III. LA POSITION DE LA COMMISSION DES LOIS : LA RECEVABILITÉ DE LA PROPOSITION DE RÉSOLUTION
Dans le cadre d'un « droit de tirage », la compétence de la commission des lois se limite strictement à l' examen de la recevabilité de la proposition de résolution .
L'article unique de la proposition de résolution présentée par Claude Malhuret et les membres du groupe Les Indépendants - République et Territoires, tend à créer une commission d'enquête de dix-neuf membres sur l'utilisation du réseau social TikTok, son exploitation des données, sa stratégie d'influence .
L'effectif de la commission d'enquête n'excéderait pas vingt-trois membres , respectant ainsi le Règlement du Sénat.
La proposition de résolution n'a pas non plus pour effet de reconstituer avec le même objet une commission d'enquête ayant achevé ses travaux depuis moins de douze mois .
Les auteurs de la proposition de résolution exposent 14 ( * ) que la plateforme Tiktok est accusée :
- d'avoir un mode de fonctionnement différencié selon les zones géographiques et ce, afin d'accroître le caractère addictif de son application par la propagation de contenus tapageurs à l'étranger : « la nature des contenus mis en avant mais aussi les durées maximales d'utilisation pour les jeunes utilisateurs ne seraient pas les mêmes selon que l'utilisateur se trouve en Chine ou dans le reste du monde » ;
- de méconnaître la législation européenne issue notamment du règlement général sur la protection des données à caractère personnel (RGPD) : « la plateforme TikTok est ainsi soupçonnée de ne pas observer la nécessaire confidentialité quant aux données à caractère personnel de ses utilisateurs étrangers, voire de les communiquer à des organismes tiers, en méconnaissant les obligations légales européennes qui lui incombent ». Est cité un exemple d'utilisation de données collectées pour identifier les sources de plusieurs journalistes.
Dans ce contexte, selon l'exposé des motifs de la proposition de résolution, les investigations de la commission d'enquête devraient lui permettre de déterminer :
- si les contenus mis en avant par TikTok et les durées maximales d'utilisation de TikTok varient d'un territoire à l'autre ;
- si ces différences de fonctionnement ont pour objet ou pour effet de servir une stratégie tendant à porter atteinte aux utilisateurs étrangers de TikTok, à la cohésion ou à la sécurité des États étrangers ;
- si TikTok a manqué à ses obligations en matière de protection des données à caractère personnel.
En conséquence, le champ d'investigation retenu par la proposition de résolution porte sur des faits déterminés , et non la gestion d'un service public ou d'une entreprise nationale, et la proposition de résolution entre, à ce titre, dans le champ défini par l'article 6 de l'ordonnance du 17 novembre 1958 précitée.
Il convient toutefois de vérifier que les faits en cause ne font pas l'objet de poursuites judiciaires les concernant . En sa qualité de président de la commission des lois, le rapporteur a sollicité le Président du Sénat, afin qu'il interroge le garde des sceaux sur l'existence éventuelle de poursuites judiciaires concernant les faits en cause.
En réponse, le garde des sceaux a indiqué que le périmètre de la commission d'enquête envisagée était susceptible de recouvrir des procédures qui pourraient être diligentées des chefs de diverses infractions relatives aux traitements de données à caractère personnel 15 ( * ) .
Toutefois, il a précisé que les faits sur lesquels il est proposé d'enquêter ne faisaient pas à ce jour l'objet de poursuites judiciaires .
Dès lors, la commission des lois a constaté que la proposition de résolution n° 303 (2022-2023) était recevable.
Il n'existe donc aucun obstacle à la création de cette commission d'enquête par la procédure du « droit de tirage » .
* 14 Exposé des motifs de la présente proposition de résolution :
https://www.senat.fr/leg/exposes-des-motifs/ppr22-303-expose.html
* 15 En application des articles 226-16 à 226-22 du code pénal.