III. UN PLFSS QUI NE RÉPOND PAS AUX TENSIONS PRÉOCCUPANTES SUR L'OFFRE DE SOINS
A. POUR L'HÔPITAL, UN PROJET DE LOI DE FINANCEMENT... SANS MESURE DE FINANCEMENT
1. Des ressources incertaines pour les établissements de santé
Alors que les réformes du mode de financement de l'hôpita l ont été suspendues du fait de la crise sanitaire, le Gouvernement renonce dans ce PLFSS à initier l'évolution vers un financement populationnel. L'expérimentation, devenue caduque, est abandonnée.
Surtout, le Gouvernement, qui a reconduit la garantie de financement des établissements de santé au second semestre 2022, ne soumet pas ce financement dérogatoire au vote du Parlement ni n'engage de sortie sécurisée du dispositif . Alors que les établissements n'ont, en 2022, toujours pas retrouvé leur niveau d'activité de 2019, la commission s'inquiète de la fragilité de leurs ressources.
2. Une volonté de lutte contre les dérives de l'intérim médical, renforcée par la commission
Seule mesure ou presque qui soit propre aux établissements de santé, la limitation de l'intérim médical prévue à l'article 25 pour les jeunes diplômés semble nécessaire.
L'intérim médical, qui affaiblit financièrement les établissements, fragilise en outre la qualité et la continuité des soins . C'est pourquoi, alors que des tensions sont attendues au printemps prochain sur ce sujet, la commission a souhaité renforcer le dispositif proposé, considérant que l'intérim ne peut être le seul mode d'exercice « à temps plein » des professionnels. En outre, la commission souhaite que les agences régionales de santé puissent davantage appuyer les établissements face à leurs besoins en personnels afin de garantir au mieux la réalisation de leurs activités.
B. SUR LES SOINS DE VILLE, DES MESURES ÉPARSES ET LIMITÉES
1. Un texte initial sans ambition
L' article 22 prétend « rénover la vie conventionnelle » mais ne modifie, en réalité, qu'à la marge les règles encadrant la négociation et la conclusion des conventions professionnelles , en étendant par exemple la liste des thèmes pouvant faire l'objet de négociations. Si la commission a souhaité laisser aux partenaires conventionnels la liberté de s'emparer de la question du conventionnement sélectif, elle rappelle ses doutes sur l'efficacité d'une telle mesure en période de pénurie médicale généralisée et souligne qu'il n'appartiendrait pas, en tout état de cause, au Gouvernement de prendre une décision en la matière.
Surtout, observant que ces textes structurent profondément les dépenses de soins de ville, la commission a souhaité permettre un meilleur suivi financier des conventions professionnelles et un meilleur contrôle du Parlement en la matière. Elle a, à cette fin, adopté trois amendements pour permettre aux ministres de s'opposer à l'entrée en vigueur d'une convention incompatible avec la trajectoire votée des dépenses d'assurance maladie, d'imposer le vote d'une nouvelle LFSS avant l'entrée en vigueur de mesures conventionnelles dépensières nouvelles.
Notons enfin que le texte initial contenait, à l'article 23, des dispositions prétendant porter remède aux déserts médicaux en allongeant d'un an l'internat de médecine générale : la commission souhaite lui substituer le dispositif, plus abouti, de la proposition de loi adoptée par le Sénat le 18 octobre dernier à l'initiative de M. Bruno Retailleau.
2. Un encadrement renforcé des téléconsultations
Alors que les articles 28 et 43 visent à accompagner le développement des activités de téléconsultations et lutter contre les abus, la commission a souhaité proposer différents encadrements répondant à des dérives constatées . La commission entend ainsi veiller au bon usage des téléconsultations, compléments utiles à l'offre de soins, notamment en préservant le parcours de soins coordonné et en insistant sur la nécessité de consultations entre des téléconsultations afin d'assurer un suivi clinique régulier.
3. Des ajouts inégaux à l'Assemblée nationale
De nombreux articles additionnels ont été conservés ou initiés par le Gouvernement, qui ont parfois été favorablement accueillis par la commission. À l'initiative de la rapporteure, la commission a ainsi allongé, à l' article 22 bis , la durée de l'expérimentation visant à permettre aux infirmiers de signer des certificats de décès. Elle a également cherché à mieux encadrer cette évolution dans le partage des compétences, en associant les ordres comme la Haute Autorité de santé à la définition des modalités d'application. Elle a enfin réécrit l'expérimentation des consultations avancées en zone sous-dense à l'article 24 quater , dispositif complémentaire à la refonte des aides à l'installation prévue à l'article 24.
D'autres mesures, visant à permettre l'accès direct aux infirmiers en pratique avancée ou à élargir la permanence des soins ambulatoires à l'ensemble des professions médicales et aux infirmiers, ont à l'inverse paru précipitées . Le PLFSS, qui enserre le débat parlementaire dans des délais contraints, ne constitue pas un véhicule approprié pour des mesures touchant de manière si structurante à l'organisation du parcours de soins et aux répartitions de compétences. Jugeant qu'elles devraient figurer, plutôt, dans une loi « santé » autorisant une réflexion globale sur ces sujets, la commission a adopté des amendements supprimant ces mesures .