TRAVAUX DE LA COMMISSION

I. TRAVAUX DE LA COMMISSION DES AFFAIRES SOCIALES

A. AUDITIONS

1. Audition de M. Gabriel Attal, ministre délégué chargé des comptes publics (mercredi 14 juin 2023)

Mme Catherine Deroche, présidente. - Mes chers collègues, nous recevons M. Gabriel Attal, ministre délégué chargé des comptes publics.

Je vous précise que cette audition fait l'objet d'une captation vidéo retransmise en direct sur le site du Sénat et disponible en vidéo à la demande.

Monsieur le ministre, le Sénat est saisi du premier projet de loi d'approbation des comptes de la sécurité sociale (Placss), portant sur l'exercice 2022.

Comme vous le savez, cette catégorie de loi a été créée par la loi organique du 14 mars 2022, qui reprenait sur ce point une disposition figurant dans la proposition de loi organique déposée par Jean-Marie Vanlerenberghe et cosignée par plusieurs de ses collègues, dont moi-même.

Comme pour les lois de règlement du budget de l'État, les Placss ont pour objet de distinguer le temps de la reddition des comptes et du contrôle de l'exécution et de la performance et le temps de la prospective et de la réforme, incarnée par les PLFSS de fin d'année.

Elles donnent donc au Parlement un espace - dont il devra s'emparer au fil des ans - afin de se pencher sur le passé, de voir si ce qu'il a voté a été correctement exécuté et d'en tirer les conséquences politiques.

Je relève, à cet égard, que l'Assemblée nationale a rejeté en première lecture ce projet de loi.

Outre les travaux de la rapporteure générale, la commission des affaires sociales et la mission d'évaluation et de contrôle de la sécurité sociale (MECSS) organiseront des auditions plénières dans ce cadre.

Monsieur le ministre, je vais vous laisser la parole pour un propos introductif. La rapporteure générale, Élisabeth Doineau, et les autres commissaires, notamment les rapporteurs de branche qui le souhaiteront, vous interrogeront par la suite.

Monsieur le Ministre, vous avez la parole.

M. Gabriel Attal, ministre délégué chargé des comptes publics. - Merci Madame la présidente.

Madame la rapporteure générale, Mesdames et Messieurs les rapporteurs, Mesdames et Messieurs les sénateurs, je tiens à souligner le caractère inédit de cette audition organisée dans le cadre de la nouvelle loi financière voulue par la révision organique de 2022.

Je forme avec vous le voeu que ces débats permettent d'enrichir le temps consacré à l'évaluation des comptes de l'exercice clos, tant sur le champ de l'État que de la sécurité sociale. Je répète ce que j'ai dit à l'Assemblée nationale sur ce texte comme sur le projet de loi de règlement de l'État. Il me semble que c'est un texte et un support très utiles pour une évaluation partagée, pour que nous puissions rendre des comptes sur l'exécution des budgets, mais il ne s'agit que d'une photographie des comptes exécutés l'année passée, comme un compte administratif.

Je fais partie des quelques membres du gouvernement qui sont également élus locaux. Je suis conseiller municipal d'opposition dans ma commune depuis dix ans mais cela finira peut-être par changer. J'assistais vendredi soir au conseil municipal au cours duquel le compte administratif de la commune nous a été présenté. Alors même que je n'avais pas voté le budget présenté par la majorité municipale, j'ai voté le compte administratif et je n'ai pas de souvenir d'une année où j'aie voté contre un compte administratif, puisqu'il ne s'agit que d'une photographie. Il en va de même pour ce texte. J'ai malheureusement constaté à l'Assemblée nationale que l'ensemble des oppositions ont voulu faire échec à ce texte, comme au projet de loi de règlement, au motif qu'elles sont en désaccord avec la politique gouvernementale. C'est évidemment très sain qu'il y ait des désaccords avec la politique gouvernementale, c'est la raison pour laquelle il y a des votes sur les textes budgétaires ou sur des motions de censure, mais il ne s'agit que d'une photographie de l'année précédente. On ne peut pas changer le passé, on peut s'en inspirer pour essayer de changer l'avenir, mais voter contre ce texte par principe ne me semble pas utile pour le pays.

Ce projet de loi donne une image sincère des comptes de la sécurité sociale. Trois branches sur cinq sont excédentaires : la branche autonomie affiche, pour sa deuxième année d'existence, un excédent de 200 millions d'euros ; la branche famille un excédent de 1,9 milliard d'euros ; la branche accidents du travail et maladies professionnelles un excédent 1,7 milliard d'euros. Cependant, les comptes de la sécurité sociale et du Fonds de solidarité vieillesse restent globalement déficitaires de 19,6 milliards d'euros car les deux principales branches sont en déficit, la maladie pour 21 milliards d'euros et les retraites pour 3,8 milliards d'euros.

Le déficit de la branche maladie tend à se résorber, même s'il reste élevé, notamment en raison des dépenses liées à la crise sanitaire qui ont atteint 11,7 milliards d'euros en 2022 et qui ont permis de financer la poursuite, en début d'année, des tests de dépistage et des campagnes de vaccination.

La situation de la branche vieillesse s'est dégradée par rapport à 2021 mais améliorée par rapport à 2020. C'est parce que la trajectoire de la branche n'était pas soutenable que nous avons porté une réforme des retraites qui permettra au système de revenir progressivement à l'équilibre.

Par rapport à 2021, le déficit de la sécurité sociale s'est réduit de 4,6 milliards d'euros. Outre les moindres dépenses de crise, cette amélioration est largement le fruit de nos politiques économiques, qui ont permis la création de 1,7 million d'emplois depuis 2017, dont 337 000 en 2022. Ces 337 000 emplois représentent 5 milliards d'euros de cotisations en plus par an pour la sécurité sociale, 5 milliards en plus pour nos hôpitaux, pour nos crèches, pour nos établissements d'hébergement pour personnes âgées dépendantes (Ehpad).

Combinées aux hausses de salaire, ces créations d'emplois ont permis une croissance de la masse salariale de 8,9 % en 2022. Au total, les recettes de la sécurité sociale, y compris la fiscalité affectée, ont progressé de 5,4 %.

Toutes les créations d'emplois depuis 2017 représentent 25 milliards d'euros de cotisations supplémentaires pour la sécurité sociale. Si nous n'avions pas favorisé la création de ce 1,7 million d'emplois, la sécurité sociale enregistrerait un déficit supplémentaire de 25 milliards d'euros.

J'ajoute que, pour la troisième année consécutive, l'État n'est plus débiteur mais créancier de la sécurité sociale, à hauteur de 100 millions d'euros, alors qu'il avait accumulé au cours de la décennie passée des dettes s'élevant jusqu'au milliard d'euros. C'est aussi un progrès pour la transparence de nos comptes dans les relations financières entre l'État et la sécurité sociale.

En 2022, la sécurité sociale a également continué à rembourser ses dettes à travers la Caisse d'amortissement de la dette sociale (Cades), qui a amorti 19 milliards d'euros et va continuer à les rembourser jusqu'en 2033, date de son extinction prévue par la loi organique du 7 août 2020.

Nous prenons par ailleurs acte du refus de la Cour des comptes de certifier les comptes 2022 de la branche famille. Ce n'est pas le premier refus de certification, il y en a eu huit depuis 2006, dont deux sur la branche famille, mais nous prenons les observations de la Cour très au sérieux et nous nous mobilisons sans attendre pour y répondre.

La majorité des erreurs de calcul soulignées par la Cour concernent le revenu de solidarité active (RSA) et la prime d'activité. Nous avons pour priorité d'en fiabiliser la liquidation avec l'usage du dispositif ressources mensuelles (DRM), qui sera généralisé d'ici début 2025. Les caisses d'allocations familiales (Caf) disposeront d'informations fiabilisées, ce qui réduira drastiquement les cas d'erreur de calcul. Je souligne également que, sans attendre 2025, dès juillet prochain, le montant net social que doivent déclarer les allocataires sera inscrit sur les bulletins de paie, ce qui permettra de réduire les erreurs de bonne foi.

Enfin, je ne pourrais conclure sans confirmer l'intention du Gouvernement de mener une lutte inlassable et implacable contre toutes les fraudes aux finances publiques. En matière de fraude sociale, je viens d'annoncer un plan complet, avec un arsenal de mesures pour lutter contre le travail non déclaré, la fraude aux prestations de santé et la fraude aux prestations sociales.

En 2022, nous avons obtenu des résultats historiques dans la lutte contre la fraude, avec 50 % de redressement en plus en cinq ans dans les unions de recouvrement des cotisations de sécurité sociale et d'allocations familiales (Urssaf) au titre du travail dissimulé, 30 % de préjudice détecté et évité par l'assurance maladie en plus, comme pour les caisses Caf et les caisses de retraite.

En matière fiscale, les mises en recouvrement par la direction générale des finances publiques ont atteint 14,6 milliards d'euros, un montant historique, mais nous pouvons et nous allons faire mieux, parce que notre modèle social est aussi porteur d'une exigence de justice, afin que le prélèvement dû soit bien acquitté et que les prestations dues soient versées aux bonnes personnes.

Mesdames et Messieurs les sénateurs, financer notre modèle social par le travail, c'est le choix que nous assumons depuis 2017. C'est la condition essentielle pour assurer sa pérennité. Je vous remercie.

Mme Élisabeth Doineau, rapporteure générale. - Merci Monsieur le ministre pour ce propos liminaire, je ne doute pas que nous éclaircirons plus avant ces éléments.

Vous avez comparé ce nouvel exercice à une photographie, comme le compte administratif est la photographie d'un budget exécuté. En filant la métaphore, je dirais que tout dépend de la façon dont nous réglons l'appareil.

La photographie peut être appréciée de différentes façons. Vous avez quelques éléments de satisfaction, que nous pouvons partager. Certains considéreront que la photographie est un peu floue et qu'il est peut-être nécessaire de poursuivre les réglages. Nous inaugurons un nouvel exercice, plein de promesses, et nous attendons qu'elles soient à la hauteur de nos attentes.

La Cour des comptes a refusé de certifier les comptes de la branche famille, en pointant une augmentation substantielle de la proportion de paiements erronés. Quelle a été votre réaction quand vous avez eu connaissance de ce refus ? Votre plan de lutte contre la fraude vous permettra-t-il d'éviter un tel refus au cours des prochaines années ? Prévoyez-vous des actions spécifiques pour réduire les erreurs ?

Dans son dernier rapport, la Cour des comptes recommande d'avancer de quinze jours la production des comptes sociaux. Je suis favorable à cette proposition qui nous laisserait plus de temps pour apprécier les informations qui nous sont communiquées. Cette anticipation vous semble-t-elle possible ?

Par ailleurs, je trouve que la photographie est un peu floue et j'ai besoin de confirmations. La Cour des comptes estime que l'annexe 6 du projet de loi de financement de la sécurité sociale (PLFSS) 2023 relative aux établissements de santé n'est pas conforme aux exigences de la loi organique. En effet, elle n'indique pas les dotations dont ils bénéficient, leur répartition par région et l'évolution prévisionnelle de leur dette. Pouvez-vous me confirmer que dans le prochain PLFSS cette annexe sera mise en conformité avec les exigences de la loi organique ? Dans le cadre des rapports d'évaluation des politiques de sécurité sociale (Repss), la plupart des indicateurs s'arrêtent en 2020 ou en 2021, ce qui est paradoxal dans une loi d'approbation des comptes 2022. Je comprends que cette actualisation a pu être difficile mais pouvez-vous confirmer que ces rapports seront à jour dans les prochaines lois d'approbation ?

Enfin, la loi organique prévoit que l'annexe  2 du Placss relative aux niches sociales propose une évaluation de l'efficacité de ces niches, un tiers devant faire l'objet d'une évaluation tous les trois ans. Or, cette annexe ne comporte aucune évaluation. La loi organique n'est donc pas respectée. Comme nous sommes dans le cadre d'un premier exercice, il s'agit sans doute d'un incident isolé. Pouvez-vous confirmer que cette disposition organique sera respectée pour les prochains Placss et qu'un tiers des niches sera évalué ?

M. Olivier Henno, rapporteur pour la branche famille. - Votre comparaison avec les comptes administratifs des collectivités territoriales est très juste. C'est une photographie d'une bonne exécution. Pour autant, quand nous discutons de ces comptes financiers, il nous arrive régulièrement d'aborder le présent et le futur.

La non-certification des comptes de la branche famille n'est pas anodine. Envisagez-vous de prendre des mesures concrètes, notamment en matière de ressources humaines, pour que cette situation ne se reproduise plus ? Quelles actions envisagez-vous en termes d'organisation des Caf pour éviter les erreurs de distribution des prestations ?

La Première ministre a évoqué en séance la création de 200 000 places de crèche. Même si les comptes de la branche famille sont aujourd'hui excédentaires, comment envisagez-vous le financement du plan du service public de la petite enfance dans les années à venir ?

Enfin, nous sommes au milieu de l'année 2023. Si l'objectif national de dépenses d'assurance maladie (Ondam) devait être révisé, proposeriez-vous le même taux que celui que nous avons voté dans le PLFSS ?

M. Philippe Mouiller, rapporteur pour la branche autonomie. - Vous avez évoqué un excédent de 200 millions d'euros de la branche autonomie alors que les prévisions annonçaient un déficit de 500 millions. Ce résultat s'explique par des recettes supplémentaires mais aussi par une progression des dépenses moins forte qu'attendu, de l'ordre de 200 millions d'euros, dans un contexte d'insatisfaction du personnel du secteur médico-social en raison du manque de moyens alloués à cette branche. Si nous nous réjouissons des recettes supplémentaires, nous nous inquiétons de la non-consommation des moyens inscrits au budget, alors que les besoins sur le terrain sont criants. Quelle est votre position par rapport à cette situation ?

Par ailleurs, nous ne disposons pas de chiffres précis sur la revalorisation salariale dans le secteur médico-social. Enfin, le nouveau service à domicile a été mis en place, avec une compensation de l'État aux départements, avec l'instauration du tarif plancher national. Ce volet a-t-il généré des économies ?

Mme Corinne Imbert, rapporteure pour la branche assurance maladie. - La branche maladie a enregistré, vous l'avez rappelé, un déficit de 21 milliards d'euros, soit le montant du déficit total de la sécurité sociale.

L'Ondam 2022 affiche un dépassement de 10,4 milliards d'euros par rapport à la prévision initiale. Ce dépassement ne s'explique pas uniquement par la crise sanitaire.

Même si cette audition porte sur les comptes 2022, je souhaite parler de 2023 et de l'avenir.

Pour 2023, dans son avis du 7 juin, le comité d'alerte appelle à une « grande vigilance », sans pour autant tirer la sonnette d'alarme. Comment anticipez-vous la trajectoire 2023 ? Préparez-vous des mesures d'économie pour tenir cette trajectoire ?

L'Ondam s'élève à environ 250 milliards d'euros et ne semble plus pilotable, même si le directeur de la Caisse nationale de l'assurance maladie (Cnam), que nous avons auditionné ce matin, considère qu'il l'est encore. Cependant, il n'est pas à même de rendre compte au législateur des actes effectifs de dépenses et des choix politiques du gouvernement, encore moins de les arbitrer. Quand disposerons-nous d'un Ondam utile, avec un découpage plus fin des dépenses ? Les missions du budget général sont votées une par une, alors que leur montant est bien souvent inférieur aux montants des sous-objectifs en dépenses de l'Ondam. Je pense qu'il n'est plus tenable de voter 250 milliards d'euros de dépenses en seule fois.

Le dynamisme des dépenses de médicaments est mis en avant dans une annexe du Placss. Sans régulation, ces dépenses ont augmenté de plus de 9,6 % en 2022 et de 4,1 % avec régulation. Le montant de la clause de sauvegarde augmente très fortement et dépasse 1 milliard d'euros, pour une prévision de 125 millions d'euros. Comment expliquez-vous cet écart entre l'étude d'impact et l'exécution ? Quelle doit être la place de cette clause de sauvegarde dans la régulation des dépenses de médicaments, clause que les laboratoires qualifient de fiscalité ? Elle tend à rattraper voire dépasser les mécanismes conventionnels puisque le PLFSS demande un effort de 1 milliard d'euros aux laboratoires avec des baisses de prix. Les industriels dénoncent cette évolution. Comment la jugez-vous ?

Par ailleurs, plusieurs facteurs tendent à faire croître structurellement les dépenses de produits de santé, comme des innovations, avec des prix très élevés exigés par certains laboratoires, le vieillissement de la population, le développement des maladies chroniques. De quelle manière le gouvernement envisage-t-il de maîtriser dans les prochaines années la croissance des dépenses de produits de santé ? Sur quels produits faut-il prioritairement faire porter l'effort ?

Enfin, on parle beaucoup des pénuries de médicaments et du prix très bas des médicaments anciens. Pour autant, le comité économique des produits de santé (CEPS), lors de son audition par la commission d'enquête sur la pénurie de médicaments, nous a dit qu'il allait continuer à proposer une baisse de prix, dans le cadre de l'élaboration du PLFSS, sur les médicaments anciens. Je crains que cette baisse de prix nourrisse les pénuries.

M. Gabriel Attal, ministre délégué. - Je vous remercie pour vos nombreuses questions, qui montrent l'utilité de cet exercice à ce moment de l'année.

Sur le refus de certification des comptes de la branche famille, je rappelle que la Cour des comptes ne remet pas en cause leur sincérité, la branche a bien dégagé un excédent de 1,9 milliard d'euros. Par ailleurs, ce n'est pas le premier refus de certification, les derniers quinquennats ont en connu. Enfin, ce n'est évidemment pas satisfaisant. Je n'ai pas été très content quand j'ai appris la nouvelle. Ce refus de certification est lié à plusieurs milliards d'euros d'erreurs. Des personnes reçoivent des prestations auxquelles elles n'ont pas le droit et d'autres, qui auraient droit à des prestations, ne les reçoivent pas. Comme nous sommes tous attachés à notre modèle social, nous ne pouvons pas nous satisfaire d'une telle situation.

Nous y répondons avec des mesures du plan fraude et facilitant l'accès aux droits. Le pré-remplissage des déclarations de ressources pour le RSA et la prime d'activité, avec le DRM (dispositif ressources mensuelles), constituera un vrai progrès. C'est la première brique du versement à la source voulu par le président de la République et annoncé dans la campagne présidentielle. Notre objectif est de verser directement aux Français les aides auxquelles ils ont droit. Dès lors que nous connaissons leurs ressources pour prélever les impôts, nous devons être capables de déterminer les aides auxquelles ils ont droit. Je souhaite que le DRM soit généralisé le 1er janvier 2025 et nous le testerons dès cette année dans plusieurs départements.

Nous créerons également dans les caisses de sécurité sociale 1 000 emplois dans les cinq prochaines années, notamment pour lutter contre la fraude, et nous investirons un milliard d'euros dans les systèmes d'information, certains étant vraiment très vétustes. Par exemple, les Caf ne peuvent pas recouvrer les indus frauduleux au-delà de deux ans. Je souhaite qu'elles puissent remonter cinq ans en arrière.

Vous m'avez interrogé sur le calendrier et notre capacité à l'avancer de 15 jours. Un groupe de travail coordonné par la direction de la sécurité sociale (DSS), associant la Cour des comptes et les organismes, s'est réuni fin 2022 pour étudier l'avancement du 15 avril au 31 mars de la production des comptes. Il a conclu qu'un tel mouvement faisait peser un risque sur la fiabilisation des données. Pour poursuivre sur l'image de la photographie, une photo retirée trop tôt du produit dans lequel elle baigne pour révéler l'image n'est pas claire. En revanche, je pense que nous pouvons améliorer la transmission des documents à la commission des comptes de la sécurité sociale, qui arrivent la veille de la réunion. Le délai est aussi lié à la date à laquelle ces comptes sont présentés en Conseil des ministres et il serait préférable de fixer une date de réunion de la commission éloignée de celle du Conseil des ministres.

Sur l'annexe 2 du Placss, comme nous nous y sommes engagés sur l'évaluation des niches sociales, nous publions le rapport de l'inspection générale des services (Igas) et de l'inspection générale des finances (IGF), qui formule des recommandations pour la méthodologie et la gouvernance de l'évaluation de ces niches. Nous allons par exemple associer France Stratégie au pilotage d'un comité d'évaluation sur les principales niches sociales, qui associera des experts indépendants et qui remettra des rapports publics, qui enrichiront les débats parlementaires. Ces évaluations suivront le rythme prévu par la loi organique, c'est-à-dire une évaluation des niches tous les trois ans.

Sur les indicateurs des Repss qui s'arrêtent en 2020 ou en 2021, les chiffres sont issus des comptes clos et beaucoup de sources statistiques ne sont disponibles qu'après le mois de mai, notamment les comptes de l'Institut national de la statistique et des études économiques (Insee). Les comptes de la santé de la direction de la recherche, des études, de l'évaluation et des statistiques (Drees) ne sont disponibles qu'en septembre et le « Panorama des établissements de santé » et le document « Retraites et retraités » en fin d'année. C'est la raison pour laquelle il existe un décalage. Nous verrons dans quelle mesure nous serons capables, dans le cadre des Placss, de disposer de données de manière anticipée. J'ai dû présenter à l'Assemblée nationale un amendement au Placss en première lecture pour actualiser le taux de croissance constaté en 2022. Je pense que l'édition de mai 2024 présentera des améliorations.

Le projet de loi sur la programmation des finances publiques (LPFP) prévoit une provision de 900 millions d'euros à l'horizon 2027 pour financer le service public de la petite enfance. Ce financement a vocation à permettre la création d'un nombre très important de places de crèche supplémentaires et éviter la suppression de certaines places. En effet, nous n'atteignons pas nos objectifs en termes de nombre de places car elles sont insuffisamment financées et les professionnels sont insuffisamment rémunérés. Ces crédits doivent nous permettre de financer des revalorisations travaillées dans le cadre du comité de filière.

Sur le taux d'Ondam, je suis ministre des Comptes publics. Par définition j'aurais choisi un taux moins élevé que celui qui a été retenu par le gouvernement et par le Parlement. J'ai reçu le Comité d'alerte, qui constate des dépassements mais qui n'a pas signalé de « risque sérieux » au-delà de 0,5 %, seuil qui est fixé par le décret du 20 juin 2014. En revanche, une grande vigilance est nécessaire pour respecter l'objectif national de dépenses d'assurance maladie (Ondam) en concrétisant les mesures d'économies prévues, en mobilisant toutes les marges d'exécution et en prenant, en tant que de besoin, certaines mesures de régulation.

La branche autonomie dégage effectivement un excédent, les dépenses progressant, comme les recettes, de 2,6 milliards d'euros. C'est pourquoi l'excédent reste stable à 200 millions d'euros, pour des dépenses de 35 milliards d'euros, en hausse de 10 milliards par rapport au précédent quinquennat.

Pour répondre à Madame Imbert sur les dépassements, je précise que l'essentiel de ces dépassements est lié aux indemnités journalières et à l'explosion des arrêts maladie de 7,9 %. J'avais introduit dans le PLFSS une disposition, malheureusement censurée par le Conseil constitutionnel, sur la prescription d'arrêts maladie par téléconsultation. Il suffit aujourd'hui d'ouvrir un réseau social ou un article de presse pour constater combien il est facile de se procurer un arrêt maladie. Un article récent du Parisien expliquait comment l'obtenir en 10 minutes pour 10 euros sur Snapchat. Certains groupes privés développent des offres par abonnement à 11 euros par mois, avec des téléconsultations illimitées permettant d'obtenir un arrêt maladie. Ces pratiques explosent et nous devons y être très attentifs car les indemnités journalières représentent 15 milliards d'euros par an. Si la tendance actuelle se poursuit, elles atteindront 23 milliards d'euros en 2027. J'espère que nous trouverons une solution sur les téléconsultations, sans attendre la nouvelle campagne de contrôle que j'ai annoncée dans le plan fraude sur la prescription des arrêts maladie. Nous regarderons les professionnels qui prescrivent le plus d'arrêts, nous serons attentifs aux faux arrêts du lundi ou du vendredi et nous examinerons les arrêts sans prescription de soins ou de médicaments.

La clause de sauvegarde est un mécanisme ancien, qui date de 1999. Je pense que plus nous mettrons en place des mesures d'économies intelligentes (baisse des prix des médicaments anciens pour financer l'innovation, réduction des surdosages, favoriser les biosimilaires et les génériques, responsabilisation des prescripteurs et des assurés), moins nous aurons besoin de ce dispositif. Certaines franchises n'ont par exemple pas évolué depuis 2004. Nous débattrons prochainement de toutes ces questions.

En 2022, nous avons procédé à environ 1 milliard d'euros de régulation sur les médicaments et les dispositifs médicaux. À l'échelle des dépenses, cette régulation correspond à la maîtrise du tendanciel et non à une amputation massive de nos dépenses. Si nous n'avions pas réalisé ces économies, nous aurions dû prélever davantage au titre de la clause de sauvegarde. Je rappelle que cette clause est plafonnée entre 50 et 70 % des dépassements. Par ailleurs, les entreprises qui contractent une convention avec le CEPS sur des remises sont exonérées de clause de sauvegarde et il n'est pas question de modifier ce dispositif.

Enfin, les questions sur le pilotage de l'Ondam et sur un vote par sous-objectifs peuvent se poser. Néanmoins, les débats sont nourris au moment de l'examen du PLFSS et le Placss nous permet également de creuser certains sujets.

Mme Catherine Deroche, présidente. - Merci Monsieur le ministre. Je donne la parole à nos collègues pour une deuxième série de questions.

M. Bernard Jomier. - C'est la première fois que nous débattons de la Lacss. Votre exposé liminaire était très politique. La loi organique a modifié le processus d'adoption des comptes sociaux pour permettre à la représentation nationale de mieux les apprécier. Si vous considérez que le Placss se limite à un compte administratif, nous pouvons mettre en avant la non-certification des comptes de la branche famille pour refuser de l'approuver. C'est pour moi un temps d'échange sur l'évolution des comptes sociaux. Je considère que la réforme n'a pas répondu à la question fondamentale du pilotage. Par exemple, nous ne fixons pas d'objectifs de santé en amont des débats sur l'Ondam. 25 % des Français sont fumeurs. Nous pourrions par exemple fixer un objectif de réduction du nombre de fumeurs à cinq ou dix ans. Retenons-nous l'objectif de la Suède dont le taux de fumeurs est de 10 % ? Quels programmes mettons-nous en place et finançons-nous pour atteindre notre objectif ? Je peux aussi prendre l'exemple du surpoids, en augmentation constante et qui entraîne de nombreuses conséquences de santé. Quels programmes retenons-nous pour lutter contre ce surpoids ?

L'Ondam me semble déconnecté des objectifs de notre politique sociale, chaque secteur faisant pression pour préserver ses intérêts. Je n'ai pas une vision pessimiste mais l'absence de pilotage et la tendance structurelle à l'augmentation de la dépense du fait de l'évolution de la population et de ses caractéristiques donnent le sentiment que nous sommes encore dans des processus très balbutiants de production, de validation et d'évaluation de nos comptes sociaux.

M. Daniel Chasseing. - Nous sommes tous attachés à la sécurité sociale, qui est la colonne vertébrale de notre République. L'objectif de la réforme des retraites est de parvenir à un équilibre du régime en 2030.

Sur la branche maladie, il reste, malgré la prévention, beaucoup à faire. Vous avez dépensé depuis 2017 57 milliards d'euros pour le covid-19 et les salaires mais il reste le financement de l'hôpital, les investissements, l'augmentation du personnel à traiter. J'espère que le plan grand âge promis par le président de la République arrivera car les Ehpad ont besoin de plus d'infirmières et d'aides-soignantes. Je pense que l'Ondam devra augmenter de 3 %

Pour équilibrer la sécurité sociale et le budget de l'État, je pense que vous disposez que de la croissance et de la création d'emplois et de la lutte accrue contre la fraude.

Mme Cathy Apourceau-Poly. - Vous l'avez dit monsieur le ministre, ce projet de loi est la photographie des comptes 2022 de la sécurité sociale. Nous constatons une logique d'austérité et de réduction des dépenses imposée par Bruxelles. Je rappelle que la Commission européenne ne vise que la réduction de la dépense publique de la France.

Nous sommes évidemment contre toutes les fraudes. Vous avez décidé de faire de la fraude sociale votre principal cheval de bataille. Vous avez annoncé la création d'emplois supplémentaires alors que vous en aviez supprimé quelques milliers auparavant.

La fraude sociale est estimée à 6 ou 7 milliards d'euros et je rappelle que 70 % de cette fraude correspond à la fraude aux cotisations et non à celle des plus pauvres. Une partie de la population rencontre de grandes difficultés pour accéder aux services publics. Nous rencontrons chaque jour des citoyens qui ne savent pas se servir d'internet et qui vivent la fracture numérique. Remplir une déclaration pour la Caf nécessite d'avoir un bac+20 ! Il y a aussi des citoyens de bonne foi. Je ne veux pas que vous pensiez que les plus pauvres fraudent délibérément. De nombreuses personnes sont confrontées à des difficultés parce qu'elles n'ont plus d'agents face à elles pour les aider dans leurs démarches.

Vous mettez beaucoup de coeur à lutter contre la fraude sociale. J'aimerais que vous mettiez autant d'énergie à vous battre contre la fraude fiscale, qui représente 80 milliards d'euros.

Enfin, vous avez fait des choix contre-productifs avec la réforme des retraites imposée, qui va conduire la population à travailler jusqu'à 64 ans, dans des conditions très pénibles et qui va multiplier les arrêts maladie et les accidents de travail, coûteux pour la sécurité sociale.

Vous avez abordé la téléconsultation. Elle est indispensable aux patients qui vivent dans des déserts médicaux et qui sont contraints de recourir à ce dispositif pour obtenir un arrêt de travail. Je vous assure que ces patients préféreraient consulter un médecin en face-à-face.

Votre réforme des retraites va engendrer un surcoût jusqu'en 2024 et elle ne dégagera qu'un milliard d'euros d'économies en 2025 et 1 ou 2 milliards en 2026.

M. Jean-Marie Vanlerenberghe. - Je me réjouis de la mise en oeuvre de la loi organique, pour laquelle nous avons beaucoup oeuvré au Sénat, et des échanges anticipant les débats que nous aurons dans le cadre de l'examen du PLFSS 2024.

Nous sommes dans un exercice d'approbation des comptes et nous souhaitons disposer d'une finesse de ces comptes. Le gouvernement n'a pas répondu à notre demande, indiquant qu'elle était difficile à mettre en oeuvre. Cependant, si nous disposions de comptes plus détaillés, nous pourrions les rapprocher des objectifs de santé publique fixés par le gouvernement.

Sur la fraude sociale, nous sommes réjouis que votre prédécesseur, Olivier Dussopt, ait envoyé une feuille de route à tous les organismes de sécurité sociale. Certains y ont répondu rapidement, la caisse nationale des allocations familiales (Cnaf) ou la caisse nationale d'assurance vieillesse (Cnav), d'autres moins rapidement, comme l'Assurance maladie. Je pense qu'il y a beaucoup à gagner dans la mise en oeuvre de méthodes de ciblage sur les différents opérateurs de l'Assurance maladie. Je me souviens qu'un rapport de la Cour des comptes dénonçait 6 à 8 milliards d'euros de fraude aux cotisations sociales et que son dernier rapport fait état de 5 à 6 milliards de fraudes aux prestations. Pouvez-vous confirmer ces chiffres, qui sont très éloignés de ceux mentionnés au cours de l'élection présidentielle de 2022 ?

Enfin, vous avez, conformément à vos engagements, je vous en félicite, lancé un plan de lutte contre la fraude sociale, après celui contre la fraude fiscale. Vous suggérez de fusionner la carte nationale d'identité et la carte Vitale. Cependant, dans un rapport publié en avril 2023, l'Igas et l'IGF indiquent que le directeur général de la Cnam a fait part de très fortes réserves à ce sujet. Ce matin, il nous a dit que des investigations supplémentaires étaient nécessaires pour évaluer l'intérêt d'une telle fusion et éviter la fraude à l'identité.

J'ajoute que notre rapport sur la fraude à l'inscription des étrangers évalue son montant à 140 millions d'euros et non à 14 milliards comme certains le laissaient entendre.

Mme Raymonde Poncet Monge. - Je ne partage pas, Monsieur le ministre, votre appréciation selon laquelle nous n'avons d'autre choix que d'approuver ce compte administratif. Nous ne sommes pas commissaires aux comptes. L'évaluation est l'une des trois grandes fonctions des parlementaires. Si vous acceptez que la Cour des comptes ait refusé de certifier les comptes de la branche famille, vous devrez peut-être accepter que le Sénat n'approuve pas votre projet de loi.

Vous avez filé la métaphore de la photographie. Je regarde plutôt ce qui n'est pas sur la photo !

Comme l'a déjà dit la rapporteure générale, le projet de loi ne comporte pas l'évaluation d'un tiers des niches sociales.

Vous avez beaucoup insisté sur le caractère technique de ce Placss mais votre discours était très politique. Nous aurons nous aussi une approche politique au moment de discuter ce projet de loi. Vous avez affirmé que vous aviez créé de nombreux emplois. Je note que le projet de loi sur le pouvoir d'achat a désocialisé de nombreuses primes et les heures supplémentaires et que, contrairement à ce qu'impose la loi Veil, vous ne le compensez pas. Vous avez répondu qu'il n'était pas pertinent de socialiser des cadeaux. Or, les analyses de l'Insee montrent que ces mesures se sont substituées à des hausses générales de salaire. Si nous neutralisons les effets de loi sur le pouvoir d'achat, les recettes tirées des cotisations sociales n'ont pas augmenté autant que vous l'affirmez.

Vous vous êtes félicité des excédents dégagés par les branches autonomie, famille et AT/MP. Cependant, que faites-vous pour les enfants pauvres ? Quant à l'AT/MP, doit-on vous rappeler le nombre de morts au travail et l'explosion des maladies professionnelles ?

Il serait pertinent, comme l'a dit Bernard Jomier, de réfléchir à des objectifs de santé publique et à des plans de prévention. Il n'y aura pas de maîtrise des dépenses sans politique partant des besoins et sans prévention.

Par ailleurs, je ne suis pas étonnée par le dépassement de l'Ondam, qui est sous-dimensionné, en deçà de l'inflation et de la croissance mécanique liée à transition démographique, à l'innovation médicale ou aux maladies chroniques. L'Ondam n'est donc pas fixé de manière sincère.

Enfin, vous attendez beaucoup de la solidarité à la source et je me réjouis que vous envisagiez également le versement à la source.

Mme Laurence Cohen. - Nous sommes membres de la commission des affaires sociales. Vous nous demandez d'examiner les comptes de la sécurité sociale, ce qui est normal, mais nous sommes chaque jour confrontés à des hôpitaux à bout de souffle, qui manquent de moyens. Les besoins sont pourtant connus. Nos hôpitaux subissent trois chocs. Le premier est lié à l'inflation. L'Observatoire français des conjonctures économiques anticipe une inflation de plus de 6 % mais l'Ondam n'est pas aligné sur ce niveau. Le deuxième est dû à des fermetures de lits, faute de personnel, ce qui se traduit par une baisse des recettes. Enfin, les hôpitaux sont confrontés à l'explosion du prix de l'énergie.

Pourtant, vous prévoyez une évolution des dépenses beaucoup plus lente que celle des besoins. Soit vous continuez à restreindre au maximum les dépenses de santé, sans prendre en compte la réalité du terrain, soit vous changer de politique. Ce n'est malheureusement pas ce que j'ai entendu dans vos propos.

Néanmoins, je suis ravie que vous vous rendiez compte que la création d'emplois permet de faire rentrer des cotisations sociales. En effet, ma famille politique se bat depuis des années pour résorber le chômage ! Si vous arrivez sur nos propositions, c'est une bonne chose.

Je vous invite également à cesser d'exonérer de cotisations sociales les entreprises. Ces exonérations représentent 75 milliards d'euros. Vous allez répondre que vous compensez ces exonérations mais vous ne les compensez que partiellement et cet argent sort toujours des caisses de l'État. Ce n'est donc pas une bonne opération.

M. Gabriel Attal, ministre délégué - Je vous confirme que la croissance est le coeur de notre stratégie pour le financement de notre modèle social. C'est bien le travail qui crée de la richesse et pas les impôts supplémentaires. Il est même parfois nécessaire de les baisser pour qu'il y ait davantage de travail et d'activité économique dans notre pays.

Les allégements de cotisations sont quasiment intégralement compensés. Par ailleurs, sans ces allégements, les entreprises n'auraient pas créé 1,7 million d'emplois depuis 2017 et la sécurité sociale n'aurait pas perçu 25 milliards d'euros de cotisations supplémentaires. Si nous avions un taux d'emploi identique à celui de l'Allemagne, je n'aurais aucune difficulté à équilibrer les comptes publics. Or, notre taux d'emploi est inférieur de 10 points à celui de notre voisin.

Pour l'améliorer, nous disposons de deux leviers, les jeunes et les seniors. Pour les jeunes, nous travaillons sur l'apprentissage, sur la réforme de la voie professionnelle. Pour les seniors, nous avons mené la réforme des retraites, qui a surtout pour objectif, indépendamment de l'économie budgétaire, d'améliorer leur taux d'emploi. En 2010, après la réforme Fillon, nous avons constaté une amélioration de 15 points de ce taux d'emploi.

Les « primes Macron » ont représenté 4,4 milliards d'euros, qui ont été distribués à 5,5 millions de salariés. Je ne pense pas qu'on puisse les balayer d'un revers de la main. Vous avez aussi noté que l'accord national interprofessionnel signé par les partenaires sociaux il y a quelques semaines prévoit la pérennisation de la « prime Macron » désocialisée dans les entreprises de moins de 50 salariés. Ce que vous critiquez est soutenu par la CFDT, la CFE-CGC et Force Ouvrière. Nous sommes évidemment à leurs côtés.

Je tiens également à vous rappeler que je lutte contre toutes les fraudes, fiscales, sociales ou douanières. Il y a, dans le plan de lutte contre les fraudes que j'ai présenté, des mesures assez fortes sur la fraude fiscale, dont certaines sont inspirées des propositions de votre camarade Éric Bocquet, qui a participé au groupe de travail contre la fraude que j'ai piloté.

L'évaluation de la fraude sociale est compliquée. Une des mesures de mon plan est la mise en place d'un vrai Conseil d'évaluation de la fraude. C'est un enjeu démocratique car nous avons vu, à l'occasion de l'élection présidentielle, une candidate, Mme Le Pen, qui gageait l'intégralité de son programme sur la lutte contre la fraude, en annonçant des dépenses absolument somptuaires. Plus nous parviendrons à évaluer ce que recouvre la fraude dans notre pays plus les débats démocratiques à venir seront sincères et plus nous empêcherons des candidats de raconter n'importe quoi à propos de la fraude.

La fraude fiscale serait de 30 milliards d'euros selon certaines estimations, 100 milliards d'euros selon d'autres. Je souhaite que tous ceux qui travaillent sur ce sujet puissent se retrouver au sein d'une même instance pour piloter des évaluations. 30 milliards, c'est déjà beaucoup et nous en recouvrons aujourd'hui la moitié.

Sur la fraude sociale, je confirme l'ordre de grandeur évoqué sur les cotisations. La Cnaf évalue la fraude aux allocations à 2,8 milliards d'euros par an.

Sur l'assurance maladie, nous ne disposons pas encore d'évaluation fiable, mais nous y travaillons.

J'ajoute que les bénéficiaires peuvent aussi être victimes de la fraude aux prestations sociales quand leur relevé d'identité bancaire (Rib) est remplacé par un Rib frauduleux et qu'ils ne reçoivent plus leur minimum vieillesse. J'ai rendu visite à la Cnaf il y a quelques jours et on m'a présenté un nouveau dossier de fraude dans lequel 437 familles roumaines, qui ne résident pas en France, se sont inscrites à la Caf avec des fausses attestations de salariat et de fausses domiciliations, via une association. C'est un préjudice de 8 millions d'euros sur le seul département du Val de Marne !

Lutter contre la fraude ce n'est pas « faire la chasse aux pauvres ». C'est s'assurer que la solidarité nationale aille vers ceux qui en ont besoin ! C'est aussi un enjeu d'accès aux droits et je renvoie au versement à la source qui reste notre objectif.

Sur la fraude aux arrêts maladie, je précise que 80 % des arrêts prescrits en téléconsultation concernent des patients en milieu urbain. Ce ne sont donc pas ceux qui sont le plus éloignés de l'accès aux soins, même si je n'ignore pas qu'il y a des déserts médicaux en ville.

Je pense que la logique consistant à fixer des objectifs de santé publique et les décliner sur le plan budgétaire est la bonne. Je ne suis pas certains qu'il nous manque des données. Les annexes du Placss comportent mille pages, nous disposons également du Ralfss (rapport sur l'application des lois de financement de la sécurité sociale), du rapport de certification de la Cour des comptes, etc. Nous avons un enjeu de sélection des bons indicateurs pour prendre les bonnes décisions.

Toujours sur la fraude, vous m'avez interrogé sur la fusion entre la carte d'identité et la carte Vitale. Ce serait un moyen de lutter contre la fraude à l'identité sur les prestations de santé. Contrairement à ce qu'a affirmé Mme Le Pen, il n'y a pas plusieurs millions de cartes Vitale surnuméraires en circulation. Le rapport Igas / IGF confirme qu'elles ont été désactivées.

Certains affirment, en utilisant le répertoire national interrégimes des bénéficiaires de l'assurance maladie (RNIAM), qu'il y aurait 73 millions d'assurés sociaux alors que nous ne sommes que 68 millions d'après le recensement. Comparer des fichiers qui n'ont rien à voir n'a pas de sens. Le recensement décompte les personnes résidant en France, alors que le fichier RNIAM comporte 1,2 million de retraités qui ont cotisé toute leur vie mais qui ne résident plus en France mais ont droit à l'assurance maladie. De même, certains expatriés n'ont plus droit à l'assurance maladie mais ils ne sont pas radiés des fichiers, pour que leurs droits soient rapidement réactivés à leur retour, comme le demandent d'ailleurs les sénateurs des Français de l'étranger.

Il y a néanmoins des personnes qui viennent sur le territoire national, se font prêter ou louent une carte Vitale, pour recevoir des soins auxquels elles n'ont pas droit. Pour résoudre ce sujet, plusieurs pistes ont été avancées, notamment au Sénat, dont celle de la carte Vitale biométrique. La mission Igas / IGF écarte cette piste. La commission nationale de l'informatique et des libertés (Cnil) considère qu'elle ne respecterait pas les libertés individuelles, les syndicats médecins sont contre, ils militent pour la réduction des tâches administratives. Enfin, ce dispositif coûterait 250 millions d'euros par an et un certain nombre d'obstacles sont difficilement surmontables, comme l'achat de médicament pour un membre de votre famille.

La mission Igas / IGF recommande de privilégier la fusion de la carte Vitale avec la carte d'identité, en intégrant les observations de l'assurance maladie, qui doivent pouvoir être surmontées. Pour les étrangers en situation régulière, il suffira de mettre une puce sur les cartes de séjour. Pour garantir l'intégrité des données personnelles, la Cnil exige qu'il y ait deux compartiments dans la puce.

Je regrette qu'au moment où nous réfléchissons à cette évolution, de nombreuses personnes, y compris dans les administrations, expliquent que ce projet est trop ambitieux et donc impossible à mettre en oeuvre. Pourtant, plusieurs pays européens comme la Belgique, le Portugal ou la Suède fonctionnent de cette manière. Les Estoniens disposent quant à eux d'une seule carte qui intègre la carte d'identité, la carte Vitale, le permis de conduire, la carte bancaire et la carte d'électeur. Je ne m'arrêterai pas à ce type de remarques, je suis très motivé pour avancer sur ce dossier et je sais que je pourrai compter sur votre soutien.

Enfin, j'observe que la première fois dans l'histoire de notre pays, le budget de l'hôpital public dépasse 100 milliards d'euros. Ce sont des budgets dont nous aurions rêvé il y a quelques années, notamment quand je travaillais au ministère de la santé au cours d'un précédent quinquennat. Il y a bien sûr un enjeu de réforme du système, mais c'est le travail de mon collègue François Braun.

Mme Catherine Deroche, présidente. - Merci Monsieur le ministre.

Ce point de l'ordre du jour a fait l'objet d'une captation vidéo qui est disponible en ligne sur le site du Sénat.

2. Audition de Mme Véronique Hamayon, présidente de la sixième chambre, MM. Nicolas Fourrier et Jean-Luc Fulachier, conseillers maîtres, et Thibault Perrin, conseiller référendaire à la Cour des comptes (mercredi 21 juin 2023)

Mme Catherine Deroche, présidente. - Mes chers collègues, nous recevons ce matin Mme Véronique Hamayon, présidente de la sixième chambre, MM. Nicolas Fourrier et Jean-Luc Fulachier, conseillers maîtres, et Thibault Perrin, conseiller référendaire à la Cour des comptes, afin qu'ils nous présentent le rapport de la Cour sur l'application des lois de financement de la sécurité sociale (Ralfss).

J'indique que cette audition fait l'objet d'une captation vidéo retransmise en direct sur le site du Sénat, qui sera ensuite disponible en vidéo à la demande.

Nous entendons chaque année la Cour des comptes, afin qu'elle nous présente son rapport. L'audition de ce matin revêt toutefois un caractère particulier, puisque c'est la première fois que s'appliquent les nouvelles dispositions organiques aux termes desquelles « chaque année, la Cour des comptes établit un rapport sur l'application des lois de financement de la sécurité sociale conjoint au dépôt du projet de loi d'approbation des comptes de la sécurité sociale ». Vous pourrez d'ailleurs nous préciser, le cas échéant, les conséquences que ce nouveau calendrier a pu avoir sur vos travaux.

C'est donc afin d'aider la commission à former son jugement sur le projet de loi d'approbation des comptes de la sécurité sociale que nous vous entendons, jugement qui fera désormais l'objet d'un vote, la semaine prochaine en commission, et le 3 juillet en séance publique.

À cet égard, même si cela dépasse le simple cadre de votre rapport, nous ne pouvons qu'être interpellés par le refus de la Cour des comptes, cette année encore, de certifier les comptes de l'une des branches de la sécurité sociale.

Madame la présidente, je vous laisse sans plus attendre nous présenter le Ralfss. La rapporteure générale, les rapporteurs des différentes branches de la sécurité sociale et les commissaires qui le souhaiteront pourront ensuite vous interroger.

Mme Véronique Hamayon, présidente de la sixième chambre de la Cour des comptes. - Madame la présidente, madame la rapporteure générale, mesdames, messieurs les sénateurs, je vous remercie de votre invitation, qui me donne l'occasion de vous présenter le rapport sur la certification des comptes de la sécurité sociale, ainsi que le rapport sur l'application des lois de financement de la sécurité sociale. Je suis accompagnée ce matin de M. Jean-Luc Fulachier, président de la première section de la sixième chambre, de M. Nicolas Fourrier, notre rapporteur général, ainsi que de M. Thibault Perrin, rapporteur général adjoint.

Le rapport est établi, comme chaque année, dans le cadre de la mission constitutionnelle de la Cour des comptes d'assistance au Parlement. Cela étant, il s'agit d'une grande première, car ce rapport accompagne désormais le projet de loi d'approbation des comptes de la sécurité sociale, équivalent de la loi de règlement pour l'État, qui a été présenté pour la première fois cette année, et qui sera discuté au Parlement dans le courant du mois de juin. Il n'accompagne donc plus le projet de loi de financement de la sécurité sociale au mois de septembre, comme c'était le cas précédemment.

Il s'agit d'une avancée importante en termes de gouvernance des finances sociales que la Cour a elle-même souhaitée. Nous nous réjouissons que le Parlement ait à connaître spécifiquement de l'exécution des recettes et des dépenses sociales, exercice indispensable à l'évaluation et au bilan des politiques publiques conduites par la sécurité sociale.

Ce rapport reste un exercice annuel traditionnel pour la Cour. Il intervient toutefois dans un contexte un peu particulier marqué, d'une part, par la déclaration de l'Organisation mondiale de la santé sur la fin de l'urgence sanitaire liée à la pandémie de la covid-19 et, d'autre part, par l'affaiblissement sensible de la croissance en raison du choc d'inflation et des conséquences de l'invasion russe de l'Ukraine et, plus généralement, par une très forte incertitude sur l'évolution des paramètres macroéconomiques.

La première partie du Ralfss présente une analyse des comptes de la sécurité sociale pour l'exercice 2022 et leurs perspectives d'évolution pour les années à venir.

Ceux-ci resteront durablement dégradés malgré une amélioration temporaire en 2023 : un effort de redressement durable des finances de la sécurité sociale nous semble donc nécessaire. À défaut, nous n'aurions aucune marge de manoeuvre pour investir dans l'avenir. Nous devrons également faire face aux coûts associés à l'augmentation rapide, ces prochaines années, du nombre de personnes âgées dépendantes, dont les conditions de vie doivent rester dignes. Il est enfin nécessaire de ne pas transférer aux générations futures le financement de nos dépenses courantes. Cette responsabilité collective, ce contrat entre générations nous oblige.

Nous devons donc être très attentifs à la qualité de la dépense sociale, comme d'ailleurs, à la qualité de toute dépense publique.

Le Ralfss que je vous présente aujourd'hui esquisse des pistes pour améliorer l'utilité, la valeur ajoutée, l'efficacité des dépenses de sécurité sociale, bref, le service rendu à nos concitoyens. Il fournit plusieurs illustrations de ce qui pourrait être perfectionné, en dressant un bilan des mesures ou des réformes prévues par les récentes lois de financement de la sécurité sociale que vous avez adoptées - c'est l'objet de la deuxième partie du rapport.

Nous nous intéressons également à des domaines ou des sujets qui n'ont pas, à notre sens, bénéficié d'une attention suffisante ces dernières années ; tels sont les sujets traités dans la troisième partie du rapport.

Ces deux préoccupations, financière et qualitative, sont encore cette année au coeur de notre rapport. Plutôt que d'en détailler successivement les différents chapitres, je voudrais en souligner les cinq principaux enjeux.

Le premier enjeu a trait aux conditions de certification des comptes des caisses et des branches du régime général par la Cour des comptes, le deuxième à la situation financière actuelle et future de la sécurité sociale, le troisième à la réforme de notre système de santé, le quatrième à l'amélioration des services rendus aux usagers ou aux assurés sociaux, le cinquième, enfin, à la lutte contre la fraude.

Concernant les comptes de la sécurité sociale et leur certification, nous souhaitons attirer l'attention sur quatre points.

Tout d'abord, la comparabilité des produits et du résultat entre les exercices 2022 et 2021 n'est pas assurée. En effet, certains produits de prélèvements sociaux auxquels sont assujettis les travailleurs indépendants, qui auraient dû être comptabilisés en 2020, l'ont été en 2021.

Lors de l'examen du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2023, le Parlement, contre l'avis du Gouvernement, a pris en compte la correction demandée par la Cour et a en conséquence approuvé, pour 2021, des recettes s'élevant à 5 milliards d'euros, montant inférieur à celui qui ressortait des comptes approuvés par les branches du régime général. Les organismes nationaux du régime général et leur tutelle ont toutefois refusé d'établir les comptes pro forma de l'exercice 2021 que la Cour avait demandés.

Seule une information ponctuelle a été apportée dans l'annexe aux comptes. Il y a donc un écart de 5 milliards d'euros entre les comptes de l'exercice 2021 tels qu'ils ont été approuvés par les caisses nationales de sécurité sociale et les tableaux d'équilibre approuvés par le Parlement.

Ensuite, nous avons refusé de certifier les comptes de la branche famille pour 2022 en raison des insuffisances du contrôle interne de la branche. En effet, les erreurs qui affectent les prestations neuf mois après leur mise en paiement représentent près d'un quart des montants versés au titre de la prime d'activité, près d'un sixième des montants versés au titre du RSA, et près d'un huitième des montants versés au titre des aides au logement.

De surcroît, l'indicateur de risque financier résiduel à vingt-quatre mois montre que les rappels et les indus, qui ne seront jamais corrigés, représentent 5,8 milliards d'euros. Ce montant a doublé en quatre ans seulement. La Caisse nationale des allocations familiales (Cnaf) met en oeuvre des contrôles insuffisants et ne s'est pas dotée d'une stratégie de redressement à court terme.

L'ensemble de ces éléments nous a poussés à refuser de certifier les comptes de la branche - je précise que ce n'est pas la première fois que la Cour refuse de certifier les comptes d'une branche de la sécurité sociale.

Par ailleurs, la Cour réitère ses critiques sur l'absence de combinaison des comptes de la branche vieillesse avec ceux du Fonds de solidarité vieillesse (FSV), ainsi que sur l'absence d'engagements hors bilan pour les retraites futures, comme le fait par exemple l'État pour ses comptes.

Enfin, la gestion de l'indemnité inflation exceptionnelle, qui a été versée à 38 millions de foyers pour un montant de 100 euros par bénéficiaire, par les organismes de sécurité sociale a provoqué 1,7 million de doublons. La récupération des indus est très incertaine, voire quasi impossible, comme nous l'ont confirmé à la fois le ministère des finances et l'ensemble des caisses de sécurité sociale et leur tutelle. La difficulté à récupérer ces indus est en effet presque consubstantielle à la manière dont a été créée et mise en place l'indemnité inflation.

L'ensemble des travaux de certification des comptes de la sécurité sociale ont contribué à alimenter la première partie du Ralfss.

Le déficit des régimes obligatoires de base de la sécurité sociale s'établit à un niveau très élevé - 19,6 milliards d'euros - en 2022. Il devrait s'améliorer significativement en 2023 et atteindre 8,2 milliards d'euros, sous l'effet à la fois du reflux de la crise sanitaire et de la forte progression de la masse salariale qui constitue, comme vous le savez, l'assiette principale des recettes de la sécurité sociale.

Cette tendance favorable devrait toutefois s'interrompre dès 2024. Le déficit de la sécurité sociale devrait recommencer à augmenter. En effet, si la réforme des retraites promulguée en avril 2023 doit avoir des effets positifs sur le solde de la branche vieillesse, il est avéré qu'elle ne devrait pas permettre à elle seule de rétablir l'équilibre des comptes à l'horizon 2030.

Le régime général, et plus encore le régime géré par la Caisse nationale de retraites des agents des collectivités locales (CNRACL), resteraient structurellement déficitaires.

Dans ces conditions, la question du financement des déficits sociaux se posera dès l'exercice 2024. L'Agence centrale des organismes de sécurité sociale (Acoss) ne sera pas en mesure de prendre en charge ces déficits, et la Caisse d'amortissement de la dette sociale (Cades) ne pourrait le faire qu'au prix d'une nouvelle prolongation de son existence au-delà de 2033. Si une telle décision était prise, la contrepartie devrait en être, nous semble-t-il, la mise en place d'un programme de réformes.

Le respect de la trajectoire des dépenses prévue suppose en outre que l'objectif national de dépenses d'assurance maladie, l'Ondam, soit respecté. Or les dépenses d'assurance maladie progressent à vive allure depuis 2021 en raison, non seulement des charges exceptionnelles liées à la crise sanitaire et des mesures salariales décidées dans le cadre du Ségur de la santé, mais aussi d'une croissance forte de la dépense, notamment pour ce qui concerne les indemnités journalières et les produits de santé.

L'Ondam pour 2023 et les prévisions pour les années ultérieures marquent la volonté des pouvoirs publics de donner un coup d'arrêt à cette progression. L'hypothèse d'évolution de l'Ondam est ainsi particulièrement volontariste, puisqu'elle est inférieure aux prévisions en termes d'inflation pour 2023 et 2024.

Toutefois, il ne suffit pas de fixer un objectif pour que ce dernier soit atteint. Nous recommandons par conséquent qu'un certain nombre de mesures correctrices soient prises en cas de dérapage, quelle qu'en soit la cause, et que plusieurs dispositifs de régulation soient mis en oeuvre pour l'ensemble des secteurs qui n'en disposent pas encore, notamment pour ce qui est des soins de ville et des indemnités journalières.

L'évolution des déficits et de la dette de l'hôpital public, qui n'entrent pas dans le champ de l'Ondam, constitue en outre une source de fragilité particulière.

La loi organique du 14 mars 2022 relative aux lois de financement de la sécurité sociale a créé une nouvelle annexe aux projets de loi de financement de la sécurité sociale, qui doit permettre de s'assurer que les recettes des hôpitaux sont suffisantes pour qu'ils puissent investir dans leur modernisation, sans que leur dette augmente.

Pour permettre un réel suivi de la situation financière des établissements de santé, nous recommandons d'accélérer le versement des dotations de fin d'exercice aux hôpitaux publics - actuellement, elles sont versées à la mi-mars de l'année suivante - et de finaliser plus rapidement le calendrier d'établissement de leurs comptes - actuellement, il est bouclé en juillet de l'année suivante. Il faut aussi homogénéiser les informations financières entre chaque catégorie d'établissements, hôpitaux publics et cliniques privées à but lucratif ou non.

J'en viens maintenant au troisième enjeu central pour l'avenir de l'assurance maladie, celui de l'efficience de notre système de santé et, notamment, des soins de ville. Ce chantier doit être envisagé avec beaucoup de clarté, de détermination et, surtout, de constance.

Nous l'illustrons au travers de trois exemples portant sur les expérimentations engagées au titre de l'article 51 de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2018, qui concernent la situation des services d'aide médicale urgente (Samu), celle des services mobiles d'urgence et de réanimation (Smur) et, enfin, les actions dites de « maîtrise médicalisée » des dépenses de santé.

Tout d'abord, nous avons examiné le cadre dans lequel les quelque 120 expérimentations ont été engagées depuis 2018 pour tester de nouveaux modes de tarification et d'organisation des soins.

La Cour est pleinement consciente que la réforme de notre système de santé n'est pas chose simple. L'expérimentation est utile pour mieux adapter la réforme aux besoins, mais aussi pour démontrer par l'exemple, en permettant aux professionnels de santé de s'approprier de nouveaux modes de travail plus collaboratifs et coordonnés.

Nous constatons cependant que, jusqu'ici, rien n'a été fait pour préparer la généralisation de ces expérimentations. La Cour rappelle par conséquent que, lorsque les doutes sont levés sur l'utilité de certaines évolutions, il est impératif de mettre en oeuvre les dispositifs dès que possible. La technique de l'expérimentation ne doit en effet pas devenir un moyen dilatoire pour repousser l'engagement de réformes utiles à nos concitoyens, qui contribuent à offrir des soins plus efficaces, de meilleure qualité et plus économes des ressources de l'assurance maladie.

Nous avons également souhaité examiner la situation de la régulation médicale autour des Samu, des Smur, et du nouveau concept de service d'accès aux soins (SAS), qui est censée apporter une solution aux demandes de soins restées sans réponse de la part de la médecine de ville.

Nous constatons que, depuis 2014, le nombre d'appels reçus par les Samu a augmenté de 22 %. Du fait d'un rattrapage que nous estimons nécessaire et en raison de la création des SAS, le coût total des dispositifs concourant au fonctionnement de la régulation médicale a augmenté de 46 % entre 2016 et 2022, hausse qui pourrait même atteindre 62 % en 2023.

S'il est normal que les Samu bénéficient d'un rattrapage de moyens, le succès des investissements dans les services d'accès aux soins dépendra de la capacité de la médecine libérale à se mobiliser et à s'organiser, afin que toute personne ayant besoin d'être examinée par un médecin généraliste en ville puisse bénéficier d'une consultation dans les quarante-huit heures. La Cour sera très attentive à ce que cet objectif soit mesuré et atteint.

Enfin, la Cour aura l'occasion, dans le cadre de l'exercice de revue des dépenses publiques, de revenir, fin juin ou début juillet, sur la question de l'efficience des soins de ville, qui représentent, comme vous le savez, le premier poste de dépenses de l'assurance maladie, soit environ 45 % de l'objectif national.

En attendant, nous avons porté un regard critique sur les économies figurant chaque année en annexe du projet de loi de financement de la sécurité sociale au titre de ce qui est appelé communément la « maîtrise médicalisée ».

Nous avons démontré le caractère artificiel des économies présentées. Notre démonstration n'est contestée ni par l'administration ni par l'assurance maladie.

En outre, force est de constater que les actions conduites jusqu'ici par l'assurance maladie pour rendre plus efficientes les dépenses de prescriptions des médecins de ville n'ont pas été efficaces, à en juger par la consommation de médicaments génériques. La France reste en effet dans une situation moins favorable que celle de ses voisins, notamment l'Allemagne, puisque la consommation de génériques est deux fois plus faible en France qu'en Allemagne.

J'en arrive maintenant au quatrième enjeu, celui de la qualité du service rendu aux usagers. Nous prenons quatre exemples, qui montrent à des degrés divers l'importance des efforts à consentir pour justifier de l'usage pertinent des sommes considérables que nous consacrons à notre système de sécurité sociale.

Tout d'abord, nous nous sommes intéressés à l'objectif de parité entre les hommes et les femmes en ce qui concerne les pensions qui leur sont servies.

Prévu par le code de la sécurité sociale, cet objectif est loin d'être atteint : les femmes percevaient en 2020 une pension de retraite dont le montant est inférieur de 28 % en moyenne à celui des hommes. L'écart de pension, hors réversion, est plus important encore, puisqu'il s'élève à 40 %.

Sans les dispositifs de solidarité, la pension moyenne de droit direct des femmes serait inférieure de 50 % à celle des hommes. Ces écarts importants ne seront pas substantiellement modifiés par la réforme des retraites.

Environ 50 milliards d'euros sont dépensés chaque année dans le cadre de mécanismes complexes liés aux droits familiaux de retraite et aux dispositifs de réversion. Nous sommes convaincus que la remise à plat de ces mécanismes permettrait de les rendre plus efficaces, à moindre coût pour la collectivité.

Nous avons également examiné les règles et la gestion de l'indemnisation des congés maternité et paternité.

Nous constatons les limites des politiques d'alignement des règles applicables aux non-salariés sur celles qui sont applicables aux assurés salariés. En effet, même avec des droits désormais quasiment identiques, les indépendantes et les exploitantes agricoles prennent moins de jours de congé maternité que les salariées.

Par ailleurs, nous observons que la gestion des indemnités par les caisses de sécurité sociale est d'une qualité très insuffisante. Les délais de versement sont anormalement longs, ce qui pénalise les assurés concernés.

Le caractère perfectible de la gestion de la sécurité sociale apparaît aussi à travers les litiges qui opposent les assurés et les organismes gestionnaires de la sécurité sociale.

Chaque année, les assurés sociaux déposent près de 70 000 recours devant les tribunaux. Plus de 100 000 dossiers sont auparavant soumis aux instances précontentieuses des caisses de sécurité sociale. Il serait souhaitable de favoriser l'intervention des médiateurs pour éviter que les tribunaux soient saisis.

Un certain nombre de simplifications sont aussi à apporter pour que les assurés ne soient pas contraints, dans certains cas, de saisir deux juges différents pour les mêmes motifs - nous pensons en particulier à la carte mobilité inclusion, qui peut relever du tribunal administratif ou du tribunal judiciaire.

Nous avons enfin souhaité mettre un coup de projecteur sur le régime social des marins et les difficultés majeures qu'il rencontre depuis plusieurs années. Les conditions d'une gestion efficace de la sécurité sociale ne sont pas garanties. C'est pourquoi une évolution en profondeur de ce régime est indispensable.

Pour finir, j'en viens maintenant au cinquième et dernier enjeu, celui de la lutte contre les fraudes aux prestations sociales. Ce sujet ne laisse personne indifférent et est au coeur du plan de lutte contre les fraudes aux finances publiques dévoilé début mai par le Gouvernement.

Au-delà des dommages financiers considérables qu'elle entraîne, la fraude aux prestations sociales constitue une atteinte au principe de solidarité et, donc, au pacte républicain qui fonde la sécurité sociale depuis 1945. La lutte contre la fraude est donc un impératif, non seulement d'efficacité économique, mais aussi de justice sociale.

Nous avons une idée de plus en plus précise du coût de la fraude aux prestations sociales : nous l'évaluons entre 6 milliards et 8 milliards d'euros. C'est beaucoup trop. Encore cette fourchette ne tient-elle pas compte des erreurs fautives des assurés dont l'intention frauduleuse ne peut être prouvée.

Nous avons constaté que l'administration et les caisses de sécurité sociale avaient une véritable volonté d'agir. Si nous avons effectivement observé des progrès, trop peu de moyens sont cependant consacrés au contrôle. La coopération entre les administrations pour échanger les données ne progresse pas assez vite. Les fraudeurs ne sont pas sanctionnés de façon suffisamment ferme ni systématique. La lutte contre la fraude doit donc devenir une priorité de tout premier plan, qui oblige responsables et gestionnaires de la sécurité sociale, mais aussi l'ensemble des assurés sociaux.

Je vous remercie pour votre attention et me tiens, avec les magistrats qui m'accompagnent, à votre disposition pour répondre à vos questions.

Mme Élisabeth Doineau, rapporteure générale. - Je souhaite tout d'abord vous exprimer toute ma gratitude, madame la présidente, ainsi qu'à l'ensemble des personnes qui vous entourent aujourd'hui et aux magistrats qui travaillent avec vous au quotidien.

J'invite ceux qui ne l'auraient pas encore fait à lire votre rapport en détail, car il représente une mine d'informations, en particulier pour tout ce qui concerne la fraude sociale, au sujet de laquelle il met un terme à quelques fausses idées tenaces. En effet, comme vous l'avez dit, il convient de sanctionner les fraudeurs, mais il faut aussi se rendre à l'évidence : de nombreuses légendes, qu'il faut absolument combattre, circulent.

La Cour des comptes a refusé de certifier les comptes de la Cnaf et de la branche famille pour 2022, en raison de l'augmentation de la proportion de paiements erronés. La mission d'évaluation et de contrôle de la sécurité sociale (Mecss) a entendu hier en audition le directeur de la Cnaf - il ne semblait d'ailleurs pas étonné de votre refus de certifier les comptes - et avons obtenu quelques explications de sa part.

Les assurances obtenues depuis lors, comme le plan de lutte contre la fraude sociale annoncé par le ministre délégué chargé des comptes publics le 30 mai 2023, sont-elles susceptibles, selon vous, d'empêcher un nouveau refus de certification des comptes en 2023 ?

Pour ce qui est des comptes de l'exercice 2021, la Cour des comptes a refusé de certifier ceux qui correspondent à l'activité de recouvrement : vous en avez parlé, environ 5 milliards d'euros ont été imputés sur l'exercice 2021 au lieu de l'exercice 2020, ce qui a amené le Parlement, sur l'initiative du Sénat, à corriger le tableau d'équilibre pour 2021 lors de l'examen du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2023.

La Cour indique, dans son rapport de certification des comptes de l'année 2022, qu'elle a demandé aux caisses d'établir des comptes pro forma de l'exercice 2021 prenant en compte cette correction, ce que les caisses ont refusé de faire. On peut trouver surprenant que les caisses persistent à retenir des montants que la Cour et le Parlement ont considérés comme erronés. Comment l'expliquez-vous ?

La recommandation n° 2 du Ralfss pour 2023 consiste à « renforcer la traçabilité » et à « revoir les modalités d'établissement, de validation, de formalisation et d'explication des retraitements opérés pour la production des tableaux d'équilibre, afin de permettre à la Cour de communiquer au Parlement ses avis sur leur cohérence au moment du dépôt du projet de loi d'approbation des comptes de la sécurité sociale ».

Pouvez-vous nous rappeler les principaux retraitements opérés pour passer des comptes des différentes branches soumis à la certification de la Cour aux tableaux d'équilibre figurant dans le projet de loi de financement de la sécurité sociale et, désormais, le projet de loi d'approbation des comptes de la sécurité sociale ? Pouvez-vous également nous indiquer, pour ce qui concerne les retraitements, les principales informations dont vous disposez et celles qui vous manquent ?

La recommandation n° 3 du Ralfss consiste, notamment pour permettre à la Cour de produire dans de bonnes conditions ses avis sur les tableaux d'équilibre et le tableau patrimonial du projet de loi d'approbation des comptes de la sécurité sociale, à avancer de quinze jours la date de production des comptes et à réunir la Commission des comptes de la sécurité sociale la première quinzaine de mai. Pourriez-vous nous dire où en sont vos échanges avec le Gouvernement à ce sujet ?

Enfin, si le chapitre du Ralfss sur la lutte contre la fraude aux prestations n'indique pas de chiffrage global, il est possible, en retenant son extrapolation pour l'assurance maladie, de parvenir à une évaluation comprise entre 6 milliards et 8 milliards d'euros. C'est la fourchette indiquée par le Premier président de la Cour des comptes lors de sa présentation du rapport à la presse en mai dernier, que vous venez de nous confirmer.

Cette estimation vous semble-t-elle pouvoir significativement évoluer, à la suite notamment de la finalisation des estimations de la Caisse nationale de l'assurance maladie (Cnam) ou d'estimations plus fines réalisées sur les retraites ?

Mme Véronique Hamayon. - Madame la rapporteur générale, votre première question porte sur le refus de certification des comptes de la branche famille.

Je précise que nous avons déjà refusé de certifier les comptes de cette branche en 2011 : il ne s'agit donc pas d'une première, si j'ose dire. À l'époque, les résultats de ce refus s'étaient fait sentir, puisque nous avions assisté à une remise en ordre assez rapide de la gestion et des comptes de la branche famille, avec notamment une amélioration de la précision des indicateurs de risque résiduel.

La branche famille est même devenue, durant un certain nombre d'années, le bon élève de la classe au sein de la sécurité sociale, avant que ses comptes ne se dégradent à nouveau. Nous avions déjà alerté l'année dernière, au moment de la certification des comptes de la branche, sur le risque de dérapage financier et de dégradation des indicateurs de risque résiduel, mais nous n'avons pas été entendus.

Cette année, trois éléments nous ont conduits à ne pas certifier les comptes de la branche famille.

Tout d'abord, nous avons constaté une hausse des liquidations erronées, pour un montant extrêmement élevé de 5,8 milliards d'euros - il s'agit d'erreurs qui n'ont pas été corrigées au bout de vingt-quatre mois et qui ne seront jamais récupérées. Par ailleurs, la branche famille a maintenu ses contrôles à un niveau inférieur à ce qu'il était en 2019. Enfin, il n'y a aucune perspective d'amélioration de la qualité des liquidations à court terme : la branche ne nous a pas présenté de plan permettant de remédier à ces mauvais résultats, si bien que nous n'avons pas perçu de sa part une prise de conscience suffisante, qui laisserait supposer un retour à la normale.

Je rappelle simplement, pour lever toute ambiguïté, que les erreurs que nous constatons - les 5,8 milliards d'euros - portent à la fois sur des indus et des rappels, les indus constituant 80 % du total, quand les rappels, c'est-à-dire les prestations qui auraient dû être versées et qui ne l'ont pas été, en représentent environ 20 %.

S'agissant de l'écart entre les tableaux d'équilibre et les comptes, je me garderai bien de répondre à la place des caisses de sécurité sociale, tout simplement parce que je serais bien en peine de vous donner les raisons pour lesquelles elles ont refusé d'établir des comptes pro forma.

Je vous confirme que nous avons informé les caisses de l'existence de cet écart, qui rend les choses inexplicables, et sur le fait que ce dernier a été entériné par le Parlement, lequel a selon nous le dernier mot. Tel n'est cependant pas l'avis des caisses de sécurité sociale.

L'Acoss, tout comme la direction de la sécurité sociale (DSS), a tendance à considérer qu'il s'agit d'un problème de normes comptables. En réalité, le problème est plus grave. Je me permets donc solennellement d'attirer votre attention sur le fait que les choses ont changé, puisqu'il appartient dorénavant au Parlement, ce que vous savez au premier chef, d'approuver les comptes de la sécurité sociale.

Nous avons, pour notre part, alerté l'administration et les caisses de sécurité sociale sur cette évolution fondamentale, qui vaudra pour l'avenir.

Si une différence entre les tableaux d'équilibre et les comptes de la sécurité sociale devait à nouveau être constatée, la question, nous semble-t-il, ne pourrait plus être traitée par-dessus la jambe - pardonnez-moi d'être un peu triviale -, dès lors qu'il revient bien au Parlement d'approuver in fine ces comptes au travers d'une loi d'approbation. Il conviendra d'être extrêmement vigilant à l'avenir sur ces questions, qui ne sont pas uniquement d'ordre comptable.

S'agissant du retraitement des tableaux d'équilibre par rapport aux comptes, permettez-moi une remarque liminaire. La Cour certifie les comptes du régime général, tandis que les tableaux d'équilibre portent sur l'ensemble des régimes de base de la sécurité sociale : il est donc question de périmètres différents.

Pour la plupart des régimes de base, les niveaux des charges et produits sont retracés dans des tableaux centralisés de données comptables. Mais pour certains régimes, comme celui des fonctionnaires, ce plan comptable unique n'existe pas. Il n'y a pas de tableau centralisé des données comptables et, de ce fait, il est nécessaire d'agréger des données qui ne sont pas présentées de la même manière.

Tout ce travail est réalisé par la DSS, dont la mission consiste à agréger, dans un format comparable, des données qui proviennent de sources distinctes, et qui se présentent selon des formats disparates. La DSS effectue ensuite des contractions, notamment pour éliminer tout risque de double écriture et aboutir à une lecture consolidée des comptes. Tous ces processus sont nécessaires pour passer des comptes « bruts » aux tableaux d'équilibre.

Vous vous êtes interrogée sur le resserrement du calendrier causé par l'examen du nouveau projet de loi d'approbation des comptes de la sécurité sociale. La Cour des comptes est dans une situation inconfortable, puisqu'elle n'obtient les comptes de la sécurité sociale que le 15 avril et qu'elle dispose désormais de moins d'un mois pour les certifier. Je vous rassure cependant sur le fait que les travaux de certification pour les comptes de l'exercice 2023, qui seront présentés en 2024, ont en réalité déjà débuté. Nos équipes ont déjà commencé à travailler avec l'ensemble des caisses pour mettre au point les plans de contrôle.

Pour être totalement complète, je signale que les comptes sont arrêtés le 15 mars, mais la Cour n'obtient l'ensemble des pièces annexes, qui sont indispensables à la lecture et à la compréhension des comptes finaux, que le 15 avril : c'est ce délai d'un mois que nous aimerions réduire, de sorte à pouvoir travailler de manière plus sereine.

Nous avons fait part à la DSS de notre souhait de voir ce calendrier se desserrer, mais elle ne le veut pas. Si le calendrier est maintenu en l'état, nous ne sommes pas à l'abri, l'année prochaine ou dans les années à venir, de la survenue de graves difficultés.

Concernant la lutte contre la fraude, nous avons fondé notre évaluation sur une approche un peu sommaire, qui consiste à déduire, par une simple règle de trois, à partir des résultats produits par la Cnam sur un périmètre correspondant à peu près à 29 % de ses prestations, des résultats qui concerneraient l'ensemble des prestations de la Cnam.

Nous sommes parvenus à la conclusion que le montant des fraudes aux prestations sociales, c'est-à-dire le montant que je viens d'évoquer auquel il faut ajouter le montant des autres fraudes évalué par les équipes de certification sur le fondement des indicateurs de risque financier résiduel applicables aux autres branches, se situe dans une fourchette de 6 milliards à 8 milliards d'euros.

Une fois que la Cnam aura réalisé avec précision ce travail d'évaluation de la fraude sur l'ensemble du périmètre de ses prestations - la fraude aux prestations d'assurance maladie représente presque la moitié de ces 6 milliards à 8 milliards d'euros -, nous aurons une idée plus exacte de l'ampleur de la fraude. Il est très difficile aujourd'hui de savoir s'il s'agira d'une bonne ou d'une mauvaise surprise.

Nous restons persuadés que les moyens dévolus à la lutte contre la fraude sont insuffisants, non seulement les moyens humains, qui pourraient être redéployés pour renforcer les équipes de contrôle, mais également - et c'est très important - les moyens informatiques. Les systèmes d'information, notamment ceux de la Cnam, n'embarquent pas suffisamment de « systèmes autobloquants », qui permettraient pourtant de déceler, avant même que les prestations ne soient servies, un certain nombre d'incohérences. Nous attendons beaucoup du nouveau système d'information de la Cnam, METEORe, qui devrait prévoir un certain nombre de contrôles a priori.

Il est également difficile de savoir si le plan gouvernemental contre les fraudes sera suffisant. Ce que nous constatons, c'est qu'il va dans le bon sens, ce dont nous ne pouvons que nous réjouir. Il existe une véritable prise de conscience de la part de l'ensemble des caisses d'assurance maladie et de l'administration, ainsi qu'une volonté manifeste des pouvoirs publics de renforcer les moyens de lutte contre la fraude.

Je ne vous apprends rien en disant que le problème en matière de fraude est que les fraudeurs ont toujours une longueur d'avance sur ceux qui les traquent, et qu'ils déjouent souvent les moyens mis en place pour les identifier, car ils s'adaptent en permanence. Cette lutte est difficile à mener, car elle demande beaucoup d'agilité et de réactivité de notre part.

Mme Corinne Imbert, rapporteure pour la branche maladie. - Le déficit de la branche maladie s'élevait à 21 milliards d'euros en 2022, montant qui excède le déficit total de la sécurité sociale.

Ma première remarque concerne l'Ondam. Au sujet de cet objectif national, la Cour des comptes semble tenir un discours alarmiste que le Comité d'alerte sur l'évolution des dépenses d'assurance maladie peine lui-même à avoir ; espérons qu'il vous entende.

Il est actuellement prévu que la progression de l'Ondam sera inférieure à la dynamique de l'inflation. Si la hausse qui est anticipée est plus forte que l'inflation en 2025, l'écart est réduit par rapport à ce qui prévalait avant la crise.

La Cour appelle dans son rapport à « conforter l'Ondam comme outil de pilotage des dépenses » et à « infléchir les dépenses de manière volontariste ». De manière concrète, quelles mesures correctives préconisez-vous, et selon quel calendrier ?

Je m'interroge aussi sur les efforts que vous considérez comme urgents, alors que les hôpitaux sont en déficit, qu'ils n'ont pas retrouvé leur niveau d'activité de 2019, et que, pour la médecine de ville, l'échec de la convention médicale est notamment dû aux revendications d'honoraires, qui vont au-delà des capacités financières de l'assurance maladie.

Je souhaiterais aussi dire un mot de la garantie de financement des établissements de santé. La Cour constate dans son rapport le poids inédit de cette garantie, qui atteindrait 2,8 milliards d'euros en 2022, contre 1,9 milliard d'euros en 2021 et 2,5 milliards d'euros en 2020. Quel bilan qualitatif la Cour tire-t-elle de ce dispositif ? A-t-elle analysé son impact sur la situation financière des établissements ? Quelles conclusions tire-t-elle de cet exercice 2022 extrêmement fragile ?

De manière plus prospective, l'analyse de l'exercice 2022 laisse imaginer une situation extrêmement délicate en 2023, compte tenu notamment du remplacement partiel de la garantie de financement par la « sécurisation modulée à l'activité ». Disposez-vous déjà d'éléments d'analyse pour l'exercice 2023 et d'informations sur l'écart de ressources qui pourrait résulter de ce nouveau dispositif moins ambitieux ? La Cour a-t-elle mené des travaux concernant l'évolution du modèle de financement post-tarification à l'activité (T2A) ?

Permettez-moi d'aborder également la question des investissements hospitaliers. La Cour constate que les besoins d'investissement des établissements de santé sont réels. Le Ségur de la santé, qui était nécessaire, est d'ailleurs davantage un rattrapage qu'un effort suffisant de modernisation. Or cet effort est lui-même obéré par l'inflation. La Cour assure-t-elle un suivi du volet « investissements » du Ségur ? Quel regard porte-t-elle sur l'évolution des capacités d'autofinancement des établissements et leur capacité à accompagner les investissements indispensables à la modernisation de notre système de santé ?

Par ailleurs, vous évoquez dans votre rapport la nécessité de mieux piloter les dépenses de soins de ville. Vous proposez notamment de développer les rémunérations forfaitaires des professionnels de santé. Pourriez-vous rappeler les principales raisons pour lesquelles la part de ces rémunérations doit, selon vous, être renforcée ? Après l'échec des négociations lors de la dernière convention médicale, les professions de santé vous paraissent-elles prêtes à accepter cette évolution ?

Vous soulignez aussi dans votre rapport que les expérimentations prévues par l'article 51 de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2018 sont trop nombreuses et insuffisamment évaluées. Quelles priorités faudrait-il fixer pour faciliter le tri des projets ? Quelles sont vos principales propositions pour rendre le dispositif plus efficace et accélérer la généralisation des expérimentations concluantes ?

Enfin, j'ajouterai un dernier mot sur la Cades, dont l'existence a été prolongée jusqu'en 2033. Il ne resterait à la Caisse que 8,8 milliards d'euros pour amortir le déficit de l'exercice 2023, déficit prévisionnel évalué à 8,2 milliards d'euros : les marges de manoeuvre sont donc très minces... Qu'en pensez-vous ?

Mme Véronique Hamayon. - En ce qui concerne le pilotage de l'Ondam, j'ai évoqué de manière allusive tout à l'heure le fait que le Premier président de la Cour des comptes rendra publiques, au mois de juillet prochain, des notes thématiques structurelles, qui contribueront à la réflexion de l'exécutif sur la revue des dépenses publiques.

L'une de ces notes thématiques, réalisée par la sixième chambre, sera consacrée aux dépenses de soins de ville. Sans déflorer totalement le sujet, je vous livre ici quelques réflexions.

Le défi à relever consiste évidemment à parvenir à une meilleure organisation des soins, au niveau local notamment, entre l'hôpital public, les cliniques privées et la médecine de ville. Les parcours de soins doivent désormais être effectifs. Pour ce faire, il faut que les communautés professionnelles territoriales de santé (CPTS) fonctionnent correctement, que le dispositif des maisons de santé ou des centres de santé ne tarde plus à se mettre en place, en tout cas dans un certain nombre de territoires.

J'ai abordé tout à l'heure la question de la réponse aux besoins urgents de soins, en parlant des Samu, des Smur, et des SAS. Là encore, une bonne articulation entre ces services, la médecine de ville et les services hospitaliers de réanimation est indispensable ; c'est toute la chaîne des soins d'urgence qu'il faut repenser. Cette problématique fait l'objet d'un effort continu des pouvoirs publics : la « boîte à outils » s'enrichit année après année. La difficulté essentielle tient encore une fois au manque d'articulation entre les différents outils.

Permettez-moi d'évoquer plus particulièrement les grands postes de dépenses de l'Ondam. Pour ce qui est des soins de ville, environ 40 % des dépenses résultent des rémunérations des personnels médicaux et paramédicaux ; environ 30 % correspondent à des dépenses liées aux produits de santé, médicaments et dispositifs médicaux ; enfin, les indemnités journalières constituent le troisième poste de dépenses par ordre d'importance.

À cet égard, nous constatons qu'il n'existe pas de mécanisme de régulation financière infra-annuelle et qu'à l'exception du médicament les modalités de régulation pluriannuelles, que sont les négociations conventionnelles, ne sont pas utilisées de manière aussi efficace qu'elles le devraient. Un certain nombre de ces conventions prévoient l'application de dispositifs en cas de nécessité, auxquels les pouvoirs publics n'ont jamais, ou très peu, eu recours ; je pense à la possibilité de décaler la mise en oeuvre de la convention médicale au cas où le Comité d'alerte sur l'évolution des dépenses d'assurance maladie tire la sonnette d'alarme. Il existe donc toute une série d'outils au sein des conventions qui sont potentiellement efficaces, mais qui n'ont jamais été utilisés.

Je note qu'il existe un mécanisme qui fonctionne bien, mais qui n'est malheureusement pas suivi suffisamment dans le temps, le mécanisme applicable aux actes de biologie médicale : il s'agit d'une régulation prix-volume qui a fait ses preuves, mais qui a été abandonnée pendant la crise de la covid-19, et qui n'est plus suffisamment exploitée aujourd'hui.

La régulation des produits de santé - des médicaments en tout cas -, grâce aux deux outils que sont les mesures de sauvegarde et les remises, qui sont comme des « cordes de rappel » en quelque sorte, est relativement efficace. Je dis « relativement », parce que le prix des médicaments a tout de même augmenté assez rapidement en 2022, en hausse de 4 % environ, alors que l'Ondam évaluait cette hausse à 2,7 %.

Du reste, le niveau des dépenses de médicaments risque de s'orienter à la hausse si la renationalisation de la production de médicaments en France, qui correspond à la volonté actuelle des pouvoirs publics, se concrétise.

Je souhaite ajouter un mot sur la régulation de l'Ondam. Un certain nombre de dispositifs, qui ne sont pas seulement des outils de pilotage de la dépense, car ils ont un impact sur les dépenses de santé, sont indispensables.

Je pense à la mise en oeuvre du numérique en santé avec la prescription électronique ou le dossier médical partagé (DMP), devenu l'espace numérique en santé.

Même si cela fait vingt ans que les pouvoirs publics y travaillent, ces dispositifs ne sont toujours pas efficaces aujourd'hui. Notre pays enregistre de ce fait un retard considérable en la matière, tout comme en matière de télésanté, par rapport aux autres grands pays européens. Or tous ces outils, qui doivent améliorer l'efficacité et la qualité des soins, sont des sources potentielles d'économies, même indirectes.

Il faut aussi parler de la révision des nomenclatures, obsolètes aujourd'hui et dont on pourrait attendre in fine des économies, ou encore du renforcement de la prévention.

Pour ce qui concerne le volet hospitalier, je vais laisser la parole à Nicolas Fourrier, qui est à la fois le rapporteur général du Ralfss et l'auteur d'un rapport, qui paraîtra en septembre, sur la situation financière des hôpitaux.

M. Nicolas Fourrier, conseiller maître de la Cour des comptes. - Vous avez soulevé trois problèmes concernant la garantie de financement, dont la Cour donne une image nuancée.

Nous pensons en effet qu'en 2020 elle a été utile, compte tenu de la très forte baisse de l'activité hospitalière, notamment due aux déprogrammations demandées par la direction générale de l'offre de soins (DGOS), afin de libérer des places pour les malades de la covid-19. À cette époque, il a fallu maintenir un niveau de ressources suffisant pour l'ensemble des établissements hospitaliers.

Elle l'a également été en 2021 en raison des perturbations importantes causées par la pandémie.

Nous constatons que le ministère de la santé éprouve une certaine difficulté à sortir du mécanisme de la garantie de financement. Ainsi, la sécurisation modulée à l'activité (SMA), mise en place pour 2023, est un dispositif de financement, qui garantit 70 % du financement des établissements, et qui s'inscrit donc dans la même logique.

Or tous les entretiens que nous avons menés dans les hôpitaux, avec les différentes fédérations, nous ont confortés dans l'idée que la T2A continuait de faire l'objet d'un attachement extrêmement fort, attachement que la Cour des comptes partage. La T2A a certes des défauts et peut être critiquée - elle est notamment beaucoup trop complexe et le lien entre coûts et tarifs pourrait être plus précis -, mais elle présente des avantages extrêmement importants, comme le fait de lier la rémunération des établissements à leur activité.

Les systèmes qui préexistaient à la T2A, comme la dotation globale, qui a fait en quelque sorte son grand retour au travers de la garantie de financement, ne permettent pas de prendre en compte la vie de l'hôpital. Dans la perspective de futures réformes, il est important de garder à l'esprit la dimension prépondérante que revêt la tarification à l'activité.

Pour autant, la Cour des comptes n'est pas partie prenante de cette réforme de par son statut et ne participe donc pas aux réflexions en cours au sein des administrations et du Gouvernement.

Concernant le Ségur de l'investissement, je vous confirme que nous assurons un suivi des mesures prises, lesquelles feront l'objet d'une part très importante du rapport que nous allons publier sur la situation financière des hôpitaux.

Il semble que de trop nombreux projets aient été validés au vu du montant global de l'enveloppe, qui s'élevait pourtant à 9 milliards d'euros. Avec l'inflation et la hausse des coûts de la construction, on constate que le taux d'aide moyen par projet est sans doute trop bas au regard des capacités financières des établissements.

Il faudra apporter des réponses rapidement à cette situation. À enveloppe constante, la solution pourrait consister à abandonner un certain nombre de projets, à redimensionner et à reprogrammer certains autres. Un travail important reste donc à réaliser.

Mme Véronique Hamayon. - J'ajoute que la Cour publiera en juillet un rapport sur la T2A. En septembre, la Cour mettra donc à la disposition du public trois rapports relatifs à l'hôpital : celui sur la T2A donc, celui sur la situation financière des hôpitaux et un troisième sur la concurrence et la complémentarité entre les établissements publics et privés de santé.

Madame la rapporteure, vous nous avez posé une question sur le mode de rémunération des médecins libéraux. Nous appelons effectivement à augmenter la part forfaitaire de la rémunération, en lien notamment avec des obligations de service public.

Aujourd'hui, le paiement à l'acte représente plus de 80 % de la rémunération des médecins libéraux, ce qui entraîne un certain nombre d'effets pervers : un effet inflationniste, qui a été largement démontré, l'insuffisance des actions de prévention, que rien dans le système actuel ne contribue à promouvoir, ainsi qu'une diminution de la durée des consultations.

Nous observons en outre que l'objectif d'accroître la part de la rémunération forfaitaire, qui a été fixé dans la convention médicale de 2016, n'a pas été atteint. Nous pensons que cette forfaitisation est souhaitable et qu'elle pourrait prendre plusieurs formes, par épisode de soins, par professionnel ou par patient. En tout état de cause, une forfaitisation accrue de la rémunération de la prise en charge des patients atteints de pathologies chroniques nous semble une priorité.

Cette observation me conduit à évoquer les expérimentations prévues à l'article 51 de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2018. Trois d'entre elles nous paraissent particulièrement structurantes : l'expérimentation du paiement à l'épisode de soins - pour trois types d'interventions chirurgicales - qui nous semble prometteuse ; celle du paiement en équipe d'un ensemble de professionnels de santé ; celle, enfin, de l'intéressement de groupements de professionnels à la performance de la qualité des soins, à la satisfaction des patients et à la maîtrise des dépenses.

Nous suivrons les résultats de ces trois expérimentations, qui s'achèveront dans un an environ, à la mi-2024, avec une attention toute particulière. Si les résultats sont au rendez-vous, nous demanderons à ce qu'elles soient généralisées dans les meilleurs délais.

Enfin, s'agissant de la Cades, vous avez très bien résumé la problématique des 8,2 milliards d'euros à amortir. La Cour considère qu'il est inévitable de prolonger la durée de vie de la Cades dans les meilleurs délais, de sorte qu'elle soit en capacité de reprendre les déficits.

Mme Catherine Deroche, présidente. - À ce rythme-là, nous risquons une Cades à perpétuité !

M. René-Paul Savary, rapporteur pour la branche vieillesse. - Madame la présidente, j'aurai moins des questions à vous poser que des remarques à formuler.

Tout d'abord, votre analyse sur la rémunération des médecins généralistes me laisse dubitatif, au vu du manque de médecins dans notre pays. S'il faut inciter les jeunes à embrasser cette vocation, je ne suis pas sûr que ce type de mesure y contribue.

Vous avez employé une expression qui m'a bien plu en évoquant les mesures de sauvegarde, celle de « corde de rappel ». En effet, en 2023, quand le montant de la clause de sauvegarde dépassera de 1 milliard d'euros les prévisions, il ne s'agira plus, selon moi, d'une corde de rappel, mais d'une taxation des médicaments. Il convient de rester vigilant à ce sujet et de maintenir le principe de la clause de sauvegarde, sans que le dispositif devienne prohibitif, sauf à décourager un certain nombre de laboratoires d'investir en France pour produire des médicaments.

Vous nous avez dit que la réforme des retraites ne comblerait pas le déficit de la branche. Vous avez raison. Cela s'explique, pour une large part, par les mesures d'accompagnement que le Parlement a adoptées - les mesures relatives aux carrières longues, la revalorisation des petites retraites à travers celle du minimum contributif (Mico) ou bien encore des dispositifs comme la revalorisation des pensions des femmes.

De ce fait, la réforme des retraites contribue à limiter la différence de traitement entre les femmes et les hommes, contrairement à ce que vous avez affirmé.

Il manque également dans votre analyse la prise en compte des retraites complémentaires. Compte tenu de l'allongement de la durée de cotisation et du décalage de l'âge de départ à la retraite, les régimes de retraite complémentaire seront davantage bénéficiaires, notamment l'Agirc-Arrco, association à laquelle sont affiliées une majorité de personnes retraitées. Je pense que la Cour devrait se montrer plus prudente dans son analyse et ses commentaires, et veiller à étudier le système dans sa globalité.

M. Olivier Henno, rapporteur pour la branche famille. - Madame la présidente, je tiens tout d'abord à vous remercier pour la qualité de votre rapport, ainsi que pour vos propos qui éclairent la représentation nationale.

En guise d'observation liminaire, je vous ferai remarquer que la petite phrase de notre présidente sur la « Cades à perpétuité » est à la fois juste et inquiétante : le transfert de nos dépenses sociales aux générations futures n'est pas un gage de responsabilité.

Je constate avec dépit que le niveau de nos dépenses sociales est élevé, ce qui conduit à une dégradation de nos comptes, et que, malgré tout, on continue de se plaindre de l'insuffisance des moyens consacrés à notre sécurité sociale. Au lendemain du « quoi qu'il en coûte » et d'une grande loi Santé, l'heure de la remise à plat devrait donc bientôt sonner, car nous ne pouvons pas continuer ainsi.

Pour en revenir à la branche dont je suis le rapporteur, je trouve que le refus de certification sonne comme une évidence. Au vu des 5 milliards d'euros d'indus et de rappels comptabilisés pour 2022, la baisse du nombre de contrôles réalisés par les Caf et l'absence de plan de redressement prévu à court ou moyen terme me laissent sans voix. Il ne serait pas illégitime que les pouvoirs publics tapent du poing sur la table et que le Gouvernement donne davantage de directives à la Cnaf.

J'en viens à quelques points plus techniques.

Dans son rapport, la Cour des comptes traite des indemnités journalières versées après la naissance de l'enfant. Le Sénat s'était opposé à cette mesure, comme vous le savez. Or vous pointez la nature « conventionnelle » de la distinction entre congé prénatal et postnatal, et vous recommandez de clarifier le financement du congé maternité en le confiant intégralement à la branche famille.

Nous pouvons vous suivre sur le premier point, mais non sur la conclusion que vous en tirez. Vous reconnaissez vous-même qu'une meilleure connaissance des dépenses liées au congé maternité serait un instrument de prévention et de suivi de la santé périnatale, et vous préconisez d'améliorer les dispositifs de suivi de la santé des femmes.

Pourquoi estimez-vous que la Cnaf a davantage vocation à financer le congé maternité que la Cnam ?

Vous dressez également un bilan peu satisfaisant de la gestion des congés maternité et paternité. Le Sénat a supprimé, lors de l'examen du dernier projet de loi de financement de la sécurité sociale, le versement obligatoire des indemnités journalières par les employeurs pour le compte des caisses primaires d'assurance maladie. Cette disposition n'avait pas d'incidence sur les comptes de la sécurité sociale, ce que le Conseil constitutionnel a d'ailleurs confirmé, et permettait de transférer une charge de trésorerie excessive aux employeurs. Vous confirmez que ces derniers doivent attendre plus de quarante-deux jours pour obtenir le remboursement.

Si vous qualifiez de « prometteuse » la subrogation obligatoire, vous n'en faites toutefois pas une recommandation. Est-ce parce que vous estimez, comme nous l'avons fait, que la gestion des congés maternité et paternité par les caisses primaires d'assurance maladie ne permet pas cette réforme ? La généralisation du transfert d'informations par les employeurs via la déclaration sociale nominative ne serait-elle pas suffisante pour éviter les ruptures de ressources ?

Mme Véronique Hamayon. - J'abonde dans le sens de René-Paul Savary : en effet, l'impact de la réforme des retraites est positif pour l'Agirc-Arrco - + 3,7 milliards d'euros -, ainsi que pour l'État - +1 milliard d'euros. Nous n'avons jamais dit le contraire ; nous nous sommes simplement concentrés sur le régime général, puisque telle est notre mission au titre de la certification des comptes de la sécurité sociale.

Pour ce qui est de la branche famille, nous n'avons pas attendu l'année 2023 pour formuler un certain nombre de recommandations sur la nécessaire mise en cohérence du financement des congés maternité et paternité. Déjà, en 2022, nous recommandions que ces deux congés soient gérés par la même branche, ce qui n'était pas le cas puisqu'en 2022 les dépenses liées au congé paternité étaient supportées par la branche famille, quand celles qui étaient liées au congé maternité étaient supportées dans leur intégralité par la branche maladie. Un effort de regroupement a donc déjà été fait, et nous souhaiterions que cet effort de cohérence se poursuive jusqu'à son terme.

Nous ne nous prononçons pas nécessairement sur le choix à opérer entre la branche famille et la branche maladie. Il serait certainement assez logique que la branche famille, qui traite déjà de la quasi-totalité de ces prestations, les gère dans leur ensemble. Seuls les congés pathologiques, liés à la maternité, resteraient de la compétence de la branche maladie.

Le message que nous envoyons est clair : il faut assurer de la cohérence dans les financements et en faciliter le pilotage.

Monsieur Henno, comme vous l'avez souligné, la charge de trésorerie relative à la subrogation des indemnités journalières maternité et paternité peut être importante, notamment pour les toutes petites entreprises. Cela étant, le retard de versement de ces indemnités pèse sur les foyers, notamment les foyers les plus modestes, qui sont privés de ce droit pendant quarante-deux jours en moyenne. C'est pour éviter de telles ruptures de ressources chez les ménages les plus fragiles, qui sont encore trop fréquentes, que la Cour considère que la subrogation obligatoire est prometteuse.

Nous rappelons que le caractère obligatoire de la subrogation permettrait de répondre à la pratique irrégulière, qui consiste, pour certains employeurs, à subordonner le versement des indemnités dues à leurs employés au fait qu'eux-mêmes aient perçu un remboursement de la sécurité sociale. C'est donc aussi pour répondre à cette pratique illégale que nous faisons cette suggestion. Il ne s'agit pas d'une recommandation à proprement parler, parce que, lors du délibéré sur ce rapport, une mesure analogue figurait dans le projet de loi de financement de la sécurité sociale présenté par le Gouvernement.

Dernier point, nous attendons en effet beaucoup de la DSN, qui devrait a minima améliorer les temps de transmission et la qualité des informations financières nécessaires au calcul des indemnités journalières.

M. Philippe Mouiller, rapporteur pour la branche autonomie. - Le solde de la branche autonomie en 2022 est finalement beaucoup plus favorable qu'annoncé il y a six mois : alors que la LFSS pour 2023 prévoyait un déficit d'environ 0,5 milliard d'euros, la branche est finalement excédentaire de 0,2 milliard. Cette écart est dû à la fois à des recettes nettement plus élevées et à une progression plus modérée qu'attendu des dépenses. Comment expliquez-vous ce moindre niveau de dépenses par rapport aux prévisions retenues dans la LFSS pour 2023 ? En définitive, quel a été l'impact des revalorisations salariales dans le secteur médico-social sur les dépenses de la branche autonomie en 2022 ? Dans quelle mesure la dynamique des recettes est-elle liée à l'inflation ? Dans ce contexte, faut-il s'inquiéter que les dépenses n'aient pas été plus élevées, étant donné les besoins de la branche ?

Mme Véronique Hamayon. - En effet, la branche autonomie a des résultats meilleurs que ceux qui étaient attendus. L'augmentation des recettes concerne l'ensemble des branches de la sécurité sociale et est liée à l'inflation. L'inflation a un impact sur la masse salariale et 1 % d'augmentation de la masse salariale rapporte 2,2 milliards d'euros de recettes en plus pour la sécurité sociale. La branche autonomie n'échappe pas à cette règle, avec une dynamique de recettes plus importante que prévu.

Les dépenses ne sont que très légèrement inférieures aux prévisions et l'écart s'explique essentiellement par cette dynamique des recettes, liée à l'augmentation de l'assiette des cotisations.

Mme Cathy Apourceau-Poly. - Le rapport de la Cour des comptes met en avant la situation de plus en plus préoccupante de la CNRACL, le régime spécial couvrant les risques retraites et invalidité des agents de la fonction publique territoriale et hospitalière. Le déficit de ce régime, qui tend à devenir structurel, est appelé à s'aggraver pour atteindre 6,6 milliards d'euros en 2030. La loi de financement de la sécurité sociale pour 2023 a autorisé un emprunt de 7,5 milliards d'euros pour assurer la pérennité des paiements et des prestations. Avec la hausse des taux d'intérêt, nous savons que cette solution sera coûteuse. Quelles solutions préconisez-vous pour garantir les comptes de cette caisse ?

Vous préconisez la réalisation d'économies via la maîtrise des dépenses de médicaments, mais vous n'avez rien dit sur l'utilisation des 6 milliards d'euros du crédit impôt recherche. Avez-vous proposé au Gouvernement d'augmenter le reste à charge des ménages en doublant la franchise sur les médicaments ?

Enfin, ma dernière question porte sur les retraites et plus précisément sur l'écart des montants des pensions entre les hommes et les femmes ; vous préconisez dans votre rapport de faire des économies sur les pensions de réversion, mais quelle vision de l'égalité ! Ne pensez-vous pas que l'égalité salariale pourrait être une source de revenu supplémentaire, qu'il faudrait favoriser ?

Mme Victoire Jasmin. - Ma première question porte sur l'augmentation de 22 % des appels au Samu. Avez-vous des éléments plus fins pour en comprendre les raisons ? Est-ce dû à un manque de médecins ?

Par ailleurs, les travailleurs indépendants, les agriculteurs et leurs conjoints sont pénalisés par le non-recours aux droits et aux soins. Avez-vous des éléments permettant d'en comprendre les raisons ?

M. Daniel Chasseing. - Concernant le Samu, vous avez parlé d'une hausse de 62 % des appels depuis 2014. Cela est dû, je crois, au médecin régulateur du SAS, qui intervient en plus du médecin régulateur du Samu. L'organisation des soins non programmés (SNP) avec les médecins libéraux et les maisons de santé des communautés professionnelles territoriales de santé (CPTS) ne vous semble-t-elle pas pertinente ?

Au sujet de l'Ondam, est-ce que vos estimations de déficit tiennent compte de ce que le Président de la République a dit concernant l'augmentation du nombre d'emplois pour les personnes dépendantes, très attendue dans les Ehpad ? Je souligne, d'ailleurs, que les projets qui touchent aux hôpitaux connaissent une hausse des coûts de l'ordre de 30 % en raison de l'inflation.

Enfin, concernant la vieillesse, René-Paul Savary a précisé que le Sénat avait ajouté des clauses pour les femmes, les carrières longues et les petites retraites. Quel sera selon vous le déficit dans les années 2030-2040 ?

Mme Annick Jacquemet. - Le Gouvernement entend lancer le grand chantier du dispositif de solidarité à la source, qui doit permettre de lutter contre le non-recours tout en limitant les risques de fraude. Avez-vous une estimation, soit des économies, soit des dépenses supplémentaires, qui peuvent en être attendues ?

Vous avez évoqué les retards dans la publication de certains décrets d'application : avez-vous des explications de la part des ministères concernés et quelles solutions préconisez-vous ?

M. Jean-Marie Vanlerenberghe. - La fraude aux prestations de la Cnam, bien que son estimation soit imparfaite - la Cnam n'a fourni que des données partielles, portant sur 29 % seulement du total des prestations -, pourrait représenter entre 4 milliards et 5 milliards d'euros. Confirmez-vous ces chiffres ? Les retards dans les contrôles de la Cnam s'expliquent certainement par un manque de méthode. Vous rappelez, à juste titre, que certaines caisses travaillent à des améliorations, notamment les CAF, mais on peut s'étonner que les redressements ne soient toujours pas à la hauteur : selon les estimations, les fraudes sont toujours de l'ordre de 3 milliards d'euros, sans amélioration visible. Il y a très certainement aussi un problème de méthode mais aussi de moyens. Vous dites en effet qu'il manque des contrôleurs, mais nous ne cessons de répéter que le recrutement de contrôleurs est une dépense d'investissement au vu des recettes qui peuvent en résulter.

Par ailleurs, vous ne parlez pas des fraudes aux cotisations, évaluées à environ 8 milliards d'euros. Confirmez-vous ce montant ? Si nous additionnons fraudes aux prestations (entre 6 et 8 milliards d'euros) et fraudes aux cotisations, nous arrivons à un montant compris entre 14 milliards et 16 milliards d'euros. C'est énorme ! Nous sommes certes loin des estimations fantaisistes de certains, qui arrivaient à des montants de 40 milliards ou 50 milliards d'euros, mais il y a certainement un peu plus de 10 milliards d'euros à récupérer.

Enfin, vous soulignez les progrès réalisés dans la sécurisation des inscriptions à la sécurité sociale des personnes nées à l'étranger ; nous avions fait sur ce sujet une évaluation des recommandations que vous aviez validées. Cela avance dans le bon sens même si nous sommes encore une fois loin des fantasmes de 14 milliards d'euros ; pour mémoire, notre rapport évaluait le montant de la fraude à 140 millions d'euros.

M. Alain Milon. - Si je comprends bien, la T2A n'intervient qu'à hauteur de 60 % dans les budgets des hôpitaux. Si beaucoup la critiquent, c'est bien la T2A qui a sauvé les hôpitaux, à l'évidence. La preuve, des systèmes qui ne sont pas encore financés par la T2A la réclament ; c'est le cas de la psychiatrie et du système privé. J'ai hâte de lire votre rapport sur le sujet.

Vous dites que la T2A est complexe. L'est-elle par nature ou bien est-ce l'utilisation qui en est faite qui l'a rendue complexe ? En effet, si l'on considère l'évolution des tarifs aux États-Unis en quarante ans de T2A, et l'évolution des tarifs en France en vingt ans de T2A, on s'aperçoit qu'il y a deux fois plus de tarifs en France qu'aux États-Unis. Cela nous amène à penser que c'est plutôt son utilisation qui a rendu la T2A complexe. Quel est votre avis sur ce sujet ?

Concernant les investissements immobiliers, considérez-vous comme normal qu'un organisme qui n'est pas propriétaire rembourse les emprunts à place de ce dernier ? L'État est propriétaire des bâtiments, mais c'est l'assurance maladie qui rembourse les emprunts immobiliers...

Mme Véronique Hamayon. - Pour ce qui regarde la CNRACL, nous ne pouvons que confirmer, en effet, ce qui figure dans le rapport. Nous anticipons bien, si aucun des paramètres du régime n'a changé, un déficit de 6,6 milliards d'euros à l'horizon de 2030. L'augmentation du taux de cotisations patronales, récemment décidée, ne suffira pas à couvrir les déficits. Bien sûr, ce n'est pas à la Cour des comptes de se prononcer sur le choix des leviers, notamment entre le montant des pensions et l'augmentation des cotisations patronales ou salariales.

Je précise que la Cour des comptes n'a pas soufflé au Gouvernement l'idée d'une augmentation de la franchise sur les médicaments à la charge des assurés sociaux, si tel est le sens de la question posée.

Par ailleurs, je ne voudrais pas que l'on croie que la Cour des comptes, en particulier la présidente de sa sixième chambre, suggère de faire des économies sur les pensions de réversion. Au contraire, nous préconisons de combler les écarts que nous observons entre les hommes et les femmes, grâce à des mécanismes de solidarité ou de réversion. Vous avez raison de rappeler que c'est en s'attaquant au problème des inégalités de salaires entre les hommes et les femmes, autrement dit en amont, que nous pourrons résoudre cette question.

La hausse des appels au Samu est-elle liée au manque de médecins ? Je rappelle que, depuis cinq ou six ans, nous constatons une augmentation des effectifs du personnel de santé et des médecins, les médecins généralistes faisant seuls exception. Je dirais que la réponse est à chercher du côté du comportement des patients et des assurés sociaux que nous sommes tous ; je pense au fait d'appeler le Samu ou se rendre directement aux urgences, sans que l'état de santé relève du Samu ou d'un Smur. Sur l'ensemble des appels reçus, seuls 5 % se traduisent effectivement par un transport médicalisé d'urgence vers l'hôpital le plus proche. L'objectif du SAS est de traiter ces appels en amont pour les empêcher de se déverser sur le Samu et les rediriger vers la médecine de ville dans les quarante-huit heures, ce qui est plus ou moins facile selon les territoires. Laissons à ce dispositif le temps de se mettre en place et la Cour des comptes sera attentive aux résultats de ces services d'accès aux soins.

Nous constatons bien des inégalités dans les modes de prestations, par exemple entre les salariés et les non-salariés, mais il est vrai que nous n'avons pas creusé la question de la retraite des conjoints d'agriculteur.

Nous n'avons pas les chiffres des déficits en 2040 ; nous avons ceux de 2030, qui figurent dans le rapport. Bien entendu, ils reposent sur un modèle inchangé, c'est-à-dire toutes choses égales par ailleurs. Les hypothèses du Gouvernement ne nous semblent certes pas hors d'atteinte mais nous les jugeons optimistes par rapport au consensus de l'OCDE, de la Commission européenne et du Fonds monétaire international (FMI). Il faudra donc être vigilant, car le déficit de 2030 pourrait être supérieur.

Concernant la solidarité à la source, nous espérons qu'elle permettra de réaliser des économies. Elle conduira d'abord à une plus grande pertinence dans l'allocation des prestations. Elle évitera ensuite aux ménages de manquer un dispositif auquel ils ont droit. Ce surcroît de dépenses, qui correspond aux prestations versées aux personnes qui, jusqu'à présent, n'y faisaient pas appel, sera largement compensé, puisque nous gagnerons nettement en temps de gestion.

À propos des retards qui touchent certains textes d'application, nous n'avons pas d'explication. Nous avons transmis le message à l'Assemblée nationale et maintenant au Sénat, en espérant que cela aura quelques effets.

Nous confirmons les chiffres de la fraude aux prestations
- de 6 milliards à 8 milliards d'euros - et ceux de la fraude aux cotisations -environ 8 milliards d'euros - donc le chiffre que vous avancez d'un total compris entre 12 milliards et 16 milliards d'euros est valide, mais, à ce stade, nous n'avons pas réintroduit la question de la fraude aux cotisations ; nous y reviendrons. Il y a certainement un problème de méthode, même s'il faut souligner les progrès qui ont été faits : les caisses se dotent d'outils informatiques permettant d'identifier les profils a priori des fraudeurs, de façon à diriger leurs contrôles essentiellement sur ces profils, en s'appuyant sur le data mining, par exemple. Ces outils, qui renforcent les contrôles a priori, sont autant de moyens qui peuvent alors être redéployés vers les contrôles a posteriori, qui restent absolument indispensables : consultation des dossiers médicaux par des médecins assermentés, contrôles de terrain, etc.

Quant à la T2A, elle ne représente, en effet, que 60 % à 70 % des recettes des hôpitaux, mais c'est une part évidemment essentielle. La T2A est-elle consubstantiellement complexe ou bien est-ce son utilisation qui l'a rendue complexe ? Un peu des deux, sans doute. Il est vrai, néanmoins, que nous avons fait jouer à cet outil de tarification un rôle de codage et donc de connaissance de l'activité médicale hospitalière. Si la T2A venait à disparaître, nous perdrions ce système d'information hospitalier à nul autre pareil, qui nous permet d'avoir une vision panoramique de ce qui se passe en France de manière extrêmement détaillée, une vision de la santé publique et des politiques épidémiologique fondées sur cette information extrêmement riche.

Enfin, la question des investissements immobiliers étant une question politique, la Cour des comptes n'a pas à se prononcer.

Mme Catherine Deroche, présidente. - Je vous remercie, madame, messieurs, de vos réponses et ces informations. Nous attendons avec impatience vos rapports, en particulier ceux qui complètent les travaux de la commission des affaires sociales et de la commission d'enquête sur l'hôpital et les préconisations qui en sont émanées.

Ce point de l'ordre du jour a fait l'objet d'une captation vidéo qui est disponible en ligne sur le site du Sénat.

3. Audition de M. Thomas Fatôme, directeur général de la Caisse nationale de l'assurance maladie (Cnam) (mercredi 14 juin 2023)

M. Philippe Mouiller, président. - J'excuse Catherine Deroche, qui va nous rejoindre dans les prochaines minutes. Nous recevons ce matin M. Thomas Fatôme, directeur général de la Caisse nationale de l'assurance maladie (Cnam).

Je vous précise que cette audition fait l'objet d'une captation vidéo retransmise en direct sur le site du Sénat.

Monsieur le directeur général, nous avons souhaité vous entendre à la suite de l'échec des négociations entre l'Assurance maladie et les représentants des médecins libéraux afin d'établir une nouvelle convention médicale et de la publication d'un règlement arbitral en avril.

Nous souhaitons que vous nous indiquiez quels ont été les principaux points d'achoppement des négociations et comment la Cnam applique désormais le règlement arbitral. Nous souhaitons également que vous fassiez le point sur la perspective de reprise des négociations, dans un contexte semblant encore plus tendu par le début de l'examen de la proposition de loi du député Frédéric Valletoux.

Je vous invite à aborder ces différents points dans le cadre d'un propos liminaire.

Bien entendu, les échanges avec les membres de la commission, en premier lieu la rapporteure de la branche maladie, Corinne Imbert, et la rapporteure générale, Élisabeth Doineau, permettront sans doute d'élargir le champ de cette audition à d'autres actualités de la caisse - notamment l'examen de la première loi d'approbation des comptes de la sécurité sociale (Lacss) ou encore le plan de lutte contre la fraude sociale annoncé par le ministre des comptes publics.

Monsieur Fatôme, vous avez la parole.

M. Thomas Fatôme, directeur général de la Caisse nationale de l'assurance maladie (Cnam). - Je vous remercie de me donner l'occasion d'intervenir sur ces différents sujets.

Le dynamisme des discussions conventionnelles ne se limite pas aux médecins. Il faut rappeler l'importance de ces discussions, qui servent à la fois à fixer les tarifs des différents professionnels de santé et à apporter des transformations au système de soins. Nous avons signé le 13 avril, avec les transporteurs sanitaires, un accord pluriannuel 2023-2025. Nous finalisons actuellement la négociation avec les sages-femmes sur un nouvel avenant accompagnant la profession, soutenant l'intervention des sages-femmes en matière de santé publique et dans l'accompagnement au sein des maternités. Nous avons ouvert quatre « négociations flash » avec des professions paramédicales, infirmiers, masseurs-kinésithérapeutes, orthophonistes et orthoptistes, autour d'une réponse au contexte d'inflation. Nous espérons terminer d'ici l'été une négociation avec les dentistes, sur la nouvelle convention dentaire. Je voulais partager avec votre commission ce dynamisme de la vie conventionnelle.

Concernant les raisons de l'échec des négociations, elles ont essentiellement achoppé autour de la revalorisation de la consultation de médecine générale à 30 euros. Nous avions proposé cette bascule à 30 euros mais dans le cadre d'un engagement territorial qui mettait en face de ces revalorisations très significatives, près de 20 % de revalorisation des honoraires, des réponses à apporter, afin de mieux répondre aux besoins des territoires et des patients, dans les domaines des permanences des soins, des soins non programmés et de l'exercice coordonné. C'est autour de cette problématique que la négociation n'a pas abouti. Nous avions proposé une revalorisation socle à 26,50 euros et à 30 euros dans le cadre de l'engagement territorial. Beaucoup d'autres items étaient proposés : mesures de lutte contre les déserts médicaux, soutien à l'exercice en zones sous-denses, simplification de la rémunération sur objectifs de santé publique, évolution de l'option pratique tarifaire maîtrisée (Optam), dispositif permettant le dépassement d'honoraires... Ces dispositions n'ont pas trouvé d'accord avec les partenaires conventionnels, ce qui a abouti à la saisine d'un arbitre, Mme Annick Morel, qui a rédigé le règlement arbitral après audition des différentes parties prenantes. Elle a édicté un règlement qui vaut convention médicale pour cinq ans, obligation étant faite aux parties de se mettre autour de la table dans un délai de deux ans. Ce règlement porte essentiellement sur la revalorisation à 26,50 euros au 1er novembre, l'assouplissement des conditions de recours aux assistants médicaux et la mise en place d'une consultation à 60 euros pour les médecins qui accepteront de devenir médecins traitants d'un patient en affection de longue durée (ALD) qui n'en dispose pas. Le règlement arbitral pérennise également les mesures autour des soins non programmés avec la majoration des consultations régulées de 15 euros et le tarif de 100 euros/heure pour l'activité de régulation. Ce règlement arbitral se met en oeuvre.

De notre côté, nous avons engagé l'accompagnement des médecins libéraux autour de deux sujets. Le premier axe concerne le plan d'action autour des personnes en ALD et qui n'ont pas de médecin traitant. C'est un objectif fixé par le Président de la République et repris par le ministre de la santé, qui en a confié à la Cnam le déploiement opérationnel. Nous sommes mobilisés avec les communautés professionnelles territoriales de santé (CPTS), les élus locaux, les associations de patients et les maisons de santé pluridisciplinaires autour de solutions pour trouver un médecin traitant aux patients qui n'en n'ont pas et qui sont en ALD, soit un peu plus de 700 000 patients fin 2022. Nous avons écrit à l'ensemble des assurés concernés pour les avertir de notre mobilisation et leur permettre d'exercer leur droit d'opposition. Nous sommes en train d'écrire à l'ensemble des médecins libéraux qui voient régulièrement ces patients sans être leur médecin traitant. 20 % de ces 700 000 patients n'ont pas vu de médecin de l'année. Un quart d'entre eux voient régulièrement le même médecin. Les situations sont très variées. Une mobilisation locale se déploie aussi au niveau des CPTS pour notamment identifier les médecins libéraux, soit 50 000 généralistes, qui seraient volontaires pour prendre davantage de patients et partager l'effort. Nous pensons qu'il est possible d'infléchir la courbe, sinon nous aurons 800 000 patients concernés en fin d'année.

Notre deuxième axe de mobilisation porte sur les assistants médicaux. Dans nos propositions largement consensuelles avec les syndicats de médecins, nous allons engager une campagne de communication et d'information importante sur les nouvelles règles. Dorénavant, il n'y a plus de lien avec la zone d'exercice, ni avec un exercice coordonné. Chaque médecin libéral peut bénéficier d'un assistant médical, y compris à temps plein, avec une aide de l'Assurance maladie. Cette aide est pérenne dès lors que les objectifs de patientèle fixés dans le cadre du contrat sont tenus. C'est une aide significative à l'emploi, représentant 21 000 euros par an pour un équivalent temps plein. Avec le recul, depuis son lancement en 2019, le dispositif fonctionne. Les conditions de travail du médecin sont modifiées et améliorées, ils augmentent leur file active d'environ 10 %, sans travailler plus.

Ces deux éléments, plan d'action ALD et assistants médicaux, sont essentiels, même si on est sous l'égide d'un règlement arbitral qui n'a pas porté sur une transformation structurelle, mais qui s'est plutôt situé dans une logique de continuité. En 2023, nous sommes mobilisés pour mettre en oeuvre une feuille de route ambitieuse sur l'accès aux soins telle qu'elle a été définie par le ministre de la santé. Même si ce n'est pas un sujet strictement conventionnel, je citerai également le plan d'action autour de la simplification administrative. Nous avions missionné le docteur Jacques Franzoni et M. Pierre Albertini, ancien directeur général de la caisse primaire d'assurance maladie de Paris, pour nous faire des propositions en matière de simplification de la vie administrative des médecins. Un plan présenté par le ministre de la santé en février est en cours de mise en oeuvre, notamment concernant l'allègement des pièces justificatives et l'amélioration des réponses apportées par les caisses d'assurance maladie. Le ministère travaille également sur la diminution de la demande de certificats médicaux inutiles.

S'agissant de la reprise des discussions, nous sommes très attachés au dialogue conventionnel avec les différentes professions de santé et avec les médecins libéraux. Ce sont les seuls à même d'accompagner la transformation du système de santé, de répondre aux enjeux d'attractivité de la médecine libérale et de réponses aux besoins de soins de la population. Nous sommes en train de travailler aux conditions de la reprise des discussions en termes de méthode, de calendrier et d'objectifs. Si les parties prenantes repartent avec les mêmes positions et les mêmes propositions, nous aboutirons au même résultat. Il faut bien réfléchir aux conditions qui permettront de repartir dans un climat de sérénité, tout en partageant un calendrier particulièrement chargé. Nous espérons une reprise fructueuse.

M. Philippe Mouiller, président. - Nous allons poursuivre le débat avec les questions.

Mme Corinne Imbert, rapporteure de la branche maladie. - Je vous remercie pour ces propos introductifs. Les négociations conventionnelles se sont passées dans un climat crispé, avec dans l'actualité une proposition de loi sur l'accès aux soins qui n'a pas arrangé l'ambiance autour de la table. Ce projet de convention médicale proposé par la Cnam a été refusé par les syndicats. Quels enseignements tirez-vous de cet échec ? La Cnam abandonne-t-elle l'idée d'une augmentation tarifaire conditionnée ? Quels autres outils conventionnels envisagez-vous pour améliorer l'offre de soins sur le territoire ? Vous avez évoqué les patients en ALD et les assistants médicaux. Cela va dans le bon sens. Avez-vous d'autres outils ? Sur le règlement arbitral que les professionnels jugent insuffisant, ils souhaitent une réouverture urgente des négociations. Avec le calendrier chargé que vous avez évoqué, êtes-vous pour une réouverture des négociations avant l'été, ou à la rentrée, comme l'envisage plutôt le ministre ? De votre point de vue, quand les négociations pourraient-elles reprendre ? Quelles doivent être les priorités de cette négociation ? La Cnam envisage-t-elle de faire progresser les rémunérations forfaitaires des médecins libéraux ?

Concernant l'objectif national de dépenses d'assurance maladie (Ondam) pour 2022, l'exécution montre une nouvelle fois un dépassement par rapport aux dernières prévisions actualisées en loi de financement de la sécurité sociale (LFSS) 2023 pour 2022. Par rapport à la LFSS 2022, le dépassement est de 10,4 milliards d'euros. Vous conviendrez que cela n'est plus seulement le fait de la crise sanitaire. Cette dépense de près de 250 milliards d'euros apparaît comme absolument non pilotable. Pour 2023, le comité d'alerte appelle à une « grande vigilance », sans tirer encore la sonnette d'alarme. Comment anticipez-vous la trajectoire 2023 ? Vous préparez-vous à des mesures d'économies pour tenir la trajectoire initiale ?

M. Thomas Fatôme. - Repartir sur une négociation qui n'a pas fonctionné implique d'avoir des propositions nouvelles et différentes, de part et d'autre. L'un des éléments mal compris a été le lien entre la revalorisation de l'acte et un certain nombre de contreparties. Nous réfléchissons à la manière de réaborder le sujet. Les problèmes n'ont pas disparu. La difficulté des 700 000 patients en ALD à trouver un médecin traitant est réelle. Nous connaissons les perspectives démographiques, qui se résument par un effet de ciseaux bien connu, plus de patients et moins de médecins. En 2021, 2 500 médecins généralistes se sont installés sur le territoire, ce qui est deux fois plus qu'au début des années 2010. La dynamique démographique commence à s'infléchir, même si elle ne compense pas le flux des départs à la retraite, qui s'accélère. Nous savons que nous allons connaître ces prochaines années des tensions importantes. Comment y répondre ? Comment accompagner la profession médicale dans des transformations permettant de répondre à ce défi d'une demande d'accès aux soins plus importante ? Nous avons porté cette logique d'engagement territorial. Maintenant nous réfléchissons sur les moyens d'incitation. Aujourd'hui, les médecins libéraux sont principalement rémunérés à l'acte, même si la part forfaitaire a augmenté ces 15 dernières années. Le forfait médecin traitant est un outil bien appréhendé par les médecins. Faut-il davantage utiliser ce levier ? Cela fait partie de nos réflexions. Il faudra de nouvelles propositions et des solutions qui répondent aux besoins de santé des assurés sociaux. Je redis notre conviction que le maintien de l'attractivité de la médecine libérale est un enjeu essentiel. Les médecins généralistes libéraux voient un million de patients par jour, c'est le même chiffre pour les spécialistes. On parle souvent des 20 millions de passages par an aux urgences. C'est majeur pour l'Assurance maladie. Nous devons trouver le moyen de maintenir cette attractivité, voire de l'améliorer. Il faut permettre à ces professionnels de répondre à une demande de soins qui augmente. Les outils que nous mettons en place, notamment avec les assistants médicaux, permettront d'augmenter le temps médical disponible. Il n'est pas toujours nécessaire de réinventer des choses très compliquées.

Sur le calendrier, toute reprise de négociation passe par l'envoi de lignes directrices de la part du ministre de la santé. Le calendrier doit être synchronisé. On partage la nécessité de réenclencher les choses. Le règlement arbitral est un outil permettant d'assurer une forme de continuité et de laisser la main aux partenaires conventionnels. Cet outil se traduit tout de même par un investissement de l'Assurance maladie de 700 millions d'euros, plus 100 millions d'euros de la part des organismes complémentaires. Les 26,50 euros représentent, en effet, une augmentation de la lettre-clé de 6 %. Nous souhaitons effectivement réenclencher les discussions. Les négociations précédentes se sont faites dans un climat très difficile. Nous avons fait face à une campagne très violente sur les réseaux sociaux, qui a déformé les propositions de l'Assurance maladie. Nous n'avons jamais voulu obliger tous les médecins libéraux à travailler le samedi matin, ni à travailler plus. Ce n'était pas le sens de l'engagement territorial que nous avions proposé. Nous devons aussi travailler sur une méthode pour mieux nous faire comprendre et mieux intégrer la réalité des réseaux sociaux, qui sont désormais un élément de la négociation conventionnelle. Nous sommes tous sous la pression de ce mode d'expression.

Sur l'Ondam, je mesure très bien l'ampleur des chocs qu'il a connus en 2020, 2021 et 2022. Le premier semestre 2022 a connu la vague Omicron ; cela a représenté un niveau d'arrêts de travail et de tests jamais vu et une campagne de vaccination qui, bien qu'un peu moins intense qu'en 2020 et 2021, demeurait importante. Ces chocs exogènes et imprévisibles expliquent très largement la dynamique de la dépense. Nous sommes en train d'en sortir. L'Ondam reste et doit rester un outil pilotable. Nous devons nous fixer des règles et des objectifs sur ces dépenses de 250 milliards d'euros. Sinon, ce serait très problématique, à la fois en termes financiers et politiques. Heureusement, les mécanismes de supervision fonctionnent, le comité d'alerte s'est réuni et a appelé à une « grande vigilance ». Il n'a toutefois pas déclenché le mécanisme d'alerte. Nous participons à cette vigilance. Techniquement, il nous est encore difficile de bien mesurer l'explication des dynamiques de dépenses. Les chiffres du premier trimestre 2023 sont difficiles à lire car le premier trimestre 2022 a été très chahuté par le comportement des acteurs de soins. Est-ce le résultat d'une dynamique plus importante ? C'est ce que l'on regarde aujourd'hui. Compte tenu du fait que le mécanisme d'alerte n'a pas été déclenché, un plan d'économie n'est pas à l'ordre du jour. Mais nous restons très attentif aux différents éléments qui peuvent impacter l'Ondam 2023. De toute façon les négociations en cours n'auront pas d'impact sur 2023, car les négociations conventionnelles ne prennent effet qu'avec six mois d'écart par rapport à la date de signature.

Mme Élisabeth Doineau, rapporteure générale. - Je vous remercie pour vos propos et les explications qui ont suivi. Je souhaite remercier, à travers vous, l'ensemble des agents des caisses départementales d'assurance maladie, qui sont les interlocuteurs privilégiés de nos concitoyens. Je salue leur efficacité et leur exemplarité.

Je voudrais quelques précisions sur les outils à notre disposition pour faciliter l'accès aux soins. Pouvez-vous nous donner quelques éléments sur les infirmières en pratique avancée (IPA) ? Concernant les patients en ALD, un certain nombre ont reçu un courrier leur disant qu'ils n'avaient pas de médecin traitant, alors qu'ils en avaient. Quel est votre système de vérification de ces données ? J'aimerais aussi connaître le chiffre des déconventionnements. Un certain nombre de médecins ne veulent plus être conventionnés. J'aimerais avoir confirmation de cette tendance par des chiffres. Je crains que les propositions qui sont faites actuellement sur les incitations à s'installer dans les « déserts médicaux » ne soient contreproductives.

Sur les questions budgétaires, la Cour des comptes a consacré tout un chapitre de son dernier rapport sur l'application des lois de financement de la sécurité sociale (Ralfss) à la fraude aux prestations sociales. Dans le cas de la Cnam, elle présente des évaluations réalisées par celle-ci dans six domaines, correspondant au total à une fourchette entre 1,1 et 1,3 milliard d'euros. Sur la base d'une extrapolation de ces éléments, elle évalue la fraude, dans le cas de la Cnam, entre 3,8 et 4,5 milliards d'euros. Cette estimation vous semble-t-elle cohérente ? Pourrez-vous tenir votre objectif d'estimer en 2024 l'ensemble des fraudes aux prestations versées par les caisses ? Qu'est-ce que la Cnam prévoit de faire concrètement, et selon quel échéancier, pour améliorer sa connaissance de la fraude ?

Le paiement à bon droit correspond au paiement par la branche maladie de ce qu'elle doit aux assurés. Dans son rapport sur la certification des comptes de la sécurité sociale pour 2022, la Cour des comptes indique que, dans le seul cas du remboursement des frais de santé, les erreurs, souvent au bénéfice de l'assuré, sont passées de 1,9 milliard d'euros en 2020 à 2,5 milliards d'euros en 2021 et à 3,4 milliards d'euros en 2022. Comment inverser cette tendance ?

M. Thomas Fatôme. - Je vous remercie de vos propos, que je transmettrai au réseau. Concernant les chiffres sur les patients sans médecin traitant, je souhaite apporter des clarifications. Parmi les 720 000 patients sans médecin traitant fin 2022, il y a des situations extrêmement différentes. Une personne sur cinq n'a vu aucun médecin dans l'année. Un quart voit régulièrement le même médecin. Il y a clairement des gens qui ne sont pas administrativement enregistrés dans les bases de l'Assurance maladie comme ayant déclaré un médecin traitant mais qui voient régulièrement le même médecin. Nous écrivons à ces médecins pour leur demander s'ils seraient d'accord pour être le médecin traitant des patients qu'ils voient régulièrement. Certains ne le souhaitent pas. Cela doit rester un choix du médecin. Nous espérons qu'un certain nombre d'entre eux vont accepter cette charge. Il y a une très grande diversité de situations. Il faut différencier la consommation de soins de ces personnes. C'est certainement un problème de santé publique et donc nous allons continuer à nous mobiliser. Un nouveau comité de pilotage sera présidé par le ministre début juillet. Nous ferons le point et redonnerons les éléments chiffrés.

Concernant les chiffres de déconventionnement, depuis la fin des négociations, nous avons enregistré 22 demandes de déconventionnement pour les médecins généralistes et trois demandes pour les médecins spécialistes. Nous restons attentifs à ce sujet et lorsqu'on reçoit une demande, j'ai demandé aux caisses de rentrer en contact avec le médecin pour avoir des explications car c'est une décision lourde pour les patients. Cela les prive potentiellement d'une partie de leur remboursement. Je regrette ces appels au déconventionnement lancés par certains responsables.

S'agissant des sujets liés à la fraude, je laisserai Marc Scholler, directeur délégué de l'audit, des finances et de la lutte contre la fraude au sein de l'assurance maladie, apporter des éléments complémentaires. Nous poursuivons le travail d'évaluation des différentes fraudes aux arrêts de travail, à la complémentaire santé solidaire (C2S), à la tarification à l'activité (T2A), à l'identité, etc. Nous ne cherchons pas un chiffre mais plutôt une évaluation la plus scientifique possible. Ce sont des méthodes statistiques assez lourdes, donc c'est long. Cela justifie une mobilisation renforcée. Nous avons fixé, conjointement avec le ministre délégué chargé des comptes publics, un objectif ambitieux de 500 millions d'euros de rendement des opérations de lutte contre la fraude en 2024. Avant 2022, le montant maximum atteint était de 290 millions d'euros. Cela montre une très nette accélération des opérations et de leur rendement. Nous avons atteint un nouveau record de 315 millions d'euros en 2022. Je précise que ce montant n'intègre pas la T2A, les contrôles sur la T2A ayant été suspendus du fait de la crise sanitaire et de la garantie de financement. Enfin, il est important d'intégrer les spécificités des années 2021 et 2022. Les comptes de l'Assurance maladie ont à nouveau été certifiés en 2022, alors même que nous avons dû faire face à une typologie de dépenses et d'opérations dérogatoires, ce qui témoigne de l'investissement des équipes pour piloter et gérer rigoureusement les comptes.

M. Marc Scholler, directeur délégué de l'audit, des finances et de la lutte contre la fraude de la Cnam. - En complément des chiffres cités, je voudrais vous indiquer que l'on a produit une évaluation pour six catégories de droits ou de professionnels de santé. Nous avons une stratégie des dispositifs de contrôle au sens large et les dispositifs de lutte contre la fraude sont organisés autour de quatre axes.

Le premier axe concerne l'évaluation, qui permet de savoir comment et où cibler nos actions là où sont les plus importants préjudices financiers. C'est fondamental et cela nous permet de mieux connaître les erreurs de facturation et autres abus. Pour chaque catégorie d'évaluation, nous avons une estimation haute et basse. En 2022, pour les deux branches Maladie et Accidents du travail-maladies professionnelles (AT-MP), ont été liquidés environ 257 milliards d'euros de prestations. Cela représente 1,6 milliard de factures unitaires reçues dans le système d'information. Ce sont des flux très importants. Une grande partie des contrôles sont réalisés par le système d'information, qui rejette environ 30 millions de factures, souvent pour des questions de droits ou de cohérence entre nos bases. S'y ajoutent 16 millions de contrôles à vocation plus ciblée. Cela nous a permis d'atteindre un montant total de préjudices stoppés et détectés en 2022 d'un montant de 667 millions d'euros. Dans le cadre de la certification, c'est important, d'autant plus que la Cour des comptes suit aussi les évolutions.

Le deuxième axe regroupe les dispositifs de prévention intégrés dans le système d'information ou d'accompagnement des professionnels de santé à l'installation. Les professionnels de santé attendent qu'on les rembourse vite et nous, nous attendons qu'ils nous facturent correctement. Nous accompagnons sur un plan pédagogique le professionnel de santé qui s'installe, afin qu'il nous facture correctement. Des contrôles informatisés doivent être mis en place.

Le troisième axe consiste dans le contrôle et la détection. Comment intègre-t-on un peu plus d'intelligence dans nos outils de contrôle pour avoir un meilleur ciblage ?

Puis le dernier axe concerne les sanctions, qui doivent être adaptées et rapides. Nous sommes engagés dans une orientation de moyen terme avec un certain nombre de priorités (bandes organisées, internet, réseaux sociaux...) et de nouvelles pratiques (comme dans le cas du 100 % santé et des centres de santé).

M. Thomas Fatôme. - Sur les IPA, l'Assurance maladie souhaite accompagner cette jeune profession. Nous avons signé avec les trois syndicats d'infirmiers libéraux en juillet 2022 un nouvel avenant qui améliore les financements de l'Assurance maladie, dans le démarrage de l'activité des IPA et dans les niveaux de forfait, qui ont augmenté de près de 20 %. C'est également une demande des médecins dans les maisons de santé. Il y a une vraie volonté de travail en commun de beaucoup de médecins avec les IPA. C'est une profession jeune, qui comprend 220 IPA installés en libéral, les flux de formation étant encore limités. On attend, par la suite, entre 700 à 800 IPA par an. Ils vont plutôt vers l'hôpital. Les ministres de la santé et de l'enseignement supérieur souhaitent augmenter encore les volumes de formation et nous, notre rôle est d'accompagner ces IPA durant leur parcours de formation et leurs premières années d'exercice.

M. Daniel Chasseing. - Je vais commencer par quelques réflexions. C'est par les maisons de santé réunies au sein de CPTS au niveau rural, qu'on arrivera à effectuer des soins non programmés. Sur les IPA, le Sénat a modifié la proposition de loi portant amélioration de l'accès aux soins par la confiance aux professionnels de santé, devenue la loi du 19 mai 2023 (dite « loi Rist 2 »), afin de réserver l'accès direct aux IPA exerçant au sein des structures d'exercice coordonné les plus intégrées, comme une maison de santé.

Ma question porte sur les infirmières libérales, qui n'ont pas bénéficié de revalorisation depuis longtemps. La revalorisation des actes médicaux infirmiers date de 2009, et celle des déplacements de 2011. Les actes aux soins sont remplacés par des bilans de soins infirmiers. Certains infirmiers, qui voient leur revenu baisser, se posent la question de savoir s'ils vont arrêter, alors qu'on a grand besoin de cette profession avec le vieillissement de la population et la prise en charge de la dépendance et des maladies chroniques. Avez-vous l'intention de leur donner satisfaction en relevant leur revenu ?

- Présidence de Mme Catherine Deroche, présidente -

M. Bernard Jomier. - Vous faite face à un défi bien complexe. Dans votre analyse sur les raisons de l'échec des négociations, vous nous dites que cela a échoué sur les 30 euros. On sait tous que cela n'est que le marqueur d'un symptôme de quelque chose de plus profond. Je pense qu'il y a un vrai malentendu sur la notion de « travailler plus pour gagner plus ». Vous nous dites qu'on ne leur demande pas de travailler plus, je ne suis pas d'accord. On leur demande bien de prendre plus de patients. Il me semble qu'il y a un vrai changement à l'oeuvre dans cette profession, c'est qu'ils ne veulent pas travailler plus car ils travaillent déjà beaucoup. Cela est aggravé par la perte d'environ 10 000 médecins traitants sur une dizaine d'années. Dans la réalité, ils ont déjà une charge de travail importante. Ils travaillent en moyenne 52 heures hebdomadaires. Je n'ai pas de solutions. Mais je pense que vous faite face à une vraie difficulté et à une distorsion dans la négociation. L'Assurance maladie défend l'accès aux soins et la nécessité de mieux répondre à la demande, et en face nous avons un corps professionnel épuisé. Je ne porte aucun jugement, je constate juste que ce « ras le bol » de la profession grandit.

J'ai plusieurs questions. La première porte sur l'évolution des dépenses en lien avec les phénomènes existants. Vous tentez de piloter ces 250 milliards d'euros de dépenses. Nous voyons surgir une financiarisation, qui touche les établissements de santé privés depuis longtemps, et qui touche maintenant l'ambulatoire. L'imagerie est prise en main par des groupes. Et là, il faut faire beaucoup d'actes. On voit arriver ce phénomène dans l'offre de soins primaires. Se multiplient les centres de consultation rapide, ou « fast consultation ». On vient de franchir un nouveau palier avec l'offre d'abonnement d'un groupe. La médecine ne se pratique pas comme un commerce. Il est interdit de faire trois consultations pour le prix de deux. Par contre, on peut prendre un abonnement. Nous sommes dans une dérive financière et d'ubérisation de la santé. Comment maîtriser la dépense ? Nous connaissons le nombre de téléconsultations que font les médecins quand ils sont en ligne.

En matière de fraude sociale, je renouvelle une question que je vous ai posée il y a un an sur les fraudes alléguées de l'institut hospitalo-universitaire Méditerranée Infection en termes de facturation, à laquelle je n'ai jamais reçu de réponse, malgré plusieurs relances de vos collaborateurs. Il s'agit de millions d'euros. Y a-t-il une action entreprise pour récupérer ces fonds ?

Ma dernière question dépasse la stricte actualité. L'année dernière il y a eu un débat sur la « grande Sécu ». La piste a été écartée mais n'épuise pas le sujet pour les prochaines années. La mutualité a mis sur la table une proposition sur la santé au travail et a proposé de participer à son financement. Poursuivez-vous la réflexion ? Souhaitez-vous rester dans votre périmètre actuel ? Réfléchissez-vous à une nouvelle articulation avec les organismes complémentaires pour une meilleure efficience ?

Mme Annie Le Houerou. - Vous avez déjà répondu sur le sujet des ALD. L'objectif fixé par le ministre de la santé était-il assez ambitieux ? Avez-vous une évaluation au fil de l'eau de son fonctionnement ? Avez-vous des chiffres ?

Je vois la prolifération du nombre de cabines de téléconsultation en supermarché et dans nos communes rurales. Cela peut apparaître comme une solution pour les déserts médicaux même si je n'en suis pas convaincue car il n'y a pas de vision globale de la situation du patient. Quel est votre regard sur le sujet ? Peut-on y mettre des limites ?

Le préalable à une utilisation et à une bonne exploitation des données de santé passe par le renseignement du site « Mon espace santé ». Où en est-on de son utilisation, à la fois par le patient et par les professionnels de santé ? Je reste perplexe sur l'ambition du Gouvernement sur le sujet.

M. Jean-Marie Vanlerenberghe. - Je reviens sur le sujet de la fraude. Vous nous aviez annoncé plusieurs chiffres il y a un an. Vous aviez évoqué un plan car cela concerne beaucoup de professions. Pouvez-vous nous donner aujourd'hui de nouvelles évaluations pour les différentes professions concernées, infirmiers, médecins généralistes, médecins hospitaliers... ? Quel est le plan ? Dans quel délai aurons-nous ces chiffres ? J'attends de votre part des précisions que vous nous aviez annoncées dans l'année.

Concernant le plan de lutte contre la fraude sociale lancé par le ministre délégué chargé des comptes publics, le Gouvernement a lancé une mission de préfiguration pour examiner la fusion entre la carte nationale d'identité et la carte Vitale. Un rapport de l'Inspection générale des affaires sociales (Igas) et de l'Inspection générale des finances (IGF) du mois d'avril 2023 indique que vous avez fait part de réserves à ce sujet. Pouvez-vous nous préciser votre point de vue ? Quelles sont les pistes à suivre ? Quelles appréciations portez-vous sur le plan du Gouvernement ?

M. René-Paul Savary. - Depuis des années nous posons les mêmes questions et nous avons les mêmes réponses. Vous ne commentez pas le nombre des déconventionnements, il est vrai qu'il y en a peu. Mais vous en aurez plus dans les mois qui viennent, au détriment des patients et de l'Assurance maladie, car tout cela est de plus en plus commercial et de moins en moins solidaire. Je partage l'inquiétude de Bernard Jomier.

Que pensez-vous des centres de soins non programmés ? Les médecins se prennent en main sans faire partie de groupes. Soyons attentif à soutenir ce type de démarche solidaire.

J'ai une question plus technique sur la convention d'objectif et de gestion (COG) pour 2023-2027, qui n'a pas encore été signée. Qu'en est-il de vos moyens ?

M. Thomas Fatôme. - Je rejoins le sénateur Chasseing sur l'intérêt de bien articuler l'intervention des IPA avec les exercices coordonnés, comme le permet la loi Rist 2. Sur les infirmières libérales, je partage aussi avec vous l'importance de soutenir les quelques 100 000 infirmières libérales, qui sont des acteurs primordiaux de la prise en charge des assurés, notamment à domicile. Au-delà de l'acte ou du déplacement, l'Assurance maladie a fortement soutenu la profession, ces dernières années, notamment au travers de l'instauration du bilan de soins infirmiers (BSI), qui permet de mieux rémunérer leur intervention. C'est 2 500 euros supplémentaires par infirmière libérale par an. C'est un nouveau mode de paiement plus forfaitaire et un investissement de l'Assurance maladie. Je vous rappelle, par ailleurs, que nous avons ouvert des « négociations flash » avec quatre catégories de professions paramédicales. Nous devrions déboucher très prochainement sur une augmentation des indemnités de déplacement pour les infirmières libérales. C'est la profession qui se déplace le plus auprès des patients.

Je partage l'analyse de l'état de la profession médicale présentée par M. Jomier. Il est nécessaire d'être à l'écoute de la génération la plus ancienne, qui a beaucoup travaillé et qui ne souhaite pas travailler davantage, et d'une nouvelle génération qui n'a pas envie d'adopter le même modèle. C'est la raison pour laquelle je redis que l'enjeu n'est pas de faire travailler plus mais de répondre à une réalité, qui est qu'il y a moins de médecins et plus de patients. Nous accompagnons ces professionnels avec plus d'exercices coordonnés, plus de délégations et de transferts de tâches et plus de soutien aux médecins traitants. C'est aussi plus de maisons de santé pluridisciplinaires (MSP). L'objectif est de 4 000 maisons pluridisciplinaires. La dynamique est significative. Près de 15 % des médecins généralistes travaillent aujourd'hui dans une maison de santé. Les conditions de travail sont meilleures. La dynamique des CPTS est également réelle. Les médecins s'emparent de ces solutions.

La financiarisation est un sujet de préoccupation pour l'Assurance maladie. Les négociations ont fini par aboutir dans le secteur de la biologie médicale. Nous sommes très attentifs à ce qui peut se passer dans d'autres domaines, comme la radiologie ou les soins primaires. Nous allons essayer d'établir un diagnostic et de proposer des solutions dans le rapport « charges et produits » sur lequel nous travaillons. Si nous avons besoin d'acteurs publics et privés lucratifs et non lucratifs, la dérive de la financiarisation est problématique. J'ai déjà eu l'occasion de rappeler que l'offre du groupe Ramsay n'était pas financée par l'Assurance maladie, ni les abonnements, ni les téléconsultations ; seule la prescription est prise en charge. Pour nous, un tel dispositif ne répond pas à un système de santé solidaire. L'organisation du système de soins ne doit pas dépendre de la capacité des gens à payer un abonnement. Il y a une grande différence entre recourir aux soins et payer un abonnement téléphonique ou à Netflix. Je vous indique que des contrôles sur l'IHU Méditerranée Infection sont en cours pour vérifier la tarification. Je vous rappelle que cet établissement était en garantie de financement en 2020, 2021 et 2022, ce qui explique que les contrôles aient une portée mécaniquement limitée. Néanmoins, le contrôle porte sur la part complémentaire. Nous vous informerons des résultats du contrôle. Sur la « grande Sécu », pour ma part, je suis convaincu de l'intérêt d'un partenariat renforcé entre l'Assurance maladie obligatoire et complémentaire et les professionnels de santé. Des progrès ont été permis par le 100 % santé. Cela a permis de faire progresser l'accès aux soins dans de nombreux domaines. Nous avons engagé avec les complémentaires santé et les professionnels de santé des discussions sur les soins dentaires, afin de poursuivre cette dynamique. Je crois à ce travail coordonné pour améliorer l'accès aux soins et à la prévention. Un certain nombre de complémentaires santé ont une capacité d'intervention en entreprise que nous n'avons pas.

Concernant les questions de Mme Le Houerou, nous faisons face à une dynamique forte, où l'on a plus de malades chroniques, plus de patients en ALD et moins de médecins traitants. L'objectif de stopper cette évolution est ambitieux. Le plan est récent et est en train d'être mis en oeuvre. Nous souhaitons avoir un suivi trimestriel des résultats. Nous prévoyons un premier bilan dans les prochaines semaines. En complément de ma réponse à M. Jomier sur la téléconsultation, nous souhaitons qu'elle ait une place régulée dans le parcours de soins. Nous participons aux travaux pilotés par le ministère de la santé sur l'article 53 de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2023, qui prévoit un cahier des charges pour les plateformes de téléconsultations afin d'intégrer des exigences de qualité, de transparence et d'éthique. Je ne pense pas que leur place soit dans des supermarchés ou dans de lieux qui ne correspondent pas à l'exercice normal de soins. Les études menées par le ministère ont montré, à ce stade, que le recours à la téléconsultation n'était pas plus important dans les déserts médicaux qu'ailleurs. La dynamique de « Mon espace santé » se poursuit en termes d'activation des espaces santé, avec environ 9 millions de profils activés, plus de 200 000 par mois. Nous pensons que cette dynamique va s'accélérer, dès lors que l'équipement en logiciels des professionnels de santé, notamment les médecins de ville, les laboratoires de biologie et de radiologie et les hôpitaux, sera terminé. Nous avons aujourd'hui plus de 67 millions de documents alimentés dans les dossiers médicaux partagés (DMP).

M. Vanlerenberghe, je vous confirme que nous poursuivons nos travaux d'évaluation sur la fraude. Le rapport de la Cour des comptes en fait état sur la complémentaire santé solidaire (C2S), les médecins généralistes, les transporteurs sanitaires, les infirmiers, les masseurs-kinésithérapeutes et les pharmaciens. Nous espérons terminer nos travaux fin 2023 ou début 2024, en veillant au dialogue avec les professions concernées. Les chiffres sont dans le rapport. Pour la C2S, la fourchette est entre 25 et 176 millions d'euros, pour les médecins généralistes, la fourchette est entre 185 et 215 millions d'euros, pour les transporteurs sanitaires, entre 145 et 177 millions d'euros, pour les infirmiers, entre 286 et 393 millions d'euros, pour les masseurs-kinésithérapeutes, entre 91 et 105 millions d'euros, pour les pharmaciens, entre 166 et 234 millions d'euros. Ce sont des estimations de la fraude sur la base de l'extrapolation de nos résultats par rapport à une estimation du phénomène de la fraude. Nous allons poursuivre avec les autres professions.

M. Jean-Marie Vanlerenberghe. - Vous nous aviez exposé vos méthodes de redressement de cette fraude. On a parlé du nombre croissant des contrôleurs. Au vu des chiffres, il me paraît intéressant de multiplier les contrôles avec les outils algorithmiques que vous mettez au point.

M. Thomas Fatôme. - Je vous confirme que cela justifie un investissement renforcé et des augmentations d'effectifs dédiés à la lutte contre la fraude. Le ministre délégué chargé des comptes publics a évoqué, pour l'ensemble des branches de la sécurité sociale, le chiffre de 1 000 contrôleurs supplémentaires.

En réponse à M. Savary sur la COG, elle n'est pas encore totalement bouclée ; les discussions devraient se finaliser dans les prochaines semaines. La trajectoire qui se dessine devrait nous permettre de renforcer nos moyens de façon importante en matière de lutte contre la fraude, avec comme objectif 500 millions d'euros de préjudice financier détecté et évité à l'horizon 2024.

Concernant le rapprochement de la carte nationale d'identité et de la carte Vitale, le ministre a annoncé une mission interministérielle pour instruire un tel scénario. Dans ma réponse que vous évoquez à la mission Igas-IGF, je souligne l'importance que l'Assurance maladie attache à la lutte contre la fraude à l'identité et à la vérification à l'existence de droits. C'est pourquoi nous opérons plus de 70 millions de traitements statistiques par an et près de 1,5 million de contrôles individuels autour de la protection universelle maladie. J'évoquais également dans ma réponse la nécessité que les avantages et les inconvénients d'un tel scénario soient soigneusement analysés. Enfin, sur les centres de soins non programmés, je pense qu'ils devraient rester subsidiaires au médecin traitant et à l'équipe de soins. Je pense qu'il faut éviter d'en faire le premier mode de recours aux soins. C'est un recours ponctuel, qui marque rarement une continuité dans la prise en charge. Il y a toujours le risque que cela contribue à détruire du temps médical disponible. Pour soutenir les médecins traitants, il existe différents leviers, et il faut leur donner envie d'exercer leur fonction et éviter qu'ils intègrent les centres de soins, qui optimisent une forme de consommation de soins que nous ne souhaitons pas.

Mme Nadia Sollogoub. - Les médecins vont mal, les patients aussi. L'accès aux soins est devenu une difficulté majeure sur tout le territoire national. À côté de cela, il est difficile de mener les négociations, car les médecins vont mal aussi. Ce n'est pas qu'une question d'argent. Il y a une crispation générale et les derniers textes et ceux à venir ont peut-être compliqué la situation. Deux sujets reviennent régulièrement : la délégation de tâches et les contraintes à l'installation. J'ai quelques remarques. On a parlé des IPA. Sur mon territoire, ceux qui souhaitent faire cette formation souhaiteraient être accompagnés durant le temps de la formation, qui dure deux ans. Les infirmiers vont également mal. Je suis heureuse d'apprendre que les « négociations flash » avec les infirmiers pourraient aboutir. Malgré tout, je note la complexité de la tarification, qui rend difficile la bonne visibilité sur les augmentations. J'ai également une inquiétude sur le maillage des pharmacies en milieu rural. Sur les installations encadrées, on risque d'accentuer la crispation des médecins. Vous nous avez parlé des 700 000 patients en ALD sans médecin traitant, a-t-on une répartition géographique de ces patients pour savoir s'il est vraiment judicieux de tordre le bras aux médecins au moment de leur installation ?

M. Jean-Luc Fichet. - Vous nous avez déjà répondu sur la situation des infirmiers libéraux. Sur la question de la fraude, je suis assez surpris de voir comment on en parle sans y apporter de remèdes depuis si longtemps. C'est un vrai souci. C'est l'argent des assurés sociaux. Sans être particulièrement favorable aux algorithmes, je pense que l'intelligence artificielle et les algorithmes devraient nous permettre un meilleur contrôle. Aujourd'hui, tous les secteurs professionnels disposent d'algorithmes leur permettant de d'effectuer des contrôles de leurs dépenses, de leurs recettes ou de leurs salariés. La sécurité sociale devrait pouvoir s'équiper de moyens, non pas pour travailler sur l'évaluation de la fraude mais en vue d'éviter la fraude. J'aimerais avoir des réponses et des signes de souci d'efficacité pour empêcher la fraude. J'ai également une question sur le déconventionnement. 22 médecins généralistes se sont déconventionnés depuis la fin des négociations. Sont-ils sur un territoire précis ? Le déconventionnement suppose qu'un certain nombre de personnes n'ont plus accès à ces médecins car elles ne sont pas remboursées. Aujourd'hui, un certain nombre de médecins généralistes facturent leur consultation à 30 euros. Que se passe-t-il dans ce cas-là et quelle est votre position ?

Mme Florence Lassarade. - Je vous trouve, M. Fatôme, très optimiste sur les négociations. Les médecins se sentent humiliés et beaucoup vont arrondir le tarif de leur consultation à 30 euros. Il y a d'autres chiffres inquiétants. On annonce pour 2022 une surmortalité de 54 000 personnes. Il y a peut-être un effet après covid. Est-ce que cette hémorragie de décès ne va pas prendre le pas sur la négociation, qui semble ridicule ? Les gens ne se soignent plus. Avez-vous des chiffres sur la consommation des médicaments en automédication ? On entend parler d'opiacés surconsommés depuis deux ans, comme le Tramadol. Je voudrais savoir si les médecins auront les moyens de se doter d'assistants médicaux au vu de la faible augmentation de leurs tarifs. La CPAM interviendra-t-elle pour les salarier, ou cela reviendra-t-il au médecin ? Nous manquons également de dentistes. Certains proposent de délocaliser la formation des étudiants. Les hôpitaux où sont formés ces étudiants commencent à dire que ces étudiants ne sont pas rentables. A-t-on réellement le désir d'améliorer la situation et de donner des moyens pour développer les bonnes idées ou ne va-t-on pas vers un exercice salarié généralisé ? Je vois mal un jeune médecin s'installer dans ces conditions. La consultation à 26,50 euros n'est pas un bon signal.

M. Alain Duffourg. - Beaucoup de sujets ont déjà été évoqués. Les déserts médicaux demeurent la question récurrente dans nos territoires. Les assistants médicaux et les IPA sont des pistes pour améliorer la situation. Dans certains territoires, il y a encore peu de formations. J'ai une seule IPA formée à ce nouveau statut dans mon département. Le salariat se développe à travers les centres territoriaux de santé financés par le conseil départemental. En outre, des médecins étrangers viennent conforter l'offre dans ces territoires. Je trouve énorme la fraude dans ce domaine, entre 4 et 5 milliards d'euros, soit l'équivalent de 2 % du budget de l'Assurance maladie, et de 1 % du budget total de la sécurité sociale. Quels sont les remèdes et les outils pour remédier à cette fraude ? J'ai l'exemple d'une personne au chômage qui va se faire établir un certificat médical d'un mois pour repousser ses droits.

Mme Michelle Meunier. - La question du contrôle intéresse beaucoup la commission des affaires sociales. J'ai travaillé sur ces aspect l'année passée avec mon collègue Bernard Bonne dans le cadre du médico-social. Votre triptyque, contrôle, accompagnement pédagogique et sanction, nous convient. Nous pourrions juste ajouter l'interdépendance avec les autres corps d'inspection, travail, répression des fraudes... Qui contrôle, quels sont vos moyens ? Avez-vous des inspecteurs dédiés à ce contrôle ? Dans le domaine du médico-social, l'année dernière 7 500 établissements d'hébergement pour personnes âgées dépendantes (Ehpad) ont été inspectés. On a découvert que la sécurité sociale était amenée à payer des dépenses indues, comme par exemple des compléments alimentaires à la place d'un morceau de fromage. Qu'avez-vous observé en un an ? Quels enseignements en tirez-vous ? Et quelles sanctions ont-elles été données ?

M. Jean Sol. - Face au défi auquel nous sommes confrontés (plus de patients, moins de médecins), certains médecins retraités consacrent un peu de leur temps pour prendre en charge certains patients dans les territoires où la désertification est amplifiée. Or vous exigez que ce temps soit de deux jours et demi ou rien. Envisagez-vous un assouplissement de vos règles ?

M. Alain Milon. - Mon attention a été attirée par la question de mon collègue Jomier sur la financiarisation de la santé. J'ai remarqué que dans le Vaucluse, qui n'est pas spécialement un désert médical, une pharmacie gérée par un groupe propose une cabine de téléconsultation. Sur la chaîne de télévision France info, j'ai entendu également un grand nombre de publicités sur Parapharma, sur le groupe Ramsay, et sur d'autres groupes mutualistes qui prennent en charge la santé, etc. Or il me semble que pour les professionnels de santé, la publicité est interdite. Seriez-vous d'accord si le Sénat, tous groupes confondus, faisait une proposition de loi pour interdire la publicité en matière de santé ?

Mme Catherine Deroche, présidente. - On fait aussi des lois sans demander l'accord de la Cnam.

Mme Victoire Jasmin. - J'ai plusieurs questions. Concernant les disparités en outre-mer, outre la situation des médecins et le manque de médecins traitants, se pose aussi la question de l'évacuation sanitaire, qui suscite des surcoûts importants. Il y a des archipels en Guadeloupe où il n'y a pas d'offre suffisante pour des soins qui devraient être maîtrisés. Le manque de spécialistes entraîne des déplacements parfois vers l'Hexagone, ce qui engendre aussi des surcoûts et des difficultés pour le déplacement des familles. Il y a aussi des difficultés concernant la psychiatrie et la pédopsychiatrie. Nous n'avons pas de chaire de pédopsychiatrie en Guadeloupe. Il y a de vrais problèmes de prévention. Là encore, il faut se déplacer. D'autre part, la question des jeunes médecins ultra-marins se pose : ils commencent sur place puis vont dans l'Hexagone. Quand ils veulent revenir, ils n'ont plus la priorité. La situation est amplifiée par la question des congés bonifiés. Nous avons de plus en plus de médecins étrangers. Les congés bonifiés sont un droit mais il y a de plus en plus de demandes de la part des médecins étrangers pour retourner dans leur pays d'origine. Nous devrons prendre en compte tous ces éléments. Sera-t-il permis à nos jeunes d'être prioritaires pour revenir pour aider à une meilleure maîtrise du budget ?

Mme Émilienne Poumirol. - Ce sujet passionne tout le monde. Je voudrais revenir sur le problème soulevé par Bernard Jomier et Alain Milon, sur la marchandisation et la financiarisation de la santé, qui se révèle être un danger majeur. J'ai déjà alerté MM. Olivier Véran et François Braun sur cette dérive, qui touche maintenant les centres de soins primaires. Sur le site de Ramsay, ils s'adressent à vous comme client et non comme patient. J'avais posé la question du rachat par Ramsay de centres tenus jusqu'à présent par la Croix-Rouge. Cette dérive va entraîner des dépenses supplémentaires pour la CPAM, le but étant de faire le plus d'actes possibles. Je suis d'accord pour travailler sur une proposition de loi pour interdire la publicité, mais qu'est-ce que la Cnam compte faire pour limiter, vérifier, contrôler cette financiarisation ? Sur les centres de soins non programmés évoqués par mon collègue Savary, le chef urgentiste du CHU de Toulouse m'a signalé que les urgentistes quittent l'hôpital alors que l'on est déjà en situation de pénurie, pour former des centres de soins non programmés avec des horaires fixes, pas de nuits, pas de week-ends et mieux payés qu'à l'hôpital. Il faut faire quelque chose. Enfin sur la reconnaissance des médecins traitants, cela passe aussi par la rémunération. J'ai du mal à comprendre un tel différentiel entre la consultation d'un médecin spécialiste et d'un généraliste. De mon temps, les généralistes faisaient sept ans et les spécialistes dix. Aujourd'hui, ils font tous dix ans. Cette différence est difficile à comprendre.

Mme Catherine Deroche, présidente. - Je souhaiterais également vous poser des questions, mais le temps passe. Elles portent sur un système de téléconsultation particulier qui existe dans l'Est, sur les opticiens à domicile, sur la vaccination contre le virus du papillome humain, sur le fait que la Cnam reprenne les convocations pour les centres de dépistage concernant notamment le cancer du sein et le cancer colorectal. Enfin, nous entendons beaucoup parler de l'ubérisation de la médecine ; cela fera l'objet d'une mission d'information de notre commission. Comment l'hôpital public va-t-il pouvoir tenir, si ce qui faisait sa force et sa valeur en matière d'enseignement et de recherche est désormais capté par d'autres structures ? Comment arrêter alors l'hémorragie des professionnels de santé ? Je vous enverrai un courrier regroupant ces questions.

M. Thomas Fatôme. - Au sujet des IPA évoqués par plusieurs d'entre vous, je vous confirme que nous souhaitons les aider durant leurs deux années de formation, qui ont un impact sur leur niveau de rémunération et leur niveau de vie. Il y a plusieurs dispositifs pilotés par les agences régionales de santé. Nous travaillons étroitement avec elles et le ministère pour voir si la Cnam peut mettre à leur disposition un mécanisme conventionnel. Il faut mieux accompagner ces professionnels.

Sur la complexité de la nomenclature, elle est réelle. C'est aussi le fruit de la discussion avec les partenaires conventionnels. Il faut simplifier, et aussi mieux accompagner toutes les nouvelles installations d'infirmières libérales sur le territoire pour la prise en main de la nomenclature. Nous ne souhaitons pas être dans le seul contrôle, mais voulons également être dans l'accompagnement. Cette complexité traduit aussi la diversité des tâches des infirmiers.

Je ne reviens pas en détail sur la coercition, sujet actuellement débattu à l'Assemblée nationale. Je vous avais déjà fait part de mes réserves sur les mécanismes de coercition au regard d'une démographie médicale globalement atone. On voit des tensions partout. La répartition est néanmoins moins déséquilibrée que pour d'autres professions de santé et nous envoyons des signaux en termes d'attractivité.

Je laisserai mon collègue répondre au sénateur Fichet sur les outils que nous déployons pour accélérer le repérage, le ciblage et l'anticipation des fraudes. Notre système d'Assurance maladie est construit pour rembourser rapidement les patients. Mettre en place des systèmes qui s'intègrent dans ces dispositifs de paiement rapide, de contrôles a priori, nécessite des refontes en profondeur de nos outils car tout le système de paiement est construit sur l'objectif de payer bien et rapidement. Des évolutions technologiques nous permettent de faire évoluer le système et d'intégrer des contrôles embarqués. Nous allons progressivement mettre en oeuvre le programme METEORe (moteur évolutif de traitement et organisation de l'Assurance maladie) en 2023,2024 et 2025, qui va intégrer le contrôle embarqué.

M. Marc Scholler. - Les risques sur le paiement à bon droit ou la fraude, c'est soit des surfacturations d'actes, soit la facturation d'actes fictifs, soit des droits ou déclarations pour les assurés qui sont falsifiés. C'est complexe à identifier. L'Assurance maladie reçoit la facture mais n'est pas présente pendant l'acte médical. Dans ce contexte de garantie de paiement et de tiers payant, l'Assurance maladie est conduite à liquider des volumes importants, soit 1,5 milliard de factures par an. Le système a été conçu comme ça. Concernant la partie préventive, le professionnel de santé doit savoir coter correctement lorsqu'il prend ses fonctions. Il a été formé à la pratique médicale, mais pas forcément à l'ensemble de la nomenclature. Il doit entrer dans une relation de facturation correcte avec l'Assurance maladie. Nous profitons des nouvelles technologies pour intégrer dans le système d'information des compteurs nous permettant de contrôler plus en amont, et donc avant paiement, ce qui pourrait être atypique ou anormal. Pour ce qui concerne la détection, nous avons une analyse comportementale des professionnels de santé, notamment par différence par rapport à leurs pairs. Nous sommes en train de mettre en place des outils qui nous permettent de détecter les fausses ordonnances en circulation et faire en sorte que les pharmacies en soient informées. C'est un moyen de lutter contre les trafics de médicaments. Nous avons aussi des outils de modélisation des bandes organisées, notamment quand un professionnel de santé prescripteur s'écarte d'un flux normal par ses relations avec certaines populations prescrites ou pharmacies. Nous regardons aussi la surfacturation kilométrique. Dans le plan évoqué par le ministre, un des outils important est de remettre l'assuré au centre du jeu, car avec le tiers payant et la garantie de remboursement, les assurés sont moins vigilants sur les dépenses prises en charge. Ils doivent avoir la possibilité de signaler à l'Assurance maladie des actes qui n'auraient pas eu lieu ou qui auraient été facturés à des montants supérieurs à ceux réellement réalisés.

M. Thomas Fatôme. - Je rajouterai quelques éléments complémentaires. Sur la consultation à 30 euros, il existe des règles fixées dans la convention médicale, reprises dans le règlement arbitral, fixées conjointement avec les médecins. Un médecin peut pratiquer un dépassement pour exigences particulières du patient dans un certain nombre de cas. Une revendication tarifaire est légitime, mais si elle se traduit par un exercice systématique d'une cotation à 30 euros, on se situe en dehors des règles fixées par la convention. On expose le patient à un reste à charge qui n'est pas justifié et l'Assurance maladie rappellera les règles du jeu. De plus, la discussion tarifaire va reprendre. C'est important de le redire.

La surmortalité est un sujet qui n'entre pas dans le champ de responsabilité de l'Assurance maladie. Cela concerne plutôt Santé publique France. En 2022, plusieurs facteurs, notamment la grippe et la canicule, peuvent expliquer cette surmortalité.

Nous allons renforcer l'accompagnement des recrutements d'assistants médicaux en simplifiant les démarches administratives, côté Assurance maladie. Nous allons aussi accompagner les groupements d'employeurs qui se créent et qui portent les contrats des assistants médicaux. Cela libère les médecins des tâches administratives.

La répartition des dentistes est un sujet que nous abordons avec les syndicats dans les négociations en cours. Comment mieux accompagner leur installation dans les zones sous-dotées ? Faut-il réguler leur installation ? Les discussions sont engagées sur ces thèmes. On soutiendra également le recours à l'assistant dentaire.

Sur l'attractivité de la médecine générale, le ministre a fait des annonces sur la quatrième année de médecine générale, qui permettent d'envoyer un signal fort d'attractivité, avec une structure de la formation qui devient identique à celle des autres spécialités et des conditions de rémunération attractives. Cela doit augmenter le nombre de généralistes.

Je ne reviens pas sur la fraude. Le contrôle des arrêts de travail fait partie de nos priorités, en ce qui concerne les assurés comme en ce qui concerne les prescripteurs. Le contrôle de la facturation en Ehpad est également réalisé. Nous vérifions qu'il n'y ait pas de double facturation. Nous avons un rendement d'environ 32 millions d'euros sur ces opérations.

Sur la question des médecins retraités posée par M. Sol, je n'ai pas connaissance de contraintes qui les empêcheraient, en libéral, de travailler. Nous avons aujourd'hui 13 000 médecins libéraux en cumul emploi-retraite, avec un nombre de jours de travail qu'ils déterminent. Nous soutenons cette démarche.

La financiarisation a été évoquée par plusieurs d'entre vous. Je suis favorable à tout ce qui pourra permettre de réguler et d'encadrer le recours aux soins afin qu'ils ne soient pas considéré comme un bien de consommation comme les autres. Il serait en effet utile que le Sénat s'empare du sujet. La particularité du système français est d'avoir des acteurs salariés ou libéraux, publics ou privés, lucratifs ou non lucratifs, et qu'il faut trouver des voies de régulation en essayant de conserver cette pluralité. Nous travaillons actuellement sur une campagne de communication sur le bon usage du système de santé. On parle beaucoup des rendez-vous non honorés. Il est de notre responsabilité de rappeler les bons réflexes pour un recours au système de soins pertinent.

Mme Jasmin a fait remarquer que la caisse générale de sécurité sociale de la Guadeloupe était très attentive aux transports sanitaires des familles et aux évacuations. Nous essayons d'être en appui des familles. Nous sommes favorables au prolongement des discussions pour voir s'il y a encore des voies d'amélioration.

Concernant les négociations avec les médecins évoquées par Mme Poumirol, nous sommes favorables à l'engagement d'évolutions permettant d'équilibrer les niveaux de rémunération entre les généralistes et les autres spécialistes. Les enveloppes financières prévues dans la négociation étaient très favorables aux médecins généralistes. Un généraliste a un revenu aujourd'hui avant impôt d'environ 90 000 euros et un spécialiste environ 140 000 euros. Il faut se poser la question d'un rééquilibrage. Mais il y a des spécialités cliniques qui ont un niveau de revenu inférieur à celui des généralistes, notamment les pédiatres et les psychiatres. C'était aussi l'objectif des négociations que de soutenir ces spécialités cliniques.

Enfin, Madame la Présidente, notre objectif n'est absolument pas de remettre en cause le rôle des centres régionaux de coordination des dépistages des cancers (CRCDC). Nous sommes en discussion avec eux, pour trouver le bon mode de relations. Nous avons repris la responsabilité des convocations à la suite d'un rapport de l'Igas qui témoigne d'un système à améliorer. Nous souhaitons travailler en bonne intelligence avec eux, y compris sur le partage des informations. Il est important de simplifier le système d'invitation et multiplier les interventions. Nous allons mettre notre force de frappe au service de ces centres. Il est hors de question de faire sans eux.

Mme Catherine Deroche, présidente. - M. Fatôme, je vous remercie pour cet échange très riche.

Cette audition a fait l'objet d'une captation vidéo qui est disponible en ligne sur le site du Sénat.

Les thèmes associés à ce dossier