B. UN BUDGET QUI NE TRADUIT QUE PARTIELLEMENT LES NÉCESSAIRES EFFORTS À CONSENTIR POUR RENDRE SON ATTRACTIVITÉ AU SECTEUR

Le renouvellement des générations constitue un défi d'ampleur pour le secteur agricole. Alors que 43 % des agriculteurs sont âgés de plus de 55 ans et devraient être partis à la retraite d'ici 2030, et compte tenu du fait que désormais la moitié des nouveaux entrants dans le secteur n'est pas issu du monde agricole3(*), et ne dispose en conséquence d'aucun bien foncier agricole, la mise en place de politiques volontaristes pour attirer de nouveaux exploitants et travailleurs agricoles constitue une nécessité pour rétablir notre souveraineté alimentaire.

Cette démarche volontariste pour rétablir l'attractivité du secteur agricole doit concerner tous les aspects de la vie professionnelle des intervenants : l'accès à la profession par des formations de qualité, l'accès au foncier agricole, le bénéfice d'un revenu digne, un juste rapport de force avec les autres acteurs économiques, une fiscalité adaptée, etc. Se sont ainsi multipliées les initiatives législatives4(*), en particulier pour l'accès au foncier, que ce soit pour faciliter l'accès à la propriété, ou à la location (comme c'est le cas de 40 % des exploitants agricoles aujourd'hui).

Ces éléments devront trouver leur traduction dans le projet de » pacte et de loi d'orientation et d'avenir agricoles » à propos duquel les consultations5(*) se poursuivent, sans que les rapporteurs spéciaux ne disposent, à ce stade, d'un calendrier prévisionnel d'examen par le Parlement.

Au sein du présent projet de loi de finances, le soutien aux travailleurs agricoles apparait mitigé. S'agissant des aides à l'installation, le désengagement progressif de l'État au bénéfice des régions trouve ici sa traduction budgétaire. À l'inverse, l'État renforce les effectifs de certains de ses services, ce qui conduit à une hausse des dépenses du titre 2. Il poursuit également sa politique de soutien aux travailleurs agricoles.

1. La confirmation du transfert aux régions d'une partie de l'aide à l'installation-transmission

Le financement de l'aide à l'installation des agriculteurs provient à la fois de financements européens, alloués par l'intermédiaire des régions, de dispositifs fiscaux et de dotations budgétaires finançant des aides directes à l'installation ou des prêts bonifiés6(*).

Du fait de la transmission aux conseils régionaux de la gestion des aides non-surfaciques, en application de la PAC 2023-2027, incluant la « dotation aux jeunes agriculteurs » ainsi que les aides liées à la modernisation des installations, lesquelles constituent un vecteur indispensable avant toute transmission, l'action 23 « Appui au renouvellement et à la modernisation des exploitations agricoles » du programme 149 « Compétitivité et durabilité de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt » voit ses crédits diminuer substantiellement : l'action 23 se voit allouer 123 millions d'euros pour 2024 (contre 172 millions d'euros en 2023) mais le cumul des crédits supplémentaires dont bénéficieront les régions et de cette action aboutissent au final à maintenir les aides à l'installation.

Les crédits de cette action ont donc vocation à se tarir partiellement dans les années à venir, ce qui constituera un point d'attention des rapporteurs spéciaux.

2. Une hausse des dépenses de personnels en lien avec de nouvelles activités de contrôles supportées par la mission

La mission est également caractérisée par une hausse des dépenses de personnel. Celles-ci atteignent en 2024 un total de 996,5 millions d'euros en AE et CP (incluant les contributions au CAS Pensions) réparties entre les programmes 206 (390,4 millions d'euros) et 215 (606,1 millions d'euros), soit 44 millions d'euros supplémentaires par rapport à la LFI 2023 (+ 4,5 %).

Cette évolution traduit notamment le recours à des personnels supplémentaires pour assurer des opérations de contrôle relevant auparavant, partiellement ou totalement, d'autres missions budgétaires (comme le contrôle de la sécurité alimentaire ou le contrôle des cosmétiques et tatouages) ainsi qu'à des personnels venant renforcer des missions de contrôle existantes mais ayant vocation à être accentuées (le respect de la législation sur les pesticides par exemple).

Pour le programme 215 « conduite et pilotage de l'agriculture » qui comprend à lui seul les deux-tiers des dépenses de personnel, cette évolution des crédits de personnel est principalement liée aux mesures détaillées dans le tableau ci-dessous.

Facteur pris en compte pour l'évaluation 2024 des dépenses de personnel du programme 215 « conduite et pilotage de l'agriculture » (hors CAS Pensions)

 

Exécution 2022

Estimatif 2023

PLF 2024

Exécution n- 1

387,59

404,88

421,64

Impact des transferts

- 0,23

0

- 6,69

Impact du schéma d'emplois

- 0,91

1,4

5,63

Mesures catégorielles

0,35

9,31

2

Mesures générales

5,99

10,46

7,28

(dont hausse du point d'indice)

(4,92)

 -

(4,29)

Glissement vieillesse technicité solde

3,42

4,39

4,57

Autres variations

- 1,37

16,41

14,41

Autres variations diverses (GIPA, CET, etc.)

- 11,87

- 1

1,39

Total

383,2

445,84

456,92

Source : réponse au questionnaire budgétaire

3. Des dispositifs d'allègement du coût du travail, en particulier via le programme 381 « Allègements du coût du travail en agriculture (TO-DE) »

Le dispositif d'exonérations de cotisations patronales sur bas salaires TO-DE (travailleurs ouvriers demandeurs d'emplois) bénéficiant à un employeur agricole qui souhaite employer un travailleur saisonnier est reconduit cette année encore.

Les crédits y afférant sont retracés dans l'action 25 « Protection sociale » du programme 149 (cf supra).

Les allègements du coût du travail en agriculture, qui sont destinés à compenser le manque à gagner lié à cette exonération à la Mutualité Sociale Agricole (MSA), ont été isolés dans le programme 381 « Allègements du coût du travail en agriculture ». Ce programme ne comprend qu'une seule action intitulée « Allègement du coût du travail de la main-d'oeuvre saisonnière » pour un montant de 423 millions d'euros en 2024 (contre 427 millions l'année précédente).

Cette action facilite l'embauche de travailleurs occasionnels pour réaliser des activités agricoles à travers une exonération partielle de cotisations patronales, pour un montant qui correspond au différentiel avec le coût des contrats concernés si ces derniers n'avaient bénéficié que des allégements généraux renforcés.

71 000 entreprises, soit près de la moitié des structures du secteur de la production agricole employant des salariés, sont concernées pour un total d'exonérations représentant 31 % du volume global des heures salariées dans le secteur agricole. Compte tenu du désavantage compétitif que pourrait représenter le coût du travail dans un secteur aussi concurrentiel, les rapporteurs soulignent l'importance de ce programme, en particulier en ce qu'il permet de lutter contre le travail non déclaré et la dégradation des conditions de travail qui en résulterait.

Enfin, il faut souligner qu'une partie de la compensation versée à la caisse centrale de la mutualité sociale agricole provient, par ailleurs, du programme 149 (cf. supra).


* 3 Sur ces deux points, on se reportera utilement au rapport d'information « On ne naît pas agriculteur, on le devient », de MM. Vincent SEGOUIN et Patrice JOLY, fait au nom de la commission des finances, pour suite à donner à l'enquête de la Cour des comptes, transmise en application de l'article 58-2° de la LOLF, sur la politique d'installation des nouveaux agriculteurs et de transmission des exploitations agricoles.

* 4 Sur le contexte défavorable à l'accès au foncier agricole, on se reportera utilement au rapport n° 61 (2023-2024), déposé le 25 octobre 2023, de M. Christian Klinger sur la proposition de loi visant à associer les épargnants à la transmission des exploitations agricoles françaises.

* 5 Le ministère de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire a publié la méthodologie de la concertation en cours consultable sur son site Internet : https://agriculture.gouv.fr/pacte-et-loi-dorientation-et-davenir-agricoles-les-principes-et-la-methode

* 6 À la demande de la commission des finances du Sénat, la Cour des comptes a établi, en avril 2023, une synthèse de ces divers dispositifs dans son enquête consacrée à « La politique d'installation des nouveaux agriculteurs et de transmission des exploitations agricoles ».

Partager cette page