N° 695
SÉNAT
SESSION ORDINAIRE DE 2022-2023
Enregistré à la Présidence du Sénat le 7 juin 2023
RAPPORT
FAIT
au nom de la commission de l'aménagement du territoire et du développement durable (1) sur la proposition de loi relative à la prévisibilité de l'organisation des services de la navigation aérienne en cas de mouvement social et à l'adéquation entre l'ampleur de la grève et la réduction du trafic,
Par Mme Évelyne PERROT,
Sénatrice
(1) Cette commission est composée de : M. Jean-François Longeot, président ; M. Didier Mandelli, Mmes Nicole Bonnefoy, Marta de Cidrac, MM. Joël Bigot, Rémy Pointereau, Frédéric Marchand, Guillaume Chevrollier, Mme Marie-Claude Varaillas, MM. Jean-Pierre Corbisez, Pierre Médevielle, Ronan Dantec, vice-présidents ; M. Cyril Pellevat, Mme Angèle Préville, MM. Pascal Martin, Bruno Belin, secrétaires ; MM. Jean-Claude Anglars, Jean Bacci, Étienne Blanc, François Calvet, Michel Dagbert, Mme Patricia Demas, MM. Stéphane Demilly, Michel Dennemont, Gilbert-Luc Devinaz, Mme Nassimah Dindar, MM. Gilbert Favreau, Jacques Fernique, Mme Martine Filleul, MM. Fabien Genet, Hervé Gillé, Éric Gold, Daniel Gueret, Mmes Nadège Havet, Christine Herzog, MM. Jean-Michel Houllegatte, Olivier Jacquin, Gérard Lahellec, Mme Laurence Muller-Bronn, MM. Louis-Jean de Nicolaÿ, Philippe Pemezec, Mmes Évelyne Perrot, Marie-Laure Phinera-Horth, Kristina Pluchet, MM. Jean-Paul Prince, Bruno Rojouan, Mme Denise Saint-Pé, MM. Philippe Tabarot, Pierre-Jean Verzelen.
Voir les numéros :
Sénat : |
553 et 696 (2022-2023) |
L'ESSENTIEL
La commission de l'aménagement du territoire et du développement durable du Sénat a adopté, le 7 juin 2023, la proposition de loi de Vincent Capo-Canellas relative à la prévisibilité de l'organisation des services de la navigation aérienne en cas de mouvement social et à l'adéquation entre l'ampleur de la grève et la réduction du trafic, suivant les orientations d'Évelyne Perrot, rapporteure, sous le bénéfice de trois amendements de précision.
Cette proposition de loi poursuit un triple objectif :
assurer une meilleure prévisibilité de l'organisation des services de la navigation aérienne pendant les mouvements sociaux, et donc éviter les annulations de vols « à chaud » ;
assurer une meilleure adéquation entre l'ampleur du mouvement social et la réduction du trafic, en limitant les abattements de vols préventifs massifs liés à une incertitude sur le nombre de grévistes ;
garantir un droit de grève plus effectif et des conditions de travail plus satisfaisantes pour les contrôleurs aériens en rendant inutile le recours préventif au dispositif du « service minimum » en cas de mouvement social.
Pour la commission, ce texte répond efficacement aux limites d'un système à bout de souffle et préjudiciable aussi bien pour les passagers que pour les contrôleurs eux-mêmes.
I. AUJOURD'HUI, DES GRÈVES D'UNE AMPLEUR IMPRÉVISIBLE ET UN SERVICE MINIMUM COMPLEXE À ORGANISER
A. UN GRAND NOMBRE DE VOLS ANNULÉS PRÉVENTIVEMENT, SOUVENT DE FAÇON DÉCONNECTÉE DE LA RÉALITÉ DE LA GRÈVE, ET D'INÉVITABLES ANNULATIONS « À CHAUD »
Les grèves des contrôleurs aériens sont actuellement très lourdes de conséquences. Bien que les syndicats doivent déposer un préavis de grève cinq jours avant un mouvement de grève, la direction générale de l'aviation civile (DGAC) ne dispose pas des informations nécessaires pour anticiper le nombre exact de grévistes, ceux-ci n'ayant pas à déclarer individuellement leur participation préalablement au mouvement. Or, les contrôleurs aériens sont les seuls travailleurs du secteur aérien à ne pas être soumis à une telle obligation.
Face à ce manque d'informations qui nuit à la prévisibilité, la DGAC en vient à annuler préventivement un nombre élevé de vols afin d'éviter d'avoir à effectuer des annulations de dernière minute.
De 2004 à 2016, 67 % des jours de grève du contrôle aérien en Europe ont eu lieu en France. Ils sont à l'origine de 96 % des retards enregistrés sur cette période. L'écart avec nos voisins européens est patent : 254 jours de grèves des contrôleurs aériens en France, contre 4 pour l'Allemagne.
Plus dommageable encore, chaque jour de grève en France a un impact sur le trafic aérien européen beaucoup plus fort que pour les autres pays européens, puisqu'il est évalué à 35 000 minutes par jour de grève contre, par exemple, 1 800 en Grèce.
Retards liés aux grèves |
Minutes de retards causées par les grèves du contrôle aérien français (2004-2016) |
Annulations de vols causées par les grèves du contrôle aérien français (2005-2016) |
Ces annulations préventives conduisent à ce que les contrôleurs aériens n'ont plus besoin de participer réellement au mouvement de grève, l'objectif de perturbation de l'activité aérienne étant atteint avant même que la grève commence. Ainsi, en pratique, il arrive que, même en l'absence de gréviste effectif dans un service, de nombreux vols soient annulés.
En outre, à l'inverse, il n'est pas rare que le nombre de travailleurs en grève soit supérieur à la prévision de la DGAC. Cette situation conduit à la nécessité d'effectuer des annulations « à chaud » perturbatrices pour l'ordre public dans les aéroports.