E. CONTRAIREMENT AUX ENGAGEMENTS DE L'ÉTAT, DES CRÉDITS PITE TOUJOURS STABLES POUR LA LUTTE CONTRE LES ALGUES VERTES

La part « État » du financement de la lutte contre les algues vertes passe entièrement par l'action 02 « Eau et agriculture en Bretagne » . Il s'agit de l'action la plus ancienne du programme, inscrite depuis 2006. Son montant est stable à 2 millions d'euros en AE comme en CP. Toutefois, ces chiffres ne tiennent pas compte du transfert en gestion de 5 millions d'euros effectué chaque année, soit deux tiers du montant de l'action .

L'action contribue au financement du plan de lutte contre les algues vertes (PLAV) mis en oeuvre pour la période 2010-2015, renouvelé pour la période 2017-2021, puis prolongé dans le CPER 2021-2027 . Ce plan permet un suivi spécifique de la concentration moyenne des eaux en nitrates de plusieurs bassins versants dans huit baies prioritaires bretonnes . Il finance également des projets de territoire préventifs destinés à limiter les rejets d'azote dans l'environnement.

Le plan de lutte contre la prolifération des algues vertes se veut évolutif et construit autour de trois axes : un volet préventif visant à faire évoluer les pratiques et systèmes agricoles pour réduire les flux de nitrates dans les cours d'eau, un volet curatif axé sur la sécurité des personnes grâce au ramassage et au traitement des algues échouées sur les plages et un volet scientifique visant à renforcer la connaissance du phénomène.

Lors de sa création en 2006, l'action Eau et agriculture en Bretagne ne comportait que trois axes :

- axe n° 1 : inciter les agriculteurs et les autres acteurs à supprimer les atteintes à l'environnement ;

- axe n° 2 : mesurer l'évolution de la situation environnementale des milieux et faire appliquer les solutions correctives par l'action réglementaire. Cet axe, quoique conservé aujourd'hui, vise désormais à faire appliquer des « solutions collectives » et non plus correctives, changement révélateur de la différence d'approche de l'État depuis la mise en oeuvre des plans de lutte contre les algues vertes (PLAV).

- axe n° 3 : améliorer l'évaluation des résultats , développer le retour d'expérience et amplifier la gestion prospective et le pilotage à long terme.

Le plan de lutte est supporté quant à lui par l'axe 5, intitulé « lutter contre la prolifération des algues vertes en application du plan algues vertes ». L'État contribue à hauteur de 40 % au financement du PLAV, via le PITE. Il contribue cependant de manière différenciée aux différents volets.

L'État finance seul le volet curatif , au travers de remboursements aux collectivités territoriales. Pour 2020, le montant mobilisé était de 1,07 million d'euros en AE et CP . À chaque programmation, un montant prévisionnel de 1,3 million d'euros, correspondant à la moyenne pluriannuelle du PLAV 1, est fléché vers le volet curatif au titre de l'axe 5, auxquels s'ajoutent 50 000 euros pour les actions de ramassage dans le Morbihan.

Concernant le volet préventif du PLAV, l'État finance à hauteur de 3,7 millions d'euros au travers du PITE plusieurs dispositifs destinés à limiter les fuites de nitrates en améliorant les pratiques agricoles. Ceux-ci portent notamment sur le conseil agricole ciblé pour les exploitants sur différentes thématiques (diagnostic individuel, changement de système, gestion de l'herbe, gestion de l'azote et gestion de l'interculture), des chantiers collectifs de semis précoces de couverts végétaux et le remplacement pour congés ou formation des exploitants agricoles. Le PITE finance également des dispositifs de conseils individuels aux agriculteurs, effectués par des prestataires privés et par la chambre d'agriculture.

Le PITE finance également une partie du volet recherche du PLAV, à hauteur de 200 000 euros annuels.

Ventilation des crédits accordés à l'action Eau et agriculture
en Bretagne depuis 2020

(en euros)

2020

2021

2022 (1 er semestre)

2023 (prévisionnel)

AE

CP

AE

CP

AE

CP

AE

CP

Axe 1

Recherche-développement

600 767

262 140

266 640

411 985

169 834

79 040

250 000

380 000

Initiatives innovantes

160 000

124 452

256 658

153 142

90 000

111 940

250 000

250 000

Mesures agro-environnementales (MAE)

450 810

585 269

400 368

855 426

250 000

Axe 2

Connaissance des milieux

119 285

151 921

182 636

173 039

150 876

120 000

200 000

165 000

Fonctionnement de la police de l'eau

319 976

329 134

309 141

287 258

145 570

81 278

350 000

300 000

Contrôles renforcés

69 301

67 336

54 615

51 415

24 941

21 001

600 000

350 000

Police de l'eau-équipement

3 368

19 798

3 368

20 000

20 000

Police de l'eau-formation

3 835

835,00

6 367

9 367

10 183

4 895

20 000

20 000

Police ICPE-fonctionnement

33 000

29 921

35 609

36 957

5 878

5 756

15 000

15 000

Axe 3

Étude santé et environnement

90 312

90 312

100 000

100 000

100 000

80 000

100 000

100 000

Suivi et évaluation

141 497

113 670

120 707

116 610

39 080

74 400

70 000

150 000

Axe 5 PLAV

Ramassage algues

1 069 947

1 069 947

1 678 800

1 678 800

1 188

1 600 000

1 600 000

Analyse des reliquats

234 619

147 101

166 489

102 302

864

103 331

300 000

300 000

Projets de territoires hors Agence de services et de paiement (ASP)

1 497 633

1 274 582

1 836 083

1 266 855

949 071

125 985

2 700 000

2 520 000

Projets de territoire - ASP

2 041 329

1 996 740

778 752

1 357 876

287 000

400 000

400 000

Fonctionnement du comité scientifique

55 500

179 850

656 500

264 350

180 000

Total

6 887 811

6 429 209

6 852 733

6 865 382

1 994 282

810 993

6 875 000

7 000 000

Source : commission des finances d'après les questionnaires budgétaires

Le rapporteur spécial a consacré plusieurs rapports de contrôle à cette action.

Le premier, présenté au printemps 2021, a débouché sur 23 recommandations 7 ( * ) . Le deuxième, en février 2022, constitue un suivi précis de chacune de ces recommandations dans le contexte du lancement du troisième plan de lutte contre les algues vertes (PLAV 3) 8 ( * ) .

Les constats formulés par la Cour des comptes, qui a également rendu un rapport sur la lutte contre les algues vertes, allaient dans le même sens que ceux émis par le rapporteur spécial 9 ( * ) .

Le rapporteur spécial avait mis en avant de sévères lacunes du deuxième plan algues vertes. Le constat, alors que plusieurs de ses recommandations ont ensuite été adoptées par les services de l'État, demeure nuancé : des avancées ont été obtenues, mais elles ne sont pas suffisantes.

Des améliorations rapides ont été favorisées par les publications rapprochées et convergentes des rapports du Sénat et de la Cour des comptes sur le financement de la politique de lutte contre les algues vertes d'une part et par l'arrêt du tribunal administratif de Rennes en juin 2021 enjoignant à l'État de prendre des mesures supplémentaires d'autre part.

En revanche, malgré ces avancées, on constate toujours une inadéquation entre les moyens consacrés à la lutte contre la prolifération des algues vertes et les enjeux , ainsi qu'un déséquilibre entre les volumes de crédits et ceux du droit commun de la politique agricole commune (PAC).

D'autre part, la mise en place d'une réglementation, limitée pour l'instant aux seuls agriculteurs volontaires, restreint l'ampleur du renforcement réglementaire à la fois nécessaire et souhaité par de nombreux acteurs.

Application des recommandations
du rapport Algues vertes en Bretagne

Recommandations dont la mise en oeuvre est en cours ou achevée

Recommandations dont la mise en oeuvre est partielle

Recommandations non mises en oeuvre à ce jour

Concernant la dernière recommandation, qui concernait l'extension des politiques de lutte contre les algues vertes à d'autres territoires de la façade Atlantique, et en particulier les vasières du Morbihan, un groupe de travail s'est constitué postérieurement aux rapports de la commission des finances, en juin 2022, au sein des services de l'État du Morbihan, en lien avec l'expert de haut niveau Algues Vertes et les services de la préfecture de région, pour identifier les secteurs prioritaires et déterminer les leviers d'intervention.

Le rapporteur spécial ne peut qu'être surpris de la totale stabilité des crédits accordés à la lutte contre les algues vertes . En effet, lors de son rapport de suivi en février 2022, les services de l'État l'avaient assuré d'une hausse prévue 6 millions d'euros (soit un doublement des crédits) qui devait être accordée après 2022 , dont 2 millions dédiés au renforcement de l'accompagnement des agriculteurs.

Si les informations transmises en octobre 2022 confirment bien un complément de 5,1 millions d'euros, celui-ci n'apparaît pas sur le PITE . Ainsi, il n'est pas possible de retrouver dans les documents budgétaires ces 5 millions complémentaires, qui devraient se partager entre la création d'une MAEC « algues vertes » à hauteur de 3,1 millions d'euros par an, et 2 millions d'euros de programmes d'actions spécifiques à chaque baie « algues vertes », sous la forme de zones soumises à contraintes environnementales (ZSCE), créées en 2022.

En outre, aucune augmentation de crédits n'est prévue pour le renforcement des effectifs de contrôle , dont l'érosion continue nuit grandement à l'efficacité de la politique de lutte contre les algues vertes.

Les services de l'État estiment par ailleurs dans les documents budgétaires qu'une hausse de 4 millions d'euros serait nécessaire pour mettre en place une expérimentation de procédés innovants de collecte des algues verte dans le milieu marin. Le déploiement d'un nouveau volet du PLAV consacré aux aspects sanitaires, recommandé par le Haut conseil de la santé publique, correspondant à un suivi renforcé des émanations potentielles d'hydrogène sulfuré par les algues vertes en décomposition et à une information poussée du public et des professionnels de santé, n'est pour l'instant pas doté. Il devrait nécessairement se traduire par une hausse de crédits, sous peine d'entériner une baisse sur les autres volets du PLAV, déjà insuffisamment dotés, qui pourrait mettre en péril l'efficacité fragile du volet préventif.

Au-delà de la hausse de 5,1 millions d'euros, le rapporteur spécial réitère sa principale remarque : seule une réorientation des crédits de la PAC vers davantage d'aides conditionnées au respect de pratiques agricoles prenant en compte le contexte environnemental spécifique de ces territoires permettrait d'agir efficacement et durablement contre la pollution par les nitrates. De plus, le rapporteur spécial regrette que les moyens consacrés aux effectifs de contrôle ne soient pas augmentés, alors qu'un renforcement des contrôles doit constituer une priorité notamment pour accompagner les évolutions réglementaires.


* 7 Algues vertes en Bretagne : de la nécessité d'une ambition plus forte, rapport d'information de M. Bernard Delcros n° 633, fait au nom de la commission des finances, mai 2021.

* 8 Suivi des recommandations du rapport Algues vertes en Bretagne : de la nécessité d'une ambition plus forte, Rapport d'information de M. Bernard Delcros, fait au nom de la commission des finances, n° 466 (2021-2022) - 9 février 2022.

* 9 La politique publique de lutte contre la prolifération des algues vertes en Bretagne, cour des comptes, juillet 2021.

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