II. LES OBSERVATIONS DES RAPPORTEURS SPÉCIAUX
A. UNE SOUS-EXÉCUTION GLOBALE DU PROGRAMME 123 QUI PERSISTE MALGRÉ LA CONSOMMATION EN HAUSSE DE NOMBREUSES ACTIONS
L'exécution du programme 123 par rapport aux crédits ouverts en LFI s'établit à 783,2 millions en AE (soit 92,5 % des crédits ouverts) et à 680,3 millions d'euros en CP (soit 97,9 % des crédits ouverts).
Les taux d'exécution du programme sont en baisse par rapport à l'année précédente, cependant les situations varient fortement d'une action à l'autre.
Évolution des taux d'exécution du programme 123 entre 2018 et 2022
(en pourcentage)
Source : commission des finances du Sénat à partir des documents budgétaires
Cette sous exécution est essentiellement le fait de la LBU et du FEI.
Contribution de chaque action à la
sous-exécution en AE
constatée en 2022
(en point de pourcentage)
Source : commission des finances du Sénat à partir des documents budgétaires
Par ailleurs, la consommation totale du programme est également en baisse par rapport à 2021, passant de 890,9 millions d'euros à 783,1 millions d'euros soit une diminution de 12,1 % en AE et de 2,7 % en CP.
Cette baisse est essentiellement due à l'aide aux collectivités territoriales après une année 2021 particulièrement élevée (cf. supra).
Contribution de chaque action à la baisse des crédits consommés en AE en 2022 par rapport à 2021
(en point de pourcentage)
Source : commission des finances du Sénat à partir des documents budgétaires
Cependant, certaines actions enregistrent un taux d'exécution plus faible mais une consommation en hausse ou stable dans un contexte d'augmentation des crédits ouverts en LFI (exemple de la LBU). D'autres actions enregistrent des sur exécutions mais à des niveaux moins importants qu'en 2021.
De surcroît, la situation diffère entre les AE et les CP. En effet, en AE, quatre des huit actions ont une exécution supérieure en 2022 par rapport à 2021 alors qu'en CP, sept des huit actions ont une exécution en hausse entre ces deux années.
Il est donc nécessaire d'avoir une approche détaillée par action pour analyser les variations entre 2021 et 2022.
Comparaison des exécutions des crédits du programme 123 entre 2021 et 2022
(en euros)
Source : commission des finances du Sénat, d'après les documents budgétaires
1. La LBU : une consommation stable en AE mais toujours biaisée par le « nettoyage » d'anciennes AE et en forte hausse en CP
Les opérations nouvelles sur AE en 2022 s'élèvent à 220,4 millions d'euros en AE (contre 247,41 millions d'euros en 2021) soit un montant proche des crédits ouverts en LFI (234,6 millions d'euros et 223,6 millions d'euros après retrait de la réserve de précaution) et un taux d'exécution de 94 % après retraitement des anciennes AE.
Cependant, en raison de « nettoyages » d'opérations anciennes à hauteur de 38,72 millions, qui réduisent donc d'autant l'exécution issue de Chorus, l'exécution apparait à 181,7 millions d'euros (soit un niveau identique à celui de 2021).
Ainsi, la dépense engagée a, certes, diminué de 27 millions d'euros d'AE entre 2021 et 2022 mais reste à un niveau correct, traduisant la poursuite dynamique du plan logement outre-mer (PLOM 2) pour la période 2019-2022 et ce malgré les derniers effets de la crise sanitaire et la guerre en Ukraine.
Si les nettoyages d'AE anciennes ont été mis en oeuvre en vue d'une meilleure maîtrise des restes à payer, ils ne permettent pas un affichage des AE réellement engagées en cours d'année sur des opérations nouvelles.
Aussi, les rapporteurs, comme l'année dernière, ne peuvent qu'encourager la poursuite de ces opérations d'apurement afin de pouvoir retrouver rapidement un suivi de l'exécution offrant une meilleure vision des engagements réalisés en cours d'exercice.
À l'inverse, l'exécution 2022 des crédits de paiement (174,5 millions d'euros) a été inférieure aux crédits ouverts en LFI (201 millions d'euros) mais en nette hausse par rapport à l'exécution constatée en 2021 (146,7 millions d'euros). En effet, si l'engagement des opérations n'a pas été freiné par le contexte économique, leur exécution et leur avancement ont pu enregistrer quelques retards ne permettant pas de consommer l'intégralité des CP ouverts.
Force est cependant de constater, et les rapporteurs spéciaux s'en réjouissent, que la tendance à la baisse des crédits ouverts comme des crédits consommés, enregistrée depuis 2012, semble s'inverser depuis deux ans.
Les rapporteurs spéciaux appellent de leur voeux la poursuite de cette tendance enfin haussière au regard des besoins et des enjeux dans ce domaine.
Évolution de la consommation des
crédits LBU ouverts en LFI
entre 2012 et 2022
(en euros)
Évolution de la consommation des
crédits LBU ouverts en LFI
entre 2012 et 2022
(en euros)
Source : commission des finances du Sénat à partir des documents budgétaires (projets et rapports annuels de performance)
2. Une dynamique de consommation sur les crédits d'aménagement du territoire (action 2) qui se poursuit mais des questionnements qui demeurent sur la capacité à engager l'ensemble des AE des contrats de convergence et de transformation
Les crédits de l'action 2 du programme 123 visent à contribuer au développement économique, social ainsi qu'à la transition écologique et énergétique des territoires ultramarins en cofinançant les projets d'investissements structurants portés par les collectivités territoriales d'outre-mer via, notamment, les contrats de convergence et de transformation (CCT)4(*) qui succèdent aux contrats de plan État-Région (CPER) et qui ont pour objectif d'investir en faveur du développement des territoires, tout en prenant en compte les spécificités et les besoins des territoires d'outre-mer.
En 2022, l'exécution s'est établie à 205,2 millions d'euros en AE et 177,5 millions d'euros en CP pour des ouvertures de respectivement 209 millions d'euros en AE et 156,2 millions d'euros en CP soit des taux d'exécution de 98,2 % et 113,6 %.
Ce niveau de consommation est supérieur de 30,9 millions d'euros en AE et de 25,1 millions d'euros en CP par rapport à celui constaté en 2021.
Après retraitement des apurements d'anciennes AE, les opérations nouvelles engagées en 2022 s'élèvent à 216,7 millions d'euros soit 7,7 millions d'euros de plus que les crédits ouverts en LFI.
Pour les seules opérations contractualisées, l'exécution se situe à 183,1 millions d'euros en AE et 141,1 millions d'euros en CP pour des prévisions de 188,3 millions d'euros en AE et 132,2 millions d'euros en CP.
Cette exécution des différents dispositifs de contractualisation est en progression notable par rapport à 2021 (exécution à 164,6 millions d'euros en AE et 112,9 millions d'euros en CP pour une prévision de 188,3 millions d'euros en AE et de 128,2 millions d'euros en CP). Cette évolution positive s'explique largement par le fait que 2022 était initialement l'année d'achèvement des contrats de convergence et de transformation avant leur prolongement d'un an (jusqu'à fin 2023) en cours d'année.
Ainsi, au titre des CCT, le montant contractualisé avec l'État sur le programme 123 s'élève à 387,33 millions d'euros pour la période 2019-2022. Fin 2022, l'exécution s'élève à 244,65 millions d'euros en AE et 100,9 millions d'euros en CP soit un taux d'engagement de 63 % et de couverture des engagements de 41 %.
Pour le contrat de développement territorial (CDT)5(*) de la Polynésie française, signé le 30 mars 2021, pour un montant de 88,6 millions d'euros, l'exécution, fin 2022, est de 62,8 millions d'euros en AE et de 19,8 millions d'euros en CP.
Exécution des contrats de convergence et de transformation 2019-2022
(en millions d'euros)
Source : commission des finances du Sénat à partir des documents budgétaires
Cependant, ce niveau de consommation demeure, pour les CCT de la Réunion, de Martinique, de Mayotte et Saint-Martin, préoccupant dans la mesure où les taux d'engagement sont inférieurs à 80 % à un an de la fin des contrats et un risque demeure que l'entièreté des crédits des CCT ne soit pas engagée à la fin de l'année 2023. Les rapporteurs spéciaux seront attentifs à ce point.
Au titre des contrats de développement (CDEV), tous achevés en 2020 à l'exception de celui de la Nouvelle-Calédonie qui courait jusqu'à fin 2022, des CP ont été consommés en 2022 à hauteur de 71,64 millions d'euros suite à des opérations engagées précédemment et 68,98 millions d'euros en AE et 51,66 millions d'euros en CP ont été consommés sur le CDEV de Nouvelle-Calédonie.
Exécution des contrats de développement 2012-2022
(en millions d'euros)
Source : commission des finances du Sénat à partir des documents budgétaires
Les rapporteurs spéciaux, en l'absence d'informations précises dans le rapport annuel de performance, s'interrogent sur la provenance des CP consommés en 2022 et les années précédentes sur le contrat de développement de Saint-Martin, supérieurs de plus de 20 millions d'euros aux AE engagées.
Par ailleurs, ils soulignent que tous les contrats de développement sont désormais achevés et présentent une exécution inférieure de 58 millions d'euros aux AE programmés dans les contrats.
La négociation, actuellement en cours, pour l'élaboration d'une nouvelle génération de contrats doit donc tirer les enseignements des CCT et des contrats de développement achevés.
Leur entière exécution dépendra des moyens d'ingénierie qui pourront accompagner ces contrats.
3. La continuité territoriale (action 3) génère des dépenses en augmentation dans un contexte de levée des restrictions sanitaires et de hausse du prix des transports
En 2022, l'exécution de l'action 3 « continuité territoriale » s'est établie à 39,7 millions d'euros en AE et 39,8 millions d'euros en CP (contre 27,3 millions d'euros en AE et 29,2 millions d'euros en CP en 2021).
Il en résulte des taux d'exécution supérieurs à 88 % en AE et CP.
Ce niveau de consommation, très supérieur à celui de l'année précédente, s'explique essentiellement par trois facteurs :
- la levée des dernières restrictions sanitaires en 2022 qui avaient très fortement limité les déplacements entre les territoires d'outre-mer et la métropole en 2021 ;
- l'application, pour la première fois en année pleine en 2022, des mesures de simplification et plus favorables mises en oeuvre concernant la continuité territoriale des outre-mer par le décret n°2021-845 du 28 juin 2021 modifiant le code des transports en matière de continuité territoriale entre les collectivités d'outre-mer et le territoire hexagonal et par l'arrêté du 28 juin 2021 modifiant les arrêtés pris en application des articles L. 1803-3, R. 1803-18, R. 1803-19 et D. 1803-42 du code des transports ;
- la hausse du prix des transports : en effet, entre avril 2022 et avril 2023, au départ de l'ensemble des départements d'Outre-mer, l'augmentation des prix des billets d'avion atteint 24,1 %. Cette tendance reste contrastée selon les départements : les Antilles présentent de nouveau les évolutions les plus importantes : + 31,4 % pour la Martinique et + 29,7 % pour la Guadeloupe. Les hausses des prix au départ de la Guyane et La Réunion sont similaires et plus modérées par rapport aux Antilles (respectivement + 20,5 % et 20,3 %). Enfin, Mayotte affiche l'augmentation la plus faible (+ 5,4 %).
4. Une sur-exécution récurrente des crédits dédiés aux actions sanitaires, sociales et culturelles (action 4) qui nécessiterait de revoir à la hausse les crédits ouverts en LFI
L'action 4 du programme 123 porte des crédits destinés à améliorer la cohésion sociale et à favoriser l'égalité des chances outre-mer notamment en finançant des interventions dans les domaines sanitaire, social, culturel et sportif. Dotée de 5,6 millions d'euros en AE et en CP depuis 2019, cette action enregistre pourtant des niveaux de consommation atteignant les 19 millions d'euros en 2022 (après une exécution de plus de 12 millions d'euros en 2021 et plus de 20 millions d'euros en 2020).
En effet, suite à l'achèvement, en 2020, de la contribution financière au Régime de solidarité de la Polynésie française (RSPF)6(*) une « convention globale de santé 2021-2023 » a été signée le 14 octobre 2021 entre l'État et le Pays. Dans ce cadre, le ministère des outre-mer s'est engagé à verser annuellement sur la durée de la convention 4 millions d'euros en AE et CP à la collectivité de Polynésie Française au-delà des 4 millions d'euros prévus dans le contrat de développement et de transformation de ce territoire.
En 2021, année de la signature de la convention, les 4 millions ont été versés générant ainsi une sur-exécution par rapport aux crédits ouverts en LFI sur l'action 4 du programme 123.
Pour autant, en LFI 2022, les crédits destinés à la convention de santé n'ont pas été ouverts au sein de l'action 4, laissant présager une nouvelle sur-exécution de cette action en 2022 ce qui n'a pas manqué de se réaliser. Ces crédits ont été ouverts, pour la première fois, en LFI 2023.
Cependant, cette discordance entre crédits ouverts et consommés en raison de la convention globale de santé polynésienne n'explique pas à elle seule cette sur exécution.
En 2022, l'action 4 a fait l'objet d'ouverture de crédits supplémentaires en AE et CP à hauteur de 4 millions d'euros par la loi de finances rectificative du 16 août 2022 pour financer une aide alimentaire exceptionnelle à destination des collectivités du Pacifique.
Enfin, les subventions dans les domaines sanitaire et social, d'une part, et culturel et sportif, d'autre part ont enregistré des consommations de l'ordre de 7 millions d'euros pour des prévisions de 4 millions d'euros.
Si la LFI 2023 a bien intégré le coût de la convention globale de santé de Polynésie en portant les crédits de cette action à 9,6 millions d'euros, elle n'a pas prévu de crédits supplémentaires pour le financement des projets sociaux et culturels.
Or, au regard de la nécessité de ces actions et de leur récurrence ainsi que des consommations constatées ces dernières années, les rapporteurs spéciaux ne peuvent que recommander une mise en cohérence des crédits ouverts avec les consommations réelles.
5. Une exécution des aides aux collectivités plus conforme aux prévisions après une année 2021 exceptionnelle
L'action 6 recouvre trois types de crédits :
- les dotations aux collectivités territoriales et financements adaptés à leurs spécificités afin de favoriser l'égal accès aux services publics locaux des populations ultramarines, notamment en termes d'éducation, en prenant en compte les particularités de ces collectivités et en répondant, par des crédits spécifiques, aux handicaps structurels des outre-mer. Il s'agit donc de maintenir la capacité financière des collectivités d'outre-mer par le versement de dotations ;
- les secours d'urgence et de solidarité nationale liés aux calamités ;
- les actions de défense et de sécurité civile.
En 2022, l'action 6 a été dotée de 204,9 millions d'euros en AE et 199,5 millions d'euros en CP en LFI. La consommation s'est établie à 220,4 millions d'euros en AE et 176,3 millions d'euros en CP soit des taux de consommation respectivement de 107,5 % et 88,4 %.
Après retraitement des apurements d'anciennes AE, les opérations nouvelles engagées en 2022 s'élèvent à 225,5 millions d'euros soit 20 millions d'euros de plus que les crédits ouverts en LFI.
Cette consommation enregistre une baisse notable par rapport à 2021, année qui présentait un caractère exceptionnel, en raison des aides accordées par l'État à la Nouvelle-Calédonie et à la Guyane.
En effet, en 2021, à la demande du gouvernement de Nouvelle-Calédonie, une subvention exceptionnelle a été ouverte pour 122 millions d'euros en AE et CP pour couvrir les frais engendrés par l'arrivée de la pandémie sur le territoire et la fin de l'exercice budgétaire. La propagation de l'épidémie de Covid-19 en Nouvelle-Calédonie et la situation sanitaire critique qui en a résulté ont supposé de nouveaux engagements financiers pour endiguer la diffusion du virus et assurer la meilleure prise en charge des malades.
Par ailleurs, l'accord structurel signé en 2021 entre l'État et la collectivité territoriale de Guyane (CTG) pour permettre à cette dernière d'augmenter sa capacité d'autofinancement et ainsi, d'avoir des marges de manoeuvre pour abonder le financement de son programme pluriannuel d'investissement avait généré une dépense de près de 30 millions d'euros non budgétés lors de la LFI 2021.
En 2022, la sur-exécution des AE s'explique essentiellement par le soutien à la collectivité de Guyane d'un montant initial en LFI de 20 millions d'euros mais qui a finalement généré l'engagement de 40 millions d'euros en raison de la décision du comité national de suivi de l'accord structurel de verser la deuxième tranche de la subvention, conditionnée à l'amélioration de la capacité d'autofinancement.
À l'inverse, la sous-exécution des CP à hauteur de 23,2 millions d'euros s'explique essentiellement par des retards de paiement en fin d'année, en Guyane, concernant les travaux en faveur de la construction d'écoles, lycées et collèges ainsi que par un ralentissement des travaux menés en Polynésie dans le cadre des investissements prioritaires financés par le troisième instrument financier (3IF)7(*).
6. Le FEI : une variable d'ajustement pour répondre aux besoins divers en cours de gestion
En 2022, des opérations nouvelles sur AE ont été engagées à hauteur de 82,7 millions d'euros composées de 78,7 millions d'euros d'exécution en année N et 3,9 millions d'euros de nettoyages d'anciennes opérations sur les 110 millions d'euros ouverts. En CP, 64,1 millions d'euros ont été consommés pour 63,6 millions d'euros de crédits ouverts.
Cette consommation est donc stable en AE par rapport à l'année précédente et enregistre une hausse de 15,5 millions d'euros en CP.
Pour autant, 104,7 millions d'euros sur les 110 millions d'euros d'AE ouvertes ont été répartis :
- 78,7 millions d'euros sur l'action 8 pour le financement de projets déposés par les collectivités ;
- 7 millions d'euros mobilisés pour le financement du volet « sport » des CCT (chaque année depuis 2019) ;
- 6 millions d'euros pour la rénovation du parc immobilier du SMA de Martinique ;
- 2,2 millions d'euros pour la restructuration de site de défense en Polynésie ;
- 2,4 millions d'euros pour la lutte contre les sargasses ;
- 3,2 millions d'euros pour le syndicat des eaux de Guadeloupe ;
- 2 millions d'euros pour l'aide d'urgence après la tempête Fiona.
Si les rapporteurs spéciaux ne remettent nullement en cause la nécessité de financer ces actions, ils s'interrogent sur l'origine des crédits. En effet, les travaux du SMA devraient être financés à partir du programme 138, le plan Sargasses doit faire l'objet de crédits spécifiques au besoin avec des ouvertures en cours de gestion ou des dégels de réserve. Il en va de même pour l'aide d'urgence à la suite de la tempête Fiona.
Dans leur rapport sur le FEI8(*), les rapporteurs spéciaux avaient d'ailleurs souligné que « le choix était régulièrement fait de redéployer des crédits ouverts au titre du FEI sur d'autres dépenses d'investissements structurants. Ainsi, 7 millions d'euros ont été mobilisés chaque année depuis 2019, pour le financement du volet « sport » des CCT.
De surcroit, en 2019, un transfert de 7,5 millions d'euros est intervenu au profit du programme 214 du ministère de l'éducation nationale, pour un projet de collège à Saint-Martin s'inscrivant dans la dynamique de reconstruction après l'ouragan Irma. Il en est de même pour la construction d'un poste d'inspection frontalier en Guyane pour 1,4 million d'euros.
En 2020, 14,3 millions d'euros ont servi au financement de la liaison routière entre Maripasoula et Papaïchton, en Guyane.
En 2021, 15 millions d'euros ont été redéployés pour financer une partie du soutien exceptionnel de l'État à la collectivité territoriale de Guyane (CTG).
Enfin, le FEI a également servi de source de financement pour des dépenses supplémentaires, apparues en cours de gestion et relevant d'arbitrages interministériels. À ce titre, le ministère a financé en 2020, à partir des crédits ouverts pour le FEI et à titre exceptionnel :
- le déplafonnement du complément national du POSEI10(*) (pour la diversification agricole) pour 6,3 millions d'euros ;
- le financement de l'aide à la politique de santé en Polynésie française pour 10,1 millions d'euros ;
- le financement des observateurs de l'ONU (UNOPS)11(*) pour les opérations de révision des listes électorales en Nouvelle-Calédonie (1,4 million d'euros en 2019, 1,1 million d'euros en 2020) ».
Dans ce contexte, les rapporteurs spéciaux réaffirment avec fermeté que le FEI ne peut être considéré comme une variable d'ajustement lors des arbitrages ministériels et rappellent leur recommandation de sanctuariser les crédits alloués au FEI lors de la LFI et de mettre fin aux redéploiements récurrents en cours de gestion.
En raison de ces redéploiements et de la réserve de précaution, les crédits réellement disponibles pour le FEI ont toujours étaient inférieurs à 80 % des crédits ouverts en LFI.
Ainsi sur les 5 dernières années, 480 millions d'euros d'AE ont été ouvertes et seuls 325,6 millions d'euros ont été engagés.
Évolution de la consommation des
crédits FEI ouverts en LFI
entre 2018 et 2022
(en millions d'euros)
(en millions d'euros)
Source : commission des finances du Sénat à partir des documents budgétaires (projets et rapports annuels de performance)
7. Une sur-exécution qui se maintient et l'absence inexpliquée de crédits de paiement en provenance du plan de relance
L'action 9 du programme 123 vise à favoriser les investissements des acteurs publics en réduisant le coût des ressources empruntées et à assurer l'accompagnement des collectivités ultramarines dans la mise en oeuvre de leurs projets d'investissements.
Dotée de 36,3 millions d'euros en AE et de 23,1 millions d'euros en CP en LFI en 2022, l'action 9 du programme 123 enregistre une consommation de 37,7 millions d'euros en AE et 28 millions d'euros en CP soit des taux d'exécution respectivement de 103,7 % et 120,9 %.
Ce niveau de consommation est en baisse par rapport à 2021, année au cours de laquelle, en réponse à la crise sanitaire, le dispositif du Fonds outre-mer (FOM) avait été créé dans le cadre du plan de relance pour un montant total de 30 millions d'euros en AE pour 2021 et 2022.
Malgré une baisse de consommation entre 2021 et 2022, une sur-exécution est toujours constatée dans un contexte de financement accru de l'ingénierie.
Aussi, les rapporteurs spéciaux s'étonnent qu'aucun versement de CP ne soit intervenu en 2022 dans le cadre des 30 millions d'euros d'AE ouverts en 2021 dans le cadre du plan de relance et sur lesquels, à ce stade, seulement 4,6 millions de CP ont été consommés en 2021.
Les rapporteurs spéciaux avaient d'ailleurs indiqué lors de la précédente loi de règlement que, dans ce contexte, ils seraient attentifs à la programmation des crédits de cette action lors du projet de loi de finances pour 2023 afin que ce dernier réponde aux enjeux dans ce domaine mais également au niveau de consommation réel constaté ces dernières années, bien supérieur aux crédits ouverts.
Les ouvertures en LFI 2023 sont en nette hausse et s'établissent à 53,3 millions d'euros en AE et 36,3 millions d'euros en CP. Gageons que cette augmentation permettra de couvrir les besoins en termes de financement des acteurs publics.
* 4 Ces contrats ont été signés le 8 juillet 2019 pour les collectivités territoriales de Guyane et de Martinique, les Régions Guadeloupe et La Réunion, le Département de Mayotte et les collectivités de Saint-Pierre-et-Miquelon et Wallis-et-Futuna, le 22 juin 2020 pour Saint-Martin. Le contrat de développement et de transformation 2021-2023 a été signé le 14 avril 2021 pour la Polynésie. La Nouvelle-Calédonie utilise un contrat de développement (CDEV) jusqu'en 2022.
* 5 Ce contrat couvre la période 2021-2023.
* 6 Cette contribution, encadrée par une convention du 16 avril 2015, s'élevait à 12 millions d'euros par an en contrepartie d'un engagement du Pays de poursuivre les réformes structurelles au redressement des comptes sociaux de Polynésie.
* 7 Le troisième instrument financier (3IF) résulte de la réforme de l'ancienne dotation globale de développement économique en 2021. Ce dispositif contractualisé d'un montant annuel de 51 millions d'euros en AE et CP vise à financer les investissements prioritaires de la Polynésie en matière d'infrastructures routières, aéroportuaires, maritimes et de défense contre les eaux.
* 8 9Rapport d'information n° 727 (2021-2022) du 22 juin 2022 des sénateurs Georges PATIENT et Teva ROHFRITSCH : « Le fonds exceptionnel d'investissement (FEI) : un outil souple et utile dont la gouvernance doit être améliorée ».
* 10 Programme d'options spécifiques à l'éloignement et à l'insularité : outil de mise à disposition d'aides européennes et nationales au secteur agricole pour les RUP.
* 11 United Nations Office for Project Services : bureau des Nations unies pour les services d'appui aux projets