EXAMEN EN COMMISSION
Réunie le mercredi 21 juin 2023, sous la présidence de M. Jean-François Rapin, président, la commission a procédé à l'examen du rapport de Mmes Marta de Cidrac et Gisèle Jourda, sur la proposition de résolution européenne n° 627, de Mmes Gisèle Jourda et Vivianne Malet, relative à la gestion des déchets dans les outre-mer.
M. Jean-François Rapin, président. - Mes chers collègues, le 10 mai dernier, notre commission a organisé, avec la délégation sénatoriale aux outre-mer, une table ronde sur les politiques européennes en outre-mer au cours de laquelle sont intervenus le cabinet de la commissaire européenne à la cohésion et aux réformes, Elisa Ferreira, et les services concernés de la Commission européenne. Nous y avons abordé différents sujets d'importance pour nos outre-mer, notamment la question de la gestion des déchets.
J'ai par ailleurs assisté hier avec intérêt à l'audition du ministre de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire organisée par la délégation aux outre-mer sur le foncier agricole outre-mer, au cours de laquelle le sujet de la biomasse a été évoqué.
La question de la gestion des déchets a une dimension européenne certaine, ce qui a motivé le dépôt, le 22 mai dernier, d'une proposition de résolution européenne par nos collègues Gisèle Jourda et Viviane Malet, à la suite du remarquable rapport qu'elles ont présenté sur ce sujet à la délégation aux outre-mer en décembre dernier. C'est cette proposition de résolution que notre commission va examiner aujourd'hui.
Entre-temps, le 31 mai, le Sénat a débattu en séance publique de cette question, en présence de la ministre Dominique Faure qui a présenté la feuille de route que prépare le Gouvernement pour améliorer la gestion des déchets en outre-mer ; l'objectif est de faire de ces déchets des ressources à exploiter. La ministre a déploré également la difficulté des collectivités ultramarines à consommer les crédits mis à leur disposition à cet effet, y compris les crédits européens. Nous attendons que la réunion du Comité interministériel des outre-mer, annoncée la semaine dernière et finalement reportée au 3 juillet, confirme la mobilisation de l'exécutif sur ce dossier.
Dans cette attente, nous allons entendre le rapport de nos collègues Marta de Cidrac, présidente du groupe d'études Économie circulaire, et Gisèle Jourda, auteure de la proposition de résolution qui nous est soumise.
Mme Gisèle Jourda, rapporteure. - Notre commission est saisie d'une proposition de résolution européenne que ma collègue Viviane Malet, membre de la délégation sénatoriale aux outre-mer, et moi avons déposée le 22 mai dernier, relative à la gestion des déchets dans les outre-mer. Elle a pour objet de traiter du volet européen de cette question importante pour l'avenir de ces territoires.
Cette proposition de résolution européenne découle des travaux conduits dans le cadre de la mission d'évaluation que la délégation sénatoriale aux outre-mer nous a confiée, à Viviane Malet et à moi, en mai 2022. Le rapport d'information, adopté en décembre 2022, formulait vingt-six propositions dans différents domaines afin d'améliorer la situation.
Les déplacements et auditions que nous avons effectués nous ont en effet permis de constater le retard majeur des outre-mer en matière de collecte, de traitement et de valorisation des déchets, ainsi que de transport pour les déchets ultimes. Notre rapport d'information tirait la sonnette d'alarme face à cette situation particulièrement préoccupante. Nous avons montré que la cote d'alerte était atteinte et avons mis en avant les disparités existant dans ce domaine entre les territoires. Ainsi, si La Réunion dispose d'un taux satisfaisant d'équipements, dans d'autres territoires, le nombre d'infrastructures nécessaires à la collecte de déchets est très insuffisant.
Je me permets de rappeler que les outre-mer abritent 80 % de la biodiversité française. Un rattrapage massif par rapport à l'Hexagone est nécessaire et urgent. Un indicateur suffit pour illustrer le retard pris par les collectivités ultramarines. À l'échelon national, seuls 15 % des déchets ménagers sont enfouis, tandis que 85 % sont valorisés. Dans les outre-mer, à l'exception de la Martinique et de Saint-Barthélemy, ces taux sont inversés. Le défi est encore plus grand à Mayotte et à La Réunion.
Plusieurs facteurs permettent d'expliquer cette situation critique : une gestion des déchets plus coûteuse dans ces territoires que dans l'Hexagone, des collectes moins régulières ainsi qu'un manque d'infrastructures spécifiques et de filières de recyclage adaptées. L'exposé des motifs de la proposition de résolution européenne rappelle l'ensemble de ces éléments. Le rapport d'information insiste aussi sur la nécessité de faire pleinement application de l'article 349 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne (TFUE) qui permet d'adapter la réglementation de l'Union en matière de gestion des déchets et d'économie circulaire, en cours de révision et à venir, et de l'adapter aux contraintes particulières des outre-mer pour leur permettre de développer des stratégies régionales et d'augmenter l'aide au fret dans l'environnement régional.
Ainsi, pour ce qui concerne le volet européen de la gestion des déchets dans les outre-mer, la proposition de résolution formule des préconisations : d'une part, sur les financements européens et leur pérennité et, d'autre part, sur la réglementation de l'Union applicable aux transferts de déchets. En effet, l'Union européenne, au travers de sa politique de cohésion économique, sociale et territoriale, promeut la stratégie en faveur de l'économie circulaire dans laquelle elle est engagée. Cette stratégie devrait notamment contribuer à résorber le retard important pris par les outre-mer en matière de gestion durable des déchets. Dans le cadre de la nouvelle programmation 2021-2027, la politique de cohésion s'oriente plus particulièrement vers les objectifs du Pacte vert pour l'Europe. L'objectif climatique se trouve, de fait, renforcé. Chaque État membre doit ainsi consacrer au moins 30 % de ses dépenses à l'objectif « Europe plus verte et à faibles émissions de carbone », contre 20 % au cours de la période 2014-2020.
Au titre de la cohésion, l'Union européenne soutient les régions ultrapériphériques (RUP) au moyen de certaines dispositions spécifiques. Pour la période 2021-2027, elle a alloué aux RUP un financement supplémentaire de 1 928 millions d'euros au titre du Fonds européen de développement régional (Feder). La coopération territoriale européenne porte également sur un nouvel objectif appelé « coopération faisant intervenir les régions ultrapériphériques », destiné à faciliter l'intégration des RUP et le développement harmonieux dans leurs régions respectives. Le budget consacré à ce volet s'élève à 281 millions d'euros.
L'utilisation des fonds de la politique de cohésion par les régions ultrapériphériques est aussi soumise à certains critères spécifiques. Ainsi le taux de cofinancement des programmes y est majoré, pour atteindre un maximum de 85 %. Cette mesure temporaire a été préservée jusqu'en 2027. Différents fonds européens peuvent donc être mobilisés par les régions ultrapériphériques pour soutenir les investissements dans des infrastructures de collecte et traitement des déchets. Lors de la révision du Feder, les RUP, au titre de l'article 349 du TFUE, ont par ailleurs été autorisées à déroger à l'interdiction de soutenir des projets d'élimination des déchets par mise en décharge, dès lors qu'elles en justifiaient la pertinence.
La proposition de résolution demande que ces adaptations des règles propres aux RUP soient préservées et reconduites pour la prochaine période du cadre financier pluriannuel de l'UE. Je tiens néanmoins à souligner que la sous-consommation des crédits européens constitue un enjeu de crédibilité dans le cadre des prochaines négociations du budget de l'Union.
Les données pour la période 2014-2020, en cours de consolidation par les services de l'État, ne sont pas encore publiées. En tout état de cause, les collectivités se heurtent à de nombreuses difficultés pour mobiliser les aides européennes. Pourtant, l'importance des actions en faveur de la gestion des déchets et du développement de l'économie circulaire dans les régions ultrapériphériques a été reconnue, à plusieurs reprises, par la Commission européenne qui s'est engagée à prendre en compte leurs spécificités et leurs contraintes dans la mise en oeuvre des politiques européennes.
La proposition de résolution invite, à ce titre, à une réelle adaptation de la législation de l'Union européenne en matière de déchets et d'économie circulaire aux spécificités des RUP, notamment françaises. Parallèlement, ces régions doivent s'engager dans des politiques volontaristes pour rattraper le retard pris en matière de gestion des déchets.
Les élus des territoires ultramarins font preuve d'une volonté très forte. Les freins réels auxquels ces territoires sont confrontés ne sont pas liés à un manque de volonté politique, mais à des difficultés de terrain. Il ne faut pas oublier non plus l'importance du critère d'insularité. En matière de stockage et de transfert des déchets, les périmètres d'action sont inévitablement restreints, ce qui freine la réalisation des ambitions et des politiques volontaristes que l'on souhaite déployer dans ces territoires.
Je rappelle que le plan d'action en faveur de l'économie circulaire, présenté en 2020 par la Commission européenne, encourage la mise en oeuvre de « solutions en matière d'économie circulaire [...] taillées sur mesure pour les régions ultrapériphériques et insulaires ». Cependant, la confection desdites solutions laisse parfois à désirer.
Enfin, je tiens à me féliciter de l'adoption, mercredi dernier, par le Parlement européen, d'une résolution appelant à mieux tenir compte des spécificités des RUP dans les politiques européennes. Elle rappelle notamment « l'importance d'élaborer une stratégie locale de gestion des déchets qui tienne compte des transitions écologique et énergétique et de la protection de la biodiversité, et qui contribue au renforcement de l'économie circulaire dans les régions ultrapériphériques ». Je note que la position du Parlement européen rejoint les recommandations du rapport de la délégation aux outre-mer sur la nécessité d'une gouvernance consolidée qui permette de « prendre le virage d'une économie circulaire réaliste et adaptée aux contraintes propres des territoires ultramarins ».
Je remercie Marta de Cidrac pour l'aide éclairée qu'elle nous a apportée à l'aune de ses connaissances spécifiques, qui sont venues compléter notre regard sur le sujet.
Mme Marta de Cidrac, rapporteure. Le groupe d'études Économie circulaire du Sénat, que j'ai l'honneur de présider, a participé étroitement aux travaux de la délégation aux outre-mer sur la gestion des déchets dans les outre-mer.
J'avais d'ailleurs souligné à l'occasion de la publication du rapport que la question de l'adaptation de la réglementation de l'Union européenne sur les transferts de déchets pourrait être opportunément relayée par notre commission des affaires européennes. C'est chose faite à travers la proposition de résolution qui nous est soumise, ce dont je me félicite.
Les contraintes particulières des outre-mer, qui ne disposent pas de capacités suffisantes pour stocker, traiter et valoriser sur leurs territoires les déchets qu'ils produisent, obligent bien souvent ces territoires à exporter leurs déchets vers l'Hexagone, un autre État membre ou un pays tiers, en transitant ou non par un autre pays. Les exportations de déchets des outre-mer vers l'Hexagone et l'étranger ont d'ailleurs fortement augmenté au cours des vingt dernières années. Leur volume a presque doublé depuis la fin des années 2000. Au total, 90 % de ces exportations concernent des déchets non dangereux. Une majorité de ces déchets est envoyée vers l'Hexagone. C'est plus particulièrement le cas pour ceux qui proviennent de la Guadeloupe, de la Martinique et de la Guyane. C'est également le cas généralement pour les déchets dangereux.
Concernant les transferts de déchets, la proposition de résolution formule plusieurs recommandations. De tels mouvements au sein de l'Union européenne sont, en effet, régis par un règlement de 2006. Ce texte transpose, dans le droit de l'Union, les dispositions de la convention de Bâle sur le contrôle des mouvements transfrontières de déchets dangereux et leur élimination, adoptée le 22 mars 1989 et entrée en vigueur en France le 5 mai 1992, ainsi que la décision de 2001 de l'OCDE qui vise à contrôler les mouvements, entre pays de l'OCDE, de déchets destinés à des opérations de valorisation.
Une révision de ce règlement européen de 2006 a été proposée par la Commission européenne en novembre 2021. Elle vise à prévenir la pollution liée aux exportations de déchets, en particulier en dehors du continent européen, à encourager le développement de l'économie circulaire, en facilitant les transferts intra-européens, et à lutter contre les transferts illégaux de déchets qui représenteraient entre 15 % et 30 % des transferts.
La Commission européenne propose ainsi d'interdire toute exportation de déchets vers des pays tiers n'appartenant pas à l'OCDE, sauf si ces derniers en font la demande officielle et apportent la preuve que les déchets importés font l'objet d'une valorisation rationnelle sur le plan environnemental. L'objectif est d'éviter que des déchets ne soient importés par des pays qui ne disposent pas de moyens suffisants pour les traiter dans des conditions satisfaisantes sur les plans environnemental et sanitaire, et que ces transferts s'opèrent sans leur accord.
Le Parlement a proposé d'aller encore plus loin en interdisant les exportations de déchets plastiques vers les pays tiers, ce qui limiterait encore plus les transferts de déchets hors de l'Union européenne. Toutefois, il semblerait que cette mesure ne soit pas compatible avec les règles de l'Organisation mondiale du commerce (OMC) et la décision de l'OCDE. La proposition de résolution s'inquiète d'un tel durcissement qui pourrait affecter plus particulièrement les outre-mer français dans la gestion de leurs déchets.
En raison de leur appartenance au territoire européen, les régions ultrapériphériques doivent se conformer au règlement relatif aux transferts de déchets, et doivent donc respecter ces procédures dès lors que, dans le cadre d'un transfert vers l'État membre dont elles ressortissent, les déchets transitent par un autre État membre ou par un pays tiers.
Initialement, le texte présenté par la Commission européenne ne contenait pas de dispositions particulières relatives à la situation des régions ultrapériphériques en matière de transfert de déchets. Lors des discussions au Conseil, la France a proposé un assouplissement des procédures pour les régions ultrapériphériques et a plaidé pour faciliter les transferts de déchets entre deux territoires d'un même État membre transitant par un autre État membre.
Il convient de relever que le cadre européen ne permet d'agir que sur les pays de l'Union. La demande française était motivée par les difficultés rencontrées, au cours des derniers mois, par certains départements d'outre-mer lors d'opérations de transfert de déchets nécessitant un transit par d'autres États membres ; certains s'étant montrés très pointilleux dans l'instruction des dossiers, ce qui contribuait à allonger la durée des trajets maritimes.
Notre pays s'est trouvé isolé sur cette problématique. Elle ne concernait, en effet, que les RUP françaises, du fait de l'éloignement géographique des territoires en question. Force est de reconnaître que la France peine à obtenir des dérogations sur ce fondement. Le Sénat le déplore d'ailleurs de longue date.
Les autorités françaises ont ainsi demandé que les autorités de transit disposent d'une durée d'instruction plus courte des demandes de transfert - trois jours avaient été suggérés dans un premier temps, au lieu de trente selon les règles actuelles -, durée au terme de laquelle l'accord tacite de l'autorité de transit serait réputé acquis. Finalement, le Conseil a retenu un délai de sept jours, sur proposition de la présidence suédoise. Cette disposition paraît relativement équilibrée au regard des enjeux et nous vous proposons de soutenir le maintien de cette mesure dans le texte définitif.
J'indique également qu'un amendement reprenant la position française, déposé par des eurodéputés français, a été introduit lors du vote en séance plénière, le 16 janvier, sur cette révision du règlement au Parlement européen. Un premier trilogue s'est déjà tenu le 31 mai. Les réunions techniques entre le Conseil et le Parlement européen devraient se poursuivre au mois de juillet. Cette avancée obtenue par la France peut, certes, paraître relativement modeste au regard des enjeux des outre-mer dans ce domaine. Je tiens toutefois à rappeler que l'Union européenne ne dispose pas de marge de manoeuvre pour agir sur les pays d'importation et de transit en dehors de son territoire. Dans ce contexte, c'est la Convention de Bâle qui s'applique.
C'est pourquoi la proposition de résolution invite le Gouvernement à ouvrir des discussions dans le cadre de cette convention internationale, afin de conclure des accords régionaux pour le traitement des déchets des outre-mer français. Le chef du pôle national des transferts transfrontaliers de déchets (PNTTD) nous a indiqué, lors de son audition, qu'un dialogue s'était engagé en application du traité pour permettre l'ouverture d'un groupe de travail sur le consentement préalable, piloté par la France.
Plus généralement, la proposition de résolution européenne invite l'Union européenne, sur le fondement de l'article 349 du TFUE, à adapter les règlements en vigueur et à venir aux contraintes particulières des outre-mer pour y faciliter la gestion des déchets et y encourager l'économie circulaire.
Mes chers collègues, pour l'ensemble des raisons que nous venons d'exposer, nous vous proposons de compléter cette proposition de résolution européenne, dont nous partageons l'ambition : outre quelques modifications rédactionnelles et d'harmonisation, nous suggérons un certain nombre d'ajouts qui permettent de mieux en préciser la dimension européenne et d'en actualiser le contenu.
Mme Viviane Malet. - Je remercie Gisèle Jourda et Marta de Cidrac des travaux que nous avons menés ensemble.
Les outre-mer accusent un retard majeur en matière de gestion des déchets. Le taux d'enfouissement y est très élevé et la valorisation énergétique quasi inexistante. De plus, ces territoires manquent d'équipements, pour des raisons climatiques et géographiques, liées à leur éloignement. La situation varie toutefois d'un bassin à l'autre.
Les objectifs de collecte et de traitement des déchets inscrits dans la réglementation pour ces territoires sont largement calqués sur ceux de l'Hexagone et de l'Union européenne. Cette réglementation n'a pas été conçue pour des territoires insulaires et isolés, qui sont parfois très éloignés d'un État membre de l'OCDE. Elle ne tient pas compte non plus du retard qu'ils ont pris. Cela ne facilite pas la coopération régionale avec les îles proches, dont le statut juridique est différent. Il faut donc adapter la législation, dans tous ces domaines, aux spécificités des outre-mer. L'impact de cette mesure pour l'Europe sera minime, mais il sera considérable pour nos territoires.
Nous espérons qu'une suite favorable sera donnée à la présente proposition de résolution européenne.
M. Jacques Fernique. - Le rapport que vous avez présenté m'a convaincu que les carences des outre-mer en matière de gestion des déchets - variables selon les territoires - ne tiennent pas à un manque de volonté des élus concernés, mais à la mise à l'épreuve, dans des conditions disparates, de nos politiques publiques à l'aune des caractéristiques propres aux outre-mer : l'insularité, les difficultés de collecte, ou encore la surexposition aux risques naturels.
La recommandation n° 23 de votre rapport plaide pour une adaptation des aides européennes aux outre-mer.
Je retiens deux idées fortes de la série de recommandations que vous présentez. La première tend à réhausser l'exigence de notre système de responsabilité élargie des producteurs (REP), afin que les éco-organismes soient tenus par des objectifs territoriaux. La seconde vise à fournir aux outre-mer les moyens de répondre à la forte hausse des coûts nécessaires à la collecte et au traitement de leurs déchets - qui ne tient pas à une mauvaise gestion, mais à des conditions de réalisation difficiles. Ces coûts reposent, en outre, principalement sur les contribuables. Un représentant de l'association Amorce que vous avez entendu en audition a ainsi souligné qu'un centre de tri ne se montait pas aussi aisément en outre-mer qu'en région parisienne.
Le rapport recommande par ailleurs de prolonger les dispositifs européens de prise en charge des particularités des RUP existantes et d'adapter les réglementations afin d'accroître l'utilisation des aides européennes. Ces dernières sont, en effet, souvent peu sollicitées en raison de la complexité des montages de dossiers requis.
La proposition de résolution européenne qui nous est présentée, et qui développe la recommandation n° 23 du rapport, me paraît tout à fait appropriée. L'idée n'est pas de maintenir un régime spécial pour prolonger les retards pris dans les outre-mer au regard de nos objectifs européens, mais au contraire de chercher à les rattraper en adaptant les bons dispositifs aux spécificités de ces territoires.
Mme Viviane Malet. - Nous avions préconisé dans notre rapport d'imposer une taxation particulière aux éco-organismes, mais les douanes ne peuvent pas nous communiquer la part de leur activité qui est consacrée au traitement des déchets ultramarins.
M. Jean-François Rapin, président. - Les douanes ne sont-elles pas capables d'établir ces données ?
Mme Viviane Malet. - Nous ne savons pas si elles sont incapables de les établir ou si elles ne souhaitent pas nous y donner accès.
Mme Gisèle Jourda, rapporteure. - La question de la gestion des déchets touche au problème majeur de la différenciation, qu'avait bien perçu notre ancien collègue Michel Magras. Il existe des absurdités géographiques que nous nous devons d'effacer. À titre d'exemple, l'obligation de faire transiter certains déchets par Papeete pour éviter d'en passer par des contrats d'association avec des pays situés en dehors de notre périphérie, que nous a citée notre collègue Lana Tetuanui à propos de la Polynésie française, est un non-sens, a fortiori compte tenu de nos engagements environnementaux.
Je tiens à saluer Viviane Malet pour notre collaboration, qui nous a tous enrichis.
M. Jean-François Rapin, président. - Lorsque j'étais président de l'Association nationale des élus du littoral (Anel), j'avais organisé une assemblée générale décentralisée à La Réunion sur le thème suivant : « Les outre-mer, exemple pour l'Hexagone ? ». On trouve en effet dans ces territoires les mêmes difficultés qu'en métropole, mais concentrées dans un espace souvent restreint.
Pour ce qui concerne la transition verte, nous n'en sommes pas à un paradoxe près, y compris chez ceux qui la soutiennent.
Mme Marta de Cidrac, rapporteure. - Je me réjouis que la commission des affaires européennes se soit saisie de la question des déchets dans les outre-mer, car j'ai eu pendant longtemps le sentiment qu'il s'agissait d'un périmètre oublié en raison de son éloignement. On s'imaginait, en outre, qu'il était possible, puisqu'il s'agissait d'un espace européen, d'y appliquer strictement les règles européennes sans tenir aucun compte de leurs caractéristiques propres, l'espace contraint dû à l'insularité, notamment.
Nous avons là un travail intéressant à relayer. Il faut que l'Union européenne entende ces voix ultramarines spécifiques à la France, d'autant que l'Union dispose grâce à cela d'un espace maritime non négligeable, qui mérite que l'on s'y intéresse, et qui est d'autant plus stratégique au vu des évolutions géopolitiques que nous vivons.
Mme Gisèle Jourda, rapporteure. La France est un peu marginalisée sur cette question en Europe, cette problématique n'étant pas partagée par la plupart des autres États membres.
La commission a autorisé la publication du rapport et a adopté la proposition de résolution européenne ainsi modifiée, disponible en ligne sur le site du Sénat.