B. DES ÉCONOMIES DE CONSTATION OU DES BUDGÉTISATIONS INITIALES TROP LARGES CONDUISENT À ANNULER PRÈS DE 6 MILLIARDS D'EUROS DE CRÉDITS NON CONSOMMÉS
Hors remboursements et dégrèvements, les annulations de crédit sur le budget général sont de 6,1 milliards d'euros en autorisations d'engagement et de 5,9 milliards d'euros en crédits de paiement .
Les annulations de crédits portent en très grande majorité sur des crédits mis en réserve ou sur des sous-consommations constatées , et n'appellent alors pas d'observation, sauf lorsque l'Assemblée nationale a modifié les crédits concernés.
Certaines de ces sous-consommations sont récurrentes , comme c'est le cas de l'annulation de 196 millions d'euros en autorisations d'engagement et 33 millions d'euros en crédits de paiement sur le programme 349 « Transformation publique » de la mission « Transformation et fonction publiques ».
1. Les appels en garantie de l'État sont moins utilisés que prévu, à hauteur de 2,0 milliards d'euros
Une forte annulation de crédits concerne, à hauteur de 2,0 milliards d'euros, le programme 114 « Appels en garantie de l'État (crédits évaluatifs) » de la mission « Engagements financiers de l'État ».
Le nombre d'appels en garantie au titre des prêts garantis par l'État (PGE), mis en oeuvre pendant la crise sanitaire, est bien moindre qu'anticipé, ce qui justifie cette annulation de crédits.
Ce programme, doté de 3,5 milliards d'euros en loi de finances initiale, n'a consommé, à début novembre, que 861,5 millions d'euros de crédits, de sorte que cette annulation laissera encore plus de 600 millions d'euros de crédits.
2. La mission « Plan d'urgence face à la crise sanitaire » annule des crédits qui avaient été reportés en 2021
Des crédits sont annulés sur les programmes 356 « Prise en charge du chômage partiel » (405,3 millions d'euros en autorisations d'engagement et en crédits de paiement), 356 « Fonds de solidarité pour les entreprises à la suite de la crise sanitaire » (52,3 millions d'euros en autorisations d'engagement » et 77,2 millions d'euros en crédits de paiement), 358 « Renforcement exceptionnel des participations financières de l'État dans le cadre de la crise sanitaire » (297,0 millions d'euros en autorisations d'engagement et en crédits de paiement) et 366 « Matériels sanitaires pour faire face à la crise de la covid-19 » (315,5 millions d'euros en autorisations d'engagement et en crédits de paiement).
Ces crédits correspondent en réalité presque entièrement à des crédits ouverts en 2021, non consommés et reportés à 2022. Seul le programme 366 a en effet fait l'objet d'une ouverture de crédits en loi de finances initiale pour 2022, à hauteur de 200 millions d'euros en autorisations d'engagement et en crédits de paiement, pour une consommation inférieure à 50 millions d'euros à début novembre.
Les annulations correspondent à la majeure partie des crédits restant disponibles sur ces quatre programmes.
3. La dotation pour dépenses accidentelles et imprévisibles, fortement dotée, n'a pas été utilisée et est partiellement annulée
Le programme 552 « Dépenses accidentelles et imprévisibles » de la mission « Crédits non répartis », doté en loi de finances initiale de 424 millions d'euros en autorisations d'engagement et de 124 millions d'euros en crédits de paiement, a été fortement renforcé de 1 milliard d'euros, en autorisations d'engagement et en crédits de paiement, par la loi de finances rectificative du 16 août. Cette dotation est destinée à faire face à des calamités ou à des dépenses imprévisibles.
Cette dotation n'ayant pas été utilisée, elle est partiellement annulée à hauteur de 500 millions d'euros. Cette annulation confirme l'analyse faite par le Sénat lors de l'examen du premier projet de loi de finances rectificative ; alors que le Gouvernement avait alors proposé, dans le texte initial, de faire passer cette dotation de 124 millions d'euros à 2 124 millions d'euros en crédits de paiement, le Sénat n'avait pas jugé cette augmentation justifiée et l'avait ramenée à 624 millions d'euros lors de l'examen en première lecture ; le niveau finalement retenu en commission mixte paritaire avait été de 1 124 millions d'euros, niveau à présent ramené au niveau de 624 millions d'euros voté par le Sénat.
Pour mémoire, le projet de loi de finances pour 2023 prévoit encore une ouverture de crédits d'un montant particulièrement élevé, et insuffisamment justifié pour cette dotation, à hauteur de 2,1 milliards d'euros en autorisations d'engagement et 1,8 milliards d'euros en crédits de paiement. Lors de l'examen des crédits de cette mission le 9 novembre dernier, la commission des finances a adopté un amendement réduisant de 1 milliard d'euros ces ouvertures de crédit.
4. Mission « Travail et emploi » : 524 millions d'euros de moindres besoins sont constatés sur les dispositifs d'accès et de retour à l'emploi
Des annulations de crédits de 273 millions d'euros en autorisations d'engagement et en crédits de paiement sont proposées sur le programme 102 « Accès et retour à l'emploi » de la mission « Travail et emploi » afin tenir compte de moindres dépenses attendues principalement sur l'allocation de solidarité spécifique (ASS), en raison de la diminution du nombre de chômeurs en fin de droits. Il prévoit en outre une annulation de 251 millions d'euros en crédits de paiement liée aux modalités de facturation des missions locales qui conduisent à décaler le dernier versement et à des ajustements sur le calendrier de mise en oeuvre des appels à projets « jeunes en rupture ».
5. Mission « Santé » : une annulation de crédits sur l'aide médicale d'État (AME) faisant suite à une ouverture de crédits par la loi de finances rectificative d'août dernier
Les crédits destinés à financer l'aide médicale d'État (AME) inscrits au programme 183 « Protection maladie » de la mission « Santé » ont fait l'objet d'une annulation de 22,8 millions d'euros correspondant à la réserve de précaution pour gager le décret d'avance du 7 avril 2022. Les crédits annulés ont été rétablis par la loi de finances rectificative du 16 août 2022 , « en vue de reconstituer des marges en gestion afin de faire face à d'éventuels aléas d'ici la fin de l'année ».
Une annulation de 64,5 millions d'euros « résultant du besoin constaté sur les dépenses d'aide médicale d'État de droit commun » est désormais proposée, sur ces mêmes crédits, par le deuxième projet de loi de finances rectificative.
Ces mouvements en sens contraire à quatre mois d'intervalle amènent à s'interroger sur le pilotage et le suivi des dépenses d'AME . La prévision de consommation pour l'AME de droit commun s'établit désormais à 944 millions d'euros pour 2022, sensiblement inférieure au montant prévu en loi de finances initiale (1 008 millions d'euros). Cette situation rend d'autant plus considérable l'augmentation des crédits demandée pour l'AME de droit commun dans le projet de loi de finances pour 2023 , qui s'élèvent à 1 141 millions d'euros, soit près de 200 millions et 21 % de plus que la prévision de consommation pour 2022 .
Une réforme structurelle rapprochant ce dispositif des autres législations européennes paraît nécessaire face à l'augmentation continue et non maîtrisée de la charge budgétaire relative à l'AME.
6. Des annulations de crédits sur la mission « Défense » malgré des ouvertures destinées à soutenir l'Ukraine
Sur le programme 146 « Équipement des forces » , le projet de loi de finances initiale annulait 192,4 millions d'euros en autorisations d'engagement et en crédits de paiement, soit une annulation de 321,4 millions d'euros sur les crédits mis en réserve, partiellement compensée par une ouverture de crédits de 100 millions d'euros pour financer un fonds spécial permettant à l'Ukraine d'acquérir des équipements de défense et de sécurité et une autre ouverture de 29 millions d'euros de crédits pour acquérir des munitions pour les forces françaises.
L'Assemblée nationale a adopté un amendement du Gouvernement tendant à renforcer de 100 millions d'euros le fonds spécial pour l'Ukraine , ce qui réduit d'autant l'annulation de crédits.
7. Sur la mission « Économie », une annulation sur une partie réduite des crédits d'aide aux entreprises
Le projet de loi de finances rectificative propose l'annulation de 242,3 millions d'euros d'autorisations d'engagement et de 244,5 millions d'euros de crédits de paiement sur le programme 134 « Développement des entreprises et régulations » , au titre de sous-exécutions constatées.
Le caractère limité de cette annulation peut surprendre , car près de 4,5 milliards d'euros de crédits demeuraient disponibles sur ce programme à début novembre . En effet, ce programme a bénéficié successivement :
- d'une ouverture de crédits de 1,8 milliard d'euros en loi de finances initiale ;
- du report de crédits non consommés en 2021 à hauteur de 250 millions d'euros ;
- d'une ouverture de crédits supplémentaire de 1,5 milliard d'euros dans le cadre du décret d'avance du 7 avril dernier, afin de financer, à titre principal, une aide en faveur des entreprises fortement consommatrices de gaz et d'électricité ;
- enfin, d'une dernière ouverture de crédits de 2,3 milliards d'euros par la loi de finances rectificative du 16 août, destinée à compléter les crédits en faveur des entreprises énergo-intensives et de sécuriser le paiement de certaines aides aux entreprises.
Le montant total des crédits ouverts a ainsi été de 5,9 milliards d'euros cette année .
Or il n'a consommé que 1,4 milliard d'euros de crédit , c'est-à-dire que les crédits ouverts par les textes postérieurs à la loi de finances initiale n'ont pour l'instant pas été consommés.
Ceci s'explique, selon les éléments apportés par le Gouvernement au rapporteur général, par un faible niveau de consommation à date de l'aide en faveur des entreprises énergo-intensives . À la fin du mois d'octobre 2022, 19 millions d'euros d'aides seulement avaient été versées sur les 3 milliards d'euros de crédits prévus sur ce dispositif. Les crédits ouverts à ce titre et non-consommés seraient reportés afin de faire face aux dépenses prévues en 2023 au titre du présent dispositif pour les périodes de septembre-octobre et novembre-décembre 2022, et de financer la prolongation du dispositif en 2023 avec des critères d'éligibilité élargis.
Le paiement de l'aide au service universel postal, pour laquelle 520 millions d'euros ont été ouverts en loi de finances initiale pour 2022, est suspendu à une autorisation de la Commission européenne ; ces crédits seraient eux aussi reportés à 2023 si l'autorisation de la Commission européenne intervenait trop tard pour exécuter la dépense en 2022.
L'annulation de crédits porte sur des sous-consommations de crédits destinés à l'aide aux entreprises du bâtiment et des travaux publics (15,7 millions d'euros consommés sur 80 millions d'euros ouverts par la loi de finances rectificative du 16 août), ainsi que sur des crédits prévus au titre des mesures exceptionnelles pendant la crise sanitaire (694 millions d'euros consommés sur 794 millions d'euros ouverts en loi de finances rectificative). Une partie des crédits destinés à la compensation carbone 9 ( * ) sont également annulés, car le dispositif avait été calibré en retenant un facteur d'émission de 0,59 tonnes de CO 2 par mégawattheure (tCO2/MWH). Or la Commission européenne a finalement retenu un facteur d'émission de 0,51 tCO2/MWh, ce qui entraîne une sous-exécution d'une partie des crédits.
Pour mémoire, le programme 134 bénéficie déjà de 6,3 milliards d'euros de crédits pour l'exercice 2023, dans le texte du projet de loi de finances considéré comme adopté par l'Assemblée nationale.
* 9 Ce dispositif prévoit le versement d'une avance annuelle au titre de la compensation carbone pour les entreprises soumises au risque de fuite de carbone (voir le commentaire de l'article 42 nonies du projet de loi de finances pour 2022 , dans le rapport spécial de Thierry Cozic et Frédérique Espagnac sur les crédits de la mission Économie, annexé au rapport général n° 163 (2021-2022), fait au nom de la commission des finances, déposé le 18 novembre 2021.