III. LE FINANCEMENT DES POLITIQUES EN SOUTIEN AUX ASSOCIATIONS ET D'ENGAGEMENT DE LA JEUNESSE MANQUE DE VISIBILITÉ À MOYEN ET LONG TERME
Le tableau ci-après retrace l'évolution des crédits proposée en 2023 pour le programme 163 « Jeunesse et vie associative ».
Évolution des crédits
du programme 163
« Jeunesse et vie associative »
(en millions d'euros)
LFI 2022 |
PLF 2023 |
Évolution 2022-2023 |
|
AE = CP |
AE = CP |
AE = CP |
|
Action 01 « Développement de la vie associative » |
59,0 |
52,7 |
- 10,7 % |
Action 02 « Actions en faveur de la jeunesse et de l'éducation populaire » |
104,2 |
125,5 |
+ 20,4 % |
Action 04 « Développement du service civique » |
498,8 |
518,8 |
+ 4,0 % |
Action 06 « Service national universel » |
110,0 |
140,0 |
+ 27,3 % |
Total |
772,2 |
837,1 |
+ 8,4 % |
Source : commission des finances du Sénat, à partir des documents budgétaires
Quatre remarques peuvent en guider la lecture :
- la diminution de l'action 01 « Développement de la vie associative » s'explique par la baisse des crédits accordés au Compte d'engagement citoyen (CEC) ;
- l a progression de l'action 02, « Actions en faveur de la jeunesse et de l'éducation populaire » est due à la pérennisation dans le programme 163 des crédits du plan de relance destinés au FONJEP ;
- les crédits inscrits pour le service civique (action 04) progressent de 4 %, mais la moitié de cette progression à vocation à prendre en compte la revalorisation de 3,5 % du point d'indice décidée à la moitié de l'année 2022 ;
- l'action 06 « Service national universel » poursuit sa montée en charge, avec une progression de 27,3 % entre 2022 et 2023. La progression des crédits du Service national universel est toutefois moins importante qu'initialement prévue , ce qui met en doute la perspective de sa généralisation à l'ensemble d'une classe d'âge.
A. LES DISPOSITIFS D'AIDE AU DÉVELOPPEMENT DE LA VIE ASSOCIATIVE ET DE L'ÉDUCATION POPULAIRE DOIVENT DAVANTAGE RÉPONDRE AUX BESOINS DES ASSOCIATIONS
1. Les dispositifs mis en oeuvre pour aider les associations et les bénévoles sont d'ampleur limitée
Dans le contexte de crise que la France connait depuis maintenant plusieurs années, les associations ont toujours joué un rôle essentiel dans le maintien du lien social.
Au plus fort de la crise sanitaire comme dans la cascade de conséquences qui en ont résulté, les associations ont tenu une place indéfectible pour participer à la cohésion de notre société . Il faut rappeler le rôle des 13 millions de bénévoles, dont plus de 5 millions agissant quotidiennement, et des 1,8 million de salariés qui forment le tissu associatif.
Dans le même temps, la crise sanitaire puis l'inflation ont accentué les faiblesses du monde associatif . En effet, en raison de leur public cible, de nombreuses associations ont des réticences à augmenter le tarif des services proposés au public, ce qui aggrave leurs difficultés financières. Les associations qui disposent de centres sont en outre particulièrement touchées par la montée des prix de l'énergie.
Face à cette situation, l'alignement du barème kilométrique des bénévoles sur celui des professionnels prévu par l'article 21 de la loi n°2022-1157 du 16 août 2022 de finances rectificative pour 2022 est une mesure positive, mais elle n'est pas suffisante pour répondre aux besoins des associations. Il est tout aussi nécessaire d'évaluer l'efficacité et l'adéquation des dispositifs de soutien aux bénévoles et à la vie associative qui sont financés par le programme 163 .
a) L'animation de la vie associative locale
« L'animation de la vie associative locale » désigne une politique menée dans le cadre de l'action 01 du programme 163 qui vise à mettre en place des dispositifs d'accompagnement de proximité pour les associations , et qui s'appuie sur les centres de ressources et d'information des bénévoles (CRIB).
L'animation de la vie associative locale bénéficie pour 2023 d'une enveloppe complémentaire de 1,32 millions d'euros , qui porte son budget à 2,92 millions d'euros. Les CRIB bénéficient de manière séparée de 1,75 million d'euros.
Le dispositif est encore à l'état d'expérimentation . 3 régions y participent, et le financement supplémentaire doit permettre à 3 régions supplémentaires de bénéficier de cette politique. Les représentants du monde associatif ont toutefois signalé devant le rapporteur spécial que 10 régions travaillaient déjà de manière informelle sur cette politique, et ils ont exprimé leurs regrets que cette politique n'ait pas été étendue à toutes ces régions en 2023 .
b) Dispositif « 1 jeune, 1 mentor »
Le dispositif « 1 jeune, 1 mentor » est reconduit pour 2023, avec un budget identique de 27 millions d'euros. D'après la DJEPVA, 100 000 jeunes ont pu être accompagnées en 2022.
« 1 jeune, 1 mentor »
Le dispositif « 1 jeune, 1 mentor » a pour objectif d'accroître le nombre de jeunes qui bénéficient de l'accompagnement d'un mentor (un professionnel en exercice ou un retraité), pendant leur parcours scolaire. Le mentor a pour mission d'aider le jeune dans ses choix d'orientation et son insertion professionnelle. Le mentor et le jeune doivent se rencontrer plusieurs fois par mois pendant au moins 6 mois .
« 1 jeune, 1 mentor » a été annoncé par le Président de la République le 1 er mars 2020, et il a été lancé durant l'année 2021. Il s'inscrivait dans le cadre du plan « 1 jeune, 1 solution », qui réunissait un ensemble de politiques d'accompagnement de la jeunesse . Le dispositif a été pour la première fois en lois de finances en 2022.
Le budget de « 1 jeune, 1 mentor », est maintenu à 27 millions d'euros en 2023, et le dispositif a pour objectif d'accompagner 200 000 jeunes en 2023.
Le dispositif est piloté par le ministère de l'emploi, du travail et de l'insertion. Il s'appuie sur des appels à projets à destination des associations.
Le dispositif ne dispose pas encore d'évaluation documentée, ce qui est problématique au regard des sommes engagées. Toutefois, son étude est inscrite au programme de l'Institut national de la jeunesse et de l'éducation populaire (INJEP), qui devrait rendre un rapport sur la question. Le rapporteur spécial sera attentif à l'exécution et l'évaluation du dispositif .
c) Le compte d'engagement citoyen
La diminution des crédits de l'action n°1 « Développement de la vie associative » s'explique par la baisse des crédits accordés au compte d'engagement citoyen, qui passent de 14,4 millions en 2022 à 6,0 millions d'euros en 2023 .
Le compte d'engagement citoyen
Le compte d'engagement citoyen (CEC) est un dispositif qui permet d'acquérir des droits à formation, inscrits sur le compte personnel de formation. Le CEC est ouvert pour toute personne âgée de 16 ans ou plus 16 ( * ) , et il reste ouvert tout au long de la vie.
Les activités concernées sont les activités de bénévolat, qui sont réalisées dans les conditions suivantes :
- l'association soit déclarée depuis au moins 3 ans ;
- l'objet de l'association relève d'une des catégories énoncées au b) du 1 de l'article 200 du code général des impôts ;
- la personne siège dans l'organe d'administration ou de direction de l'association ou participe à l'encadrement d'autres bénévoles.
Le CEC permet de bénéficier de 240 euros par an pour 200 heures de bénévolat, et il est plafonné à 720 euros.
Le CEC a été créé par l'article 39 de la loi n° 2016-1088 du 8 août 2016 relative au travail, à la modernisation du dialogue social et à la sécurisation des parcours professionnels.
Le dispositif n'est utilisable par les bénéficiaires que depuis le début de l'année 2021, mais les droits sont pris en compte depuis 2017.
Cette diminution est la conséquence de la sous-exécution chronique du compte d'engagement citoyen. Alors que le nombre d'ayants droit fin 2021 était estimé à 400 000, seuls 3 192 dossiers ont été validés . Sur 12,4 millions d'euros prévus en 2021, un versement de 6 millions d'euros a été effectué à la trésorerie de la Caisse des dépôts et consignations, sans véritable perspective de dépenses.
Le CEC est un outil intéressant dans son principe pour valoriser le bénévolat, mais à l'heure actuelle sa mise en oeuvre ne répond pas aux objectifs qui lui étaient fixés . Toutefois, la mise en oeuvre du dispositif étant encore récente, il lui reste des marges d'amélioration.
Il existe en particulier un écart important entre la déclaration des bénévoles et la validation des droits, alors que les individus peuvent avoir besoin rapidement d'accéder à leur CEC . La direction de la jeunesse, de l'éducation populaire et de la vie associative (DJEPVA) a identifié ce problème, et a déclaré au rapporteur spécial qu'elle travaillait à réduire les délais et à simplifier le fonctionnement du dispositif. Le CEC pâtit également des défauts du Compte personnel de formation (CPF).
2. Une réflexion doit être engagée sur le montant du financement assuré par le Fonds de coopération de la jeunesse et de l'éducation populaire (FONJEP)
Les crédits prévus pour le Fonds de coopération de la jeunesse et de l'éducation populaire (FONJEP) en 2023 sont de 51,8 millions d'euros, contre 37,4 millions d'euros en 2022. La différence (14,4 millions d'euros) est égale au montant qui était alloué au FONJEP en 2022 dans la mission « Plan de relance » .
La hausse des crédits du FONJEP correspond donc à une pérennisation des crédits du plan de relance au sein du programme 163. Plus précisément, l'enveloppe a vocation à financer les postes créés en 2021 et 2022 par le plan de relance.
Le rapporteur spécial se félicite de la stabilisation des crédits destinés à l'éducation populaire . L'éducation populaire correspond à une politique spécifique, qui n'est pas équivalente au soutien au monde associatif d'une manière générale, et la hausse des crédits du FONJEP a joué un rôle important dans sa pérennisation.
Il souhaite cependant mettre l'accent sur les crédits qui sont effectivement alloués à chaque emploi FONJEP. En effet, chaque poste salarié FONJEP est financé pour environ 7 200 euros, ce qui représente entre 10 % et 15 % du coût global d'un poste . Les crédits supplémentaires du plan de relance ont eu vocation à créer de nouveaux postes FONJEP, mais pas à augmenter le financement moyen d'un poste .
3. Le Fonds pour le développement de la vie associative peut faire l'objet d'amélioration pour mieux accompagner les associations
Le Fonds pour le développement de la vie associative est composé de deux volets : le premier est destiné à la formation des bénévoles (FDVA 1), et le second est consacré au financement du « fonctionnement et de l'innovation » des petites associations (FDVA 2).
Avec 8 millions d'euros inscrits pour 2023, le montant des crédits accordés au FDVA 1 est similaire à celui des années précédentes . Le dispositif est intéressant, dans la mesure où il permet une formation des bénévoles au sein même du monde associatif, mais il n'est cependant pas suffisamment articulé avec d'autres dispositifs qui valorisent la formation des bénévoles, comme le compte d'engagement citoyen.
Le volet « fonctionnement et innovation » du Fonds pour le développement de la vie associative (FDVA 2), qui a remplacé la dotation parlementaire, existe désormais depuis 5 ans.
Pendant les premières années d'existence du FDVA 2, les crédits destinés au dispositif étaient insuffisants pour offrir un véritable soutien aux petites associations . Ils ne représentaient en effet que la moitié de l'ancienne dotation parlementaire. Toutefois, le dispositif a connu une réforme importante en 2021 : l'article 272 de la loi n° 2019-1479 du 28 décembre 2019 de finances pour 2020 a mis en place un mécanisme de fléchage des avoirs inactifs récupérés par l'État vers le fonds pour le développement de la vie associative.
Ce mécanisme est une demande ancienne du Mouvement associatif, qui a été soutenu par le rapporteur spécial. Il prévoit qu'une quote-part, fixée chaque année en loi de finances, des sommes acquises à l'État provenant des comptes bancaires inactifs et des contrats d'assurance-vie en déshérence est affectée au FDVA chaque année .
L'article 272 de la loi n° 2019-1479 du 28 décembre 2019 de finances pour 2020 prévoit que ce sont 20 % de ces sommes qui bénéficient chaque année au FDVA 17 ( * ) .
En 2021, les montants affectés au FDVA s'élevaient à 19,5 millions d'euros, ce qui constitue un apport supplémentaire de 78 % de crédits par rapport à la subvention directe de l'État (25 millions d'euros) inscrite en loi de finances initiale .
Au 30 août 2022, les fonds affectés aux associations via ce mécanisme représentent 14 millions d'euros. Il est prévu qu'au total, 15 millions d'euros soient affectés aux associations à la fin de l'année.
Pour 2023, la prévision de 17,5 millions d'euros de recettes a été maintenue . Cette prévision se trouve entre la réalisation de 2021, et la réalisation prévue de 2022. Il est difficile de donner une estimation précise chaque année des montants qui seront attribués via ce mécanisme au FDVA pour deux raisons :
- d'une part, le montant précis des sommes qui reviendront à l'État, et donc de la quote-part à reverser au FDVA, ne peut être évalué avec précision ;
- d'autre part, des incertitudes existent quant au calendrier de versement , puisque les pratiques divergent selon les établissements de crédit, certains opérant un versement direct des sommes échues à l'État, alors que d'autres versent les sommes à la Caisse des dépôts et consignations, qui effectue ensuite le reversement au Trésor.
Au-delà de la question des montants qui lui sont attribués, le FDVA 2 connaît plusieurs limites. Dans son enquête sur le FDVA 2 18 ( * ) , la Cour des comptes a souligné une baisse de l'ordre d'un tiers du nombre de demandes de financement entre 2018 et 2020 (de 22 800 à 15 300). De plus, tandis que le taux d'acceptation des demandes est bon (supérieur à 80 %), le montant des subventions accordées est nettement inférieur aux demandes .
En effet, au 12 octobre 2022, 14 340 associations ont été financées par le fonds, pour un montant de 38 millions d'euros, tandis que le montant total des demandes représentait 137 millions d'euros. Sur l'année 2022, 27,7 % du montant total des demandes a fait l'objet d'une acceptation.
Ces résultats montrent que la lisibilité des critères du financement du FDVA 2 doit être améliorée . Le rapporteur spécial a formulé des recommandations à ce sujet dans son rapport d'information, « Pour un financement des petites associations à la hauteur : rénover le Fonds pour le développement de la vie associative »
Les recommandations du Rapporteur spécial dans son rapport d'information « Pour un financement des petites associations à la hauteur : rénover le Fonds pour le développement de la vie associative »
Recommandation n° 1 : simplifier les critères de financement du FDVA 2 en privilégiant le soutien au « fonctionnement global » des associations. Améliorer la lisibilité des critères de financement du FDVA 2.
Recommandation n° 2 : étendre le champ d'action des commissions régionales et des collèges départementaux à l'animation et de coordination des questions relatives à la vie associative, et favoriser l'implication des parlementaires dans les collèges départementaux.
Recommandation n° 3 : systématiser le principe de notes régionales complétées par des notes départementales définissant les priorités de financement du FDVA 2, dont la présentation est définie au niveau national et qui seraient accompagnées du calendrier de la campagne de financement.
Recommandation n° 4 : supprimer le plafond du FDVA 1 pour laisser une plus grande marge d'appréciation aux acteurs locaux.
Le rapporteur spécial souhaite par ailleurs souligner la qualité du fonctionnement des collèges départementaux , qui cherchent réellement à définir des stratégies de financement adaptées aux territoires dans lesquelles exercent les associations. Ils montrent que l'échelon départemental reste l'échelon le plus pertinent pour piloter le FDVA 2.
* 16 15 ans si la personne dispose d'un contrat d'apprentissage.
* 17 La rédaction initiale de l'article prévoyait que cette quote-part soit fixée chaque année en loi de finances, mais l'article 205 de la loi n°2021-1900 du 30 décembre 2021 de finances initiale pour 2022 a fixé ce montant à 20 %. Le montant retenu pour 2021 était déjà de 20 %.
* 18 « Le Fonds pour le développement de la vie associative. Volet fonctionnement et innovation », Septembre 2021. Enquête menée à la demande de la commission des finances du Sénat dans le cadre de l'article 58-2 de la loi organique relative aux lois de finance.