LES MODIFICATIONS
CONSIDÉRÉES COMME ADOPTÉES
PAR L'ASSEMBLÉE
NATIONALE EN APPLICATION DE L'ARTICLE 49, ALINÉA 3 DE LA
CONSTITUTION
Dans l'élaboration du texte sur lequel il a engagé sa responsabilité en application de l'article 49, alinéa 3 de la Constitution, le Gouvernement n'a retenu aucun amendement relatif aux crédits de la mission « Remboursements et dégrèvements ».
EXAMEN EN COMMISSION
Réunie le mercredi 25 octobre 2023, sous la présidence de M. Claude Raynal, président, la commission a examiné le rapport de M. Pascal Savoldelli, rapporteur spécial, sur la mission « Remboursements et dégrèvements ».
M. Pascal Savoldelli, rapporteur spécial de la mission « Remboursements et dégrèvements ». - Les réponses apportées par Bercy à nos questions se sont avérées meilleures que les années précédentes.
La mission « Remboursements et dégrèvements » retrace les dépenses budgétaires résultant mécaniquement de l'application de dispositions prévoyant des dégrèvements, des remboursements ou des restitutions d'impôt. Le caractère mécanique de ces dépenses implique que les crédits de la présente mission sont évaluatifs, soit non soumis à un plafond de dépense pour le Gouvernement.
Par ailleurs, cette mission est la première en volume de crédits, tous budgets confondus. Ses crédits s'élèvent à plus de 140 milliards d'euros et ont augmenté de 117 % en vingt ans, soit une hausse de 76 milliards d'euros. Cette hausse résulte de deux phénomènes : la hausse des recettes fiscales brutes de l'État, qui engendre donc celle des remboursements et dégrèvements, mais aussi les modifications des politiques fiscales qui, au gré de la multiplication des exonérations, contribuent à la perte de recettes fiscales.
Cette mission se compose de deux programmes, l'un consacré aux remboursements et dégrèvements d'impôts d'État, l'autre aux mêmes opérations pour les impôts directs locaux. Concernant les remboursements et dégrèvements d'impôts d'État, les dépenses sont évaluées, dans le projet de loi de finances pour 2024, à 135,9 milliards d'euros, soit une hausse notable de 8,9 milliards d'euros par rapport à la loi de finances initiale pour 2023.
Cette hausse marque une rupture, après une baisse survenue entre 2020 et 2021 et une stagnation en 2022 et 2023. Elle résulte de plusieurs phénomènes parfois complexes, et je n'aborderai dans ma présentation que les évolutions les plus significatives.
Premièrement, les restitutions liées à la mécanique de l'impôt enregistrent une augmentation importante, de près de 8 milliards d'euros, par rapport à la loi de finances pour 2023, après une hausse de 6,6 milliards d'euros entre 2022 et 2023 sous l'effet, essentiellement, de la hausse des restitutions de TVA, qui devraient atteindre plus de 79 milliards d'euros en 2024. Sur la période 2014-2024, les remboursements de TVA ont augmenté de 66,6 %, soit un montant de 31,7 milliards d'euros. Le contexte inflationniste, en augmentant le volume de TVA, explique cette augmentation des remboursements. De surcroit, dans un contexte d'incertitude économique, les entreprises ont tendance à opter pour le remboursement plutôt que pour l'imputation du crédit TVA sur les années suivantes. Cependant, ce niveau historiquement haut pose également la question du niveau de fraude puisque les remboursements de TVA augmentent plus rapidement que la TVA collectée.
Certes, des avancées sont constatées concernant la lutte contre la fraude, mais il est nécessaire d'aller plus loin, la TVA étant un impôt de plus en plus partagé qui finance largement les collectivités territoriales. En effet, en 2024, ces dernières devraient percevoir près de 55 milliards d'euros de TVA. Ce montant devrait encore augmenter du fait de la suppression de la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises (CVAE), commencée en 2021 pour la part régionale et poursuivie de manière étalée entre 2023 et 2027 pour les parts départementales et communales, une suppression à laquelle je m'étais fermement opposé, considérant qu'elle entraînerait un risque pour l'autonomie fiscale des collectivités. Ce partage de la TVA entre le budget de l'État et les collectivités, dont le taux de dépendance à cet impôt augmente, rend donc indispensable une gestion optimisée de sa collecte afin de sécuriser à la fois les ressources de l'État et celles des collectivités.
Deuxièmement, en 2024, le niveau des remboursements d'impôts sur les sociétés est évalué à 11,3 milliards d'euros, soit une baisse de 3 milliards d'euros par rapport à la loi de finances pour 2023, qui résulte d'une prévision d'accélération du bénéfice fiscal en 2023. Une hausse de 14 % de ce dernier est en effet attendue, contre 2 % en 2022.
Toutefois, dans un contexte inflationniste demeurant important en 2023, la prudence est de mise à l'égard de ces prévisions. L'année dernière, j'avais déjà alerté la commission sur le fait que le niveau des remboursements d'impôts sur les sociétés en 2023 pourrait s'avérer supérieur aux prévisions, et l'exécution à date tend à me donner raison. Or, au premier trimestre 2023, le chiffre d'affaires des 585 000 très petites entreprises et petites et moyennes entreprises (TPE-PME) françaises n'a enregistré qu'une augmentation de 3 % par rapport au premier trimestre 2022. Leur trésorerie se dégrade, ainsi que leur marge nette.
De surcroît, les défaillances d'entreprises ont poursuivi en août leur mouvement de hausse et avoisinent, toutes catégories confondues, leur niveau de 2019, antérieur à la pandémie de covid-19, selon les chiffres publiés en septembre par la Banque de France. Il se pourrait donc qu'en 2024 l'exécution soit supérieure à cette prévision, qui me semble sous-estimée.
Troisièmement, les dégrèvements liés à la gestion des produits de l'État enregistrent une hausse de 1,8 milliard d'euros sous l'effet de la hausse des remboursements liés à des contentieux de série. Ces derniers sont pourtant en baisse, en nombre et en montant, mais les crédits ouverts à ce titre augmentent par rapport à l'année précédente en raison du report en 2024 de 1 milliard d'euros dans l'attente d'une décision de justice. Je tiens cependant à souligner que ce montant de crédit demeure très inférieur aux montants totaux des droits en raison des moyens de traitement limités au sein des services de la direction générale des finances publiques (DGFiP) qui accordent la priorité, dès lors, aux remboursements des contentieux les plus importants afin de limiter les intérêts moratoires. Aussi, je plaide pour un renforcement des moyens de la DGFiP afin d'accroître significativement la capacité de traitement de tous les contentieux, sans se focaliser sur ceux dont l'ampleur financière est la plus conséquente. Cela renvoie au principe constitutionnel de l'égalité devant l'impôt.
Enfin, à l'inverse, les remboursements liés à des politiques publiques enregistrent une baisse de l'ordre de 800 millions d'euros qui s'explique par une montée en puissance du crédit d'impôt contemporain beaucoup plus lente que prévu. En revanche, le crédit d'impôt recherche (CIR), auquel nous prêtons une grande attention, continue à croître pour atteindre 7,6 milliards d'euros en 2024. Malgré cette hausse continue, les dernières évaluations portant sur l'impact du CIR en matière d'investissement, d'emploi et d'attractivité des entreprises innovantes datent de 2021 et s'appuient sur des données remontant jusqu'à 2018. Or, depuis 2018, la dépense fiscale afférente au CIR a augmenté de 1,8 milliard d'euros. Il me paraît donc nécessaire de mener une nouvelle évaluation qui viserait à mesurer l'impact du dispositif en établissant notamment une différenciation par type d'entreprise et par activité à partir des données les plus récentes. Cette évaluation pourrait ensuite servir de base pour repenser globalement le financement de la recherche en France.
Concernant les remboursements et dégrèvements d'impôts locaux, les crédits évalués pour 2024 s'élèvent à 4,3 milliards d'euros, soit une baisse de 6,45 % par rapport à la loi de finances pour 2023. Cette diminution poursuit la tendance entamée depuis 2021 en raison de la suppression de la taxe d'habitation, de la réforme des impôts de production et de la suppression de la CVAE sur une période étalée entre 2024 et 2027.
J'aimerais m'attarder sur deux points.
Premièrement, les remboursements et dégrèvements d'impôts économiques s'élèveront en 2024 à 1,6 milliard d'euros, soit 19 % de moins que dans la loi de finances pour 2023. Cette baisse s'explique par la suppression partielle en 2023, puis totale en 2027, de la CVAE, compensée par une fraction de TVA. Cependant, je m'interroge sur les baisses de ressources des collectivités une fois l'inflation revenue à la normale. Je crains que cela n'engendre une diminution de la dynamique de la TVA affectée aux collectivités en remplacement de la CVAE. C'est une question à poser. La dynamique de cet impôt n'est pas une donnée économique fondée, mais plutôt une tendance conjoncturelle.
De manière plus générale, chaque suppression d'impôt est désormais compensée par des fractions de TVA versées aux collectivités. Dans ce contexte, après la suppression de la CVAE, la TVA pèsera pour 40 % dans les recettes des départements et 18 % dans celles du bloc communal. Cette pratique pose, d'une part, la question de l'autonomie fiscale des collectivités et, d'autre part, celle de la pérennité de ce système de financement. En effet, le Gouvernement ne peut pas continuer à diminuer ses propres ressources et à exposer les collectivités à des retournements de conjoncture ou simplement à un retour d'inflation à 2 %, ce qui signifierait pour elles une baisse de ressources. Ce transfert d'imposition sur la consommation génère un risque majeur, inquiétant, de volatilité des recettes.
Deuxièmement, les remboursements et dégrèvements de taxe foncière augmentent chaque année. Entre 2018 et 2024, ils ont enregistré une hausse de 707 millions d'euros, soit près de 66 %. Cette hausse s'explique par l'augmentation des montants de taxes foncières au fil du temps en raison de la hausse des taux appliqués par des collectivités d'une part, et de la revalorisation des valeurs locatives cadastrales d'autre part, dans la mesure où les dispositifs de dégrèvements et d'exonérations sont relativement stables ces dernières années. Cette tendance est révélatrice de la perte d'autonomie fiscale des collectivités que j'évoquais précédemment. Ces dernières utilisent donc leur dernier levier fiscal, ce qui a pour conséquence une hausse des taxes annexes à la taxe foncière comme la taxe d'enlèvement des ordures ménagères (Teom), qui a bondi en 2023 dans certaines communes. Je n'ai pas apprécié à ce propos l'impasse faite par le Président de la République sur ce sujet.
Il me paraît donc nécessaire d'avoir une réflexion plus profonde sur le financement des collectivités et leur levier d'action sur leurs ressources.
En conséquence, je vous invite à voter favorablement les crédits de la mission. Ce rapport est un diagnostic. J'ai soulevé des questions, sans affirmer mon point de vue politique personnel.
M. Jean-François Husson, rapporteur général. - La présentation qui a été faite, notamment sur la place de plus en plus importante accordée à la TVA dans le financement des collectivités locales et sur leur perte d'autonomie, me semble pertinente. Je salue le travail qui a été conduit.
M. Thierry Cozic. - Les évolutions constatées sur le programme 200 « Remboursements et dégrèvements d'impôts d'État » sont principalement liées à la dynamique de la TVA. Le programme 201 « Remboursements et dégrèvements d'impôts locaux » enregistre, pour sa part, une baisse de 6 % par rapport à la loi de finances initiale pour 2023, qui traduit la mise à mal de l'autonomie fiscale des collectivités, marquée notamment par la suppression progressive de la taxe d'habitation et de la CVAE.
Cette mission illustre clairement les errements de la politique budgétaire du Gouvernement à travers quatre points : la lutte asymétrique contre la fraude fiscale, le maintien du désarmement fiscal, la remise en cause de l'autonomie fiscale des collectivités et le maintien de niches fiscales, coûteuses pour le budget de l'État, et dont l'utilité peut parfois être contestée. C'est pourquoi le groupe SER votera contre les crédits de cette mission.
M. Marc Laménie. - Le budget de cette mission est énorme, à 140 milliards d'euros, en hausse de 6,5 % par rapport à l'an passé. Le problème de l'autonomie financière et fiscale des collectivités a été bien mis en lumière par le rapporteur.
La progression forte, de 15,5 % entre 2023 et 2024, de la restitution de la TVA s'explique par une dynamique particulière.
À combien les effectifs dédiés à cette mission au sein de la DGFiP s'élèvent-ils ? Connaît-on par ailleurs l'importance de la fraude ?
M. Stéphane Sautarel. - Nous pouvons nous interroger sur l'efficacité de la dépense fiscale. Nous serons amenés à faire des propositions sur ce sujet.
L'autonomie financière et fiscale des collectivités territoriales ne cesse de se détériorer. Le rapport de la Cour des comptes sur les finances publiques locales, rendu public le 24 octobre, fait état d'une situation dégradée. Les perspectives pour l'année 2023 sont mauvaises. Au vu de la réduction de l'assiette territoriale et des impôts économiques, des questions se posent sur la refonte de la fiscalité locale, notamment pour les départements. Un réexamen serait ici bienvenu. Nous aurons l'occasion d'y revenir lors de l'examen du projet de loi de finances.
Mme Nathalie Goulet. - Gérald Darmanin, alors ministre du budget, avait annoncé la mise en place d'un logiciel de détection précoce des fraudes à la TVA. Des progrès ont-ils été réalisés sur ce sujet ?
M. Claude Raynal, président. - Je constate que le montant de cette mission équivaut à peu près à ce qui manque au budget de l'État.
Mme Nathalie Goulet. - Notre groupe s'était opposé à la suppression de la CVAE.
M. Claude Raynal, président. - Il n'a pas été le seul !
M. Pascal Savoldelli, rapporteur spécial. - Le président a raison de souligner qu'il s'agit du premier budget de l'État.
Il est indispensable que la DGFiP fasse preuve de vigilance pour l'ensemble des dossiers s'agissant de la fraude fiscale. C'est pourquoi je propose de ne pas dissocier grands et petits contentieux. Cela soulève toutefois la question des effectifs consacrés à ce sujet.
L'analyse de données mettant en oeuvre des techniques statistiques ou d'apprentissage automatique pour lutter contre les fraudes à la TVA est désormais effective et devrait être plus opérationnelle pour détecter les fraudeurs. Dans ce cadre, les travaux de data mining ont permis d'identifier, au 31 décembre 2022, plus de 24 800 entreprises présentant des risques en matière de remboursements de crédits de TVA. Toutefois, cela ne signifie pas qu'elles sont coupables de fraude. Il y a néanmoins une plus grande efficacité sur ce point.
Deux éléments sont marquants. Premièrement la poursuite du partage de la TVA notamment avec les collectivités territoriales qui est un aspect sur lequel nous devons rester vigilants dans la mesure où les fluctuations de l'inflation auront des répercussions terribles sur leurs ressources.
Par ailleurs, les évolutions de la répartition entre les taxes et les impôts m'interpellent : les premières se démultiplient tandis que les seconds s'affaiblissent.
La commission a décidé de proposer au Sénat d'adopter, sans modification, les crédits de la mission « Remboursements et dégrèvements ».
*
* *
Réunie à nouveau le jeudi 23 novembre 2023, sous la présidence de M. Claude Raynal, président, la commission a confirmé sa décision de proposer au Sénat d'adopter, sans modification, les crédits de la mission « Remboursements et dégrèvements ».