B. RENFORCER LA RESPONSABILITÉ DES ACTEURS

1. Fixer les conditions démocratiques de la mise en oeuvre effective du projet de doublement des franchises médicales par le Gouvernement

Le doublement de la franchise médicale et de la participation forfaitaire, évoqué par le Gouvernement, ne figure pas dans le texte transmis. En effet, la fixation du montant de la franchise médicale et de la participation forfaitaire semble plutôt relever du domaine réglementaire.

Cette mesure est toutefois, de fait, incluse implicitement dans le chiffrage des 3,5 milliards d'euros de mesures d'économies prévues sur l'Ondam 2024 (cf. encadré). Il est regrettable que le Gouvernement n'ait pas fait le choix de la sincérité et de la bonne information du Parlement, qui aurait supposé d'assumer explicitement la décision d'augmenter les franchises dans l'annexe 5 au PLFSS.

Compte tenu des enjeux financiers de la mesure et de ses effets concrets pour le reste à charge des assurés, il apparaît inenvisageable que la représentation nationale ne soit à aucun moment associée ou consultée sur cette décision.

Par conséquent, une consultation systématique des commissions des affaires sociales de l'Assemblée nationale et du Sénat apparaît nécessaire sur tout projet de texte réglementaire modifiant les montants de la participation forfaitaire ou de la franchise annuelle. La commission a adopté un amendement en ce sens.

Il est certain que des mesures doivent être mises en oeuvre pour renforcer la responsabilité de l'ensemble des acteurs du système de santé, y compris des usagers. Le doublement de la franchise annuelle ou de la participation forfaitaire semble donc, sur le principe, tout à fait envisageable, mais pas selon n'importe quelles modalités. Un débat parlementaire doit avoir lieu en ce sens, lorsque la rédaction retenue par le Gouvernement pour ses projets de texte réglementaire sera stabilisée.

Une mesure de facto déjà prévue pour assurer le respect de l'Ondam 2024 :
le doublement des franchises médicales

Le doublement des franchises médicales, jugé « probable » par le ministre de la santé et de la prévention, Aurélien Rousseau, le 8 septembre 2023, ne figure pas dans le PLFSS. De fait, il relève du domaine réglementaire. Le ministre a toutefois déclaré le 28 septembre sur France Info que « le sujet « franchise médicale » est toujours à l'expertise, sur la table », et n'est « pas abandonné ».

Le rendement d'un doublement des franchises et des participations forfaitaires serait de 0,8 milliard d'euros47(*).

Cette mesure ne figure pas explicitement dans la décomposition des 3,5 milliards d'euros d'économies sur l'Ondam figurant dans le PLFSS et ses annexes. Toutefois l'annexe 5 au PLFSS indique que « des mesures de transfert de dépenses et de responsabilisation des assurés seront également menées, avec un rendement attendu de 1,3 milliard d'euros qui comprennent notamment l'effet année pleine de la modification du ticket modérateur sur les soins dentaires déjà annoncée ». Dans son avis du 13 octobre 2023, le comité d'alerte sur l'Ondam (retenant quant à lui un montant légèrement inférieur des mesures de transfert et de responsabilisation) mentionne « - 1,2 milliard d'euros de mesures de transfert et de responsabilisation, dont 0,8 milliard d'euros restent à définir au-delà de l'effet (- 0,4 milliard d'euros) de la modification du ticket modérateur sur les soins dentaires mis en oeuvre au dernier trimestre 2023 ». Ce montant de 0,8 milliard d'euros correspond précisément au rendement attendu d'un doublement des franchises et des participations forfaitaires.

2. Maîtriser le phénomène des rendez-vous non honorés et responsabiliser les patients

L'Académie nationale de médecine et le Conseil national de l'ordre des médecins ont récemment estimé que 6 à 10 % des rendez-vous ne sont pas honorés, chaque semaine, par les patients. La Cnam estime que le taux d'annulation des rendez-vous s'établit à un niveau, plus faible mais demeurant significatif, compris entre 3 et 4 %.

Ce phénomène conduit à une perte de temps de consultation dans un contexte démographique pourtant difficile et, pour les professionnels, à une perte de rémunération.

Afin de lutter contre cette dérive et de responsabiliser les patients, la commission a adopté un amendement reprenant une proposition qu'elle avait déjà formulée au début de l'année 2023, lors de l'examen de la proposition de loi portant amélioration de l'accès aux soins par la confiance aux professionnels de santé. Celui-ci vise à mettre à la charge des patients qui n'honorent pas, en ville, un rendez-vous auprès d'un professionnel de santé une somme forfaitaire fixée par décret.

Pour chaque profession concernée, les partenaires conventionnels pourront ensuite décider qu'une partie de cette somme est reversée par l'assurance maladie en indemnisation au professionnel de santé.

3. Être plus ambitieux en matière de lutte contre la fraude sociale

La fraude sociale est actuellement estimée à environ 14-16 milliards d'euros, se répartissant entre :

- 8 milliards d'euros pour les cotisations48(*), ayant suscité des redressements de seulement 0,8 milliard d'euros en 202249(*) ;

- 6-8 milliards d'euros pour les prestations (dont environ 3 milliards d'euros pour la branche famille et 4 milliards d'euros pour la branche maladie)50(*), ayant suscité des mises en recouvrement d'indus de seulement 0,5 milliard d'euros en 2021 (dont 0,3 milliard d'euros pour la branche famille et 0,2 milliard d'euros pour la branche maladie)51(*).

Les travaux de chiffrage de la fraude devront être poursuivis et affinés, en particulier dans le cas de l'assurance maladie. Il résulte toutefois des données disponibles, que pour les cotisations comme pour les prestations, seulement 10 % environ du montant de la fraude serait recouvré.

Les objectifs du Gouvernement en matière de lutte contre la fraude sociale restent vagues (cf. encadré). Ils semblent correspondre à une majoration du résultat de la lutte contre la fraude d'environ 2 milliards d'euros en 2027 par rapport à la situation actuelle (à l'objectif clairement affiché d'augmentation de 0,7 milliard d'euros pour les cotisations s'ajoute un montant pour les prestations qui pourrait être supérieur à 1 milliard d'euros).

Les objectifs du Gouvernement en matière de lutte contre la fraude sociale

Dans le cas de la fraude aux cotisations, le Gouvernement communique à la fois sur le montant des redressements 2022 (0,8 milliard d'euros) et l'objectif à atteindre en 2027 (1,5 milliard d'euros)52(*), ce qui correspond à une majoration des recettes de 2027 de 0,7 milliard d'euros.

Dans le cas de la fraude aux prestations, en revanche, les objectifs sont plus vagues :

- dans le cas de la branche maladie, le Gouvernement indique que l'objectif est de porter les préjudices détectés et évités à 0,5 milliard d'euros en 2024 (soit un doublement par rapport au précédent quinquennat)53(*), mais aucun objectif n'est fixé au-delà de 2024 ;

- dans le cas de la branche famille (et de la branche vieillesse, correspondant à un enjeu comparativement marginal), le Gouvernement n'indique aucun objectif pour 2027, se contentant d'indiquer un objectif de 3 milliards d'euros en cumulé sur le quinquennat54(*).

Ces éléments suggèrent que le Gouvernement prévoit de faire passer les sommes recouvrés d'environ 1,3 milliard d'euros en 2021-2022 (soit moins de 10 % du montant de la fraude) à environ 3,3 milliards d'euros en 2027 (soit moins de 25 % du montant de la fraude), ce qui correspondrait à un impact sur le solde 2027 d'environ 2 milliards d'euros.

Les objectifs du Gouvernement en matière de lutte contre la fraude sociale

(en milliards d'euros)

 

Montant estimé de la fraude

Montants recouvrés

Sommes actuellement recouvrées

Objectifs du Gouvernement

Augmentation en 2027 par rapport à la situation actuelle (écart entre les deux colonnes précédentes)

Cotisations

8

0,8 (2022)

1,5 en 2027

0,7

Prestations

6 à 8

     

Dont :

       

Famille

3

0,3 (2021)

3 en cumulé
sur le quinquennat (soit en moyenne
0,6 par an)
0,8 en 2027 ?

0,5 ?

Maladie

4

0,2 (2021)

0,5 en 2024
1 en 2027 ?

0,8 ?

Total

14 à 16

1,3

3,3 ?

2 ?

Source : Commission des affaires sociales du Sénat, d'après les sources indiquées dans le texte

La commission des affaires sociales considère qu'il faut être plus ambitieux en matière de lutte contre la fraude sociale, et se fixer pour 2027 un objectif de recouvrement d'un tiers du montant de la fraude, soit 5 milliards d'euros. Cela permettrait d'améliorer le solde 2027 de plus de 1,5 milliard d'euros par rapport à l'objectif implicite du Gouvernement tel qu'évalué par le tableau supra.

En cohérence avec ses positions passées, la commission est favorable à la mise en oeuvre de la carte Vitale biométrique.

La lutte contre la fraude ne doit pas être un prétexte pour instaurer une bureaucratisation excessive. Il s'agit au contraire, sans sacrifier l'efficacité, de faire preuve de tact pour éviter que les usagers se sentent en position d'accusé.


* 47 Source : DSS.

* 48 Selon le Haut conseil du financement de la protection sociale (HCFiPS).

* 49 Source : Communiqué de presse du ministre délégué chargé des Comptes publics, 30 mai 2023.

* 50 Selon la Cour des comptes (Rapport sur l'application des lois de financement de la sécurité sociale, mai 2023).

* 51 « En 2021, les contrôles effectués par les caisses du régime général de sécurité sociale leur ont permis de mettre en recouvrement 488 millions d'euros d'indus liés à des préjudices subis au titre de fraudes ou de fautes (dont 309 millions d'euros pour les CAF, 153 millions d'euros pour les CPAM et 26 millions d'euros pour les caisses de retraite) » (Cour des comptes, Rapport sur l'application des lois de financement de la sécurité sociale, mai 2023).

* 52 « En matière de redressement de cotisations et contributions sociales, l'objectif est fixé à 5 milliards d'euros sur le quinquennat, soit un doublement des résultats entre 2022 et 2027 (1,5 milliard d'euros en 2027, contre 0,8 milliard d'euros en 2022) » (Communiqué de presse du ministre délégué chargé des Comptes publics, 30 mai 2023). Ces montants sont repris dans le dossier de presse du présent PLFSS.

* 53 « En matière de prestations de santé, l'objectif de 500 millions d'euros de préjudice financier détecté et évité devrait être atteint dès 2024, soit un doublement par rapport à la moyenne du précédent quinquennat » (Communiqué de presse du ministre délégué chargé des Comptes publics, 30 mai 2023). Ces montants sont repris dans le dossier de presse du présent PLFSS.

* 54 « En matière d'allocations sociales, l'objectif est fixé à 3 milliards d'euros de préjudice détecté et évité par les CAF et les caisses de retraite sur le quinquennat » (Communiqué de presse du ministre délégué chargé des Comptes publics, 30 mai 2023). Ces montants sont repris dans le dossier de presse du présent PLFSS, qui omet toutefois de préciser qu'il s'agit d'un montant cumulé sur le quinquennat (et non d'un montant annuel).

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