II. UNE DISPOSITION DÉROGATOIRE, QUI SE JUSTIFIE TOUTEFOIS PAR SES OBJECTIFS D'INTÉRÊT GÉNÉRAL, PAR L'ABSENCE D'ALTERNATIVE VIABLE, ET PAR SON CHAMP LIMITÉ
La rapporteure estime que les cas dans lesquels il est recouru à la loi pour régir des situations individuelles, a fortiori rétroactivement, doivent rester rares , en vertu du principe constitutionnel d'égalité devant la loi. Les démarches telles que celles qui président à la proposition de loi, bien que tout à fait compréhensibles, ne peuvent se multiplier.
Toutefois, la rapporteure estime que l'intervention de la loi en faveur de situations particulières peut se justifier lorsque trois conditions cumulatives sont remplies .
A. LA MESURE PROPOSÉE NE CONTOURNE PAS DES DÉCISIONS DÉJÀ PRISES OU DES COMPÉTENCES LÉGITIMES, MAIS APPORTE UNE SOLUTION
La rapporteure a constaté que l'incompatibilité entre le PLUi du Bas Chablais et le projet autoroutier ne résulte pas d'une décision délibérée des collectivités, mais plutôt d'une erreur de traduction au sein du document d'un projet anticipé et soutenu de longue date par le territoire, dans un contexte compliqué par l'existence de plusieurs procédures urbanistiques complexes menées en parallèle. D'ailleurs, l'ensemble des documents d'urbanisme et de planification existants (le SRADDET, le SCoT, les PLU) prennent déjà en compte ce projet d'infrastructure, qualifié de « structurant » .
Les personnes auditionnées ont rappelé les modalités approfondies de concertation et de participation du public ayant présidé à l'élaboration du projet autoroutier à toutes ses étapes (enquêtes publiques des SRADDET et SCoT ; débat public sous l'égide de la CNDP, enquête publique dans le cadre de la DUP notamment).
Enfin, la DUP prise en 2019 est aujourd'hui purgée de tout recours : la mesure proposée ne vise donc pas à faire obstacle à l'exercice du droit de recours à l'encontre le projet.
B. IL N'EXISTE PAS D'ALTERNATIVE SATISFAISANTE POUR RÉSOUDRE EN TEMPS UTILE L'INCOMPATIBILITÉ ENTRE LE DOCUMENT D'URBANISME ET LE PROJET D'INFRASTRUCTURE
La rapporteure a vérifié que l'objectif porté par la proposition de loi ne pouvait pas être atteint de manière satisfaisante par des solutions alternatives. Trois ont été explorées :
- prendre un nouveau décret portant DUP et mise en compatibilité, visant cette fois-ci le PLUi en vigueur, solution impossible au vu de la jurisprudence du Conseil d'État, qui le regarderait comme un détournement de procédure ;
- faire évoluer le PLUi du Bas Chablais par les procédures ordinaires , dont la durée est estimée à trois ans au mieux et qui impliquerait de reprendre l'ensemble de la procédure (étude d'impact, consultations, évaluation environnementale, déjà réalisées) ;
- attendre l'adoption du nouveau PLUi de la communauté d'agglomération, qui n'interviendra pas, là aussi, avant le début de l'année 2026 au mieux.
Ces trois options impliquent des délais disproportionnés , or, ces délais sont un élément central du projet de liaison d'infrastructure. D'une part, la situation actuelle d'engorgement de la desserte du Bas Chablais est difficilement tenable. D'autre part, la DUP prise en 2019 arrivera à échéance en décembre 2029, ce qui ne permettrait pas de conduire à terme l'appel d'offres de concession et la réalisation du projet .
Ces trois options distinctes présentent enfin un inconvénient majeur : celui d'exposer le projet à de nouveaux recours - sans que celui-ci n'ait connu aucune évolution de fond.