N° 283
SÉNAT
SESSION ORDINAIRE DE 2022-2023
Enregistré à la Présidence du Sénat le 25 janvier 2023
RAPPORT
FAIT
au nom de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du Règlement et d'administration générale (1) sur la proposition de loi constitutionnelle, adoptée par l'Assemblée nationale, visant à protéger et à garantir le droit fondamental à l' interruption volontaire de grossesse ,
Par Mme Agnès CANAYER,
Sénateur
(1) Cette commission est composée de : M. François-Noël Buffet , président ; Mmes Catherine Di Folco, Marie-Pierre de La Gontrie, MM. Christophe-André Frassa, Jérôme Durain, Marc-Philippe Daubresse, Philippe Bonnecarrère, Mme Nathalie Goulet, M. Thani Mohamed Soilihi, Mmes Cécile Cukierman, Maryse Carrère, MM. Alain Marc, Guy Benarroche , vice-présidents ; M. André Reichardt, Mmes Laurence Harribey, Muriel Jourda, Agnès Canayer , secrétaires ; Mme Éliane Assassi, MM. Philippe Bas, Arnaud de Belenet, Mmes Nadine Bellurot, Catherine Belrhiti, Esther Benbassa, MM. François Bonhomme, Hussein Bourgi, Mme Valérie Boyer, M. Mathieu Darnaud, Mmes Françoise Dumont, Jacqueline Eustache-Brinio, M. Pierre Frogier, Mme Françoise Gatel, MM. Loïc Hervé, Patrick Kanner, Éric Kerrouche, Jean-Yves Leconte, Henri Leroy, Stéphane Le Rudulier, Mme Brigitte Lherbier, MM. Didier Marie, Hervé Marseille, Mme Marie Mercier, MM. Alain Richard, Jean-Yves Roux, Jean-Pierre Sueur, Mme Lana Tetuanui, M. Dominique Théophile, Mmes Claudine Thomas, Dominique Vérien, M. Dany Wattebled .
Voir les numéros :
Assemblée nationale ( 16 ème législ.) : |
293 , 488 et T.A. 34 |
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Sénat : |
143 et 284 (2022-2023) |
L'ESSENTIEL
Réunie le 25 janvier 2023 sous la présidence de François-Noël Buffet la commission des lois n'a pas adopté , sur le rapport d'Agnès Canayer, la proposition de loi constitutionnelle n° 143 (2022-2023) transmise par l'Assemblée nationale visant à protéger et à garantir le droit fondamental à l'interruption volontaire de grossesse .
Le texte adopté en première lecture le 24 novembre 2022 par l'Assemblée nationale, inscrit à l'ordre du jour du Sénat à l'initiative du groupe Socialiste Écologiste et Républicain, vise à nouveau à inscrire dans la Constitution le droit à l'interruption volontaire de grossesse (IVG) .
La loi « Veil », qui a ouvert ce droit aux femmes, fait aujourd'hui partie de notre patrimoine juridique fondamental . Le Sénat y est particulièrement attaché .
À partir de cette loi, le Conseil constitutionnel a développé une jurisprudence protectrice , qu'il fait découler de la liberté de la femme tirée de l' article 2 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 et qu'il concilie avec le principe de sauvegarde de la dignité de la personne humaine contre toute forme de dégradation. La France offre donc déjà tous les outils juridiques pour garantir l'IVG .
La possibilité du recours à l'IVG ne fait, contrairement à d'autres États, l'objet d' aucune remise en cause en France .
La commission a estimé que la constitutionnalisation ne proposait qu'une solution illusoire aux difficultés concrètes d'accès à l'IVG et modifierait la nature de la Constitution , qui n'a pas vocation à devenir une « pétition » de droits.
Le Sénat a déjà rejeté le 19 octobre 2022 une précédente proposition de loi constitutionnalisant l'IVG et la contraception, présentée par Mélanie Vogel.
Il convient d'avoir un débat serein sur les « mérites » d'une constitutionnalisation de l'IVG. Si ceux-ci étaient réellement démontrés , c'est en tout état de cause la voie d'un projet de loi constitutionnelle qui devrait être recherchée, pour éviter de mettre au coeur de l'actualité, par référendum, un sujet sur lequel il n'y a pas aujourd'hui de débat public.
En conséquence, à l'initiative de sa rapporteure, Agnès Canayer, la commission des lois a rejeté la proposition de loi constitutionnelle .
I. FORTEMENT ATTACHÉE À LA LOI VEIL, LA COMMISSION ESTIME QUE LA CONSTITUTIONNALISATION DE L'IVG NE S'IMPOSE PAS
A. UN TEXTE ADOPTÉ PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE RECENTRÉ SUR LA CONSTITUTIONNALISATION DE L'IVG
Adopté en séance publique par l'Assemblée nationale le 24 novembre 2022 , le texte proposé tend à introduire un nouvel article 66-2 au sein du titre VIII sur l'Autorité judiciaire selon lequel : « La loi garantit l'effectivité et l'égal accès au droit à l'interruption volontaire de grossesse ».
Si les députés ont restreint le champ du texte en supprimant la contraception, cette évolution n'est pas de nature à lever les doutes déjà émis par le Sénat sur la pertinence de la constitutionnalisation du droit à l'IVG .