B. APRÈS L'AFFAIRE DU FONDS MARIANNE, LE COMITÉ INTERMINISTÉRIEL DE PRÉVENTION DE LA DÉLINQUANCE ET DE LA RADICALISATION DOIT PROFONDÉMENT ÉVOLUER ET ALLER VERS UN RENFORCEMENT DE L'INTERMINISTÉRIALITÉ
1. La nécessaire réforme du comité interministériel de prévention de la délinquance et de la radicalisation
La création d'une ministre déléguée auprès du ministre de l'intérieur chargée de la citoyenneté a conduit à former des liens renforcés entre la ministre et son cabinet et le Secrétariat général de prévention de la délinquance et de la radicalisation. Si le SGCIPDR était déjà auparavant placé sous l'autorité du ministre de l'Intérieur, cette tutelle « rapprochée » a mis à mal la vocation interministérielle du secrétariat général : le CIPDR est en effet un comité composé des principaux ministres30(*) du Gouvernement.
L'évolution de l'activité et des relations avec le politique du SGCIPDR a malheureusement conduit, comme l'a montré le rapport de la mission sur le fonds Marianne, à « un mélange des genres regrettable »31(*).
Au-delà des recommandations de la mission, il semble indispensable de tirer des enseignements sur le rôle du SGCIPDR et son positionnement. La nomination comme nouveau secrétaire général d'un ancien magistrat, doit être vue comme allant dans le bon sens.
La rapporteure spéciale recommande que la proposition du rapport de l'inspection générale de l'administration sur l'évolution de l'organisation et des missions du SGCIPDR visant à créer une délégation plutôt qu'un secrétariat général soit mise en oeuvre rapidement. Cette transformation permettrait de renforcer le caractère interministériel de la structure, et de donner à celui qui la dirige, devenu délégué interministériel, la capacité d'entretenir des rapports directs avec les autres ministres et cabinets. Reconnu comme directeur d'une administration centrale, le délégué interministériel serait ainsi nommé en Conseil des ministres.
Il conviendrait, plus largement, que les experts recrutés au sein du SGCIPDR représentent bien les différents ministères. Les ministères sociaux, le ministère de la justice ou encore celui de l'éducation nationale doivent être pleinement impliqués dans les différentes stratégies de lutte contre la prévention de la délinquance et de la radicalisation.
Cette évolution doit notamment passer par la normalisation de la situation des agents de l'unité du contre discours républicain, qui doivent pouvoir être des agents titulaires. Il conviendrait, comme le propose le rapport de l'inspection générale de l'administration, de régulariser ces emplois en les intégrant au schéma d'emploi du programme 216. Pour ce faire, la rapporteure spéciale considère qu'un rehaussement du plafond d'emplois du programme s'impose.
2. La création d'une direction des entreprises et partenariats de sécurité et des armes, en charge notamment de la vidéo-protection
La direction des entreprises et partenariats de sécurité et des armes (DEPSA) unifie la politique de l'État en direction des différents acteurs de la sécurité. Lui est transférée, dès le 1er janvier 2024, la gestion des crédits d'équipements en vidéo-protection qui relevaient jusqu'à présent du Secrétariat général de prévention de la délinquance et de la radicalisation.
Ce transfert des crédits vers une action ad hoc, a priori distincte de l'action dédiée au fonds interministériel de prévention de la délinquance et de la radicalisation (FIPDR), appelle à une clarification de la part du ministère de l'intérieur.
Il semble nécessaire de déterminer plus clairement le régime de ces dépenses, si elles relèvent ou non du FIPDR, et de préciser les conditions d'engagements des crédits.
En effet, le régime du FIPDR, qui traite les dépenses comme des dépenses d'équipement, peut s'avérer inadapté pour financer des opérations complexes. La création d'un régime spécifique, qui tienne compte de la dimension d'investissement et de pluriannualité devrait être développé pour mieux adapter les financements de l'État aux besoins des collectivités porteuses de projet.
3. Un meilleur soutien financier de l'État à la présence d'intervenants sociaux en commissariats et en unités de gendarmerie
Dans son discours de Nice du 10 janvier 2022, le président candidat Emmanuel Macron s'était engagé à augmenter le nombre d'intervenants sociaux au sein des commissariats de police et des unités de gendarmerie (ISCG), pour parvenir à 600 intervenants.
Ce dispositif a d'abord été expérimenté dans les années 1990 et a connu une montée en charge progressive jusqu'à compter 420 ISCG32(*) aujourd'hui.
Dans les territoires, il revient au préfet de piloter le déploiement du dispositif, en mobilisant les financements de différents partenaires : le conseil départemental, les conseils municipaux mais également des associations. Le préfet dispose pour ce faire des crédits du FIPD, qui lui permettent de donner une impulsion au dispositif : ainsi, le fonds couvre 80 % du coût la première année, 50 % la deuxième et 30 % la troisième.
Un rapport de l'inspection générale de l'administration (IGA) rendu en mars 2021 dresse un bilan très positif du rôle des intervenants sociaux, reconnaissant que l'efficacité et la pertinence de leur action sont unanimement reconnues tant localement qu'au niveau national, en témoignent les annonces du Président de la République en janvier dernier. La mission constate les conséquences très positives de l'action des intervenants sociaux sur les populations visées par cette politique et sur la prévention de la délinquance. Leur présence a été saluée par les services de police et de gendarmerie, ainsi que les services sociaux des départements ou communaux.
Cependant, et dans la lignée des travaux de la mission, la rapporteure spéciale considère que la question des financements demeure cruciale pour le développement des postes et constitue à ce jour un frein important pour la pérennité de ce dispositif, malgré son efficacité constatée.
D'après l'audition du secrétaire général du CIPDR menée par la rapporteure spéciale, un accord aurait été trouvé pour garantir le financement pérenne par l'État de 30 % des emplois d'ISCG, ce dont la rapporteure spéciale se félicite.
* 30 En application de l'article D132-1 du code de la sécurité intérieure, « le comité interministériel de prévention de la délinquance et de la radicalisation est présidé par le Premier ministre ou, par délégation, par le ministre de l'intérieur. [Il] comprend le ministre de l'intérieur, le garde des sceaux, ministre de la justice, le ministre des affaires étrangères, le ministre de l'éducation nationale, le ministre chargé de l'enseignement supérieur, le ministre chargé de la recherche, le ministre de la défense, le ministre chargé de la santé, le ministre chargé de la famille, le ministre chargé des droits des femmes, le ministre chargé de la cohésion sociale, le ministre chargé du travail, le ministre chargé du logement, le ministre chargé des transports, le ministre chargé de la ville, le ministre chargé de la jeunesse, le ministre chargé des sports et le ministre chargé de l'outre-mer. »
* 31 Le fonds Marianne : la dérive d'un coup politique - Rapport d'information n° 829 (2022-2023), tome I, déposé le 4 juillet 2023, Jean-François Husson.
* 32 Ils étaient une dizaine en 2005, 118 en 2009, 180 en 2013, 250 en 2015 et environ 350 en 2020.