III. LES CRÉDITS DE L'ADMINISTRATION CENTRALE DU MINISTÈRE DE L'INTÉRIEUR, DES MISSIONS INDISPENSABLES QUI DOIVENT RESTER PRÉSERVÉES
A. L'ÉVOLUTION DES CRÉDITS DE L'ADMINISTRATION CENTRALE DU MINISTÈRE DE L'INTÉRIEUR EST SURTOUT PORTÉE PAR LES CRÉDITS D'INVESTISSEMENT DANS DES PROJETS STRUCTURANTS
1. Les dépenses d'investissement du programme 216 seront en nette hausse en 2023
Le programme 216 « Conduite et pilotage des politiques de l'intérieur » porte les fonctions de pilotage du ministère de l'intérieur au travers des activités d'état-major, d'expertise, de conseil et de contrôle.
Le programme regroupe également les crédits relatifs aux affaires juridiques et contentieuses du ministère, ceux du fonds interministériel de prévention de la délinquance (FIPD) et, depuis le 1 er janvier 2020, ceux de la nouvelle direction numérique et ceux du fonctionnement des secrétariats généraux pour l'administration (SGAMI).
La stratégie pour 2023 s'inscrira dans la continuité de celle de cette année et sera principalement structurée autour de trois axes :
- poursuivre les efforts engagés en termes d'amélioration de la prévision et de pilotage des dépenses de contentieux et de protection fonctionnelle des fonctionnaires ;
- assurer la mise en oeuvre des programmes d'action de prévention de la délinquance et de la radicalisation ;
- maintenir la qualité des prestations réalisées au profit des directions et services du ministère en améliorant l'efficience de la gestion des moyens dont ils disposent et la maîtrise du coût des fonctions support.
Les dépenses d'investissement de l'administration centrale sont en très nette hausse (+ 358 %), sous l'effet des grands projets portés par le programme. Ainsi, le réseau radio du futur devrait représenter 97,6 millions d'euros en AE et 90,3 millions d'euros en CP en 2023, et les crédits liés aux infrastructures réseaux, aux postes de travail, à l'hébergement et aux applications devraient représenter 343 millions d'euros en AE et 291 millions d'euros en CP.
Le projet réseau radio du futur (RRF)
Le projet réseau radio du futur devrait bientôt entrer dans une phase opérationnelle, le marché devant être signé au mois de novembre 2022. Les réseaux radio actuels gérés par le ministère de l'intérieur reposent sur une technologie comparable à la technologie 2G des réseaux commerciaux des années 1990, soit une technologie obsolète.
Ce type de réseau radio ne permet que la transmission de la voix ou de courts messages et ne devrait bientôt plus pouvoir être utilisé dans certaines zones géographiques, en particulier en région parisienne. L'objectif du nouveau réseau serait d'être opérationnel pour la coupe du monde de Rugby en 2023, dans la perspective des Jeux Olympiques de 2024. Il est indispensable que tout soit fait pour tenir cette double échéance dans les départements concernés.
Le nouveau réseau radio du futur (RRF) devrait permettre l'accès à une messagerie instantanée, aux données de géolocalisation (y compris renvoyées sur le terminal de l'utilisateur), aux systèmes d'information du ministère de l'intérieur, aux flux vidéo ou aux objets connectés. Le réseau doit pouvoir être accessible tant à la Gendarmerie et à la Police nationales qu'aux moyens nationaux de la sécurité civile, à l'administration pénitentiaire, aux douanes, aux sapeurs-pompiers ou encore aux polices municipales.
Le programme RRF vise ainsi à répondre aux besoins opérationnels des utilisateurs, à savoir les services en charge des missions relevant du traitement de l'urgence, tant dans le domaine de la sécurité publique que dans celui du secours aux personnes et aux populations. Le calendrier cible du ministère de l'intérieur a pris un an de retard, et prévoit désormais le déploiement de RFF dans 22 départements dès 2023, 38 en 2024 et des 36 derniers en 2025.
Les moyens financiers devraient être conséquents, à la hauteur de l'objectif cible du déploiement de 700 000 dispositifs. Une part très significative de ces dépenses sera portée par les différents services de sécurité et de secours qui auront souscrit aux offres d'abonnement du réseau, sur leur propre budget et dans les volumes qu'ils auront choisis.
Le besoin d'investissement a été évalué à 896 millions d'euros avec un effort budgétaire conséquent au départ pour « acquérir l'ensemble des ressources techniques (coeur de réseau, services d'applications missions critiques, contrats avec les opérateurs de réseaux mobiles, terminaux mobiles et accessoires, etc.) suivi par une baisse de l'effort d'investissement à partir de 2023 (début du déploiement) ».
Les crédits nécessaires au projet seront répartis entre, d'une part, 197 millions d'euros sur les années 2023 à 2026 au titre de la construction et du déploiement du RRF via le programme 216 et, d'autre part, 614 millions d'euros sur l'ensemble de la période via les programmes métiers du ministère, les autres ministères associés au projet (ministère de la justice, ministère de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, ministère de la santé et de la prévention, ministère de la transition écologique et de la cohésion des territoires, ministère des Armées) ainsi que les collectivités territoriales (pour les SDIS et polices municipales).
Source : réponses au questionnaire de la rapporteure spéciale
2. Le rôle de pilotage de la direction du numérique doit être renforcé
Le décret du 27 septembre 2019 26 ( * ) a créé la direction du numérique (DNUM), qui a pour mission, en lien avec l'ensemble des services, d'élaborer et de conduire la stratégie numérique du ministère. Elle est chargée d'assurer la cohérence et la sécurité de ses systèmes d'information et de communication. Rattachée au secrétariat général, elle interagit avec les différents services responsables 27 ( * ) .
Quatre objectifs stratégiques lui ont été fixés :
- insuffler la transformation numérique à l'échelle du ministère de l'intérieur, (impacts et opportunités en matière d'intelligence artificielle, de blockchain , de 5G, d'internet des objets...), en proposant des outils aux différents métiers, en organisant le processus d'innovation et en étant à l'écoute des attentes des usagers ;
- piloter la stratégie numérique globale dans le cadre de la stratégie Tech.Gouv de l'État (environnement numérique de travail, Cloud, réseau radio sécurisé) ;
- rationnaliser et réduire les coûts de la fonction informatique, en réduisant les doublons et dépenses redondantes ;
- améliorer l'attractivité du ministère de l'intérieur, en recrutant des compétences rares nécessaires, « en faisant évoluer l'organisation et les conditions de travail des services numériques, en développant l'image de marque du ministère au travers d'initiatives et d'innovations technologiques et en développant les partenariats avec les mondes académique et universitaire . » 28 ( * )
Cependant, la Cour des comptes relève, dans son rapport sur la conduite des grands projets numériques de l'État 29 ( * ) , qu'il existe un risque que « les responsabilités traditionnelles de maîtrise d'oeuvre des DSI [directions des systèmes d'information] l'emportent sur la production de services aux usagers et la transformation des organisations administratives dont sont chargées les DNUM . » La rapporteure spéciale considère que, sans remettre en cause le rôle de maîtrise d'ouvrage des DSI, il est nécessaire que les décisions informatiques stratégiques soient pleinement intégrées au ressort de la DNUM.
* 26 Décret n°2019-994 du 27 septembre 2019 modifiant le décret n°2013-728 du 12 août 2013 modifié portant organisation de l'administration centrale du ministère de l'intérieur et du ministère des outre-mer.
* 27 - le service des technologies et des systèmes d'information de la sécurité intérieure ;
- la direction de l'innovation, de la logistique et des technologies chargée du numérique de la préfecture de police ;
- les services des secrétariats généraux pour l'administration du ministère de l'intérieur ;
- l'agence du numérique de la sécurité civile dont elle assure également la tutelle ;
- l'agence nationale des titres sécurisés dont elle assure également la tutelle ;
- l'agence nationale de traitement automatisé des infractions.
* 28 Direction du numérique du ministère de l'intérieur, auditionnée par la rapporteure spéciale.
* 29 La conduite des grands projets numériques de l'État, Communication à la commission des finances du Sénat, juillet 2020 .