II. LES OBSERVATIONS DU RAPPORTEUR SPÉCIAL SUR LES PROGRAMMES 112 ET 162
A. LE PROGRAMME 112 : UNE MISSION D'ACCOMPAGNEMENT DES TERRITOIRES QUI MOBILISE DES CRÉDITS EN HAUSSE
1. Un champ d'intervention particulièrement éclectique sous l'appellation « Impulsion et coordination de la politique d'aménagement du territoire »
L'intervention de l'État en matière d'aménagement du territoire se traduit aujourd'hui davantage par un accompagnement des collectivités que par des politiques conduites directement : il s'agit d'intervenir de manière ciblée selon que sont visés les territoires ruraux, les territoires périurbains ou les centres de villes moyennes. Ces dispositifs ciblés se manifestent principalement par le rattachement au programme 112 des crédits destinés :
- au programme France Services, lancé début 2020, (61,62 millions d'euros consommés en 2022, dont 31,8 millions d'euros de crédits destinés au Fonds national d'aménagement et de développement du Territoire - le FNADT - pour le financement de 2 099 structures France Services) ;
- à l'agenda rural, lequel intègre 181 actions mises en oeuvre par différents ministères, sous le pilotage de l'Agence nationale de la cohésion des territoires (en 2022, 11,3 millions d'euros de crédits de paiement, issus du plan de Relance ont été consommés, notamment pour la mise en place des volontaires territoriaux en administration (VTA) ;
- au programme « Petites Villes de demain » qui cible un peu plus de 1 500 communes de moins de 20 000 habitants qui exercent des fonctions de centralité et qui présentent des signes de fragilité, le programme (23,25 millions d'euros consommés pour ce dispositif sur le programme 112 en 2022) ;
- au programme « Nouveaux lieux, nouveaux liens » qui met à disposition des lieux aujourd'hui nécessaires dans des territoires qui en étaient totalement dépourvus, par exemple des espaces de co-working dans des territoires ruraux (300 structures pour 16,38 millions d'euros en 2022) ;
- ou encore au programme « Territoires d'industrie » par lequel des postes de chefs de projet, à hauteur de 80 000 euros par emploi, sont financés.
Par ailleurs, le programme contribue au financement de l'Agence nationale de la cohésion des territoires (cf. infra) et mobilise aussi une part des crédits destinés à la contractualisation entre l'État et les territoires : sans prétendre à l'exhaustivité compte tenu des nombreux mécanismes contractuels concernés, on citera les contrats de plan État-régions (CPER), les contrats de plan interrégionaux (CPIER) de fleuves et de massifs, ainsi que des contrats territoriaux infra-régionaux, principalement axés autour de la transition écologique et l'accès au numérique.
2. Des dépenses d'exécution en hausse dont ont bénéficié tous les acteurs concernés en 2022
En 2022, la consommation des crédits de paiement du programme 112 s'est élevée à un montant total de 382,5 millions d'euros en autorisations d'engagement et 338 millions d'euros en crédits de paiement. Cela représente une croissance du programme de 27,3 % en AE (consécutives à une croissance de 33 % entre 2020 et 2021) et de 19,7 % en CP (contre 6 % entre 2020 et 2021).
Cette hausse est toutefois inférieure à celle prévue en LFI. En effet, la hausse inscrite au budget initial du programme 112 s'élevait, à 69 millions d'euros, en AE, soit + 40 % par rapport à 2021 et en CP à + 17 millions d'euros, soit + 7 %.
Si l'on observe l'évolution des crédits effectivement consommés sous le prisme des différentes actions, cette tendance à la hausse sur le programme s'explique en grande partie par le financement du fonds national d'aménagement et de développement du territoire (FNADT) par lequel transitent les trois-quarts des crédits du programme en 2022.
Exécution budgétaire du programme 112 par titre et catégorie pour l'exercice 2022
Titre et catégorie |
Autorisations d'engagement |
Crédits de paiement |
||||
Consommées |
Ouvertes |
Consommées |
Consommés |
Ouverts |
Consommés |
|
Titre 3 - Dépenses de fonctionnement |
67 910 706 |
65 329 442 |
70 848 540 |
68 550 719 |
65 329 442 |
71 242 967 |
Dépenses de fonctionnement autres que celles de personnel |
1 812 821 |
0 |
1 015 724 |
2 308 940 |
0 |
1 350 200 |
Subventions pour charges de service public |
66 097 885 |
65 329 442 |
69 832 816 |
66 241 779 |
65 329 442 |
69 892 767 |
Titre 6 - Dépenses d'intervention |
232 178 475 |
178 905 722 |
311 689 272 |
213 624 382 |
181 660 753 |
266 789 298 |
Transferts aux ménages |
188 559 |
0 |
2 132 |
46 068 |
0 |
1 066 |
Transferts aux entreprises |
9 850 620 |
0 |
5 910 933 |
16 073 729 |
9 577 429 |
22 599 685 |
Transferts aux collectivités territoriales |
157 372 270 |
178 905 722 |
238 002 419 |
141 936 209 |
172 083 324 |
182 634 096 |
Transferts aux autres collectivités |
64 767 026 |
0 |
67 773 789 |
55 568 377 |
0 |
61 554 451 |
Titre 7 - Dépenses d'Operations financières |
500 000 |
0 |
0 |
300 000 |
0 |
0 |
Dotations en fonds propres |
500 000 |
0 |
0 |
300 000 |
0 |
0 |
Total (hors FdC et Ad)P |
244 235164 |
246 990 195 |
||||
Ouvertures et annulations* (hors titre 2) |
229 569 230 |
191 866 731 |
||||
Total* |
300 589 181 |
473 804 394 |
382 537 812 |
282 475 101 |
438 856 926 |
338 032 265 |
Source : Commission des finances du Sénat à partir du rapport annuel de performances pour 2022
En effet, comme chaque année, l'exécution est très variable selon les actions, en raison du caractère spécifique de certaines d'entre elles. L'action 11, qui porte la section locale du FNADT, c'est-à-dire essentiellement des crédits contractualisés entre l'État et les collectivités territoriales, est en effet de nouveau en nette hausse pour assurer le financement des CPER.
L'action 12 croît également fortement, notamment du fait de la montée en puissance du dispositif France Services et de la croissance du nombre de maisons. Comme l'année dernière, il faut souligner que la sur-exécution des crédits (en autorisations d'engagement, l'exécution est portée à 133,5 millions d'euros en 2022, incluant les dépenses de fonctionnement et les dépenses d'intervention contre une ouverture en LFI de 60,6 millions d'euros) est cependant moindre qu'il n'y paraît, une fois soustraite la participation des opérateurs France Services. Cette croissance des crédits répond au moins partiellement, en tout état de cause, à la préconisation de poursuivre le déploiement du réseau France services sur le territoire, déjà formulée par le rapporteur spécial3(*).
Contrairement à ce qui avait été observé entre 2020 et 2021, l'action 13 « Soutien aux opérateurs » ressort, quant à elle, en très légère hausse, ce qui bénéficie à l'agence nationale de la cohésion des territoires (ANCT) dont le rapporteur spécial considère qu'elle a toutefois vocation à bénéficier de moyens largement plus importants pour répondre aux besoins de la ruralité (cf. infra).
L'action 14 ressort, en 2022, de nouveau en baisse CP comme en AE, car les dispositifs qu'elle porte sont soit en extinction, soit rattachés aujourd'hui à d'autres programmes. La prime d'aménagement du territoire (PAT), qui constituait l'essentiel de l'action, a pris fin au 31 décembre 20204(*). En conséquence, plus aucun crédit ne figure en AE depuis 2021. D'autre part, la loi de finances pour 2018 a acté l'arrêt du financement de nouveaux engagements concernant les contrats de ruralité et des pactes État-métropoles sur le programme 112, transférés vers le programme 119 « Concours financiers aux collectivités territoriales et à leurs groupements » de la mission « Relations avec les collectivités territoriales » (RCT) .
Il est, enfin, intéressant de relever la nette accentuation, en cours d'année, de l'effort vers les collectivités territoriales et leurs groupements, au sein des dépenses d'intervention du programme, traduisant leurs attentes importantes, car elles avaient connu des arbitrages moins favorables ces dernières années.
3. Faire de l'agence nationale de la cohésion des territoires (ANCT) un véritable levier du réengagement de l'État dans les territoires
En 2022, la subvention pour charges de service public (SCSP) versée à l'ANCT s'est élevée à 65,08 millions d'euros en AE comme en CP, contre 61,97 millions d'euros en AE et en CP en 2021. Cette hausse bienvenue, à laquelle on doit ajouter des transferts supplémentaires à hauteur de 4,5 millions d'euros en AE (4,6 millions d'euros en CP), porte le total du financement de l'ANCT, en 2022 sur le programme 112, à 69,6 millions d'euros.
Rappelons qu'entre 2020 et 2021, les crédits alloués à l'ANCT avaient diminué : la SCSP versée à l'ANCT en 2020 s'était élevée à 50,34 millions d'euros en AE et CP, auxquels s'étaient ajoutés 20,8 millions d'euros transférés à l'ANCT en gestion, puis ont baissé l'année suivante de 3,9 % en AE et 6,1 % en CP, malgré une sur-exécution de 5 % par rapport à la prévision initiale.
Le rapporteur se réjouit du changement de cap opéré mais considère que le mouvement de hausse des crédits doit se poursuivre compte tenu de l'extension du champ d'action de l'agence, à travers le déploiement de ses programmes dans les territoires, notamment les maisons France services, les « petites villes de demain », les dispositifs du plan de relance, sa participation à la mise en place des contrats de relance et de transition écologique (CRTE), etc.
Il sera ainsi particulièrement attentif aux résultats de l'enquête qu'il a diligentée auprès de la Cour des comptes, sur le fondement du 2° de l'article 58 de la loi organique relative aux lois de finances du 1er aout 2001, et sera remise à la commission des finances du Sénat. Cette enquête a notamment vocation à déterminer l'adéquation des moyens conférés à l'ANCT au regard de ses missions, ainsi que de sa nécessaire appropriation par les petites collectivités.
Enfin, le rapporteur spécial prend acte de l'augmentation importante de trésorerie de l'ANCT au cours de l'année 2022. S'il est sain de disposer d'une trésorerie permettant de répondre aux aléas de ses missions, le rapporteur spécial relève l'importance de ce niveau de trésorerie au regard du budget annuel de l'agence. En fin d'exercice 2022, cette trésorerie s'élève à 58,17 millions d'euros5(*), soit un abondement sur un an de 7,8 millions d'euros.
Il prend acte de la régularisation, intervenue en début d'exercice 2023, à la suite d'un virement infondé du ministère de l'agriculture de 2,58 millions d'euros. Le RAP précise qu'il s'agit d'un « virement relatif à la réserve d'ajustement du Brexit, mais qui n'est pas en lien avec les dispositifs pour lesquels l'ANCT doit percevoir des versements ».
* 3 Rapport d'information n° 778 (2021-2022) du 13 juillet 2022, de M. Bernard DELCROS, fait au nom de la commission des finances, « Les maisons France services, levier de cohésion sociale », consultable à l'adresse : https://www.senat.fr/rap/r21-778/r21-778.html.
* 4 Conformément aux dispositions du décret n° 2014-1056 du 16 septembre 2014 relatif à la prime d'aménagement du territoire pour l'industrie et les services.
* 5 Le rapport annuel de performances pour 2022 précise que cette somme se répartit entre 12,8 millions d'euros au titre de la trésorerie non fléchée et 45,4 millions d'euros au titre de la trésorerie fléchée, principalement pour des dispositifs du Plan de Relance.