C. UN COÛT DE L'ENDETTEMENT AGGRAVÉ PAR LA HAUSSE DES TAUX D'INTÉRÊT

1. Les émissions de dette atteindront en 2024 un niveau jamais atteint de 285 milliards d'euros

La France a produit des déficits budgétaires chaque année depuis 197565(*). En conséquence, les émissions de dette doivent non seulement combler le déficit de l'année, mais aussi permettre de rembourser les dettes passées.

C'est la raison pour laquelle, malgré une diminution du déficit prévisionnel en 2024 par rapport à 2023, les émissions de dette nouvelle à moyen et long terme atteindront un niveau jamais vu auparavant de 285,0 milliards d'euros en 2024.

Ces émissions, complétées par des ressources de court terme de 8,2 milliards d'euros, seront nécessaire pour combler à la fois le déficit budgétaire de 144,5 milliards d'euros et l'amortissement, structurellement croissant, de la dette existante à hauteur de 160,2 milliards d'euros.

Évolution des émissions et des amortissements de dette

(en milliards d'euros)

Source : commission des finances, à partir des projets de loi de finances et de règlement

Les emprunts devront être renouvelés aussi longtemps que les déficits persisteront. C'est l'une des raisons pour lesquelles le Sénat a exigé par deux fois, lors de l'examen du projet de loi de programmation des finances publiques, que la trajectoire de réduction du déficit soit accélérée : par-delà le respect formel des critères européens, il s'agit de parvenir à limiter la hausse inexorable du poids de la dette à un moment où celui-ci se traduit par un coût croissant.

2. La charge de la dette sera dès 2026 le premier poste de dépenses de l'État et équivaudrait au budget conjoint des armées et de la sécurité

Comme il était déjà prévisible l'an passé, l'augmentation de la charge de la dette se confirme sur le moyen terme.

Prévue en loi de finances initiale à un niveau de 50,0 milliards d'euros66(*), elle serait plutôt de 54,7 milliards d'euros selon l'estimation présentée avec le projet de loi de finances pour 2024, contre 49,5 milliards d'euros en 2022. Ces montants s'entendent en charge budgétaire67(*) et non, comme vu précédemment, en comptabilité nationale.

En 2024, la charge de la dette diminuerait de 3,8 milliards d'euros, restant une quinzaine de milliards d'euros supérieure au niveau d'avant-crise.

Évolution de la charge de la dette du budget général

(en milliards d'euros)

Source : commission des finances, à partir des documents budgétaires à partir du projet annuel de performance du programme 117

Cette diminution temporaire ne doit pas faire illusion : l'accroissement de la charge de la dette est un phénomène durable.

En effet, l'augmentation très importante de la charge budgétaire de la dette en 2022, comme son reflux partiel en 2024 sont le résultat conjoncturel de l'augmentation et du repli de l'inflation. Celle-ci exerce un effet immédiat sur le stock, relativement limité, de dette indexée.

En revanche, l'effet de la hausse des taux agit, lui, sur le renouvellement du stock de dette : il est donc à la fois plus lent (la durée moyenne de la dette à moyen et long terme est supérieure à neuf ans68(*)), plus durable et plus massif (car il concerne l'ensemble du stock de dette). À cet effet taux s'ajoute l'impact de l'augmentation du stock de dette, résultat de l'accumulation passée des déficits.

L'article 12 du projet de loi de programmation des finances publiques prévoit ainsi que les crédits de l'ensemble de la mission « Engagements financiers de l'État » augmenteraient d'une dizaine de milliards d'euros entre 2024 et 2026 pour atteindre 71 milliards d'euros.

Cette mission est donc d'ores et déjà, en 2023, sur le périmètre retenu par cet article69(*), la première mission du budget général avec des crédits de 61,2 milliards d'euros, devant la mission « Enseignement scolaire » (60,3 milliards d'euros).

En 2026, ses crédits dépasseraient de 8,6 % ceux de cette dernière mission, pourtant considérée comme prioritaire par le Gouvernement, et équivaudraient aux crédits conjoints des missions « Défense » (53,7 milliards d'euros) et « Sécurités » (17,5 milliard d'euros).


* 65 La loi n° 77-1397 du 21 décembre 1977 portant règlement définitif du budget de 1975 a constaté un excédent net de charges de 37,8 milliards de francs (soit 30,4 milliards d'euros de 2023), pour 284,2 milliards de francs de ressources sur le budget général. L'année 1974 a été la dernière année d'excédent budgétaire de l'État, pour un montant de 18,9 milliards de francs.

* 66 Montant des crédits ouverts sur le programme 117 « Charge de la dette et trésorerie de l'État (crédits évaluatifs) » de la mission « Engagements financiers de l'État ».

* 67 Action 01 « Dette » du programme 117 « Charge de la dette et trésorerie de l'État (crédits évaluatifs) » de la mission « Engagements financiers de l'État ».

* 68 En outre, il reste encore des dettes anciennes émises à un taux plus élevé que les taux actuels.

* 69 C'est-à-dire hors contributions au compte d'affectation spéciale « Pensions » et hors remboursements et dégrèvements.

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