignait que 80 % de l'aide au développement française en matière de santé transitait par des organisations internationales et 20 % seulement via l'aide bilatérale. La Cour recommandait par conséquent de rééquilibrer cette proportion.

2. Le volet bilatéral du programme 209 se caractérise par le renforcement de l'aide-projet et des crédits de l'aide humanitaire et de la gestion de crise

L'évolution des crédits de l'action « Coopération bilatérale » du programme 209 se caractérise, dans le projet de loi de finances pour 2024, par une hausse des crédits, tant en autorisations d'engagement (+ 85,1 millions d'euros) qu'en crédits de paiement (+ 109,3 millions d'euros).

a) L'aide-projet demeure à un niveau élevé

D'après le document de politique transversale, l'aide projet se définit, selon les pays concernés et les bénéficiaires, comme :

- des dons accordés aux pays les plus pauvres ;

- des prêts à conditions très favorables, accordés aux États ou à des entreprises avec l'aval des États dans les pays à revenu intermédiaire ;

- des prêts accordés à des entreprises ou à des banques, sans l'aval des États, à des conditions améliorées ou à des conditions proches de celles du marché.

Depuis 2019, le niveau de l'aide-projet, qui se décline entre l'aide-projet géré par l'Agence française de développement et l'aide-projet gérée directement par le ministère de l'Europe et des affaires étrangères, connait un renforcement significatif. Cette hausse s'inscrit dans le cadre de la réalisation de l'objectif fixé par le Comité interministériel de la coopération internationale et du développement de février 2018, d'une part, et par la loi n° 2021-1031 du 4 août 2021 de programmation relative au développement, d'autre part, d'un renforcement de la « composante don » de l'aide publique au développement.

Pour 2024, l'aide-projet portée par le programme 209 s'élève à 1,23 milliard en autorisations d'engagement (+ 6 %) et à 1,17 milliard d'euros en crédits de paiement (+ 9 %).

Concernant l'aide-projet gérée par l'Agence française de développement, cette dernière se situe autour d'un milliard d'euros (1,038 milliard en AE et 985 millions en CP). Ces montants s'inscrivant dans l'ambition du « milliard additionnel » de don-projet alloué à l'AFD, portée par le COM 2020-2022 conclu entre l'agence et ses co-tutelles. Ce contrat d'objectifs et de moyens a renforcé le pilotage de l'aide-projet en déterminant sa ventilation selon les priorités sectorielles et géographiques. Le futur COM 2024-2026 devrait adapter la gestion de l'aide-projet aux nouvelles priorités dégagées par le Conseil présidentiel du développement et le CICID. 

Dans les années à venir, le besoin en crédits de paiements visant à honorer les engagements antérieurement pris devrait demeurer important et constituer un facteur de rigidité pour l'évolution des crédits de la mission.

Concernant l'aide-projet gérée par le ministère de l'Europe et des affaires étrangères, l'enveloppe proposée est de 187 millions d'euros en autorisation d'engagement et 184 millions d'euros en crédits de paiement. Elle repose essentiellement sur le Fonds de solidarité pour les projets innovants (FSPI), doté de 107 millions en AE=CP. Ce Fonds, dont les crédits sont directement pilotés par les ambassades, finance des « actions innovantes à impact rapide et fortement visibles au bénéfice des populations locales », selon les documents budgétaires. En 2023, 94 projets ont été validés pour un montant total de 61 millions d'euros.

b) L'aide humanitaire et les moyens de gestion de crise poursuivent une augmentation initiée lors des exercices précédents

La loi de finances initiale pour 2023 avait acté la montée en puissance des dépenses de l'opération budgétaire « gestion et sortie de crise », qui regroupe les crédits de l'aide bilatérale dédiés à l'aide humanitaire et à la gestion de crise. Les crédits de cette nature représentaient 297 millions d'euros en 2022 en AE=CP et 200 millions d'euros en 2021. En 2023, l'opération budgétaire a été portée à 750 millions d'euros en AE=CP. Cette hausse des crédits s'expliquait notamment par le renforcement de la « réserve pour crises majeures », créée en loi de finances initiale pour 2022 et dotée de 270 millions d'euros en 2023.

Pour 2024, le projet de loi de finances conserve ce haut niveau de crédits avec une enveloppe de 730 millions d'euros en AE=CP. Les crédits bilatéraux pour l'aide humanitaire et la gestion de crise devraient ainsi atteindre un total de 905 millions d'euros en 2024, soit 42 % des crédits bilatéraux du programme 209.

Si ces moyens restent stables en 2024, les conclusions du CICID de juillet 2023, compte tenu d'un contexte de multiplication des crises humanitaires et sanitaires, prévoient désormais de consacrer un milliard d'euros à ces dépenses d'ici 2025.

Les crédits proposés pour 2024 sur l'aide humanitaire et la gestion de crises (en AE=CP) se répartissent comme suit :

- 30 millions d'euros sont affectés aux aides budgétaires post-conflit et sorties de crises ;

- 200 millions d'euros sont consacrés au Fonds d'urgence humanitaire et de stabilisation (FUHS), instrument financier du Centre des opérations humanitaires et de stabilisation (COHS) et du Centre de crise et de soutien (CDCS) du ministère de l'Europe et des affaires étrangères ;

- 150 millions d'euros sont destinés à financer l'aide alimentaire ;

- 75 millions d'euros sont alloués à l'initiative française Food and Agriculture Resilience Mission (FARM), voulue par le président de la République et lancée en mars 2022 ;

- 270 millions d'euros viennent abonder la réserve pour crises majeures.

Concernant la réserve pour crises majeures, les rapporteurs spéciaux Jean-Claude Requier et Michel Canevet avaient salué, en 2023, les marges de manoeuvre permises par ce mécanisme au bénéfice du responsable de programme. Elle permet en effet de financer des dispositifs de crise sans affecter des financements déjà engagés ailleurs et de peser ainsi sur la gestion infra-annuelle.

Au 1er septembre 2023, la réserve avait été engagée à hauteur de 148,5 millions d'euros, notamment afin de financer l'aide humanitaire à l'Ukraine pour 72 millions d'euros, l'aide d'urgence face au tremblement de terre en Turquie et en Syrie pour 28,5 millions d'euros ou encore l'aide humanitaire en République démocratique du Congo pour 20 millions d'euros. Ces engagements témoignent de la flexibilité et de la réactivité renforcées du programme 209 du fait de cette réserve.

Consommation des crédits de la réserve pour crises majeures
au 1er septembre 2023

(en pourcentage)

Source : commission des finances, d'après les documents budgétaires

En dépit de son indéniable utilité, cette réserve doit faire l'objet de garanties de la part du Gouvernement, notamment au regard de son utilisation par « temps calmes ». Il importe que ces crédits ne constituent pas une réserve de budgétisation et donnent effectivement lieu à des annulations ou des reports en fin de gestion.

L'aide publique au développement de la France en faveur de l'Ukraine

Suite à l'invasion de l'Ukraine par la Russie, plusieurs dispositifs ont été mis en oeuvre afin de fournir une aide financière au pays. En 2022, avec 53,8 millions d'euros, l'Ukraine est le premier bénéficiaire de l'aide humanitaire française (19,1 % du total).

Sur la mission APD, en 2023, les crédits en faveur de l'Ukraine ont notamment reposé sur :

- l'octroi d'un prêt par l'AFD de 300 millions d'euros pour permettre au pays de faire face à ses dépenses sociales et de service public ;

- l'octroi d'un second prêt par l'AFD de 100 millions d'euros ;

- la mise à disposition par Expertise France - opérateur de la coopération technique internationale - de personnels qualifiés en matière juridique et pénale ;

- les contributions volontaires de la France aux organismes apportant une assistance à l'Ukraine ;

- la mobilisation des enveloppes d'urgence des programmes 110 et 209.

Source : commission des finances du Sénat d'après les documents budgétaires et les réponses aux questionnaires des rapporteurs spéciaux

3. Les moyens de la mission destinés à la coopération communautaire s'éteignent progressivement, au profit d'un financement par la contribution française au budget de l'Union

Les crédits demandés au titre de la coopération communautaire, qui correspondent à la participation de la France au Fonds européen de développement (FED), se réduisent de 89,1 millions d'euros en 2024 après une baisse de 113,2 millions d'euros en 2023 par rapport à la LFI pour 2022.

Cette contraction continue était attendue dans la mesure où, dans le cadre financier pluriannuel 2021-2027 (CFP), le FED a été remplacé par un nouvel instrument, le NDICI15(*)/L'Europe dans le monde, doté de 79,5 milliards d'euros pour la période du CFP.

Les financements dédiés à ce nouvel instrument seront supportés par le prélèvement sur recettes versé au profit de l'Union européenne (PSR-UE) et ne seront donc pas retracés par la présente mission.

Toutefois, du fait de la pluriannualité de la programmation du FED, des versements devront être opérés par la France au moins jusqu'en 2028, date à partir de laquelle l'ensemble des restes à payer auront été apurés.

4. Les dépenses de personnel concourant au programme 209

Les dépenses de personnel concourant au programme 209 augmentent de 2,4 % par rapport à l'exercice 2023 pour atteindre 169,4 millions d'euros.

Le plafond d'emploi du programme 209 est fixé à 1 472 ETP. Dans le cadre du renforcement des effectifs du ministère de l'Europe et des affaires étrangères, décidé à la suite des États généraux de la diplomatie de mars 2023, le programme 209 devrait bénéficier en 2024 de 10 ETP supplémentaires. La répartition précise de ces emplois est cependant difficile à opérer, la direction générale de la mondialisation, de la culture, de l'enseignement et du développement international, chargée de piloter le programme 209, étant également responsable du programme 185 de la mission « Action extérieure de l'État ».


* 14 Cour des comptes, référé, « L'aide publique au développement dans le domaine de la santé et la présence de la France dans les organisations internationales en santé », décembre 2022.

* 15 Pour Neighbourhood, Development and International Cooperation Instrument.

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