EXAMEN EN COMMISSION
Réunie le mercredi 12 avril 2023 sous la présidence de Mme Sylvie Vermeillet, vice-présidente, la commission des finances a examiné le rapport de M. Stéphane Sautarel sur la proposition de loi n° 35 (2022-2023) visant à renforcer l'accessibilité et l'inclusion bancaires.
Mme Sylvie Vermeillet, présidente. - Nous examinons maintenant la proposition de loi visant à renforcer l'accessibilité et l'inclusion bancaires, présentée par M. Rémi Féraud et plusieurs de ses collègues.
S'agissant d'une proposition de loi déposée dans le cadre de l'espace réservé du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, le gentlemen's agreement impose que les amendements que la commission pourrait adopter soient acceptés par l'auteur du texte.
M. Stéphane Sautarel, rapporteur. - Il nous revient ce matin d'examiner la proposition de loi de nos collègues Rémi Féraud et Jean-Claude Tissot visant à renforcer l'accessibilité et l'inclusion bancaires. Elle sera débattue en séance publique le mercredi 3 mai.
Déposé en vue de l'ordre du jour réservé au groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, ce texte est examiné dans les conditions du gentlemen's agreement, rappelées par Mme la présidente. Néanmoins, ayant acté avec les auteurs de la proposition de loi d'importants points de divergence, je vous annonce d'ores et déjà que je proposerai le rejet du texte ; celui-ci serait ainsi discuté en séance publique dans sa version initiale.
Je tiens avant toute chose à remercier Rémi Féraud et Jean-Claude Tissot pour la qualité de nos échanges et leur écoute, ainsi que Sylvie Vermeillet et Michel Canévet, dont les rapports sur les propositions de loi présentées respectivement par Éric Gold et Patrick Kanner en 2018 et 2020, avec des dispositions proches de celles que nous examinons aujourd'hui, ont nourri mes travaux et leur ont servi, en quelque sorte, de fil rouge.
La discussion de ce texte intervient dans un contexte marqué par la tentation d'une renonciation aux espèces, qui contreviendrait à la liberté de choix des moyens de paiement et frapperait d'abord les ménages les plus pauvres, ainsi que par une inflation affectant plus encore les personnes les plus fragiles.
Le chapitre Ier concerne l'accessibilité territoriale bancaire. Il vise à confier à La Poste une mission de couverture territoriale complète en distributeurs automatiques de billets (DAB), financée grâce à un fonds de garantie de la présence bancaire territoriale, dont les recettes proviendraient essentiellement de prélèvements sur les banques.
Le chapitre II, constitué des articles 3 à 6, concerne l'inclusion bancaire. Il s'attache à renforcer les obligations d'information pesant sur les établissements de crédit en matière de droit au compte et d'offre spécifique, et à proportionner aux revenus de leurs bénéficiaires certains frais bancaires.
Enfin, le chapitre III, composé du seul article 7, vise à renforcer l'effectivité du droit au compte, en imposant à la commission des sanctions de l'Autorité de contrôle prudentiel et de résolution (ACPR) l'adoption de sanctions pécuniaires en cas de non-respect de leurs obligations en la matière par les établissements de crédit.
Nos principaux points de divergence avec les auteurs de la proposition de loi portent sur les articles 1er, 2 et 7, sur lesquels je déposerai pour la séance des amendements de suppression.
Les articles 1er et 2 visent à confier une nouvelle mission de couverture territoriale en DAB à La Poste, financée par un fonds chargé de garantir un accès à ces équipements en moins de quinze minutes.
Si l'on constate une tendance progressive à la fermeture des DAB, dont le nombre est passé de 49 000 en 2020 à 48 000 en 2021, soit une baisse de 2 %, les données publiées depuis 2018 par la Banque de France n'indiquent pourtant pas de dégradation de l'accessibilité aux DAB. En effet, les fermetures se font la plupart du temps dans des zones déjà denses. Ainsi, depuis 2018, plus de 99 % de la population vit à moins de quinze minutes en voiture d'un DAB : l'objectif d'accessibilité aux espèces est donc largement satisfait.
Au contraire, la nouvelle mission attribuée à La Poste pourrait être à l'origine d'un effet d'aubaine conduisant au désengagement des banques avant l'entrée en vigueur de la loi - un désengagement dont le poids financier serait in fine supporté par La Poste, malgré le fonds de garantie de la présence bancaire territoriale prévu à l'article 2.
Les recettes du fonds seraient divisées en trois composantes : les contributions volontaires des collectivités territoriales, une taxe sur les bénéfices des établissements bancaires et une contribution des établissements à l'occasion de la fermeture des DAB.
Ce mécanisme de financement est critiquable pour plusieurs raisons.
S'agissant de la taxation des bénéfices des établissements bancaires, aucun taux n'est prévu. J'ai bien noté que cette disposition avait été pensée dans un esprit de dialogue, visant à aboutir à un taux de « compromis ». Mais l'adoption d'une nouvelle taxe est contestable, car elle ne concernerait pas les néobanques et risquerait de conduire à un renchérissement des services bancaires.
C'est toutefois le principe d'une contribution des banques à l'occasion de la fermeture d'un DAB qui paraît le plus problématique : elle frapperait les banques de façon indifférenciée selon l'endroit de fermeture. Or, si l'on peut estimer que la fermeture des DAB « solitaires » doit être découragée, il n'en va pas de même dans les territoires denses où cette fermeture n'aurait aucun impact sur l'accès aux espèces et où le versement d'une contribution serait donc injustifié. De même, faire contribuer aujourd'hui les banques ayant maintenu une présence, sans impliquer celles qui ont quitté les territoires depuis longtemps, paraît injuste. L'anticipation de cette contribution renforcerait ainsi le désengagement territorial des banques, ce qui alourdirait la charge de La Poste.
Au total, le financement de ce nouveau fonds paraît inéquitable, mal réparti et trop insuffisamment défini pour soutenir de façon pérenne un élargissement des missions de La Poste - déjà sous-compensées -, élargissement visant, au demeurant, à remplir un objectif aujourd'hui largement satisfait.
Ce sont là autant de raisons pour lesquelles je demanderai la suppression de ces articles en séance.
Dans la lignée du rapport d'information sénatorial de mars 2021 de MM. Chaize, Louault et Cardon sur l'avenir des missions de service public de La Poste, qui avait exclu toute nouvelle obligation légale de service public visant à garantir l'accès de la population aux DAB sur l'ensemble du territoire, il importe plutôt de privilégier d'autres solutions, comme le cashback, permettant de retirer des espèces chez un commerçant lors d'un achat, et surtout - toujours en bon français - le cash-in-shop, permettant à un établissement de crédit de mandater des commerçants partenaires pour délivrer de l'argent liquide à ses clients. Seuls quatre groupes bancaires proposent actuellement ce service, mais des travaux de Place sont menés pour permettre aux clients d'autres banques d'y accéder. Il est par ailleurs dans l'intention du Gouvernement d'orienter la révision de la deuxième directive européenne sur les services de paiement, dite « DSP2 », de façon à pouvoir inscrire l'universalisation de l'accès au cash-in-shop dans le droit français, ce qui est actuellement impossible.
Notre dernier point de désaccord est l'article 7, dont je demanderai également la suppression en séance. Celui-ci vise à imposer à la commission des sanctions de l'ACPR l'adoption d'une sanction pécuniaire à l'encontre des établissements de crédit qui ne respecteraient pas leurs obligations en matière de droit au compte ou n'appliqueraient pas la charte d'inclusion bancaire et de prévention du surendettement, laquelle définit notamment les modalités d'information des clientèles concernées par l'offre spécifique.
Cet article paraît excessif. Conformément au principe de proportionnalité, la commission des sanctions de l'ACPR doit rester souveraine dans le choix de la sanction la plus adaptée, dans un cadre contradictoire bien établi. Une autorité indépendante ne saurait d'ailleurs renoncer à son libre pouvoir de décision. Notons ici que la publication des décisions sous forme nominative, déjà pratiquée par l'ACPR, paraît avoir davantage d'impact qu'une sanction pécuniaire sur les établissements de crédit.
Au demeurant, la commission des sanctions dispose déjà, en matière de droit au compte et d'offre spécifique, d'un pouvoir de sanction - y compris pécuniaire - dont elle a fait usage à trois reprises, contre le Crédit lyonnais en 2013, la Société générale en 2016 et BNP Paribas Réunion à la fin de 2021. Concernant le respect de la charte de l'inclusion bancaire et de prévention du surendettement, l'ACPR dispose d'un pouvoir de mise en demeure, dont le non-respect peut donner lieu à une saisine de la commission des sanctions.
L'ensemble de ces points de désaccord justifie ma proposition de rejet du texte au stade de la commission. Toutefois, j'estime que la proposition de loi peut, sur les articles 3 à 6, être améliorée. Je vais donc vous présenter des observations qui devraient guider la rédaction d'un certain nombre d'amendements que je pourrais déposer en vue de l'examen de la proposition de loi en séance publique.
En vertu de l'article 3, la charte d'inclusion bancaire et de prévention du surendettement définirait les conditions d'affichage au sein des agences bancaires de l'information relative au droit au compte et à l'existence de l'offre spécifique.
Outre le caractère réglementaire d'une telle mesure, la pertinence de nouveaux affichages, dont rien ne garantit qu'ils soient ostensibles, peut être mise en doute. Surtout, s'agissant de l'offre spécifique créée en 2013 pour permettre aux personnes en situation de fragilité financière de bénéficier de plafonds spécifiques pour certains frais, aucun problème d'information n'est détectable. Selon les observations de la Banque de France, cette offre est systématiquement proposée aux clients fragiles. Elle connaît d'ailleurs un succès grandissant : avec 230 000 nouvelles offres souscrites en 2021, le nombre de bénéficiaires a augmenté de 15 % entre 2020 et 2021, pour atteindre 688 000.
En revanche, des carences peuvent être observées dans l'information relative au droit au compte. Introduit en 1984, ce droit permet à toute personne qui se voit refuser l'ouverture d'un compte auprès d'un établissement bancaire de saisir la Banque de France pour que celle-ci désigne un autre établissement tenu de lui donner accès à des services bancaires de base. Mauvaise volonté des banques ou méconnaissance des procédures, 25 % à 30 % des bénéficiaires du droit au compte indiquent avoir rencontré des difficultés à obtenir une lettre de refus d'ouverture de compte, alors qu'il s'agit d'une obligation pour l'établissement de crédit et d'un préalable obligatoire à la saisine de la Banque de France. De même, alors que l'établissement de crédit doit proposer à la personne à qui elle a refusé l'ouverture d'un compte d'agir pour son compte auprès de la Banque de France, cette procédure « simplifiée » ne concernait en 2021 que 5 % des demandes - signe probable d'un manque d'information des personnes concernées.
Si des progrès restent à accomplir, il y a peu à parier qu'ils passeraient, comme le prévoit l'article 3, par une définition des modalités d'affichage des informations relatives au droit au compte et à l'offre spécifique.
Au contraire, sous réserve de nouveaux éléments que je pourrais obtenir d'ici à l'examen en séance, je proposerai de renforcer le contenu de cette charte, afin qu'elle définisse les informations à fournir par les banques à leur clientèle sur les services rendus en matière d'inclusion bancaire par la Banque de France, mais aussi les informations relatives à la procédure de surendettement, au micro-crédit, à l'existence de l'offre spécifique. Cette charte pourrait aussi définir les conditions dans lesquelles certains professionnels sociaux, les « publics relais », pourraient bénéficier d'une formation afin d'être en mesure d'informer les potentiels bénéficiaires du droit au compte et de l'offre spécifique.
Je proposerai également des évolutions sur les articles 4 à 6.
L'article 4 prévoit que les plafonds spécifiques sur les frais d'incident réservés aux bénéficiaires de l'offre spécifique et du droit au compte soient proportionnels aux revenus. Ces plafonds sont actuellement de 4 euros par opération et 20 euros par mois. L'établissement d'une proportionnalité par rapport aux revenus paraît trop complexe à mettre en oeuvre et supposerait, par ailleurs, la connaissance par la banque de l'ensemble des revenus de la personne, ce qui porterait atteinte à la confidentialité des données fiscales.
Toutefois, la mise en place de « sous-plafonds » pour les bénéficiaires de l'offre spécifique et du droit au compte dont la situation financière est la plus délicate semble envisageable par amendement, en se référant, non pas aux revenus, mais au flux créditeur mensuel, bien connu des banques. D'ailleurs, la Banque Postale propose systématiquement l'offre spécifique aux clients dont le flux créditeur mensuel est inférieur au seuil de pauvreté.
L'article 5 vise à introduire dans l'offre spécifique une autorisation de découvert sans frais, là encore proportionnelle aux revenus. J'exclus, ici aussi, l'introduction d'un tel dispositif de proportionnalité. Par ailleurs, cette disposition est contestable, non seulement parce qu'elle pourrait faire courir le risque d'une spirale d'endettement, mais aussi parce qu'elle introduirait un « droit au crédit » encore inexistant dans le droit français. L'établissement de crédit est en effet libre d'accorder, ou non, un crédit ou une autorisation de découvert.
En revanche, nombre de clients craignent de perdre leur autorisation de découvert au moment de souscrire l'offre spécifique : il pourrait à cet égard s'avérer utile de préciser dans la loi que ces deux phénomènes sont indépendants.
Enfin, afin d'éviter un report vers d'autres frais entraîné par les articles 4 et 5, l'article 6 prévoit que les frais bancaires soumis à la dénomination réglementaire existante sont limités, pour les bénéficiaires du droit au compte et de l'offre spécifique, au tiers des facturations appliquées par l'établissement de crédit, et plafonnés par mois et par opération en fonction du revenu des personnes.
La limitation des frais à un tiers des facturations paraît porter une atteinte disproportionnée à la liberté contractuelle des établissements de crédit et semble redondante avec les plafonds par mois et par opération proposés par ailleurs. Le plafonnement par mois semble lui aussi excessif, dans la mesure où les frais bancaires mentionnés ici incluraient les frais de gestion, dépendant de la fréquence d'utilisation du compte.
Néanmoins, l'introduction d'un simple plafonnement des frais par opération, dont le niveau serait fixé par le pouvoir réglementaire et qui serait réservé aux bénéficiaires de l'offre spécifique ou du droit au compte, ne me paraît pas excessive. L'article 6 pourrait être utilement modifié en ce sens.
En conclusion, dans la mesure où nous ne sommes pas parvenus à un accord avec le groupe Socialiste, Écologiste et Républicain sur les articles qui me paraissent devoir être supprimés, je demande le rejet du texte. Celui-ci contient toutefois des dispositions qui me paraissent pouvoir être amendées en séance. Si mes propositions étaient retenues, j'appellerais alors à son adoption.
M. Rémi Féraud, auteur de la proposition de loi. - Je tiens à remercier le rapporteur, non pour sa proposition de rejet de notre texte en commission, mais pour son travail et les échanges très constructifs que nous avons eus dans un temps nettement contraint, pour la mise en oeuvre du gentlemen's agreement, qui permettra l'examen du texte en séance, et pour les propositions et points d'accord trouvés sur des articles essentiels pour nous.
Comme indiqué, cette proposition de loi s'inscrit dans la lignée d'autres travaux menés au sein du Sénat sur l'accessibilité bancaire, notamment sur proposition du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain. Le travail parlementaire a participé à l'obtention de réels progrès, par exemple en matière d'accession à l'assurance emprunteur.
Notre texte comprend deux volets.
S'agissant de l'accessibilité territoriale, nous ne partageons pas l'approche du rapporteur. Notre proposition peut paraître inutile, dès lors que 99 % des Français se trouvent à moins de quinze minutes en voiture d'un DAB - cela étant, tout le monde n'a pas de voiture, et c'est sans compter le coût de l'essence... - et le fait qu'il existe en outre des succédanés. Néanmoins, avec la très forte diminution de la circulation d'espèces, il me semble que nous sommes proches d'un point de bascule. Nous cherchons donc à maintenir un accès aisé aux espèces sur tout le territoire, avec une nouvelle mission de service public confié à La Poste et un financement - il n'est certes pas parfait, mais a la vertu de ne pas reposer sur l'État.
Je vois bien les imperfections de notre proposition, mais cette logique de prévention, face à la fermeture d'un trop grand nombre de DAB et la mauvaise répartition sur le territoire, présente un véritable intérêt, tout comme, d'ailleurs, l'article 7 et les sanctions pécuniaires. Le monde bancaire se dit toujours prêt à faire des efforts, mais il n'accepte jamais aucune sanction pécuniaire !
S'agissant de l'accessibilité sociale, nous sommes ouverts aux propositions du rapporteur sur les articles 3 et 4 : l'objectif visé serait le même, seules les modalités varieraient légèrement. En revanche, concernant l'article 5, je ne partage pas son analyse sur l'autorisation de découvert. Ce serait une autre façon de limiter les frais bancaires et cela porterait sur des montants de découvert réduits. Sur l'article 6, le rapporteur emploie le terme « disproportionné » ; ce qui est disproportionné, pour nous, c'est le niveau à hauteur duquel les Français les plus pauvres participent aux frais bancaires perçus. Nos propositions nous semblent de nature à remettre les choses dans l'ordre. Enfin toujours à l'article 6, le rapporteur estime qu'il faudrait mieux plafonner les frais bancaires - il propose d'ailleurs à l'article 4 de créer une catégorie de personnes particulièrement fragiles. Nous sommes ouverts à ces changements de modalités opérés à l'article 6, dès lors que l'objectif visé est similaire.
Je salue l'esprit constructif du rapporteur. Nous souhaitons travailler dans le même état d'esprit : tout ce qui permettra d'améliorer l'accessibilité bancaire territoriale ou sociale est utile.
M. Jean-François Husson, rapporteur général. - Je remercie le rapporteur Stéphane Sautarel pour son travail. Je partage ses analyses et, donc, ses conclusions. Comme vient de le souligner Rémi Féraud, je pense que nous sommes en capacité de trouver, sur ces sujets, des ajustements avec un rejet du texte aujourd'hui en commission et des améliorations proposées en séance.
Le sujet de l'accessibilité aux espèces est important, d'ailleurs j'ai encore en tête l'exemple de la Suède, où une délégation de la commission s'était rendue il y a quelques années et où, malgré l'importante digitalisation des échanges financiers, il était question de rétablir 2 000 distributeurs sur le territoire. Mais peut-être aussi que le sujet n'est pas aussi grave qu'on veut bien le dire, dès lors que des services nouveaux remplissent des fonctions quasiment identiques et comblent certaines carences. Cela étant, les quinze minutes de trajet en voiture me paraissent inférieures à la réalité, notamment au vu des conditions de circulation dans des départements comme le mien. Ne soyons pas trop naïfs !
M. Emmanuel Capus. - Je salue l'intention des auteurs de la proposition de loi en matière de renforcement de l'accessibilité et de l'inclusion bancaires. En revanche, je ne partage pas la méthode et je suis d'avis de rejeter le texte à ce stade, comme le suggère le rapporteur. Dans un secteur où on ne manque pas de taxes, je ne suis pas convaincu de l'urgence d'en créer une nouvelle, d'autant que d'autres solutions existent pour maintenir un accès aux espèces. Mais, puisqu'il est question d'attribuer à La Poste une nouvelle obligation de service public, avec, sans doute à la clé, une distorsion de concurrence, je serais désireux de connaître son avis sur cette proposition.
Mme Sylvie Vermeillet, présidente. - À l'occasion du rapport que j'ai rendu sur une précédente proposition de loi de notre collègue Éric Gold, une attente avait été formulée, celle de disposer d'une cartographie des DAB par la Banque de France. À ma connaissance, nous n'avons jamais été destinataires d'un tel document. Pouvez-vous le confirmer ?
M. Hervé Maurey. - Je tiens à mon tour à féliciter les auteurs de la proposition de loi et le rapporteur pour la qualité de son travail. L'argument que l'on oppose aux élus des territoires ruraux lorsqu'ils réclament un DAB est celui d'une exploitation déficitaire de ces équipements. Mais on pourrait très bien imaginer qu'une partie de ces déficits soit prise en charge par les collectivités locales - c'est une proposition que j'ai formulée à plusieurs reprises. Plusieurs fois, j'ai obtenu des accords de principe de La Poste, mais on n'a jamais réussi, à ce jour, à l'expérimenter.
M. Albéric de Montgolfier. - Je remercie également les auteurs de cette proposition de loi et le rapporteur, qui cerne bien le sujet. S'agissant de la baisse ou relative stabilité du nombre de DAB, il faut aussi observer que le coût des retraits a subi une augmentation de 38 % en deux ans. Cette très forte hausse renforce le phénomène d'isolement.
Cela étant, la question n'est pas nouvelle. En 2018, alors que j'étais rapporteur sur le projet de loi de transposition de la DSP2, nous avions évoqué la possibilité d'un cashback. Cette idée n'a pas vraiment prospéré, mais la question mérite d'être posée, tout comme celle d'une possible mutualisation des coûts entre distributeurs rentables et distributeurs non rentables.
Je voterai des deux mains l'article 7 sur les sanctions pécuniaires en cas de non-respect de la législation sur le droit au compte, ayant été confronté à des refus successifs pour des membres de ma famille, au motif que j'étais une personne politiquement exposée. Cela devient insupportable ! Certaines banques ne jouent réellement pas le jeu ! Je cite mon cas, mais la question du droit au compte se pose pour l'ensemble de la population.
M. Philippe Dominati. - Je m'associe aux félicitations formulées. La relation entre l'État et La Poste fait l'objet de certaines conventions, qui ne sont pas toujours justifiées ou respectées. Je citerai à cet égard une expérience personnelle. Le législateur rend obligatoire l'ouverture d'un compte à chaque élection à laquelle on se présente. Pour ma troisième candidature, ayant essuyé un refus de La Poste, j'ai dû solliciter la Banque de France. Celle-ci a obligé La Poste à ouvrir un compte pour mon association de soutien, mais il n'était pas possible, dans ce cadre, d'avoir une carte de crédit. Je n'étais que parlementaire sortant... Imaginez ce que j'aurais pu vivre si j'avais voulu représenter une position un peu marginale dans la société !
En tout cas, si la « banque citoyenne » entend véritablement participer à la vie de la Nation, les conventions doivent être mieux respectées.
M. Vincent Segouin. - Bien que, selon le rapporteur, le territoire soit correctement desservi en DAB, nous recueillons sur le terrain un nombre croissant d'alertes. Ne se dirige-t-on pas tout de même vers un système reposant uniquement sur les cartes bancaires, évolution souhaitée par les banques, mais peut-être, aussi, par l'exécutif actuel, qui n'est pas très clair sur le sujet ?
Les banques ont développé à outrance leurs outils reposant sur l'intelligence artificielle qui, par le biais d'un scoring, laissent de côté 10 % à 15 % de nos concitoyens. Nous, personnes politiquement exposées, en payons les conséquences, le contrôle sur nos propres comptes, mais aussi sur celui de nos ascendants et descendants, étant renforcé au point de décourager les directeurs de banque. C'est scandaleux ! Pour être confronté à ce problème, je comprends un peu mieux ce que peuvent ressentir les personnes qui rencontrent des problèmes de solde bancaire. Il faut être vigilant sur ce sujet.
M. Michel Canévet. - Je partage complètement les conclusions du rapporteur et souhaite, pour ma part, évoquer le taux d'intérêt des découverts autorisés. Le mien est de 16,55 % ! Compte tenu des contraintes en termes d'endettement, un tel taux, extrêmement élevé, peut vite mettre en grande difficulté des personnes aux revenus modestes faisant face à un accident de la vie. Certes, les banques doivent facturer les découverts, mais peut-être faut-il envisager de limiter cette facturation, voire l'indexer pour ces personnes aux revenus modestes.
M. Claude Nougein. - L'article 5 évoque des autorisations de découvert sans frais et proportionnelles aux revenus. D'une part, il faut arrêter de tout fixer en fonction des revenus - bientôt, on le fera pour acheter une baguette ! D'autre part, est-il question d'autorisation de découvert sans frais administratifs ou sans intérêts ?
Je partage par ailleurs la position de Michel Canévet quant aux taux d'intérêt délirants des découverts, même autorisés. Pourquoi ne pas les rapprocher du taux de l'usure ? Toujours sur ce thème, de nombreux particuliers ou petites entreprises se voient retirer du jour au lendemain leur autorisation de découvert, ce qui est catastrophique. Peut-être pourrait-on prévoir, par amendement, que cette suppression soit accompagnée d'un préavis pour permettre aux intéressés de trouver des solutions alternatives.
Je voudrais livre une anecdote concernant les ruptures de relation entre des banques et certains de leurs clients, comme les parlementaires, soumis à des obligations très strictes. Le maire de la principale ville de mon département, anciennement député, s'est fait bloquer sa carte bancaire une veille de long week-end pour ne pas avoir répondu à plusieurs mails lui demandant une copie de sa carte d'identité - toute la ville le connaissait, sauf le conseiller bancaire ! Il faudrait peut-être contraindre les banques à envoyer un avis par lettre recommandée avant de procéder à de tels blocages. Cerise sur le gâteau, cette banque est mise en cause dans une affaire d'évasion fiscale impliquant des résidents étrangers.
M. Stéphane Sautarel, rapporteur. - Merci de l'intérêt porté à cette proposition de loi, qui suscite de nombreuses questions - certaines sont périphériques au sujet.
Je remercie Rémi Féraud de son intervention et des échanges constructifs que nous avons pour essayer d'atteindre au mieux les objectifs visés par la proposition de loi.
L'accessibilité territoriale a été évoquée à plusieurs reprises. C'est presque un paradoxe pour un élu rural comme moi de déclarer suffisante la couverture du territoire en DAB. Mais des éléments montrent que les fermetures se font plutôt dans les zones urbaines, connaissant une bonne densité de DAB. Par ailleurs, si le cashback reste faible, le cash-in-shop s'est beaucoup développé. Aux 26 000 commerces déjà équipés, s'ajoutent 17 000 points de contact du groupe La Poste, permettant le retrait d'espèces pour les clients de La Banque Postale. La Poste propose également à ses clients un service « Allô facteur », dont il est fait peu de publicité pour des raisons de sécurité, permettant de se voir apporter jusqu'à 150 euros en espèces à son domicile par le facteur.
D'après son président, La Poste n'est pas fermée à l'ouverture de nouveaux services, sous réserve de compensation. Or, à ce jour, le déficit de compensation des services d'intérêt général s'élèverait déjà à 400 millions d'euros.
Le financement par les collectivités locales de l'installation d'un DAB est déjà possible, mais il faut rappeler les chiffres qui nous ont été donnés par plusieurs acteurs : le coût moyen d'investissement pour un tel équipement avoisine 90 000 à 100 000 euros, pour un coût moyen de fonctionnement annuel de l'ordre de 30 000 à 35 000 euros.
S'agissant de l'article 7, il est proposé, non pas d'établir des sanctions financières - elles existent déjà -, mais d'imposer l'application de ces sanctions à l'autorité indépendante. Ce point nous semble excessif.
Par ailleurs, concernant les DAB, j'ai bien pris connaissance d'une cartographie, mais son échelle est tellement large qu'elle ne renseigne que très faiblement. Aucune cartographie précise ne nous a été communiquée.
Je signale à cet égard l'installation de DAB par de nouveaux entrants - ce ne sont pas forcément des acteurs bancaires classiques -, en particulier dans des lieux où s'opèrent des activités logistiques. On dénombrerait environ 600 nouveaux dispositifs de ce type dans le pays.
Nous aurions pu déposer un amendement visant à renforcer le dispositif du cash-in-shop, mais ce sujet relève d'une directive européenne, dont la transposition est à l'étude. Cela ne nous semble donc pas opportun.
S'agissant des refus de compte, nous proposons des mesures pour le public le plus fragile, mais nous pourrions envisager de renforcer le dispositif d'alerte de la Banque de France pour toutes les personnes concernées. Je ne m'appesantirai pas sur la question précise des personnes politiquement exposées ; si elle mérite sans doute d'être examinée, il me semble qu'elle ne peut pas l'être dans le cadre de cette proposition de loi.
Je termine par les découverts. Nous pourrions faire évoluer l'article 5 afin, d'une part, de pouvoir rassurer les personnes souscrivant à l'offre spécifique quant au maintien de l'accès au découvert et, d'autre part, de voir comment il serait possible de travailler sur une tarification plus favorable. Aujourd'hui, le coût du découvert est déjà fixé selon le taux de l'usure. Enfin, nous allons regarder s'il reste des « trous dans la raquette » en matière d'information sur les fins d'autorisation de découvert ou, plus généralement, les incidents.
Mme Sylvie Vermeillet, présidente. - En application du vade-mecum sur l'application des irrecevabilités au titre de l'article 45 de la Constitution, adopté par la Conférence des présidents, le rapporteur propose un périmètre indicatif de la proposition de loi visant à renforcer l'accessibilité et l'inclusion bancaires.
Ce périmètre comprend les conditions d'accès du public aux espèces, et notamment les missions du groupe La Poste en la matière ainsi que les modalités de financement de ces missions ; l'information du public sur le droit au compte et les offres et services destinés aux personnes financièrement fragiles ; les mesures visant à limiter les frais facturés par les établissements de crédit aux personnes bénéficiant du droit au compte ou de l'offre spécifique ; le contenu de l'offre spécifique proposée aux personnes en situation de fragilité financière ; les sanctions prises contre les établissements de crédit en cas de non-respect de leurs obligations en matière de droit au compte, d'inclusion bancaire et de prévention du surendettement, ainsi que les mesures prises pour s'assurer de l'effectivité des dispositions liées à ces matières.
Il en est ainsi décidé.
EXAMEN DES ARTICLES
Article 1er
L'article 1er n'est pas adopté.
Article 2
L'article 2 n'est pas adopté.
Article 3
L'article 3 n'est pas adopté.
Article 4
L'article 4 n'est pas adopté.
Article 5
L'article 5 n'est pas adopté.
Article 6
L'article 6 n'est pas adopté.
Article 7
L'article 7 n'est pas adopté.
La proposition de loi n'est pas adoptée.
Conformément au premier alinéa de l'article 42 de la Constitution, la discussion en séance portera en conséquence sur le texte initial de la proposition de loi.