N° 693
SÉNAT
SESSION ORDINAIRE DE 2022-2023
Enregistré à la Présidence du Sénat le 7 juin 2023
RAPPORT
FAIT
au nom de la commission de la culture, de l'éducation et de la communication (1) sur la proposition de loi relative à la réforme de l'audiovisuel public et à la souveraineté audiovisuelle,
Par M. Jean-Raymond HUGONET,
Sénateur
(1) Cette commission est composée de : M. Laurent Lafon, président ; M. Max Brisson, Mme Laure Darcos, MM. Stéphane Piednoir, Michel Savin, Mme Sylvie Robert, MM. David Assouline, Julien Bargeton, Pierre Ouzoulias, Bernard Fialaire, Jean-Pierre Decool, Mme Monique de Marco, vice-présidents ; Mmes Céline Boulay-Espéronnier, Else Joseph, Marie-Pierre Monier, Sonia de La Provôté, secrétaires ; MM. Maurice Antiste, Jérémy Bacchi, Mmes Annick Billon, Alexandra Borchio Fontimp, Toine Bourrat, Céline Brulin, Samantha Cazebonne, M. Yan Chantrel, Mmes Nathalie Delattre, Véronique Del Fabro, M. Thomas Dossus, Mmes Sabine Drexler, Laurence Garnier, Béatrice Gosselin, MM. Jacques Grosperrin, Jean Hingray, Jean-Raymond Hugonet, Claude Kern, Mikaele Kulimoetoke, Michel Laugier, Pierre-Antoine Levi, Jean-Jacques Lozach, Jacques-Bernard Magner, Jean Louis Masson, Mme Catherine Morin-Desailly, MM. Olivier Paccaud, Damien Regnard, Bruno Retailleau, Mme Elsa Schalck, M. Lucien Stanzione, Mmes Sabine Van Heghe, Anne Ventalon, M. Cédric Vial.
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Sénat : |
545 et 694 (2022-2023) |
AVANT-PROPOS
L'abandon de l'examen du projet de loi relatif à la communication audiovisuelle et à la souveraineté culturelle en mars 2020 pour cause de crise sanitaire a stoppé net le regroupement de l'audiovisuel public engagé par Franck Riester dans le prolongement des recommandations du rapport du Sénat de septembre 2015 de Jean-Pierre Leleux et André Gattolin qui en avait proposé le principe et les modalités.
Si un effort afin de développer les mutualisations a été conduit depuis 2018, les résultats demeurent modestes et les perspectives insuffisantes. Lors de son audition au printemps 2022 à l'occasion des travaux de la mission conjointe de contrôle sur le financement de l'audiovisuel public, le représentant de la tutelle avait regretté de ne pas disposer « des outils pour contraindre les entreprises de l'audiovisuel public à coopérer ou pour arbitrer leurs désaccords », ce qui explique la difficulté pour l'État à définir une stratégie commune pour ces entreprises et à la mettre en oeuvre.
Ce constat est aujourd'hui partagé par le président de l'Arcom qui, lors de son audition par le rapporteur, a estimé que « face aux investissements nécessaires dans la technologie pour aller chercher les publics et du fait de la concurrence des talents, il (était) nécessaire de regrouper les forces et les énergies de l'audiovisuel public ». Plus précisément, le Président Roch-Olivier Maistre a estimé que : « si les entreprises de l'audiovisuel public sont livrées à elles-mêmes, les convergences s'effectueront avec lenteur, c'est pourquoi on ne peut se reposer sur la volonté des parties ».
Si la nécessité de regrouper les entreprises de l'audiovisuel public fait aujourd'hui l'objet d'une analyse largement convergente - en particulier de la part du président et du rapporteur de la mission d'information de l'Assemblée nationale sur l'avenir de l'audiovisuel public - des différences existent encore sur le rythme et la forme de ce regroupement. Auditionnée par la commission de la culture le 7 décembre 2022, la présidente de Radio France avait ainsi déclaré que sa conviction était qu'il fallait « aller vers une structure agile, de manière à faciliter le partage des stratégies et le travail des équipes engagées dans la coopération ». A contrario, la présidente de France Télévisions avait estimé au printemps dernier en audition au Sénat que « la fusion des sociétés de l'audiovisuel public d'ici la fin du quinquennat (était) le projet de rupture le plus ambitieux pour l'audiovisuel public ».
Les dispositions de la proposition de loi déposée par Laurent Lafon, président de la commission de la culture, de l'éducation et de la communication, permettent de concilier les différentes approches en termes de regroupement puisqu'elles créent la société holding France Médias tout en considérant que cette structure légère et stratégique constituera une étape avant une fusion des différentes entités.
Le second volet de la proposition de loi comprend, par ailleurs, un nombre limité de dispositions visant à réduire les asymétries qui pénalisent les médias historiques dans la concurrence qui les oppose aux plateformes numériques internationales.
Plusieurs articles visent ainsi à rétablir l'équité en matière de règles de diffusion des grands événements sportifs majeurs (art. 10), à favoriser la visibilité des chaînes dans les univers applicatifs des distributeurs et des télévisions connectées (art. 11), à permettre à de nouveaux investisseurs de participer au développement des médias audiovisuels (art. 12), à mieux équilibrer les rapports entre les éditeurs et les producteurs de programmes (art. 13), à préserver l'attractivité de la TNT (art. 14) et de la radio (art. 15).
Le rapporteur a proposé de préserver les équilibres du chapitre Ier relatif au regroupement de l'audiovisuel public et de compléter le chapitre II relatif aux asymétries par de nouvelles dispositions concernant en particulier le régime de la publicité.
I. UNE PROPOSITION DE LOI D'INITIATIVE SÉNATORIALE POUR RÉPONDRE AUX DÉFIS URGENTS DU SECTEUR DE L'AUDIOVISUEL
A. UNE PROPOSITION DE LOI EN PHASE AVEC LE PROJET DE LOI « RIESTER » ADOPTÉ EN COMMISSION À L'ASSEMBLÉE NATIONALE EN MARS 2020
La proposition de loi s'inscrit dans le droit fil du rapport1(*) des sénateurs Jean-Pierre Leleux et André Gattolin qui, dès septembre 2015, avaient proposé la création d'une société holding dénommée « France Médias ». Elle reprend, par ailleurs, les modalités de création et de fonctionnement de la holding définies dans le cadre du projet de loi relatif à la communication audiovisuelle et à la souveraineté culturelle dont l'examen a été arrêté en mars 2020 sur fond de crise sanitaire.
À noter que la proposition de loi est également largement en phase avec les conclusions du rapport de la mission d'information de l'Assemblée nationale sur l'avenir de l'audiovisuel public présidée par Jean-Jacques Gaultier et dont Quentin Bataillon est le rapporteur.
La proposition de loi constitue une initiative parlementaire dont l'objectif est partagé par des sénateurs et des députés de plusieurs groupes dans un secteur où les interventions de l'exécutif font souvent l'objet de soupçons de mise en cause de l'indépendance des médias publics. En l'espèce, la nature de l'initiative permet d'écarter tout doute à ce propos.
Cette initiative intervient également alors que le débat sur l'avenir du financement de l'audiovisuel public n'est pas achevé et qu'un consensus s'est fait jour sur la nécessité juridique de modifier la loi organique sur les lois de finances (LOLF) avant de pouvoir envisager la pérennisation d'un financement par une fraction du produit de la TVA.
La présente proposition de loi ouvre la voie à une telle pérennisation pour autant qu'elle s'inscrive dans le cadre du regroupement de l'audiovisuel public. À défaut d'un projet ambitieux et global reposant sur une vision stratégique pour l'audiovisuel public, le rapporteur considère que c'est la logique des dotations et de la régulation budgétaires qui aurait toutes les chances de prévaloir pour permettre à l'État de piloter des entreprises qui n'auront pu être rapprochées.
* 1 https://www.senat.fr/rap/r14-709/r14-709.html