B. DE NOUVEAUX ENJEUX À VENIR POUR LES OUTRE-MER : TRANSITION ÉCOLOGIQUE ET AUTONOMIE ALIMENTAIRE

1. Un objectif d'autonomie énergétique des départements et région d'outre-mer (DROM) pour 2030 

La loi n° 2015-992 du 17 aout 2015 relative à la transition énergétique pour la croissance verte a fixé comme objectif de parvenir à l'autonomie énergétique dans les DROM à l'horizon 2030. En effet, dans les territoires d'outre-mer, l'acheminement d'électricité constitue un enjeu particulier dans la mesure où pour ces territoires insulaires et/ou faiblement interconnectés, la production et la livraison finale est fortement carbonée. Il en résulte des coûts d'approvisionnement en électricité très supérieurs à ceux constatés en métropole.

Le développement des énergies renouvelables (EnR), dont les coûts sont aujourd'hui bien inférieurs, représente donc une nécessité d'autant que certaines filières liées à ces énergies, comme celle de la bagasse3(*) et de l'éthanol à La Réunion, peuvent générer de nombreux emplois. Cette transition énergétique permettrait donc de répondre aux problèmes de dépendance des territoires d'outre-mer aux énergies importées et de créer des emplois nouveaux dans un contexte de taux de chômage bien plus élevé qu'en métropole (cf. supra).

Selon une étude de l'ADEME relative à l'autonomie énergétique des zones non interconnectées (ZNI) de janvier 2021, malgré des gisements très différents d'un territoire à l'autre, pour des raisons géographiques ou de choix politiques, les potentiels EnR locaux seraient suffisants pour assurer un mix électrique 100 % renouvelable tout en satisfaisant l'ensemble de la demande électrique à tout instant. L'atteinte de l'autonomie énergétique ne semble toutefois pas réalisable d'ici 2030 en raison du rythme élevé qu'elle impliquerait pour le déploiement des filières renouvelables.

Sur la question de la transition écologique des territoires d'outre-mer, les annonces du CIOM sont très ciblées (déplacer le village de Miquelon en risque submersion, réviser le plan Eau DOM...) et ne concernent pas le développement des énergies renouvelables. À ce stade, la mesure 63 prévoit simplement de définir en 2024 une stratégie d'atténuation et d'adaptation au changement climatique pour chaque territoire.

Les rapporteurs spéciaux appellent de leurs voeux un volet spécifique au développement des énergies renouvelables incluant les modalités de financement y afférentes.

2. L'indispensable autonomie alimentaire

L'autonomie alimentaire des territoires d'outre-mer est un autre objectif à horizon 2030, ce qui implique de rechercher de nouveaux modèles de développement agricoles et alimentaires. Ces évolutions sont à envisager sous deux angles :

- celui de l'offre, avec une préservation des surfaces agricoles, des métiers plus attractifs et un accompagnement vers de nouvelles pratiques ;

- celui de la demande, en s'efforçant d'orienter la demande vers des produits plus locaux, de la part des ménages comme des acteurs publics ou privés, comme les opérateurs de la restauration collective.

Cette recherche de l'autonomie alimentaire est d'autant plus nécessaire que les écarts de prix à la consommation continuent à se creuser. En effet, en 2022, le niveau général des prix à la consommation est plus élevé dans les départements d'outre-mer (DOM) qu'en France métropolitaine. Il est supérieur de 16 % en Guadeloupe, 14 % en Martinique et en Guyane et 9 % à La Réunion. À Mayotte, il dépasse celui de la France métropolitaine de 10 % sur un champ d'étude plus restreint excluant les loyers4(*).

Par rapport à la dernière étude menée par l'INSEE en 2015, ces taux ont augmenté de 2 à 3 points.

Ces comparaisons se font sur la base d'une méthode tenant compte des différences de paniers de consommation moyens entre chaque DROM et la France métropolitaine.

Écarts de prix entre les DROM et la France métropolitaine en 2010, 2015 et 2022

(en %)

Nd : non déterminé.

Source : commission des finances du Sénat à partir des données Insee, enquête de comparaison spatiale des prix 2022 En pourcentage par rapport aux prix constatés en France métropolitaine

Ainsi, dans le détail entre 2015 et 2022, les écarts de prix (indices de Fisher) par rapport à la France métropolitaine s'accroissent dans tous les DOM. L'augmentation est de plus de 3 points à Mayotte et en Guadeloupe, contre 2 points de plus en Guyane, à La Réunion et en Martinique. Par rapport à 2010, la hausse est également plus marquée en Guadeloupe (+ 8 points, contre + 4 points en Martinique, + 3 points à La Réunion et + 1 point en Guyane).

Écarts de prix (Fisher) entre les DOM et la métropole en 2010, 2015 et 2022

Source : Insee, enquêtes 2010, 2015 et 2022 de comparaison spatiale des prix

Ces écarts s'expliquent avant tout par la cherté des biens et en particulier des produits alimentaires, pour lesquels les prix payés par les ménages sont de 30 % à 42 % plus élevés. Ils sont plus faibles pour les services, qui restent cependant globalement plus chers outre-mer, notamment les services de communication.

Écarts de prix (Fisher) par grandes fonctions de consommation
entre les DOM et la France métropolitaine en 2022

Source : Insee, enquête 2022 de comparaison spatiale des prix

De surcroit, les rapporteurs spéciaux soulignent que les écarts de prix entre les DROM et la métropole ont augmenté alors même que les niveaux d'inflation constatés dans les territoires ultramarins sont inférieurs à ceux de métropole et que les territoires ultramarins bénéficient d'un bouclier qualité prix (BQP)5(*) mis en place en 2012.

Évolution de l'inflation entre janvier 2022 et juin 2023 - comparaison entre la France et les territoires d'outre-mer

Source : commission des finances du Sénat à partir des données de l'INSEE, ISPF et ISEE

Comme pour la transition écologique, les annonces du CIOM pour renforcer la souveraineté alimentaire des territoires d'outre-mer sont limitées et se bornent à :

- apporter un soutien de 10 millions d'euros pour les producteurs ultramarins de fruits et légumes en vue de compenser les surcoûts des intrants et de l'énergie, et de 15 millions dans le cadre du complément national du programme d'options spécifiques à l'éloignement et à l'insularité (POSEI) en 2024 ;

- donner aux agriculteurs ultramarins des moyens de protection adaptés contre les organismes et adventices nuisibles ;

- permettre le renouvellement des flottes de pêche en demandant à la Commission européenne, une évolution de certains critères et en renforçant les moyens financiers et humains destinés à la collecte des données sur les stocks de poissons dans les outre-mer.

À ce stade, rien n'est prévu concernant la préservation des surfaces agricoles ou le développement de nouvelles pratiques.


* 3 La bagasse est un résidu ligneux de la canne à sucre utilisé par les centrales thermiques pour la production d'électricité.

* 4 Ces écarts sont mesurés par l'indice de Fisher ( méthode). Ce dernier synthétise les différences de niveaux de prix entre deux territoires en tenant compte des habitudes de consommation à la fois des ménages de la France métropolitaine et de ceux du DOM considéré.

* 5 Dans les départements et régions d'outre-mer, la loi de régulation économique dite loi Lurel adoptée en novembre 2012 met en place le bouclier qualité-prix (BQP), qui « prévoit qu'un certain nombre de produits de la consommation courante voient leurs prix fixés par négociation, ou, en l'absence d'accord, par le préfet ». Ce dispositif s'applique en Guadeloupe, Guyane, Martinique, à La Réunion, à Mayotte, à Saint-Pierre-et-Miquelon et à Wallis-et-Futuna. Les négociations sont annuelles, l'accord devant être signé le 1er mars. Une signalétique « BQP » permet d'identifier les produits concernés par ce dispositif.

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