DEUXIÈME PARTIE :
LE COMPTE DE CONCOURS FINANCIERS
« AVANCES À L'AUDIOVISUEL PUBLIC »

Le compte de concours financiers « Avances à l'audiovisuel public » retrace l'intégralité des crédits destinés aux organismes de l'audiovisuel public. Il comprend donc :

en recettes, une fraction du produit de la taxe sur la valeur ajoutée ;

en dépenses, le montant des avances accordées aux organismes de l'audiovisuel public.

Six programmes, correspondant aux différentes sociétés de l'audiovisuel public (841 - France Télévisions, 842 - ARTE France, 843 - Radio France, 844 - France Médias Monde, 845 - l'Institut national de l'audiovisuel (INA) et 846 - TV5 Monde), composent habituellement les dépenses du compte de concours financiers. Un programme spécifique, intitulé « programme de transformation » - 848 est créé cette année afin de porter des moyens conditionnés au respect d'objectifs figurant dans les prochains contrats d'objectifs et de moyens (COM) des sociétés d'audiovisuel public.

I. UN BUDGET EN FORTE HAUSSE ENTÉRINANT LE STATU QUO SUR L'ORGANISATION DE L'AUDIOVISUEL PUBLIC

A. UNE PROGRESSION DES CRÉDITS DE 5,5 %

1. Une hausse de 209 millions d'euros

Le présent projet de loi de finances prévoit l'affectation d'une part du produit de la TVA aux sociétés de l'audiovisuel public d'un montant de 4,025 milliards d'euros. Cette fraction est affectée pour près des deux-tiers à France Télévisions, et pour 16 % à Radio France.

Répartition de la part du produit de TVA affectée
aux sociétés de l'audiovisuel public en 2024

Source : commission des finances du Sénat, d'après les documents budgétaires

Le compte de concours financiers enregistre de la sorte une progression de ses recettes de 209,4 millions d'euros par rapport à la loi de finances initiale pour 2023 (+ 5,49 %). Cette augmentation s'ajoute à celle de 114,4 millions d'euros déjà constatée entre 2022 et 2023.

Dotations accordées aux sociétés de l'audiovisuel public en 2024

(en millions d'euros)

 

2022

2023

2024

Écart 2023/2024

Écart 2024/2023 (en %)

Écart 2022/2024

France Télévisions

2 406,80

2 430,51

2 568,11

137,59

5,66 %

161,30

ARTE France

278,65

284,00

293,00

5,14

1,69 %

29,96

Radio France

588,79

623,41

652,95

29,55

4,74 %

64,16

France Médias Monde

259,56

284,73

304,20

19,47

6,84 %

44,64

Institut national de l'audiovisuel

89,74

93,63

107,91

14,28

15,26 %

18,18

TV5 Monde

77,77

79,97

83,45

3,48

4,36 %

5,67

Total

3 701,32

3 815,71

4 025,23

209,51

5,49 %

323,91

Source : commission des finances du Sénat, d'après les documents budgétaires

S'agissant d'Arte, les retraitements des effets fiscaux expliquent les variations des montants inscrits en loi de finances. Ainsi, si, en LFI 2023, le montant inscrit pour Arte France était de 303 millions d'euros, il n'était que de 284 millions d'euros après retraitement. Si, à première vue, les moyens accordés à Arte sont en recul de 3,25 %, le montant donc l'entreprise devrait bénéficier est en réalité en hausse de 9 millions d'euros, soit une hausse de 3,2 %.

Les crédits du compte de concours financiers ont augmenté, au cours des deux dernières années, de 9 %, soit 324 millions d'euros. Cette hausse n'a pas été équitablement répartie entre les différentes sociétés. Ainsi, la moitié de la hausse des crédits accordée entre 2022 et 2024 a bénéficié à France Télévisions. Il est à noter que France Médias Monde a bénéficié d'un volume de crédits supplémentaires sans commune mesure avec la proportion que la société représente dans les dépenses de l'audiovisuel public.

Évolution des dotations accordées aux sociétés de l'audiovisuel public
entre 2022 et 2024 à périmètre constant

(en millions d'euros)

Source : commission des finances du Sénat, d'après les documents budgétaires

S'agissant plus particulièrement de France Médias monde, l'État considère qu'une partie des activités, valorisée à hauteur de 20 millions d'euros, correspond à des actions directes d'aide publique au développement (magazines de RFI, Réseau de distribution en Afrique) et sont labellisées comme telles par la direction générale du Trésor avant transmission à l'OCDE. Reste que ces actions sont aujourd'hui financées par la TVA et non par l'Agence française de développement, ce qui peut interroger.

La mission conjointe de contrôle du Sénat sur le financement de l'audiovisuel avait, en outre, souhaité qu'afin de renforcer la visibilité des moyens dévolus à l'audiovisuel extérieur, les crédits dédiés à l'agence Canal France International (CFI) actuellement versés sur le programme 209 « Solidarité à l'égard des pays en développement » rattaché à la mission « Aide publique au développement » soient fléchés vers le programme 844 « France Médias Monde ». Le présent projet de loi de finances prévoit une dotation de 10,6 millions d'euros, soit une majoration de 3 millions d'euros par rapport à la loi de finances pour 2022. CFI est, depuis le 27 juin 2017 une filiale de France Médias Monde. Créée en 1989, elle agit, dans le cadre de l'aide publique au développement, pour favoriser le développement des médias en Afrique, dans le monde arabe et en Asie du Sud Est. CFI soutient ainsi les efforts de modernisation des médias audiovisuels et numériques publics et privés des pays en sortie de crise et en développement, en valorisant l'expertise française. 85 % de son budget est couvert par le programme 209.

2. Près de la moitié de cette hausse concerne des moyens nouveaux

L'évolution des crédits dédiés en 2024 est motivée par trois éléments :

- en premier lieu, la neutralisation des effets fiscaux induits par le remplacement de la CAP par une fraction du produit de la TVA ;

- en deuxième lieu, la mise en place de recettes conditionnées à l'atteinte des objectifs fixés par la prochaine génération de contrats d'objectifs et de moyens (COM) conclus par les entreprises d'audiovisuel public21(*) ;

- enfin, la prise en compte des effets de la hausse des prix sur l'activité des entreprises.

Affectation de l'augmentation des crédits dédiés à l'audiovisuel public en 2024

(en millions d'euros)

Source : commission des finances d'après les documents budgétaires

La contribution à l'audiovisuel public était soumise à la taxe sur la valeur ajoutée (TVA) depuis 1969. Cette taxation permettait d'exonérer les opérateurs du paiement de la taxe sur les salaires. Le remplacement de la CAP par une fraction de TVA a donc eu pour conséquence d'entraîner l'assujettissement des sociétés de l'audiovisuel public concernées à la taxe sur les salaires. En conséquence, la fraction de TVA accordée inclut en retour une part supplémentaire destinée à compenser la hausse des prélèvements des entreprises, que le Gouvernement s'est engagé à compenser lors de la fixation de la trajectoire financière du secteur.

Au total, le coût de la neutralisation des effets fiscaux devrait atteindre 120 millions d'euros en 2024, en nette augmentation par rapport à 2023 où elle s'élevait à 78,6 millions d'euros. Ce montant représente 57 % de la progression des crédits constatée entre la loi de finances initiale pour 2023 et le présent projet de loi de finances et 3 % de la dotation totale accordée aux sociétés de l'audiovisuel public.

Décomposition de la compensation des effets fiscaux de la suppression de la CAP versée aux sociétés de l'audiovisuel public prévues dans le projet de loi de finances pour 2024

(en millions d'euros)

Source : commission des finances d'après les documents budgétaires

En déduisant les compensations mises en oeuvre afin de neutraliser les effets fiscaux liés à la suppression de la CAP, les moyens supplémentaires représentent tout de même 28 millions d'euros pour France Télévisions et 12,9 millions d'euros pour Radio France.

Il est à noter que les informations budgétaires pour 2024 s'agissant des financements comme des recrutements sont extrêmement parcellaires. Les documents budgétaires se contentent de renvoyer à la signature des contrats d'objectif et de moyens 2024-2028, qui auraient par ailleurs déjà dû être signés en 2023.

Les ressources propres des sociétés d'audiovisuel public sont dans l'ensemble orientées à la hausse, tirées par la croissance des recettes publicitaires, lesquelles sont cependant encadrées par les contrats d'objectifs et de moyens actuels.

Ressources propres des sociétés d'audiovisuel public

(en millions d'euros)

 

2022

(réalisé)

2023

(prévisionnel)

France Télévisions

417,5

414,8

Arte

1,9

2,3

Radio France

87,3

87,2

INA

130,9

140,3

France Médias Monde

14,3

15,7

TVA Monde

9,28

9,07

Source : commission des finances d'après les documents budgétaires


* 21 Cf. infra.

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