N° 67

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 2023-2024

Enregistré à la Présidence du Sénat le 25 octobre 2023

RAPPORT

FAIT

au nom de la commission de la culture, de l'éducation et de la communication (1) sur la proposition de loi visant à interdire l'usage de l'écriture inclusive,

Par M. Cédric VIAL,

Sénateur

(1) Cette commission est composée de : M. Laurent Lafon, président ; MM. Jérémy Bacchi, Max Brisson, Yan Chantrel, Mme Laure Darcos, MM. Bernard Fialaire, Jacques Grosperrin, Martin Lévrier, Mmes Monique de Marco, Marie-Pierre Monier, M. Michel Savin, vice-présidents ; Mmes Colombe Brossel, Else Joseph, M. Pierre-Antoine Levi, Mme Anne Ventalon, secrétaires ; Mmes Catherine Belrhiti, Annick Billon, Alexandra Borchio Fontimp, MM. Yves Bouloux, Christian Bruyen, Mmes Samantha Cazebonne, Karine Daniel, Sabine Drexler, M. Aymeric Durox, Mmes Agnès Evren, Laurence Garnier, Annick Girardin, Béatrice Gosselin, MM. Jean Hingray, Patrick Kanner, Claude Kern, Mikaele Kulimoetoke, Mme Sonia de La Provôté, MM. Gérard Lahellec, Ahmed Laouedj, Michel Laugier, Jean-Jacques Lozach, Mmes Pauline Martin, Catherine Morin-Desailly, Mathilde Ollivier, MM. Pierre Ouzoulias, Jean-Gérard Paumier, Stéphane Piednoir, Bruno Retailleau, Mme Sylvie Robert, MM. David Ros, Pierre-Jean Verzelen, Cédric Vial, Adel Ziane.

Voir les numéros :

Sénat :

404 (2021-2022) et 68 (2023-2024)

AVANT-PROPOS

Alors que sera prochainement inaugurée la Cité internationale de la langue française au château de Villers-Cotterêts, notre langue est confrontée à de multiples défis : baisse du niveau des élèves en lecture et en orthographe ; usage croissant de l'anglais et du « franglais » dans les médias, mais aussi dans toute la société française ; recul de l'apprentissage du français dans le monde et de son usage dans les instances internationales, dans les échanges économiques, dans la recherche et l'enseignement.

La langue française est donc en situation de fragilité.

C'est dans ce contexte que se développe l'écriture dite « inclusive », qui porte l'ambition de transformer la société en faisant évoluer le langage. La féminisation des titres, grades et fonctions s'est développée depuis quarante ans : elle est aujourd'hui parfaitement admise, y compris par l'Académie française. Elle accompagne, de façon légitime, la visibilité croissante des femmes dans la société et l'évolution de leur place dans le monde du travail.

En revanche, l'usage de signes typographiques entre plusieurs terminaisons d'un mot, de même que l'invention de mots nouveaux, posent de nombreuses questions. Ils déstructurent notre langue, portent atteinte à sa lisibilité et, plus fondamentalement, à l'universalité de sa portée.

C'est pourquoi, au nom de la sauvegarde de la langue française, et pour préserver la clarté et l'intelligibilité de la norme, une intervention du législateur est nécessaire.

« Et afin qu'il n'y ait cause de douter sur l'intelligence desdits arrêts, nous voulons et ordonnons qu'ils soient faits et écrits si clairement,
qu'il n'y ait ni puisse avoir aucune ambiguïté ou incertitude
ni lieu à demander interprétation ».

Ordonnance de Villers-Cotterêts, 1539, article 110 (en vigueur)

I. ÉCRITURE « INCLUSIVE » OU NOVLANGUE EXCLUANTE ?

A. DES PRATIQUES QUI SE DÉVELOPPENT RAPIDEMENT

1. Qu'est-ce que l'écriture dite « inclusive » ?

La proposition de loi reprend la définition de l'écriture dite inclusive donnée par la circulaire du Premier ministre en date du 21 novembre 2017 relative aux règles de féminisation et de rédaction des textes publiés au Journal officiel de la République française. D'après ce texte, « l'écriture dite inclusive » couvre « les pratiques rédactionnelles et typographiques visant à substituer à l'emploi du masculin, lorsqu'il est utilisé dans un sens générique, une graphie faisant ressortir l'existence d'une forme féminine ».

Les pratiques de l'écriture dite inclusive sont diverses et non stabilisées. Dans une première acception, qui se pratique depuis des décennies, la féminisation du langage vise à y rendre la présence des femmes plus visible. La pratique systématique de la double flexion et l'usage du point médian sont apparus plus récemment.

Aujourd'hui, certains contestent le fait de devoir choisir entre deux genres linguistiques, le masculin et le féminin, portant ainsi sur le terrain du langage un combat d'ordre sociétal.

Dans son guide pratique « Pour une communication publique sans stéréotypes de sexe », le Haut Conseil à l'égalité entre les femmes et les hommes formule les recommandations suivantes :

Ø accorder les métiers, titres, grades et fonctions avec le genre de la personne concernée ;

Ø en présence d'un public mixte, décliner les noms et les adjectifs au féminin et au masculin, au moyen de la double flexion (« les citoyennes et les citoyens », en suivant l'ordre alphabétique) ou du point médian (« les citoyen.nes », désormais recommandé en lieu et place de : « les citoyen.ne.s ») ;

Ø recourir à des termes dits épicènes, c'est-à-dire à des mots dont la forme ne varie pas entre le masculin et le féminin (« les membres du corps professoral » plutôt que « les professeurs »).

Sans aller jusqu'à préconiser une révision des fondamentaux de la grammaire française, le Haut Conseil à l'égalité entre les femmes et les hommes (HCE) mentionne dans son « guide pratique » l'existence oubliée de l'« accord de proximité », qui s'opère non pas selon la règle (grammaticale !) du « masculin qui l'emporte sur le féminin », mais avec le terme le plus proche (« Les droits et libertés fondamentales »). La tentation existe donc de modifier non seulement le lexique, mais aussi les règles de la grammaire française.

Faut-il aller « au-delà du genre ? », s'interroge aussi le HCE dans son « guide pratique » : « Ces expérimentations ne doivent pas faire peur. Elles sont légitimes ». Il est fait référence, ici, au développement d'une écriture dite inclusive non binaire, inspirée notamment d'usages répandus aux États-Unis et au Canada, où le pronom « they » est de plus en plus utilisé, en lieu et place des pronoms genrés (« he », « she ») pour désigner les personnes dont on ne connaît pas l'identité de genre ou qui se désignent comme non binaires. En français, cet usage s'est traduit par l'apparition de néologismes tels que « iel(s) » (admis par le dictionnaire Le Robert), « al(s) » ou « ul(s) ». Cette pratique n'est pas stabilisée. Elle fait l'objet de recherches et de propositions diverses, qui vont jusqu'à une refonte complète de la grammaire et du vocabulaire1(*).

2. Un phénomène loin d'être marginal

L'usage de la double flexion et du point médian est désormais largement répandu, y compris (et peut-être surtout) dans la sphère publique. De nombreuses collectivités territoriales les ont adoptés dans leur communication (Paris, Lyon, Grenoble, Périgueux par exemple).

L'écriture dite inclusive est évidemment mise en oeuvre par le Haut Conseil à l'égalité entre les femmes et les hommes, comme on le voit ci-avant, sur son site internet. Cet organisme, placé auprès du Premier ministre, préconise son extension à l'ensemble de la communication publique.

À l'université, toutes les composantes de l'écriture dite inclusive progressent, y compris ses formes les plus extrêmes et ce, non seulement dans les correspondances internes à ces institutions, mais aussi dans l'enseignement, comme l'illustre le sujet d'examen en écriture non binaire donné en 2022 à l'université Lyon 2.

Sujet d'examen de droit donné en 2022 à l'université Lyon 2

B. UNE DÉMARCHE QUI SOULÈVE DE NOMBREUSES DIFFICULTÉS

1. Une écriture non neutre

L'écriture dite « inclusive » ne répond, fondamentalement, à aucune demande de la population : il ressort des auditions que, sur le site internet du « projet Voltaire », par exemple, outil d'entraînement en orthographe et en expression à l'intention des particuliers et des professionnels, les demandes concernant l'écriture dite inclusive sont très peu nombreuses, quasiment inexistantes. Cette écriture n'est en effet pas le fruit d'une évolution spontanée, mais bien le résultat d'une démarche militante.

Avec l'écriture dite inclusive, la langue perd sa neutralité intrinsèque pour devenir un marqueur politique et idéologique. Les auditions ont montré que les utilisateurs de l'écriture dite inclusive en font un « combat », une « guerre des mots ».

À l'image de ce qui se passe avec le « franglais », l'utilisation de l'écriture dite inclusive, sous toutes ses formes, vous classe parmi les « progressistes », les « jeunes », les « modernistes ». Le refus d'utiliser ce langage vous range a contrario dans les catégories opposées. Son usage au sein de l'État et des services publics pose question au regard du principe de neutralité.

Pour éviter un sentiment d'opprobre, nombreux sont ceux qui se rallient, de plus ou moins bon gré, aux diverses pratiques de l'écriture dite inclusive, moins par conviction que par peur de se voir reprocher de ne pas l'utiliser. Ce langage est particulièrement répandu dans le monde universitaire, sous la pression notamment de certains syndicats étudiants. Le ralliement progressif à l'écriture dite inclusive est d'autant plus inévitable que de nombreuses collectivités, associations et entreprises organisent désormais des formations pour inciter (et parfois contraindre) leurs collaborateurs à utiliser ce langage, dont le maniement, autant que la lecture, ne sont pas toujours simples.

2. Une contrainte importante sur une langue déjà menacée

C'est la première difficulté du langage dit « inclusif » : il est loin d'être évident. Ses usages sont très hétérogènes. Il a ainsi été remarqué, à propos des textes publiés par la Ville de Paris, que ceux-ci « font un usage assez erratique des règles de l'écriture inclusive. À leur décharge il faut reconnaître que, lorsqu'on entre dans le détail, ces règles peuvent s'avérer très complexes »2(*).

L'apprentissage de l'écriture dite inclusive nécessite une formation préalable, puis un auto-contrôle permanent tant à l'écrit qu'à l'oral. Le langage dit inclusif implique des répétitions (le « bégaiement inclusif » dénoncé par Alain Finkielkraut), et des procédés d'évitement (la recherche de termes épicènes en lieu et place des mots genrés). C'est une contrainte importante dans l'utilisation de la langue.

C'est aussi un changement de perception : alors que l'usage d'un masculin générique (« déclaration des droits de l'homme et du citoyen ») témoignait de l'appartenance à un monde commun, les pratiques de l'écriture dite inclusive fragmentent non seulement le langage mais aussi les perceptions, en mettant l'accent sur les différences plutôt que sur l'universel : « les identités se multiplient au détriment du commun, mais également de l'altérité »3(*).

Sauf pour ce qui est de la féminisation déjà ancienne des métiers et fonctions, le langage dit inclusif ne correspond pas à une évolution spontanée du langage oral, comme c'est généralement le cas lorsque le langage évolue. Cette pratique creuse donc l'écart entre l'écrit et l'oral, déjà marqué dans la langue française, et constitue ainsi un obstacle supplémentaire pour les apprenants. C'est un handicap pour la francophonie, car le français, avec ses deux genres et ses accords complexes, est peu adapté à l'écriture dite inclusive, qui déstructure profondément la langue.

« Des changements délibérés risquent de mettre la confusion
et le désordre dans l'équilibre subtil né de l'usage ».

Claude Lévi-Strauss et Georges Dumézil

Le langage dit inclusif n'est évidemment pas la seule menace pesant sur la langue française. La question du « franglais » et d'autres évolutions des pratiques conduisent au constat que la langue française écrite, celle de la littérature des siècles passés, pourrait devenir bientôt une langue morte. Pour quelle proportion de la population ces textes sont-ils encore accessibles ?

Pourra-t-on encore enseigner, demain, des oeuvres utilisant le masculin générique, ou faudra-t-il les considérer comme dépassées, insuffisamment « inclusives » et reflet d'une époque intrinsèquement sexiste ?

3. Une menace pour l'intelligibilité et l'accessibilité des textes

Le développement de l'écriture dite inclusive intervient alors que les indicateurs existants témoignent des difficultés croissantes des jeunes dans les domaines de la lecture et de l'orthographe.

Ainsi, en 2022, 11,2 % des jeunes participant à la Journée défense et citoyenneté (JDC) rencontrent des difficultés dans le domaine de la lecture. Près de la moitié d'entre eux peut être considérée en situation d'illettrisme4(*). En 40 ans, le niveau en orthographe a chuté de façon préoccupante. Sur une même dictée, en 2021, 63 % des élèves ont fait plus de 15 erreurs contre 26 % en 19875(*).

Or le langage dit inclusif n'est pas seulement complexe à écrire ; il est également difficile à lire, voire parfois illisible. Cette illisibilité pose en particulier la question de l'intelligibilité et de l'accessibilité de la norme.

Une tentative de réécriture, dans un sens « inclusif », de deux articles de la Constitution l'illustre de façon flagrante :

La question de l'accessibilité des textes « inclusifs » se pose, en particulier, pour les publics en difficulté.

D'après l'Agence nationale de lutte contre l'illettrisme (ANLCI), environ 2,5 millions de personnes sont illettrées6(*) (chiffre de 2012). Les personnes atteintes de certains handicaps sont également particulièrement concernées : l'écriture dite inclusive se révèle aussi une écriture excluante. Le nombre de personnes aveugles ou malvoyantes dépasse le million (207 000 aveugles et 932 000 malvoyants moyens). Ces personnes peuvent lire les sites internet par le biais d'assistants vocaux, qui ne sont pas programmés pour retranscrire toutes les variantes d'une écriture dite « inclusive » dont les « règles » sont loin d'être fixées (donc difficilement programmables).

Par ailleurs, d'après la Fédération française des Dys (FFDys), les troubles dys (dyslexie, dyspraxie, dysphasie) toucheraient en France 6 % à 8 % de la population.

Nombre de personnes illettrées

Nombre de personnes aveugles ou malvoyantes

 
 

Sources : ANLCI / Fédération des aveugles de France

Pour ces publics, il n'y a pas de combat idéologique « pour » ou « contre » l'écriture dite inclusive. Les difficultés observées sont strictement pratiques et de bon sens.

II. UNE PROPOSITION DE LOI NÉCESSAIRE POUR DISSIPER DES INCERTITUDES JURIDIQUES

A. DES INCERTITUDES JURIDIQUES

1. Quelques grands principes et deux circulaires 

Depuis 1992, l'article 2 de la Constitution dispose que « la langue de la République est le français ». À propos de ce principe, le Conseil constitutionnel considère « qu'il incombe au législateur d'opérer la conciliation nécessaire entre ces dispositions d'ordre constitutionnel et la liberté de communication et d'expression proclamée par l'article 11 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen ».

Le Conseil constitutionnel ajoute qu' « il était également loisible [au législateur] de prescrire, ainsi qu'il l'a fait, aux personnes morales de droit public, comme aux personnes de droit privé dans l'exercice d'une mission de service public l'usage obligatoire d'une terminologie officielle »7(*).

Dans une autre décision8(*), le Conseil constitutionnel reconnaît « l'objectif de valeur constitutionnelle d'accessibilité et d'intelligibilité de la loi » : « en effet l'égalité devant la loi énoncée par l'article 6 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen et « la garantie des droits » requise par son article 16 pourraient ne pas être effectives si les citoyens ne disposaient pas d'une connaissance suffisante des normes qui leur sont applicables ».

La loi n° 94-665 du 4 août 1994 relative à l'emploi de la langue française (loi Toubon) dispose que la langue française est « la langue de l'enseignement, du travail, des échanges et des services publics ». Cette loi vise évidemment l'usage croissant de l'anglais. Mais, aujourd'hui, alors qu'apparaissent des grammaires du « français inclusif », on peut s'interroger : ces langages sont-ils encore du français ? Lorsqu'un examen de droit tel que celui donné à l'université de Lyon 2 comporte des mots tels que « professionnaels », est-il rédigé en français ?

S'agissant de l'écriture dite inclusive, la circulaire du Premier ministre en date du 21 novembre 2017 ne traite que de la question des actes administratifs publiés au Journal officiel : « je vous invite, en particulier pour les textes destinés à être publiés au Journal officiel de la République française, à ne pas faire usage de l'écriture dite inclusive, qui désigne les pratiques rédactionnelles et typographiques visant à substituer à l'emploi du masculin, lorsqu'il est utilisé dans un sens générique, une graphie faisant ressortir l'existence d'une forme féminine ».

Dans l'enseignement, la question est traitée par une circulaire du 5 mai 2021 sur les règles de féminisation dans les actes administratifs du ministère de l'éducation nationale, de la jeunesse et des sports et les pratiques d'enseignement. Cette circulaire prône « la conformité aux règles grammaticales et syntaxiques », et, « par conséquent », elle proscrit « le recours à l'écriture dite « inclusive », qui utilise notamment le point médian pour faire apparaître simultanément les formes féminines et masculines d'un mot (...) ».

D'après cette circulaire, en date du 5 mai 2021 : « L'adoption de certaines règles relevant de l'écriture inclusive modifie en effet le respect des règles d'accords usuels attendues dans le cadre des programmes d'enseignement. En outre, cette écriture, qui se traduit par la fragmentation des mots et des accords, constitue un obstacle à la lecture et à la compréhension de l'écrit. L'impossibilité de transcrire à l'oral les textes recourant à ce type de graphie gêne la lecture à voix haute comme la prononciation, et par conséquent les apprentissages, notamment des plus jeunes. Enfin, contrairement à ce que pourrait suggérer l'adjectif « inclusive », une telle écriture constitue un obstacle pour l'accès à la langue d'enfants confrontés à certains handicaps ou troubles des apprentissages. »

Ces deux circulaires sont bienvenues mais elles sont insuffisantes :

- d'une part, car elles pourraient facilement être remises en cause ;

- d'autre part, car elles ne traitent qu'une partie du sujet.

2. Une jurisprudence hésitante

En l'absence de cadre juridique clair, la jurisprudence sur le sujet n'est pas totalement fixée.

Dans une décision du 11 mai 2023, le tribunal administratif de Grenoble a annulé la délibération du conseil d'administration de l'université Grenoble-Alpes approuvant les statuts du service des langues, au motif que sa rédaction en écriture dite inclusive portait atteinte à l'objectif de clarté et d'intelligibilité de la norme.

En revanche, dans une décision du 14 mars 2023, le tribunal administratif de Paris a rejeté une demande de retrait de plaques commémoratives gravées en écriture dite inclusive, apposées dans l'enceinte de l'Hôtel de Ville.

Le Conseil d'État a, quant à lui, rendu un avis défavorable aux statuts d'une association au motif qu'il y était fait usage de l'écriture dite inclusive. Le Conseil d'État fonde cette décision sur l'exigence de clarté et d'intelligibilité de la norme, et sur celle de sécurité juridique :

« Dès lors qu'il faisait usage d'une modalité de l'écriture dite inclusive en remplaçant l'emploi générique du masculin par l'utilisation du point dit « médian », afin de faire apparaître à l'intérieur d'une même séquence graphique l'existence d'une forme féminine, le projet de statuts modifiés de la Société nationale de protection de la nature s'écartait des règles grammaticales et syntaxiques en vigueur et ne respectait ni l'exigence de clarté et d'intelligibilité de la norme, ni le principe de sécurité juridique. Le Conseil d'État n'a donc pu donner un avis favorable au projet de nouveaux statuts avant que l'association n'opère les mises en conformité nécessaires. »

Société Nationale de Protection de la Nature et d'Acclimatation

de France, Section de l'Intérieur, 15 juin 2021, n° 402.7379(*)

B. UNE PROPOSITION DE LOI POUR CLARIFIER LE DROIT

Le cadre juridique doit, par conséquent, être clarifié. Les deux circulaires précitées, de 2017 et 2021, sont importantes, mais elles pourraient facilement être remises en cause ; elles ne traitent, en outre, que deux aspects d'un sujet beaucoup plus vaste.

L'objectif de clarté et d'intelligibilité de la norme, ainsi que le principe de sécurité juridique concernent tous les producteurs de normes, et pas simplement les textes publiés au J.O. L'accessibilité, où se loge la véritable « inclusivité », doit être une exigence à tous les niveaux d'enseignement et, plus largement, pour l'ensemble des services publics. Enfin, c'est la sauvegarde de la langue française qui est aussi en jeu.

La proposition de loi de Mme Pascale Gruny est donc bienvenue.

Ce texte dispose que les documents dont le droit exige qu'ils soient rédigés en français ne sauraient faire usage de l'écriture dite inclusive, celle-ci étant définie comme dans la circulaire précitée de 2017.

La disposition s'applique donc tout d'abord aux normes juridiques et aux décisions de justice, le français étant la langue du droit en application de l'article 2 de la Constitution et de l'ordonnance de Villers-Cotterêts.

La disposition concerne les services publics. Elle couvre, de façon générale, le champ d'application de « la loi Toubon » du 4 août 1994. À ce titre, elle a vocation à s'appliquer : dans le secteur de la consommation (article 2 de la loi Toubon), dans la publicité (article 2), dans l'espace public (article 3), dans les contrats des personnes morales de droit public et des personnes privées exécutant une mission de service public (article 5), pour les documents distribués aux participants à une manifestation, à un colloque ou un congrès (article 6).

La proposition de loi vise également le monde du travail, puisque plusieurs dispositions du code du travail imposent l'usage du français dans le contrat de travail, le règlement intérieur, les documents comportant des obligations pour le salarié ou dont la connaissance est nécessaire pour l'exécution de son travail, les conventions et accords collectifs.

Cette énumération n'est pas exhaustive : la disposition a vocation à s'appliquer de façon systématique dès lors que l'usage du français est exigé.

La proposition de loi précise, par ailleurs, le champ de l'interdiction dans le domaine de l'enseignement : afin d'éviter toute ambiguïté, elle proscrit l'usage de l'écriture dite inclusive dans les documents se rapportant à l'enseignement, aux examens et concours et aux thèses et mémoires.

Enfin, la proposition de loi laisse six mois aux fabricants et distributeurs de produits destinés à la vente pour s'adapter au dispositif.

C. LA POSITION DE LA COMMISSION

La commission de la culture, de l'éducation et de la communication a adopté, le 25 octobre 2023, son texte sur la proposition de loi visant à interdire l'usage de l'écriture dite inclusive, déposée par Mme Pascale Gruny et plusieurs de ses collègues.

Sur proposition du rapporteur, la commission a adopté plusieurs amendements tendant à :

· préciser le champ des pratiques interdites en y incluant les néologismes sur des mots grammaticaux (notamment les pronoms du type « iel ») ;

· intégrer au texte les dispositions de la proposition de loi déposée le 25 janvier 2022 par M. Étienne Blanc et plusieurs de ses collègues, visant à ce que tout acte juridique qui contreviendrait à l'interdiction d'usage de l'écriture dite inclusive soit nul de plein droit ;

· inclure dans le dispositif les publications émanant de personnes publiques ou de personnes privées chargées d'une mission de service public.

EXAMEN DES ARTICLES

Article 1er

Interdiction de l'usage de l'écriture dite inclusive dès lors que le droit exige l'utilisation du français

Cet article prohibe l'utilisation de l'écriture dite inclusive dans les documents dont le droit exige qu'ils soient rédigés en français.

Sur proposition du rapporteur, la commission a adopté l'amendement COM-1 tendant à :

- préciser le champ des pratiques interdites ;

- étendre l'interdiction à certaines publications ;

- prévoir la nullité de plein droit de tout acte juridique non conforme (reprise d'une proposition de loi de M. Étienne Blanc).

I. - Un encadrement juridique aujourd'hui insuffisant

(1) Le droit exige l'usage de la langue française dans de nombreux cas

Le français est la langue de la justice depuis l'ordonnance de Villers-Cotterêts de 1539.

L'article 2 de la Constitution dispose que « la langue de la République est le français ».

Le français est évidemment la langue du droit. Elle est aussi celle des services publics : la loi n° 94-665 du 4 août 1994 relative à l'emploi de la langue française (dite loi Toubon) dispose que la langue française est « la langue de l'enseignement, du travail, des échanges et des services publics ». L'article L. 111-1 du code des relations entre le public et l'administration ajoute : « l'usage de la langue française est prescrit dans les échanges entre le public et l'administration ». Le Conseil constitutionnel a confirmé que « l'usage du français s'impose aux personnes morales de droit public et aux personnes de droit privé dans l'exercice d'une mission de service public »10(*). Le Conseil d'État a récemment énoncé, si besoin était, que « les documents administratifs doivent (...) être rédigés en langue française »11(*).

La loi Toubon impose, en outre, l'usage du français :

- dans le secteur de la consommation (article 2) ;

- dans la publicité (article 2) ;

- dans l'espace public (article 3) ;

- dans les contrats des personnes morales de droit public et des personnes privées exécutant une mission de service public (article 5) ;

- pour les documents distribués aux participants à une manifestation, à un colloque ou un congrès (article 6).

Le français est la langue du monde du travail. Les dispositions de la loi Toubon à ce sujet ont été codifiées dans le code du travail. Les documents visés sont :

- les contrats de travail (article L. 1221-3) ;

- le règlement intérieur (article L. 1321-6) ;

- les documents « comportant des obligations pour le salarié ou des dispositions dont la connaissance est nécessaire pour l'exécution de son travail » (article L. 1321-6) ;

- les conventions et accords ainsi que les conventions d'entreprise ou d'établissement (article L. 2231-4).

(2) L'écriture dite inclusive n'est réglementée que par deux circulaires

En l'état du droit, la loi Toubon n'exclut pas l'écriture dite inclusive. Elle vise l'utilisation de langues étrangères ou de langues régionales. Le tribunal administratif de Paris a jugé qu'il ne résultait d'aucun principe constitutionnel ni d'aucun autre texte que « la graphie appelée « écriture inclusive », consistant à faire apparaître, autour d'un point médian, l'existence des formes masculine et féminine d'un mot, ne relève pas de la langue française »12(*).

La question de l'écriture dite inclusive est traitée par deux circulaires.

La circulaire du Premier ministre en date du 21 novembre 2017 traite de la question des actes administratifs publiés au Journal officiel : « Je vous invite, en particulier pour les textes destinés à être publiés au Journal officiel de la République française, à ne pas faire usage de l'écriture dite inclusive, qui désigne les pratiques rédactionnelles et typographiques visant à substituer à l'emploi du masculin, lorsqu'il est utilisé dans un sens générique, une graphie faisant ressortir l'existence d'une forme féminine ».

Dans l'enseignement, la question figure dans une circulaire du 5 mai 2021 sur les règles de féminisation dans les actes administratifs du ministère de l'éducation nationale, de la jeunesse et des sports et les pratiques d'enseignement. Cette circulaire prône « la conformité aux règles grammaticales et syntaxiques », et, « par conséquent », elle proscrit « le recours à l'écriture dite « inclusive », qui utilise notamment le point médian pour faire apparaître simultanément les formes féminines et masculines d'un mot (...) ».

II. - Une disposition bienvenue

La loi Toubon ne traite donc pas, en l'état actuel du droit, la question de l'écriture dite « inclusive ». Cette loi impose l'usage de la langue française dans un certain nombre de situations, sans prescrire quoi que ce soit quant au bon emploi de la langue. Pour traiter de l'écriture dite inclusive, la loi de 1994 doit donc être modifiée.

C'est ce que fait cette proposition de loi, qui dispose que les documents dont le droit exige qu'ils soient rédigés en français ne doivent pas faire usage de l'écriture dite inclusive, celle-ci étant définie comme dans la circulaire précitée de 2017 : « les pratiques rédactionnelles et typographiques visant à substituer à l'emploi du masculin, lorsqu'il est utilisé dans un sens générique, une graphie faisant ressortir l'existence d'une forme féminine ».

Le rapporteur souligne que cette formulation n'interdit pas la double flexion. La circulaire de 2017 préconise, du reste, dans le cadre d'offres d'emploi, d'utiliser des formes telles que « le candidat ou la candidate », afin de ne pas marquer de préférence de genre.

Si le français impose le masculin générique, source de simplification, dans les propos généraux (« les sénateurs votent la loi »), l'usage successif du féminin et du masculin (dans un ordre ou l'autre) est plus approprié pour s'adresser à des personnes précises (« Mesdames les sénatrices, Messieurs les sénateurs »). Il ne s'agit pas d'interdire ce type de pratique.

La proposition de loi présente l'intérêt d'interdire l'écriture dite inclusive dans un cadre juridique existant, notamment celui de la « loi Toubon » qui avait fait l'objet, après son adoption, d'une décision du Conseil constitutionnel13(*).

Partout où l'anglais est interdit, selon les modalités validées par le Conseil constitutionnel, l'écriture dite inclusive le sera aussi.

Dans certains cas, d'ailleurs, le langage dit inclusif s'éloigne tellement du français qu'on peut se demander s'il s'agit encore de français (cf. page 9 : « les professionnaels de santé... »).

La décision du Conseil constitutionnel du 29 juillet 1994 énonce, par ailleurs, que : « S'agissant du contenu de la langue, il était également loisible [au législateur] de prescrire, ainsi qu'il l'a fait, aux personnes morales de droit public comme aux personnes de droit privé dans l'exercice d'une mission de service public l'usage obligatoire d'une terminologie officielle ».

La proposition de loi précise le champ de l'interdiction dans le domaine de l'enseignement : afin d'éviter toute ambiguïté, elle proscrit l'usage de l'écriture dite inclusive dans les documents se rapportant à l'enseignement, aux examens et concours et aux thèses et mémoires.

III. - Les modifications apportées par la commission

La proposition de loi vient conforter de façon opportune les objectifs de valeur constitutionnelle d'accessibilité et d'intelligibilité de la loi, ainsi que le principe de sécurité juridique.

C'est aussi la sauvegarde de la langue française qui est ici en jeu.

La commission approuve donc ce texte.

Sur proposition du rapporteur, elle a adopté des amendements tendant à :

Ø Préciser le champ des pratiques interdites, en y incluant les néologismes sur des mots grammaticaux.

Il ne s'agit évidemment pas d'interdire tous les néologismes : ni les mots nouvellement féminisés, ni ceux résultant de l'évolution des sciences et technologies ne sauraient par exemple être proscrits. La langue continuera inévitablement à évoluer.

Il s'agit, en revanche, d'empêcher les innovations d'ordre grammatical car elles dénaturent profondément la langue française et conduisent, de façon flagrante, à des textes inaccessibles et inintelligibles.

Sont notamment visés ici les pronoms dits neutres, tels que « iel » (pour « il », « elle », « il ou elle »), ou « celleux » (pour « ceux » ou « celles et ceux »).

Ø Étendre l'interdiction aux publications émanant de personnes publiques ou de personnes privées chargées d'une mission de service public.

Ces publications, si elles ne constituent pas des documents administratifs, sont néanmoins essentielles pour l'information du public et dans les relations entre le service public et ses usagers. Leur accessibilité à tous les publics doit être garantie.

Ø Prévoir la nullité de plein droit de tout acte juridique non conforme.

Il s'agit, ici, d'intégrer au texte les dispositions de la proposition de loi déposée le 25 janvier 2022 par M. Étienne Blanc et plusieurs de ses collègues, visant à ce que tout acte juridique qui contreviendrait à l'interdiction d'usage de l'écriture dite inclusive soit nul de plein droit.

La commission a adopté cet article ainsi modifié.

Article 2

Conditions d'application et d'entrée en vigueur de la loi

L'article 2 apporte des précisions quant aux conditions d'application et d'entrée en vigueur de la loi. La commission a adopté cet article sans modification.

L'article reprend des dispositions équivalentes qui figuraient dans la loi Toubon :

- la loi est d'ordre public : elle touche des intérêts majeurs et il n'est donc pas possible d'y déroger par des conventions contraires ; 

- la loi ne s'applique néanmoins qu'aux contrats et avenants conclus postérieurement à son entrée en vigueur, sans effet rétroactif.

Par ailleurs, s'agissant des produits de consommation, les auteurs de la proposition de loi ont souhaité permettre provisoirement l'écoulement des produits qui contreviendraient à la loi, afin que les stocks de produits déjà fabriqués puissent être écoulés : il est donc proposé de laisser six mois aux fabricants et distributeurs pour s'adapter.

La commission a adopté cet article sans modification.

Intitulé de la proposition de loi

La commission a adopté un amendement COM-2 modifiant l'intitulé de la proposition de loi qui ne correspondait que partiellement à son objet.

L'amendement adopté prévoit que la proposition de loi vise « à protéger la langue française des dérives de l'écriture dite inclusive».

La commission a adopté cet intitulé ainsi modifié.

*

* *

La commission de la culture, de l'éducation et de la communication
a adopté la proposition de loi ainsi modifiée
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EXAMEN EN COMMISSION

MERCREDI 25 OCTOBRE 2023

_________

M. Max Brisson, président. - Nous examinons le rapport de notre collègue Cédric Vial sur la proposition de loi de Pascale Gruny visant à interdire l'usage de l'écriture inclusive.

À la demande du groupe Les Républicains, nous discutons ce texte conjointement avec celui d'Etienne Blanc visant à lutter contre l'écriture inclusive et protéger la langue française. L'examen du texte de la commission en séance plénière est programmé lundi prochain, le 30 octobre, à 21 h 30.

M. Cédric Vial, rapporteur. - Nous allons parler de notre langue, de son usage, de sa compréhension et de son évolution. Si j'évoque la langue, c'est que celle-ci ne peut être résumée à sa forme écrite, qui a toujours vocation à pouvoir être exprimée à l'oral. Nous célèbrerons l'an prochain les 30 ans de la loi du 4 août 1994 relative à l'emploi de la langue française, dite loi Toubon, qui avait trois objectifs : l'enrichissement de notre langue, l'obligation de l'utiliser dans certaines situations et la défense du français comme langue de la République, selon l'article 2 de notre Constitution. La loi Toubon avait été l'occasion d'un débat important et utile dans notre pays, sur le français et sa place dans l'identité française.

Or, la langue française est fragilisée par le triomphe de l'anglais et du franglais, la baisse du niveau des élèves, le recul de l'apprentissage du français dans le monde. La Cité internationale de la langue française, qui sera inaugurée le jour de l'examen de ce texte en séance publique - quelle coïncidence ! - sera-t-elle, demain, le musée d'une langue morte ? L'écriture dite inclusive pose une question supplémentaire : faudra-t-il bientôt considérer la littérature française des siècles passés comme dépassée, car reflet d'une époque intrinsèquement sexiste ?

Il n'y a pas d'académie pour définir ce qu'est l'écriture dite inclusive, mais une série de pratiques. L'analyse de ce qu'on appelle l'écriture « inclusive » comprend plusieurs niveaux. Il y a d'abord la féminisation des noms de métiers et fonctions, acceptée aujourd'hui par tous, y compris, depuis 2019, par l'Académie française. Il y a, ensuite, l'utilisation de termes épicènes, identiques au féminin et au masculin - par exemple « les parlementaires » -, évidemment conformes à la langue française. Il y a la « double flexion », par exemple « les sénatrices et les sénateurs », qui est également assez largement admise et souvent utilisée dans le cadre d'offres d'emploi, par exemple.

Puis il y a l'utilisation du point médian, ou bien de tout autre signe de ponctuation, pour raccourcir la double flexion : on écrira alors « les sénateur.rices » ou bien encore « les sénateur.rice.s » - c'est cet usage qui défraie la chronique et sort de l'usage conforme de la langue française. Enfin, les formes neutres, non binaires - par exemple « iel » -se développent rapidement.

La double flexion et le point médian sont largement répandus, notamment dans la sphère publique : de nombreuses collectivités, des institutions les emploient et ils sont particulièrement utilisés dans le monde universitaire. Le Haut Conseil à l'égalité entre les femmes et les hommes (HCE), organisme placé auprès du Premier ministre, en recommande l'usage. Alors que le Sénat laisse le choix de féminiser ou non le mot « sénateur », le HCE recommande par exemple d'éviter « Madame le sénateur », ainsi d'ailleurs que « Madame le maire » et de leur préférer « Madame la sénatrice » et « Madame la maire ». Cet organisme a publié un guide pratique qui fait référence dans la sphère publique. Il recommande, et tend donc à diffuser, l'usage du point médian.

À l'université, l'écriture dite inclusive est très couramment répandue. C'est le lieu de toutes les expérimentations, comme le montre ce sujet d'examen en écriture non binaire, donné récemment à l'université Lyon 2 : « Arti est une personne non binaire, en mariage depuis 2018 avec une autre personne non binaire, Maki. Touz* deux sont de nationalité allemande (...). Als* vivent en France (...) Les professionnaels* de santé ont accepté de les prendre en charge médicalement (...) En juillet 2022, lors de la naissance de leur enfant, appelae* Pris (prononcez « prisse »), Maki, qui avait accouché, a été reconnux* à l'état civil comme « mère » (...) ».

Une telle écriture non binaire, au départ réservée à des cercles militants, gagne du terrain, étant désormais très en usage outre-Atlantique, avec l'utilisation du pronom « they » en lieu et place des pronoms genrés. L'écriture dite inclusive me semble poser plusieurs problèmes. D'abord, elle ne répond pas à une demande de la population, ni à une évolution spontanée du langage oral. Sur le site internet du « projet Voltaire », un outil d'entraînement en orthographe, il n'y a d'ailleurs quasiment pas de demandes sur l'écriture dite inclusive. En réalité, cette écriture dite inclusive est recommandée par des militants. Nous en avons rencontré et leur propos est cohérent puisqu'ils considèrent mener un « combat » pour féminiser des termes de notre langue, et rendre ainsi visibles les différents genres. Qui dit « combat », dit « combattants » et « combattus » - ce qui revient à dire que la langue n'est plus neutre, mais qu'elle exprime par elle-même l'opinion du locuteur.

Ensuite, l'écriture dite inclusive menace l'intelligibilité et l'accessibilité des textes. Cette écriture se dit inclusive, mais elle est en réalité plutôt excluante pour la population illettrée ou analphabète, mais aussi pour les « dys », en particulier les dyslexiques, et pour les malvoyants - tous ceux qui ont du mal à lire et dont les difficultés sont renforcées par cette écriture, ce qui pose le problème de l'accessibilité aux informations. Nous ne parlons pas ici de combat idéologique, mais bien de difficultés pratiques, pour des millions de nos compatriotes qui ont déjà du mal avec l'usage de l'écrit.

Or, l'accessibilité et l'intelligibilité de la loi sont, pour le Conseil constitutionnel, des objectifs de valeur constitutionnelle. Comme exercice, je vous propose de lire les articles 8 et 13 de la Constitution en écriture dite inclusive. L'article 8 : « La.Le Président.e de la République nomme la.le Premier.e ministre. Elle.Il (Iel ?) met fin à ses fonctions sur la présentation par celle.celui-ci de la démission du Gouvernement. Sur la proposition de la.du Premier.e ministre, elle.il (iel ?) nomme les autres membres du Gouvernement... ». L'article 13 : « Les conseiller.e.s d'État, la.le grand.e chancelier.e de la Légion d'honneur, les ambassadeur.rice·s et envoyé.e.s extraordinaires, les conseiller.e.s maître.sse.s à la Cour des comptes, les préfet.e.s, les représentant.e.s de l'État dans les collectivités d'outre-mer régies par l'article 74 et en Nouvelle-Calédonie, les officier.e.s généraux.ales, les recteur.rice.s des académies, les directeur.rice.s des administrations centrales sont nommé.e.s en conseil des ministres. »

Le moins que l'on puisse dire est que le résultat n'est pas très intelligible...

L'exigence d'intelligibilité vaut aussi pour l'accessibilité aux services publics. Or, l'écriture dite inclusive va à l'encontre de toutes les démarches de simplification administrative, notamment la démarche « facile à lire et à comprendre » (FALC), qui vise à favoriser la compréhension des textes par tous.

Nous examinons donc deux propositions de loi bienvenues, déposées respectivement par nos collègues Etienne Blanc et Pascale Gruny. Le texte de Pascale Gruny, qui est celui inscrit à l'ordre du jour, reprend la définition de l'écriture dite inclusive donnée en 2017 par une circulaire du Premier ministre Édouard Philippe : « Les pratiques rédactionnelles et typographiques visant à substituer à l'emploi du masculin, lorsqu'il est utilisé dans un sens générique, une graphie faisant ressortir l'existence d'une forme féminine ».

Le texte proposé s'inscrit dans un cadre juridique déjà existant, fixé notamment par la loi Toubon qui avait fait l'objet, après son adoption, d'une décision du Conseil constitutionnel. Partout où l'anglais est interdit, selon les modalités validées par le Conseil constitutionnel, l'écriture dite inclusive le sera aussi. Dans certains cas, d'ailleurs, le langage dit inclusif s'éloigne tellement du français qu'on peut se demander s'il s'agit encore de français.

Le Conseil constitutionnel, dans sa décision de 1994, nous laisse une marge de manoeuvre : « S'agissant du contenu de la langue, il était également loisible [au législateur] de prescrire, ainsi qu'il l'a fait, aux personnes morales de droit public comme aux personnes de droit privé dans l'exercice d'une mission de service public l'usage obligatoire d'une terminologie officielle ». Le champ de la loi est donc précis, c'est l'avantage de s'appuyer sur la loi Toubon.

Je vous proposerai trois modifications au texte de cette proposition de loi. D'abord, pour limiter les innovations d'ordre grammatical qui dénaturent la langue et sont inintelligibles - je pense en particulier aux pronoms dits neutres, tels que « iel » (pour « il », « elle », « il ou elle »), ou « celleux » (pour « ceux » ou « celles et ceux »).

Je vous proposerai, ensuite, d'étendre l'interdiction aux publications émanant de personnes publiques ou de personnes privées chargées d'une mission de service public. Ceci car ces publications sont essentielles pour l'information du public et dans les relations entre le service public et ses usagers.

Enfin, je vous proposerai la nullité de plein droit de tout acte juridique non conforme : c'est la sanction que prévoit la proposition de loi d'Étienne Blanc.

Je vous proposerai également, enfin, de modifier l'intitulé du texte, pour mettre l'accent sur la protection de la langue française.

M. Max Brisson, président. - Avant d'ouvrir la discussion générale, j'invite notre rapporteur à nous présenter le périmètre du texte de la commission.

M. Cédric Vial, rapporteur. - Je vous propose le périmètre suivant pour l'application des irrecevabilités prévues par l'article 45 de la Constitution : la définition de l'écriture dite inclusive ; son usage dans les actes juridiques et documents rédigés en français ; les conditions d'application, d'entrée en vigueur et de sanction du dispositif.

Il en est ainsi décidé.

M. Yan Chantrel. - Il est consternant de devoir consacrer du temps parlementaire à une querelle aussi picrocholine, alors que nos compatriotes vivent une crise du pouvoir d'achat inédite et que la guerre sévit aux portes de l'Europe. Des sujets bien plus importants, relatifs à l'éducation nationale et à l'enseignement supérieur, mériteraient toute notre attention.

Ce texte pose plusieurs problèmes de fond et de forme.

Sur le fond, cette proposition de loi est rétrograde et réactionnaire, elle exprime aussi une position très minoritaire dans notre pays. La féminisation des noms de métiers, - que refuse pour elle-même Mme le sénateur Gruny -, et la visibilisation des femmes dans la langue, sont largement sollicitées par les Françaises et les Français. Tous les travaux scientifiques de psycholinguistes depuis 30 ans démontrent que l'usage du masculin générique n'a rien de neutre et qu'il « active immanquablement » des représentations masculines dans notre cerveau.

En réalité, ce texte s'inscrit dans un courant conservateur venu de loin et qui comprend tous ceux et toutes celles qui ont combattu la féminisation des noms de métiers. C'est l'égalité femmes-hommes qui est la vraie cible de votre texte. Il s'attaque au principe d'égalité, et notamment à la loi du 4 août 2014 pour l'égalité réelle entre les hommes et les femmes, qui implique l'obligation de prendre en compte cette égalité dans toutes les politiques publiques et notamment les politiques de communication ou de légistique, c'est-à-dire l'écriture des textes juridiques.

Sur la forme, ensuite, on peut avoir un débat sur l'usage du point médian, mais l'écriture inclusive est définie de façon trop large ici et s'attaque à des pratiques rédactionnelles bien admises. L'ensemble des ponctuations médianes et donc aussi les parenthèses qu'on trouve sur les cartes d'identité - par exemple « né(e) le » - ou les formulaires administratifs comme la feuille d'impôts - « Marié(e)s », ou « Divorcé(e)/séparé(e) », ou encore « Veuf(ve) ». Vous interdisez aussi les doubles flexions, c'est-à-dire la juxtaposition d'une forme masculine et d'une forme féminine, qu'on retrouve par exemple à l'article L2 du code électoral : « Sont électeurs les Françaises et Français âgés de dix-huit ans accomplis, jouissant de leurs droits civils et politiques et n'étant dans aucun cas d'incapacité prévu par la loi. ». Dans votre propre texte, vous écrivez, dès la première page : « Sénateurs et Sénatrices » ou encore, à la page 3 : « Mesdames, Messieurs, ». Vous noterez, au passage, que votre texte regorge de termes épicènes : « francophones », « élèves », « jeunes » par exemple.

Autre problème de forme : il n'y a pas lieu de légiférer sur une variante du français. Comme l'a rappelé Jacques Toubon lui-même, le rôle du législateur n'est pas de prescrire ce qui est du bon ou du mauvais français. Ce serait aussi ridicule que de faire une loi pour interdire l'argot, les variantes régionales, ou le verlan dans les textes administratifs.

En réalité, cette proposition de loi fait l'inverse de ce qu'elle préconise, en imposant une norme, alors même qu'aucun texte ni aucune autorité n'oblige à l'usage de l'écriture inclusive.

D'un point de vue juridique, il semblerait que cette proposition soit inconstitutionnelle, en ce qu'elle porte atteinte au principe de libre communication des pensées et des opinions consacré par l'article 11 de la Déclaration des Droits de l'Homme et du Citoyen qui avait déjà valu une censure partielle de la loi Toubon. Elle contrevient aussi aux engagements pris par la France en droit international, en particulier son engagement à assurer l'égalité et la liberté d'expression de chaque personne, comme l'a rappelé le juriste Benjamin Moron-Puech lors des auditions.

Nous voterons donc contre ce texte, car nous nous y opposons tant sur la forme que sur le fond.

M. Max Brisson, président. - En tant qu'élu d'un département disposant d'une langue régionale, je puis vous assurer que cela fait bien longtemps que l'État légifère sur la langue...

Mme Sabine Drexler. - Pour avoir, comme enseignante spécialisée, accompagné en trois décennies des centaines d'élèves en difficulté, je sais combien la langue française peut être difficile à maîtriser à l'écrit. Or, les partisans de l'écriture inclusive, sous couvert d'égalité des genres, ajoutent de la complexité à notre langue, ce qui sera une source supplémentaire d'exclusion scolaire et de stigmatisation, donc un facteur d'exclusion sociale. Mieux vaudrait renforcer les moyens pour donner aux jeunes le goût de la lecture... On ne lutte pas contre les inégalités entre les filles et les garçons avec des points médians. Lutter contre le sexisme et pour l'égalité entre les femmes et les hommes, cela passe par le regard et les actes que la société porte sur ces enjeux, plutôt que par la déconstruction de la langue française. L'académicien Jean-Marie Rouart recommande de ne pas nous servir de la langue française pour des combats qui n'ont rien à voir avec elle.

Nous voterons donc pour cette proposition de loi, telle qu'amendée par notre rapporteur.

Mme Laure Darcos. - Merci pour ce rapport qui n'est pas dénué d'humour, je crois qu'il vaut parfois mieux rire de certaines propositions - et je crois que nous avons raison de débattre de ce sujet, il a son importance.

La langue française évolue, cela fait bien longtemps que des termes féminins sont utilisés dans des environnements tout à fait masculins - on parle ainsi d'une sentinelle, d'une ordonnance... dans l'armée - et la féministe que je suis ne s'offusque pas de la façon dont notre langue fonctionne. Je m'inquiète plutôt que notre langue se complique bien davantage avec cette écriture inclusive, qui en rendrait l'apprentissage bien plus difficile, notamment pour les élèves « dys » et pour les étrangers allophones.

Que vous a dit l'Académie française à ce sujet ? En matière de protection de la langue française, il faudrait d'ailleurs commencer par appliquer le droit actuel.

M. Jean Hingray. - Notre collègue Annick Billon m'a demandé de vous faire part de sa position, avec d'abord cette conviction forte : la condition des femmes n'est pas une histoire de grammaire, elle n'évoluera pas grâce à un point médian - mais grâce à des programmes de lutte contre les violences conjugales, des cours d'éducation à la vie affective et sexuelle adaptés, une prise en charge qualitative de leur santé et surtout grâce à la protection de leurs droits fondamentaux. Notre collègue fait remarquer que l'usage du neutre dans la langue n'est pas un signe d'une plus grande inclusion des femmes, ni d'égalité entre les sexes - en témoignent le chinois et le turc, qui n'accordent pas le verbe au féminin ni au masculin. Or les pays où ces langues sont parlées, la Chine et la Turquie, ne passent pas pour des références en matière de droits des femmes...

J'ajoute, avec Jean Jaurès, que « pour celui qui n'a rien, la patrie est son seul bien » - alors que l'écriture inclusive exclut en réalité de jeunes Français qui rencontrent déjà des difficultés dans l'apprentissage de la langue. Un jeune Français sur neuf est « en difficulté de lecture », dont près de la moitié en situation d'illettrisme.

Alors nous disons non à l'écriture inclusive - le groupe de l'Union centriste votera ce texte.

M. Pierre Ouzoulias. - Sur la forme, je regrette qu'il y ait deux textes venus du même groupe sur le même sujet et avec en partie les mêmes signataires, il aurait fallu commencer par régler le problème en interne...

Je dois vous faire un aveu : en tant que « dys », je ne parviens pas à lire l'écriture inclusive, le résultat en est pour moi tout à fait incompréhensible. Et je ne peux m'empêcher de faire le lien avec les difficultés que les jeunes rencontrent face à l'orthographe : un jeune sur dix arrive en classe de Sixième sans savoir lire ni écrire, n'ajoutons pas de difficulté...

Ensuite, je regrette que ce texte ne résulte pas d'une évaluation précise de l'application de la loi Toubon, qui n'est manifestement pas assez mise en oeuvre. Dans la loi de programmation pour la recherche, nous avions souhaité rendre obligatoire l'usage de la langue française pour la publication des recherches. Il nous a été répondu que c'était peine perdue, tant l'anglais était devenu la langue usuelle, désormais incontournable. Je ne me résous pas, cependant, à voir nos chercheurs publier désormais dans une langue qu'on appelle l'anglais, mais qui n'est en fait qu'un « globish » appauvrissant.

Dans la censure de la loi Toubon, le Conseil constitutionnel dispose que le français est la langue de la République, pas celle de la France, la nuance est de taille. La République a l'obligation d'écrire un français intelligible. Dans le droit actuel, l'exemple que vous donnez d'un concours libellé en écriture inclusive, tombe sous le coup des circulaires que vous avez citées. En réalité, cette proposition de loi porte sur une zone grise qui correspond à la partie censurée de la loi Toubon, cela appelle à une réflexion juridique approfondie.

Pour toutes ces raisons, nous ne participerons pas au vote.

M. Bernard Fialaire. - Je crois qu'on peut défendre la langue française, en tant que langue vivante, qui évolue, sans être pour autant qualifié de « rétrograde » ni de « conservateur ». Pour le sujet d'examen que vous citez, qui n'est effectivement pas conforme aux circulaires, c'est la volonté de respecter la liberté académique qui a retenu le doyen de l'université d'intervenir auprès du professeur à l'origine du libellé - ce professeur est d'ailleurs un militant de cette écriture inclusive. Que l'écriture inclusive fasse l'objet d'études, c'est tout à fait légitime, mais c'est autre chose qu'elle serve dans l'administration, par exemple dans le libellé d'un examen : qu'en pensez-vous ? Peut-on intervenir ? Dans l'exemple cité, il y avait un deuxième sujet, rédigé celui-là en français : n'y a-t-il pas un problème d'égalité, dans le choix même des sujets, selon que l'on comprend ou pas cette écriture inclusive ?

Mme Mathilde Ollivier. - J'exprime moi aussi la consternation de notre groupe devant cette proposition de loi réactionnaire et qui multiplie les approximations. Dans l'exemple que vous donnez du point médian, le double point médian de « les sénateur.rice.s » n'est pas recommandé par le HCE. Dire le contraire, cela induit nos collègues en erreur. Le HCE dit bien que le point médian n'est qu'un élément de l'écriture inclusive, vous faites l'amalgame, alors que la double flexion fait aussi partie de l'écriture inclusive. Vous dites que la place des femmes dans la société n'est pas fonction de la grammaire, c'est pourtant le cas : il est démontré, et les personnes auditionnées nous l'ont dit, que lorsqu'une annonce d'emploi est rédigée en écriture inclusive, davantage de femmes candidatent - et il est établi également que l'usage du masculin générique fait qu'on imagine moins que des femmes soient concernées par ce dont on parle. Ce sont des faits sociaux, vous prétendez en contrer la réalité par l'interdiction de l'écriture inclusive, bon courage...

Enfin, le terme de « combat » se réfère à l'égalité entre les femmes et les hommes, dont j'espère que c'est bien notre objectif à tous dans cette commission - et l'écriture inclusive est un outil pour avancer dans cette voie.

M. Aymeric Durox. - Ce sujet est important et n'a rien d'une lutte picrocholine. L'écriture inclusive a des conséquences importantes, en particulier pour les jeunes. Son usage et sa promotion sont le fait de militants d'extrême-gauche très agressifs dès qu'on touche à leurs lubies, et qu'il nous faut combattre.

Comme ancien professeur, je m'interroge sur l'usage du point médian que l'on constate dans les manuels scolaires : le ministère contrôle-t-il effectivement cet usage et applique-t-il la réglementation en vigueur ? Est-il bien raisonnable de laisser prospérer ce « bégaiement inclusif », comme l'a qualifié Alain Finkielkraut, alors que la moitié des jeunes élèves de Sixième ne savent pas lire le français de manière fluide ? Enfin, est-ce que la recherche scientifique a établi les effets néfastes de cette écriture dans les troubles d'apprentissage ?

M. Jacques Grosperrin. - L'écriture inclusive est un signal politique, militant, qui veut s'imposer par la propagande en instrumentalisant l'orthographe. Dérivée du wokisme, elle en a adopté tous les codes. Elle fait de la langue un outil clivant au service d'une idéologie. Son piège est de forcer les individus à se positionner, dans le camp du « bien » ou dans celui du « mal ».

Comme tous les aspects du wokisme, l'écriture inclusive est pavée de bonnes intentions morales, et de mots prétendument savants que le grand public ne comprend pas mais qui créent des clivages inadmissibles.

La rhétorique de l'écriture inclusive est dangereuse car excluante. Ce n'est pas une théorie de gauche ou progressiste : elle s'en prend directement à l'héritage des Lumières, à l'universalisme et à ce qui fait le commun de la langue française. L'écriture inclusive est source de multiples et nouvelles inégalités, que les linguistes s'accordent à reconnaitre. Elle pose problème à ceux qui ont des difficultés d'apprentissage et à tous les francophones privés de règles et livrés à l'arbitraire. L'exclusion touche tous ceux qui n'ont pas appris cette écriture ... laquelle n'est pas et ne peut pas être enseignée...

Les pratiques inclusives ne tiennent pas compte de la construction des mots. Elles ne relèvent d'aucune logique étymologique et, sous prétexte de féminisation, entrainent des formes fabriquées au hasard, de façon anarchique, posant des questions considérables d'accords, de découpages, de cohérence, de compréhension. Il faut y ajouter l'exclusion de l'oralité. Qu'est-ce qu'une langue qui ne se parle pas ?

L'exclusion touche aussi tous ceux qui souffrent de cécité, de dyslexie, de dysphasie, de troubles divers. Maitrisée par les seules classes privilégiées, l'écriture inclusive ne se soucie ni d'égalité réelle ni des vrais facteurs d'inégalité.

À l'université, je n'ai fort heureusement pas eu à connaître ce phénomène lorsque j'ai passé ma thèse à Lyon 2. Je trouve grave que la non-utilisation de cette écriture puisse pénaliser des étudiants dont le seul tort serait de s'exprimer dans la langue française.

Il doit être mis un coup d'arrêt à cette déconstruction, car il ne faut pas faire d'accommodement avec ce qui exclut. D'où ces questions simples : quelles garanties d'efficacité dans le texte pour mettre un terme à la diffusion de l'écriture inclusive ? Quelle en sera l'évaluation ?

M. Stéphane Piednoir. - Tout a été dit de manière claire : la déconstruction est en marche, livrée à une poignée de militants. Il faut distinguer la féminisation et le point médian. La féminisation n'est pas toujours possible, notre langue utilise « son altesse » ou « sa majesté », qui sont des titres neutres, ce qui était encore récemment le cas pour les titres de maire ou de sénateur - il y a des cas où l'on ne féminise pas, non plus qu'on ne masculinise. Le point médian me parait résulter d'une paresse intellectuelle, alors que la double flexion est admise : nous n'avons pas attendu les injonctions d'une poignée de militants de l'écriture inclusive pour utiliser le « Mesdames et Messieurs » au début de nos discours... Le dogmatisme de cette poignée de militants est tel, qu'on ne leur oppose pas suffisamment cet argument simple qu'on n'écrit pas les documents administratifs en argot, par exemple.

Chacun est libre de s'exprimer comme il le veut, nous parlons ici d'autre chose, et d'abord de sécuriser l'accès à une information intelligible pour tous. La langue évolue, des ajustements sont acceptés, nous avons affaire à autre chose avec la graphie déconstructrice que ce texte veut à raison écarter des documents administratifs. Comment faire, cependant, pour mieux impliquer l'université ?

Mme Catherine Morin-Desailly. - Ce sujet est important puisqu'il concerne la langue française, laquelle est inscrite dans la Constitution depuis 1992 comme langue de la République - aussi avons-nous le devoir d'observer ses évolutions et les textes qui s'y réfèrent. Comme professeur d'anglais, je reconnais avoir eu la partie plus facile grâce à l'usage du neutre dans cette langue et je m'interroge sur la complexité introduite par le point médian : ne risque-t-il pas de constituer un obstacle à la compréhension et à la lecture, qui sont déjà difficiles ?

En réalité, je crois que le vrai sujet, c'est la défense du français, menacé par le Gouvernement lui-même lorsqu'il désigne sa plateforme de santé par Health Data Hub, au point qu'une association obtienne en justice de rétablir le français, ou bien encore lorsqu'il regroupe sa politique d'attractivité sous le label « Choose France »... Je crois qu'à la veille des trente ans de la loi Toubon, et au moment où l'on inaugure à Villers-Cotterêt la Cité internationale de la langue française, il serait bon que notre commission conduise un travail de réflexion sur notre langue et les menaces dont elle fait l'objet.

Quels sont les moyens dont nous disposons, ensuite, pour mieux faire appliquer la loi Toubon ? Enfin, faut-il légiférer - une modification des circulaires ne serait-elle pas plus efficace ?

M. Max Brisson, président. - La loi Toubon est cependant bien appliquée au Pays basque et en Alsace, par exemple, contre les langues régionales...

M. Cédric Vial, rapporteur. - Mes collègues Yan Chantrel et Mathilde Ollivier me qualifient allègrement de « rétrograde » et de « réactionnaire ». Je leur réponds que je préfère parler du fond, c'est ce qui m'intéresse dans notre travail de législateur...

Faut-il légiférer ? Je le pense, d'abord parce que nous avons deux décisions de justice qui se contredisent quelque peu - l'une par le tribunal administratif de Grenoble, l'autre par celui de Paris - et je préfère que le législateur fixe la règle, plutôt que le juge.

J'entends que ce texte voudrait interdire la féminisation des termes, c'est tout à fait inexact, et je le dis d'autant plus tranquillement que même l'Académie française - j'assume l'adverbe - autorise cette féminisation. En réalité, ce texte vise à conserver l'intelligibilité de la règle, des textes administratifs. Nous admettons le masculin générique que certains disent « rétrograde » et « réactionnaire » et qu'ils veulent remplacer par le double genre imposé. Nous n'interdisons pas la double flexion, bien au contraire, mais le point médian, c'est tout autre chose. En fait, nous n'avons rien contre l'usage de la parenthèse, dans des cas comme « cher ami(e) » au début d'une lettre, mais nous sommes également pour continuer à accepter que « chers amis » soit générique, donc incluant le masculin et le féminin. En réalité, notre objectif vise l'intelligibilité des documents administratifs, où parce que le langage doit être commun, il faut être exigeant sur la langue.

Je crois aussi que le droit actuel ne suffit pas, parce que s'il définit bien l'écriture dite inclusive - et c'est pourquoi nous avons repris cette définition -, son champ est trop étroit. Nous l'avons élargi à tous les textes officiels, alors que le droit actuel ne vise que les textes publiés au Journal officiel ; les arrêtés préfectoraux, les arrêtés municipaux, les délibérations municipales ne sont pas publiés au JO, par exemple. Enfin, nous prévoyons une sanction claire : la nullité de l'acte, qui est constatée par le juge. Toute personne pourra contester l'acte officiel, il ne s'agit nullement d'instituer une police administrative de la langue, c'est bien le juge qui prononcera la sanction.

La liberté d'opinion est totale, elle s'exprime par la langue, et non pas dans la langue, la nuance est de taille. Le texte s'appuie sur « ce qui reste » de la loi Toubon après sa censure par le Conseil constitutionnel : c'est pourquoi nous pensons qu'il est conforme à la Constitution.

Le principe de neutralité des agents du service public doit aussi être mentionné. Cette neutralité est religieuse et politique. Or, si la langue utilisée manifeste une appartenance politique, comment garantir la neutralité ? C'est aussi pourquoi il faut une loi - des circulaires auraient suffi si toutes les institutions les avaient reprises à leur compte.

Je n'ai pas suffisamment insisté sur le handicap en matière linguistique. C'est un sujet majeur, l'écriture dite inclusive constitue un obstacle fort pour les « dys », elle renforce les difficultés d'accès au texte. Les difficultés sont également accrues dans l'apprentissage du français par les étrangers, aussi bien que par les enfants. Nous parlons là d'un sujet qui touche directement des millions de personnes, ce n'est pas rien.

L'Académie française s'est penchée sur la question, elle a publié une « Lettre ouverte sur l'écriture inclusive », assez courte, j'espère vous inciter à la lire en vous en citant ces phrases : « Une langue procède d'une combinaison séculaire de l'histoire et de la pratique, ce que Lévi-Strauss et Dumézil définissaient comme « un équilibre subtil né de l'usage ». En prônant une réforme immédiate et totalisante de la graphie, les promoteurs de l'écriture inclusive violentent les rythmes d'évolution du langage selon une injonction brutale, arbitraire et non concertée, qui méconnaît l'écologie du verbe. (...) L'écriture inclusive trouble les pratiques d'apprentissage et de transmission de la langue française, déjà complexes, en ouvrant un champ d'incertitude qui crispe le débat sur des incantations graphiques. En focalisant l'attention sur l'obsession du genre, elle restreint le rapport à la langue en inhibant une expression plus ample de la pensée. Bien loin de susciter l'adhésion d'une majorité de contemporains, elle apparaît comme le domaine réservé d'une élite, inconsciente des difficultés rencontrées au quotidien par les pédagogues et les usagers du système scolaire. L'écriture inclusive installe ainsi un débat de l'entre-soi cantonné à un périmètre limité, au préjudice des étrangers désireux d'apprendre notre langue telle qu'elle leur est souvent transmise par de grands textes patrimoniaux. Dans un monde où la francophonie, principalement sur le continent africain, est appelée à un développement exponentiel, ce mode d'écriture dissuasif est susceptible de renforcer l'anglais comme langue véhiculaire. »

Notre proposition de loi concerne-t-elle aussi l'Université ? Oui, puisque le texte se réfère au code de l'éducation, il s'agit donc bien de viser la langue de l'enseignement, des examens et concours, ainsi que des mémoires de thèses. Il va de soi qu'il n'est pas question d'interdire les travaux de recherche sur l'écriture inclusive, nous voulons simplement éviter son usage qui complique encore la tâche des correcteurs...

Pour les manuels scolaires, la liberté d'édition est totale, mais leur usage peut être réglementé dans l'enseignement : libre aux éditeurs de publier des manuels utilisant l'écriture dite inclusive, mais ces manuels ne sauraient, avec notre proposition de loi, être utilisés dans l'enseignement sans contrevenir au droit.

Le HCE contrevient à la circulaire d'Édouard Philippe de 2017 en préconisant l'usage du point médian. Ce n'est pas du tout pareil que la féminisation, que nous acceptons, d'autant que, je le répète, même l'Académie française l'accepte. Ce que nous faisons avec cette proposition de loi, c'est nous protéger de dérives. Veillons à l'accessibilité de notre langue, ouvrons ce débat nécessaire - et exprimons nos différences au moyen de la langue plutôt que dans la langue. (Applaudissements)

EXAMEN DES ARTICLES

M. Cédric Vial, rapporteur. - Avec l'amendement COM-1, je vous propose de modifier la proposition de loi de notre collègue Pascale Gruny sur trois points : en précisant le champ des pratiques interdites, pour y inclure les néologismes sur les mots grammaticaux, c'est-à-dire sur les déterminants, prépositions, pronoms, conjonctions de coordination et de subordination ; en intégrant les publications émanant de personnes publiques ou de personnes privées chargées d'une mission de service public ; en insérant les dispositions de la proposition de loi déposée le 25 janvier 2022 par M. Étienne Blanc et plusieurs de ses collègues, visant à ce que tout acte juridique qui contreviendrait à l'interdiction d'usage de l'écriture dite inclusive soit nul de plein droit.

M. Yan Chantrel. - Vous dites que ce texte n'interdit pas la double flexion, c'est faux. Vous visez « les pratiques rédactionnelles visant à substituer à l'emploi du masculin, lorsqu'il est utilisé dans un sens générique, une graphie faisant ressortir l'existence d'une forme féminine » : les doubles flexions en font partie ! En fait, en reprenant la circulaire de 2017, qui est très mal rédigée sur ce point, vous interdisez les doubles flexions, c'est une raison supplémentaire pour voter contre cet amendement.

M. Pierre Ouzoulias. - Dans cet amendement, vous visez les néologismes, mais comme la langue de référence n'est pas définie juridiquement, cela n'a pas de portée, certains des néologismes sont déjà « passés » dans la langue... Dans l'objet de l'amendement, vous visez tous les ouvrages ayant bénéficié de subventions publiques, donc toute la production scientifique aidée par l'Agence nationale de la recherche (ANR) et le CNRS ; or, nombre de ces textes sont déjà publiés en anglais : si l'usage du français était rendu plus compliqué, cela ne renforcerait pas le recours à notre langue...

M. Cédric Vial, rapporteur. - Monsieur Chantrel, je crois que nous n'arriverons pas à nous mettre d'accord. Votre lecture de mon texte n'est pas inclusive, puisque vous omettez de dire que les pratiques visées sont « rédactionnelles et typographiques ».

J'entends vos remarques, Monsieur Ouzoulias. La proposition de loi s'applique aux textes qui doivent être écrits en français, au sens de la loi Toubon. Je suis ouvert à vos propositions, pour préserver les chances du français dans les publications académiques, tout en l'épargnant de l'écriture dite inclusive...

L'amendement COM-1 est adopté.

L'article 1er, ainsi modifié, est adopté.

M. Cédric Vial, rapporteur. - Avec l'amendement COM-2, je vous propose de rédiger ainsi l'intitulé de ce texte : « Proposition de loi visant à protéger la langue française des dérives de l'écriture dite inclusive ».

L'amendement COM-2 est adopté.

La proposition de loi est adoptée dans la rédaction issue des travaux de la commission.

Le sort des amendements examinés par la commission est retracé dans le tableau suivant :

Auteur

N° 

Objet

Sort de l'amendement

Article 1er 

M. Cédric Vial, rapporteur

1

Modification du champ d'application du dispositif et introduction d'une sanction de nullité

Adopté

Intitulé de la proposition de loi

M. Cédric Vial, rapporteur

2

Nouvel intitulé mettant l'accent sur la protection de la langue française

Adopté

LISTE DES PERSONNES ENTENDUES

Mardi 10 octobre 2023

- Conseil national consultatif des personnes handicapées : M. Jérémie BOROY, président.

- Agence nationale de lutte contre l'illettrisme (ANLCI) : M. Hervé FERNANDEZ, directeur.

- M. Sami BIASONI, docteur en philosophie de l'École normale supérieure de Paris

- Mme Anne-Marie LE POURHIET, professeur des Universités.

- Mme Sandrine CAMPESE, membre du comité d'experts du Projet Voltaire.

Jeudi 12 octobre 2023

- M. Jacques TOUBON, ancien ministre de la culture et de la francophonie.

- Direction générale de l'enseignement scolaire : Mme Sandrine BODIN, sous directrice de l'innovation, de la formation et des ressources.

- Université Lumière Lyon 2 : M. Benjamin MORON-PUECH, professeur agrégé.

Lundi 16 octobre 2023

- M. Jean-Marie ROUART, écrivain, membre de l'Académie française.

- Mots-Clés : M. Raphaël HADDAD, fondateur et directeur associé.

Mardi 17 octobre 2023

- Haut Conseil à l'égalité entre les femmes et les hommes (HCE) : Mme Paola BERGS, secrétaire générale.

- Mme Éliane VIENNOT, historienne de la littérature.

- M. Franck NEVEU, professeur de linguistique française.

Lundi 23 octobre 2023

Ministère de la culture : M. Paul DE SINETY, délégué général à la langue française et aux langues de France, et Mme Anne GÉRARD, conseillère éducation artistique, livre et lecture, politiques linguistiques et territoriales.

Proposition de loi n° 404 (2021-2022) visant à interdire
l'usage de l'écriture inclusive

RÈGLES RELATIVES À L'APPLICATION DE L'ARTICLE 45
DE LA CONSTITUTION ET DE L'ARTICLE 44 BIS
DU RÈGLEMENT DU SÉNAT (« CAVALIERS »)

Si le premier alinéa de l'article 45 de la Constitution, depuis la révision du 23 juillet 2008, dispose que « tout amendement est recevable en première lecture dès lors qu'il présente un lien, même indirect, avec le texte déposé ou transmis », le Conseil constitutionnel estime que cette mention a eu pour effet de consolider, dans la Constitution, sa jurisprudence antérieure, reposant en particulier sur « la nécessité pour un amendement de ne pas être dépourvu de tout lien avec l'objet du texte déposé sur le bureau de la première assemblée saisie » 14(*).

De jurisprudence constante et en dépit de la mention du texte « transmis » dans la Constitution, le Conseil constitutionnel apprécie ainsi l'existence du lien par rapport au contenu précis des dispositions du texte initial, déposé sur le bureau de la première assemblée saisie15(*).

Pour les lois ordinaires, le seul critère d'analyse est le lien matériel entre le texte initial et l'amendement, la modification de l'intitulé au cours de la navette restant sans effet sur la présence de « cavaliers » dans le texte16(*). Pour les lois organiques, le Conseil constitutionnel ajoute un second critère : il considère comme un « cavalier » toute disposition organique prise sur un fondement constitutionnel différent de celui sur lequel a été pris le texte initial17(*).

En application des articles 17 bis et 44 bis du Règlement du Sénat, il revient à la commission saisie au fond de se prononcer sur les irrecevabilités résultant de l'article 45 de la Constitution, étant précisé que le Conseil constitutionnel les soulève d'office lorsqu'il est saisi d'un texte de loi avant sa promulgation.

En application du vademecum sur l'application des irrecevabilités au titre de l'article 45 de la Constitution, adopté par la Conférence des Présidents, la commission de la culture, de l'éducation et de la communication a arrêté, lors de sa réunion du mercredi 25 octobre 2023, le périmètre indicatif de la proposition de loi visant à interdire l'usage de l'écriture inclusive.

Elle a considéré que ce périmètre incluait les dispositions relatives :

- à la définition de l'écriture dite inclusive ;

- à son usage dans les actes juridiques et documents rédigés en français ;

- aux conditions d'application, d'entrée en vigueur et de sanction du dispositif.

LA LOI EN CONSTRUCTION

Pour naviguer dans les rédactions successives du texte, visualiser les apports de chaque assemblée, comprendre les impacts sur le droit en vigueur, le tableau synoptique de la loi en construction est disponible sur le site du Sénat à l'adresse suivante :

https://www.senat.fr/dossier-legislatif/ppl21-404.html


* 1 Par exemple dans la « grammaire du français inclusif » d'Alpheratz qui introduit dans la langue un genre neutre.

* 2 Vincent Mazeau, AJDA 2023 p. 951.

* 3 Mazarine Pingeot, « L'Écriture inclusive et ses contresens », dans « Malaise dans la langue française », sous la direction de Sami Biasoni, Les Éditions du cerf, 2022.

* 4 DEPP note n° 23.22.

* 5 DEPP note n° 22.37.

* 6 « On parle d'illettrisme pour des personnes qui, après avoir été scolarisées en France, n'ont pas acquis une maîtrise suffisante de la lecture, de l'écriture, du calcul, des compétences de base, pour être autonomes dans les situations simples de la vie courante » (ANLCI).

* 7 Décision n° 94-345DC.

* 8 Décision n° 99-421 DC.

* 9 Recueil de jurisprudence sur les statuts types des associations reconnues d'utilité publique, Conseil d'État (2022).

* 10 Conseil constitutionnel, n° 99-412DC (voir aussi : n° 96-373 DC).

* 11 Conseil d'État, 31 octobre 2022, N° 444948.

* 12 TA Paris, 14 mars 2023, n° 2206681/2-1.

* 13 N° 94-345DC du 29 juillet 1994.

* 14 Cf. commentaire de la décision n° 2010-617 DC du 9 novembre 2010 - Loi portant réforme des retraites.

* 15 Cf. par exemple les décisions n° 2015-719 DC du 13 août 2015 - Loi portant adaptation de la procédure pénale au droit de l'Union européenne et n° 2016-738 DC du 10 novembre 2016 - Loi visant à renforcer la liberté, l'indépendance et le pluralisme des médias.

* 16 Décision n° 2007-546 DC du 25 janvier 2007 - Loi ratifiant l'ordonnance n° 2005-1040 du 26 août 2005 relative à l'organisation de certaines professions de santé et à la répression de l'usurpation de titres et de l'exercice illégal de ces professions et modifiant le code de la santé publique.

* 17 Décision n° 2020-802 DC du 30 juillet 2020 - Loi organique portant report de l'élection de six sénateurs représentant les Français établis hors de France et des élections partielles pour les députés et les sénateurs représentant les Français établis hors de France.

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