EXAMEN EN COMMISSION
Réunie le jeudi 9 novembre 2023, sous la présidence de M. Claude Raynal, président, la commission des finances a procédé à l'examen du rapport de M. Thierry Cozic et de Mme Frédérique Espagnac, rapporteurs spéciaux, sur la mission « Économie » et compte de concours financiers « Prêts et avances à des particuliers ou à des organismes privés ».
M. Thierry Cozic, rapporteur spécial de la mission « Économie » et du compte de concours financiers « Prêts et avances à des particuliers ou à des organismes privés » - Vous le savez, mes chers collègues, la mission « Économie » est très composite. Elle porte en effet des crédits de plusieurs administrations rattachées à Bercy, ainsi que ceux d'un nombre important d'opérateurs. En outre, elle héberge de nombreux instruments budgétaires, dont certains sont structurels et d'autres temporaires.
Le point commun de l'ensemble de ces administrations, opérateurs et instruments budgétaires réside dans leur vocation à être déployés en faveur de l'emploi, de la croissance, des exportations, de la concurrence ou encore de la protection des consommateurs.
L'année dernière, la mission avait été marquée par l'ajout par le Gouvernement, en cours de discussion du budget pour 2023, de 4 milliards d'euros de crédits. Cette hausse des crédits visait à financer le guichet temporaire d'aide aux entreprises pour le paiement de leurs factures de gaz et d'électricité. En 2024, aucun crédit n'est prévu à ce titre, dans un contexte, d'ailleurs, de relatif échec du dispositif mis en place. J'y reviendrai.
En apparence, les crédits demandés pour la mission sont donc en forte baisse. Ils se réduisent de 3,4 milliards d'euros en AE et de 3,6 milliards d'euros en crédits de paiement par rapport à 2023.
Pour comparer ce qui est comparable, il convient cependant de neutraliser la différence liée aux 4 milliards d'euros d'aides de guichet. On constate alors que le budget de la mission est en réalité en hausse par rapport à 2023 : il augmente d'environ 630 millions d'euros en autorisations d'engagement et de 375 millions d'euros en CP. Cette hausse concerne quasi intégralement le programme 134 intitulé « Développement des entreprises et régulations », qui porte d'ailleurs près des deux tiers des crédits de la mission.
Les autres programmes connaissent des évolutions plus modestes, à l'exception du programme 343 relatif au plan France Très Haut Débit. Hors mesures de périmètre, ses crédits sont en effet en baisse de près de 70 millions d'euros en AE et de 14 millions d'euros en CP.
Plutôt que d'entrer dans une analyse fastidieuse de l'évolution des nombreux outils portés par la mission, nous vous proposons de concentrer notre propos sur quelques faits saillants du budget pour 2024.
S'agissant d'abord des moyens des administrations et des opérateurs, une légère hausse globale est prévue. Si les crédits de fonctionnement sont relativement stables, les dépenses de personnel sont en hausse d'environ 4 %, soit 35 millions d'euros. Le plafond d'emplois de l'État augmente de 104 équivalents temps plein travaillés (ETPT), dont 51, toutefois, en raison de transferts. Pour les opérateurs, ce plafond augmente de 46 ETPT.
Concrètement, hors mesures de périmètre, la légère hausse des dépenses de personnel est concentrée sur la direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF) et la direction générale du Trésor (DG Trésor), côté administrations, et sur l'Agence nationale des fréquences (ANFR), côté opérateurs.
Concernant la DGCCRF, nous avions recommandé dans notre rapport de contrôle de septembre 2022 de mettre fin à la dynamique de suppression de postes qui avait été trop marquée depuis 2007, aboutissant à la disparition de plus de 900 ETPT. Nous avions proposé de recréer 49 postes, au bénéfice de tous les territoires.
Nous avons visiblement été entendus, puisque ce sont exactement 49 ETPT qui ont été recréés en deux ans, dont 15 en 2023 et 34 en 2024. Nous espérons que toutes nos recommandations connaissent le même sort ! Les effectifs recréés serviront notamment à préparer les jeux Olympiques et Paralympiques et à davantage contrôler le commerce en ligne, ainsi que la réalité des allégations écologiques des produits.
La DG Trésor connaît quant à elle une hausse de son plafond d'emplois de 19 ETPT, dont 10 résultent toutefois d'un transfert entrant de personnel, dans le contexte de la création en 2023 de la nouvelle sous-direction en charge de l'analyse et du conseil sur les politiques relatives à la transition écologique et énergétique. Enfin, la direction générale des entreprises (DGE) et l'Insee connaissent une relative stabilité de leurs personnels.
Du côté des opérateurs, l'ANFR concentre la hausse des moyens : en 2024, ses effectifs sont en hausse de 49 ETPT et sa dotation progresse de près de 10 millions d'euros. Cette augmentation est toutefois temporaire et répond à la très forte sollicitation de l'ANFR à l'occasion des jeux Olympiques pour attribuer l'ensemble des fréquences utilisées et contrôler leur utilisation pendant la compétition. Les autres opérateurs connaissent globalement une stabilité de leurs moyens.
J'en viens aux trois principales évolutions des instruments budgétaires en faveur des entreprises portées par la mission.
La première concerne le guichet temporaire d'aide aux entreprises très consommatrices d'électricité ou de gaz. Ce guichet a été mis en place en juillet 2022 dans un contexte de fortes tensions sur le prix de l'énergie à la suite de l'invasion de l'Ukraine par la Russie, et maintenu en 2023. L'aide prévue concerne les entreprises qui répondent à deux critères cumulatifs : d'une part, leurs dépenses d'électricité ou de gaz doivent représenter plus de 3 % de leur chiffre d'affaires ; d'autre part, elles doivent avoir subi une augmentation d'au moins 50 % du prix de l'énergie pendant la période de demande d'aide par rapport à 2021.
L'aide consiste à compenser partiellement la hausse des factures d'énergie. Elle est octroyée sous réserve d'un plafond de 4 millions d'euros, qui peut être majoré à 50 millions d'euros ou à 150 millions d'euros en fonction de différents critères.
Nous avons demandé à la DGE de nous fournir les chiffres concernant ce guichet. Sur cette base, nous avons fait les comptes et pouvons aujourd'hui le dire clairement : les résultats ne sont pas du tout à la hauteur des ambitions affichées.
En effet, en 2022 et 2023, un total de plus de 7 milliards d'euros de crédits a été ouvert pour le guichet. À ce jour, sur les 44 000 dossiers déposés, seuls 17 000 ont été validés pour un montant total d'aide de 832 millions d'euros, soit moins de 12 % des crédits ouverts. Prenant acte de cette très forte sous-exécution, le Gouvernement a d'ailleurs annulé 4 milliards d'euros en septembre dernier.
Une telle situation souligne deux écueils majeurs. D'une part, les critères du dispositif sont sans doute trop restrictifs et les modalités de demande trop lourdes, en particulier pour les petites entreprises ; d'autre part, le calibrage budgétaire du Gouvernement était sans doute exagérément ambitieux.
Concernant l'avenir, le guichet d'aide doit en principe prendre fin au 31 décembre 2023. Néanmoins, il nous a été indiqué lors des auditions qu'un travail était mené aux niveaux européen et français afin de concevoir un nouveau dispositif sans doute plus resserré. En l'état, un tel dispositif ne serait toutefois pas budgété.
La deuxième évolution des instruments budgétaires en faveur des entreprises en 2024 pour la mission concerne la compensation dite « carbone ». Elle est octroyée aux sites électro-intensifs exposés au risque de fuite de carbone, pour compenser les coûts liés au système européen des quotas d'émissions, à savoir les quotas carbone. Sont notamment concernés les secteurs de la sidérurgie, du papier ou encore de la chimie. Depuis plusieurs années, la hausse du prix du carbone conduit à une hausse mécanique du coût de la compensation. En 2024, elle atteint plus de 1 milliard d'euros, soit 218 millions d'euros de plus qu'en 2023.
Enfin, la troisième évolution concerne le financement par la mission « Économie » des activités de Bpifrance en faveur des entreprises. Nombre d'entre elles, financées par l'argent public, présentent un lien naturel avec la mission, en particulier via le programme 134. Or aucune ligne budgétaire concernant cet établissement n'y était rattachée depuis quelques années. Cette situation résulte en partie du fait que de nombreuses missions transversales de Bpifrance sont financées par des circuits budgétaires et financiers complexes manquant parfois de lisibilité.
Dans notre rapport de contrôle de juillet dernier, nous avions en particulier identifié cet enjeu pour les fonds de garantie gérés par Bpifrance. Si nous constations l'efficacité des garanties sur les prêts incitant les banques à davantage financer les TPE et PME, nous regrettions les modalités d'abondement par l'État des fonds de garantie.
En effet, le financement des fonds - qui représente un besoin annuel de plusieurs centaines de millions d'euros - s'opère depuis plusieurs années au moyen d'artifices financiers, souvent en dehors de toute budgétisation. Nous considérions au contraire que cette politique publique en faveur des entreprises devait être budgétisée au sein du programme 134, et soumise annuellement au vote du Parlement.
Il semble que nous ayons été entendus, mais seulement partiellement. En effet, en 2024, une ligne de financement de Bpifrance sera rétablie au sein du programme 134. Dotée de 100 millions d'euros, elle ne répond toutefois qu'à une partie limitée des besoins de financement de Bpifrance en lien avec la mission « Économie », dans la mesure où ceux-ci sont estimés à 484 millions d'euros en 2024.
La ligne budgétaire financera les actions d'accompagnement des entreprises de Bpifrance et sa contribution au plan Quartiers 2030. En revanche, des ressources non budgétaires seront mobilisées pour financer les fonds de garantie. C'est ainsi par le biais de l'utilisation de 350 millions d'euros de résidus d'anciennes dotations budgétaires que seront abondés ces fonds en 2024.
Cette situation n'est pas satisfaisante : à compter de 2025, le financement des fonds de garantie devra être budgété sur le programme 134.
Par ailleurs, nous vous proposons un amendement visant à compléter l'information du Parlement concernant les modalités effectives de financement des fonds de garantie. En effet, depuis 2022, un jaune budgétaire relatif à Bpifrance est publié chaque année et apporte un certain nombre d'informations utiles.
Néanmoins, s'agissant du financement des fonds de garantie, les informations sont encore trop éparses et trop peu détaillées. Nous vous proposons donc que le jaune budgétaire comprenne une synthèse consolidée de l'ensemble des flux financiers provenant de l'État et alimentant spécifiquement ces fonds. Cette proposition s'inscrit dans la droite ligne de nos recommandations de juillet dernier.
Mme Frédérique Espagnac, rapporteure spéciale de la mission « Économie » et du compte de concours financiers « Prêts et avances à des particuliers ou à des organismes privés ». - J'aborderai pour ma part quatre sujets, à savoir les compensations des missions de service public au groupe La Poste, l'état du déploiement de la fibre optique, la création du nouveau fonds territorial d'accessibilité et enfin le financement des chambres de commerce et d'industrie (CCI).
S'agissant tout d'abord des quatre compensations financées par la mission « Économie » et versées à La Poste au titre de ses différentes missions de service public, l'évolution de trois d'entre elles ne pose pas de difficulté majeure.
La dotation pour financer la mission de transport postal de la presse est ainsi maintenue à un niveau comparable à celui de 2023, s'établissant à 43 millions d'euros en 2024. Quant à la compensation au titre de sa mission d'accessibilité bancaire, la baisse prévue en 2024 est conforme à la trajectoire pluriannuelle établie : la dotation sera de 287 millions d'euros. Enfin, la mission de service universel postal est compensée en 2024 à hauteur de 500 millions d'euros, en baisse de 4 % par rapport à l'année dernière.
Des questions majeures se posent toutefois pour 2024 concernant la mission d'aménagement et de développement du territoire de La Poste. Cette mission essentielle consiste, comme vous le savez, à maintenir des points de contact dans l'ensemble du pays.
Elle fait l'objet d'un financement via le fonds postal national de péréquation territoriale. Celui-ci est alimenté par deux canaux : d'un côté, des allégements de fiscalité locale ; de l'autre, une dotation budgétaire - l'objectif étant d'apporter à La Poste une compensation globale de l'État de 174 millions d'euros.
Dans un contexte de baisse de rendement des allégements de fiscalité locale, liée notamment à la baisse de la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises (CVAE), la dotation avait été rehaussée l'année dernière, de 74 millions à 105 millions d'euros.
Mais l'enjeu aujourd'hui tient dans le fait que, pour 2024, la dotation est maintenue à ce même niveau, alors que le rendement prévu des abattements fiscaux en 2024 baissera de nouveau. La Poste estime ainsi que 15 millions d'euros manqueront en 2024 pour atteindre le niveau de compensation cible de 174 millions d'euros. Ce chiffrage nous semble cohérent.
Dans ces conditions, nous vous proposons un amendement rehaussant de 15 millions d'euros la dotation budgétaire pour cette mission. J'insiste sur le fait qu'il s'agit d'une mission de service public essentielle à nos territoires et que l'amendement n'a vocation qu'à maintenir le niveau global de compensation de cette mission par rapport à 2023.
Je souhaite également faire un point sur le plan France Très Haut Débit. Ce plan porte l'objectif d'un déploiement complet de la fibre optique à l'horizon 2025. Il est financé en particulier par le programme 343 de la mission « Économie », dont l'objet est de subventionner les réseaux d'initiative publique (RIP), dans des zones dans lesquelles le déploiement de la fibre n'est pas rentable pour les opérateurs. Ces RIP sont mis en oeuvre dans le cadre de projets portés et financés par les collectivités territoriales.
Il ressort de notre analyse que les crédits du programme 343 subventionnant les RIP ont des effets positifs sur le déploiement dans les zones concernées. En 2024, les AE du programme sont en baisse de près de 70 millions d'euros, hors mesures de périmètre. Selon le Gouvernement, cette baisse est liée au fait que les projets de RIP seraient aujourd'hui bouclés et en phase de décaissement.
Néanmoins, lorsqu'on regarde la situation d'un point de vue global, il y a en réalité de quoi s'inquiéter sur l'atteinte de l'objectif d'un déploiement de la fibre optique sur l'ensemble du territoire en 2025, dans les zones concernées par les RIP et ailleurs, comme vous pouvez le constater dans vos territoires.
À ce jour, seuls 81 % des locaux recensés en France sont éligibles à la fibre optique, c'est-à-dire raccordables. En outre, si ce taux progresse, la dynamique ralentit fortement : au deuxième trimestre 2023, 870 000 locaux ont été raccordés, contre plus de 1,2 million au deuxième trimestre 2022. Ce ralentissement touche toutes les zones, concernées ou non par des RIP.
En outre, le taux de déploiement est très hétérogène sur le territoire. Alors qu'il s'établit à 92 % dans les zones très denses, le taux chute par exemple à 62 % dans les zones dans lesquelles les opérateurs ont pourtant pris des engagements de déploiement auprès des collectivités territoriales, ce qui est très problématique.
Toujours sur le sujet de la fibre optique, nous tenons également à rappeler que pour que le déploiement de la fibre optique soit utile, il ne suffit pas que les locaux soient raccordables, encore faut-il qu'ils puissent matériellement être raccordés.
Or nous alertons depuis plusieurs années sur le sujet des raccordements finaux complexes d'un nombre significatif de locaux, qui peuvent faire échec à l'utilisation effective de la fibre. Dans ces cas, des travaux de génie civil sur le domaine public sont nécessaires pour permettre le raccordement. Comme nous l'avions demandé, une enveloppe de 150 millions d'euros d'autorisations d'engagement a été ouverte sur le programme à cette fin en 2022 et en 2023. Néanmoins, n'est prévu en 2024 le décaissement que de 3 millions d'euros : il faut aller bien plus vite.
De même, nous regrettons que les longs délais de conclusion de la nouvelle convention entre l'État et l'Agence nationale de la cohésion des territoires (ANCT), qui gère désormais les crédits du programme, aient conduit à geler pendant plusieurs mois les décaissements réalisés au profit des collectivités engagés dans des projets de RIP. Cette situation, qui a fortement affecté les collectivités, aurait dû être mieux anticipée par l'État.
J'en arrive au sujet du nouveau fonds territorial d'accessibilité, dont la création avait été annoncée à l'issue de la Conférence nationale du handicap en avril dernier. Il doit porter, selon le Gouvernement, une enveloppe de 300 millions d'euros sur une période s'étendant de novembre 2023 au 31 décembre 2028.
Sur le plan budgétaire, le fonds est porté par le programme 134. En 2024, 50 millions d'euros sont ainsi ouverts en AE et 20 millions d'euros en CP.
L'objet du fonds est de participer au financement des travaux de mise en accessibilité des établissements recevant du public (ERP) de cinquième catégorie, des TPE et PME. Sont principalement ciblés les magasins de vente, les restaurants et débits de boissons, les hôtels et pensions de famille et les établissements bancaires.
Le taux de l'aide, plafonnée à 20 000 euros, sera de 50 % sur les dépenses d'équipement, par exemple l'installation de rampes amovibles, de vitrophanie ou d'éclairage adapté, et/ou sur les dépenses de travaux, comme l'élargissement des couloirs, la suppression de marches ou l'adaptation des sanitaires.
Nous souscrivons à la création de ce fonds. D'une part, il répond à des enjeux d'insertion des personnes en situation de handicap et, d'autre part, il soutient les établissements de proximité.
Néanmoins, je ne peux que constater que ce fonds ne répond qu'à un besoin spécifique, sans apporter un soutien global significatif, comme le permettait par le passé le fonds d'intervention pour les services, l'artisanat et le commerce (Fisac).
Dans un contexte où les prix de l'énergie et les difficultés économiques ont fortement touché ces établissements, il est indispensable de disposer de crédits d'intervention afin de maintenir ces activités. Je vous propose donc, par un amendement, le rétablissement du Fisac.
Je souhaite enfin aborder le sujet du financement des CCI, dont la tutelle est exercée par la Direction générale des entreprises. Le Gouvernement proposait dans le texte initial du projet de loi de finances pour 2024 de réduire les taxes affectées au financement du réseau des CCI de 25 millions d'euros. Dans le texte résultant de l'utilisation de l'article 49, alinéa 3, de la Constitution, la baisse de recettes s'est transformée en une ponction sur le fonds de roulement de CCI France, à hauteur non plus de 25 millions d'euros, mais de 40 millions d'euros.
Or je tiens à rappeler que le réseau a déjà fait l'objet de coupes très significatives sur ses recettes fiscales depuis plusieurs années, alors même que les CCI jouent dans les territoires un rôle très important de soutien à nos entreprises, notamment aux plus petites. Selon moi, ces mesures d'économie sont trop sévères.
En conclusion, nous considérons que le budget de la mission pour 2024 présente de bons comme de nettement moins bons points. Nous serons néanmoins favorables à l'adoption des crédits de la mission « Économie », sous réserve de l'adoption des deux amendements de crédits que nous vous proposons.
Comme indiqué précédemment, nous vous proposons aussi un amendement portant article additionnel afin d'approfondir l'information disponible dans le jaune budgétaire relatif à Bpifrance, conformément aux recommandations issues de notre rapport de contrôle sur les fonds de garantie.
M. Jean-François Husson, rapporteur général. - Je constate que le guichet de l'aide aux entreprises n'a manifestement pas trouvé son public - le Gouvernement a déjà annulé 4 milliards d'euros sur cette ligne budgétaire en septembre dernier. Sur le terrain, les entreprises éprouvent de sérieuses difficultés à identifier l'interlocuteur adéquat, tandis que le traitement des demandes se révèle très long. J'ai en tête un cas bien précis dans mon département. Quelles inflexions pressentez-vous du côté du Gouvernement à ce sujet, à la suite des auditions auxquelles vous avez procédé ?
Les missions de service public de La Poste sont importantes pour assurer le service universel et pour l'aménagement du territoire. Je ne suis toutefois pas favorable à l'amendement proposé visant à augmenter la dotation de La Poste afin d'atteindre le montant de 174 millions d'euros. Le groupe La Poste a en effet dégagé des résultats intéressants. Je préconise que le groupe fasse avant toute chose preuve de davantage de sélectivité dans ses choix d'orientations budgétaires afin de faire face à cette baisse de dotation, estimée à 15 millions d'euros, qui ne me paraît pas insurmontable.
Concernant le Fisac, il me semble toujours malaisé de ressusciter un dispositif disparu. Les contrats de ruralité devaient, pour une partie des enveloppes, participer à la dynamique commerciale, sans oublier le dispositif Petites Villes de demain, l'accompagnement apporté par les collectivités - le plus souvent par les régions, mais aussi, parfois, par les départements - et le fonds territorial d'accessibilité. J'estime qu'il serait judicieux de commencer par dresser un état des lieux de la situation et ne suis donc pas favorable au deuxième amendement.
Je suis en revanche favorable au troisième amendement, qui nous permettra d'améliorer notre niveau d'information s'agissant de l'abondement des fonds de garantie gérés par Bpifrance.
Mme Florence Blatrix Contat. - J'ai bien noté que les rapporteurs ont été entendus au sujet de l'allocation d'ETPT supplémentaires pour la DGCCRF.
Je souhaite me faire la porte-parole de l'Insee, confronté depuis plusieurs années à une érosion de ses effectifs alors qu'il assume des missions essentielles, notamment en matière d'évaluation. Cet organisme devrait lui aussi pouvoir bénéficier d'une hausse de son plafond d'emplois.
Enfin, en tant que présidente du groupe d'études « Économie sociale et solidaire » (ESS), je regrette que ce secteur soit le parent pauvre de ce budget, alors qu'il représente 10 % du PIB et 14 % des emplois. Les soutiens qui lui sont consacrés s'élèvent à 20 millions d'euros, quand ils représentent pour les entreprises classiques 120 milliards d'euros. L'année dernière, deux amendements que j'avais proposés avaient été adoptés, dont l'un portant sur une demande de rapport - il n'a toujours pas été publié alors qu'il devait l'être avant le 30 juin dernier. Ne négligeons pas le financement de cette économie déterminante pour l'avenir, car elle concerne le médico-social, dont on a tant besoin dans nos territoires, mais aussi l'économie circulaire. Aussi, je proposerai, par amendement, de renforcer les fonds dédiés aux chambres régionales de l'économie sociale et solidaire (Cress) et aux acteurs de ce secteur.
M. Michel Canévet. - Je salue le travail des rapporteurs spéciaux, notamment pour avoir obtenu du Gouvernement les 49 postes demandés pour la DGCCRF - c'est remarquable !
M. Claude Raynal, président. - Oui, au poste près !
M. Michel Canévet. - Envisagez-vous une évolution de l'indemnité allouée par La Poste aux collectivités qui ouvrent des agences postales ? Il semble qu'elle ne soit pas suffisante pour couvrir les moyens mis en oeuvre par les collectivités.
Comme le rapporteur général, je suis perplexe sur l'idée de réinstaurer le Fisac. Les régions ont une responsabilité économique et peuvent intervenir en la matière, sans compter que la dotation d'équipement des territoires ruraux (DETR) permet aussi aux collectivités d'accompagner un certain nombre de projets.
M. Thierry Cozic, rapporteur spécial. - Monsieur le rapporteur général, le guichet unique des aides aux entreprises était bel et bien de l'affichage gouvernemental. On a inscrit des crédits dont on savait pertinemment qu'ils ne seraient pas utilisés - 4 milliards d'euros ont d'ailleurs déjà été annulés. On nous a fait état de nombreuses difficultés. Concernant l'avenir, une réflexion a été engagée aux niveaux européen et français pour prolonger le dispositif d'aide, probablement dans un format plus ciblé sur les entreprises les plus affectées.
Mme Frédérique Espagnac, rapporteure spéciale. - Premièrement, les difficultés rencontrées dans nos territoires montrent bien que les besoins sont bien réels. Deuxièmement, la manière de gérer les demandes de la part de l'administration peut décourager les entreprises. Au lieu de les accompagner lorsqu'un dossier est incomplet, elle peut leur demander d'en recréer un nouveau, ce qui explique le grand nombre d'abandons en cours de route. Troisièmement, j'alerte sur la situation découlant de la durée - trois ans - de certains contrats d'approvisionnement énergétique, conclus au plus haut des prix. Les entreprises qui n'ont pas réussi à monter leur dossier au début de la mise en place du dispositif risquent de se retrouver coincées pour les deux prochaines années.
Concernant la dotation accordée à La Poste, j'insiste sur le fait qu'il s'agit d'un engagement pris dans le cadre du contrat d'entreprise signé par l'État : notre amendement vise à relever la dotation dans le seul but d'atteindre le niveau de compensation fixé à 174 millions d'euros, comme cela était le cas l'année dernière.
Sur le sujet des agences postales financées par les collectivités territoriales évoqué par M. Canévet, c'est justement l'enjeu de cette compensation. On sait pertinemment qu'elle ne répond pas suffisamment aux besoins des collectivités locales. Parallèlement, on nous demande d'installer des distributeurs automatiques de billets (DAB) en milieu rural et La Poste ne veut pas les financer au prétexte que cela lui coûte trop cher.
Sur le Fisac, je rappelle qu'un amendement de rétablissement avait été voté l'an dernier en séance publique. Que ce soit avec les contrats de ruralité ou avec Petites Villes de demain, les commerces en tant que tels ne reçoivent quasiment pas d'aide ! Avec la DETR, les commerces peuvent apporter une aide en ce qui concerne les locaux. Mais le Fisac apportait une aide à la création ou à la reprise d'un commerce. J'ai découvert il y a peu qu'il existait un « fonds d'accompagnement à l'installation des commerces en milieu rural » géré par l'Agence nationale de la cohésion des territoires, doté de seulement 12 millions d'euros et ouvert uniquement pour deux ans, en 2023 et 2024 ; seuls dix à quinze projets par région peuvent en bénéficier, c'est-à-dire à peine un par département dans certaines régions. Aucun fonds ne permet aujourd'hui d'accompagner la reprise ou la création de commerces en milieu rural. C'est la raison pour laquelle il faut réinstaurer le Fisac.
M. Thierry Cozic, rapporteur spécial. - Madame Blatrix Contat, vous vous inquiétez de l'érosion des effectifs de l'Insee, mais aujourd'hui le volume d'emplois est globalement maintenu. Il est vrai qu'un certain nombre de nouvelles missions lui ont été confiées, mais nous n'avons pas eu d'alerte spécifique sur ce sujet. Nous continuerons à suivre la situation.
Concernant l'ESS, les crédits sont très modestes mais stables. Il n'y a pas de diminution, il y a même une très légère hausse. On sera attentif à ce sujet en séance.
Mme Frédérique Espagnac, rapporteure spéciale. - S'agissant du secteur de l'ESS, il serait intéressant de connaître toutes les aides existantes - on en découvre encore de nouvelles. Ainsi, nous pourrions dresser l'année prochaine un tableau complet de la situation.
M. Jean-François Husson, rapporteur général. - Je pense, comme Mme la rapporteure spéciale, qu'il revient à La Poste de répondre aux zones blanches en matière de DAB. C'est en effet une mission de service public. Maintenant que nous disposons d'une cartographie précise, nous allons travailler à conduire les acteurs bancaires et financiers à remédier à ces zones blanches. Nous les harcèlerons s'il le faut, ils nous ont longtemps menés en bateau. Nous ferons passer le message à la Fédération bancaire française.
M. Claude Raynal, président. - L'amendement FINC.1 vise à rétablir les crédits du Fisac, à hauteur de 30 millions d'euros.
L'amendement FINC.1 n'est pas adopté.
M. Claude Raynal, président. - L'amendement FINC.2 vise à maintenir la compensation globale de La Poste s'agissant de la mission d'aménagement du territoire, en demandant une dotation budgétaire de 120 millions d'euros en 2024.
L'amendement FINC.2 n'est pas adopté.
La commission a décidé de proposer au Sénat d'adopter, sans modification, les crédits de la mission « Économie ».
EXAMEN DE L'ARTICLE RATTACHÉ
M. Thierry Cozic, rapporteur spécial. - L'amendement FINC.3 tend, dans un souci de transparence, à enrichir l'information disponible sur les modalités d'abondement par l'État des fonds de garantie gérés par Bpifrance.
L'amendement FINC.3 est adopté.
La commission a décidé de proposer au Sénat l'adoption de son article additionnel après l'article 52.
Article 37 (État D)
La commission a décidé de proposer au Sénat l'adoption, sans modification, des crédits du compte de concours financiers « Prêts et avances à des particuliers ou à des organismes privés ».
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Réunie à nouveau le jeudi 23 novembre 2023, sous la présidence de M. Claude Raynal, président, la commission a adopté un amendement du rapporteur général réduisant les crédits du programme 134 « Développement des entreprises et régulations » de la mission « Économie » de 165 millions d'euros68(*) afin de tirer les conséquences pour 2024 de la sous-exécution prévue du dispositif de la compensation carbone69(*) en 2023. Elle a adopté les crédits de la mission ainsi modifiés. En outre, elle a confirmé l'adoption d'un article additionnel rattaché après l'article 52 sexies, ainsi que des crédits du compte de concours financiers « Prêts et avances à des particuliers ou à des organismes privés ». Elle a également confirmé l'adoption sans modification de l'article 70.
* 68 En autorisations d'engagement et en crédits de paiement.
* 69 Voir supra.