TRAVAUX DE LA COMMISSION - AUDITIONS
M. Pierre Moscovici,
Premier
président,
et Mme Véronique Hamayon,
président de la
sixième chambre, de la Cour des comptes
Réunie le mercredi 5 octobre 2022, sous la présidence de Mme Catherine Deroche, présidente, la commission procède à l'audition de M. Pierre Moscovici, Premier président, et Mme Véronique Hamayon, présidente de la sixième chambre, de la Cour des comptes.
Mme Catherine Deroche , présidente . - Nous entendons cet après-midi M. Pierre Moscovici, Premier président de la Cour des comptes, et Mme Véronique Hamayon, présidente de la sixième chambre de la Cour et dont c'est la première audition en cette qualité devant notre commission, pour la présentation du rapport annuel sur l'application des lois de financement de la sécurité sociale (Ralfss).
Ils sont accompagnés de Stéphane Seiller, rapporteur général, Thibault Perrin, rapporteur général adjoint du Ralfss, Guillaume de La Batut, chargé de mission, et Roma Beaufret, chargée de mission auprès du Premier président.
J'indique que cette audition fait l'objet d'une captation vidéo en vue de sa retransmission en direct sur le site du Sénat. Elle sera consultable en vidéo à la demande.
Chaque année, à pareille époque, la présentation du rapport sur l'application des lois de financement de la sécurité sociale, qui constitue l'une des traductions de la mission d'assistance de la Cour au Parlement prévue par l'article 47-2 de la Constitution, ouvre pour notre commission les travaux sur le projet de loi de financement de la sécurité sociale de l'année à venir (PLFSS).
En application de la loi organique du 14 mars 2022, cet exercice est désormais postérieur à la présentation du PLFSS en conseil des ministres et en modifie quelque peu la nature. En application de ce même texte, nous aurons d'ailleurs à examiner une loi d'approbation des comptes sociaux à l'été, qui nous conduira à avancer le regard rétrospectif porté sur l'exercice clos et à solliciter une nouvelle fois la Cour à l'automne, pour un regard plus prospectif.
Je note que, cette année, les insertions au rapport sont nombreuses à pouvoir être reliées à un article du texte, comme celui sur les négociations conventionnelles. J'y vois matière à inspiration pour le Sénat...
M. Pierre Moscovici, Premier président de la Cour des comptes . - C'est avec grand plaisir que je retrouve votre commission pour cet exercice annuel important.
J'ai à mes côtés Véronique Hamayon, nouvelle présidente de la sixième chambre, et Stéphane Seiller, conseiller maître, qui est le rapporteur général de ce rapport. Je salue également la présence dans la salle du rapporteur général adjoint, Thibault Perrin. Je souhaite aussi mentionner le rôle majeur de Denis Morin, président, jusqu'à récemment, de la sixième chambre, dans la conception de ce rapport important. Je souhaite les remercier chaleureusement de leur implication, de même que la vingtaine d'autres rapporteurs qui ont contribué à ce travail lourd, approfondi et, je crois, utile.
Le rapport que je vais vous présenter est établi, comme chaque année, dans le cadre de la mission constitutionnelle d'assistance de la Cour au Parlement et au Gouvernement. Il accompagne le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2023. Le calendrier doit en effet changer, vous l'avez rappelé, Madame la Présidente ; nous vous présentons donc un rapport tout en étant déjà en train d'élaborer le prochain...
J'ai présenté ce travail très attendu des citoyens comme des parlementaires à la presse hier et à la commission des affaires sociales de l'Assemblée nationale ce matin. Éclairer les parlementaires avant le vote d'un texte financier majeur pour notre pays est, avec l'information des citoyens, une des vocations de la Cour. J'y tiens énormément, non seulement parce que je conserve ma sensibilité d'ancien parlementaire, mais aussi parce que c'est ainsi que je conçois mon rôle et mon devoir de Premier président de la Cour.
La parution de ce rapport intervient dans un contexte particulier, que vous connaissez : les tensions économiques, influant sur l'inflation et sur la croissance, la nécessité d'adapter notre société aux conséquences du dérèglement climatique et la lutte contre la pandémie de covid-19, qui a continué de peser sur les dépenses de l'assurance maladie en 2021 et 2022. Tout cela laisse une empreinte durable sur la dette et sur les déficits publics.
Comme chacun le sait, les transferts sociaux jouent dans notre pays un rôle essentiel. Ils viennent de le prouver en amortissant efficacement les conséquences de la crise sanitaire. La protection sociale est un pilier de la République. Néanmoins, pour être efficace demain comme elle l'a été hier, elle doit être solide ; elle ne peut s'installer durablement dans l'accumulation non maîtrisée de déficits. La dette d'aujourd'hui est un poids pour les générations futures ; notre devoir est de les en préserver et de conserver notre capacité à investir dans des politiques publiques intelligentes.
Le rapport qui vous est présenté montre qu'il n'est pas possible de différer plus longtemps l'engagement des réformes dont la sécurité sociale a besoin. C'est un travail de longue haleine, qui devra être conduit avec courage et constance dans les années qui viennent, en suivant une trajectoire de redressement, explicite et solide. J'évoquerai dans quelques instants les éléments de prévision figurant en annexe au PLFSS pour 2023.
La Cour est consciente des difficultés que présente le redressement des comptes de la sécurité sociale. Par ses travaux, elle identifie des marges d'efficience, dans les domaines de l'assurance maladie ou de la retraite. Le rapport qu'elle consacre à l'application des lois de financement de la sécurité sociale présente un ensemble d'évolutions nécessaires. Je note d'ailleurs avec intérêt que, cette année, le PLFSS comporte de nombreuses propositions qui prennent acte de nos propres avis.
Au travers de ce rapport, la Cour dresse le bilan tiré de l'application de quelques réformes récentes, dans une démarche d'évaluation. Elle souligne aussi la nécessité d'améliorer la qualité de l'action publique et des services rendus aux assurés sociaux, tout en contribuant à l'effort de maîtrise des dépenses.
Au préalable, je souhaite présenter la situation financière actuelle de la sécurité sociale et ses perspectives pour les prochaines années, au regard des dernières données communiquées par la commission des comptes de la sécurité sociale et de la trajectoire financière quadriennale présentée par le Gouvernement en annexe du PLFSS pour 2023.
Commençons par 2021. Le déficit de la sécurité sociale de l'année dernière - 24,3 milliards d'euros - garde un niveau très élevé, d'autant que la Cour a signifié, par son refus d'approuver les comptes de 2021 de l'Agence centrale des organismes de sécurité sociale (Acoss) et des Urssaf, que 5 milliards d'euros de recettes de prélèvements sociaux ont été indûment rattachés à l'exercice 2021. Ainsi, si ces recettes avaient été rattachées à l'exercice 2020, comme la Cour le demandait, le déficit tous régimes 2021 aurait été de 29,3 et non de 24,3 milliards d'euros, comme affiché.
En 2022, je note la persistance d'un déficit structurel, c'est-à-dire hors dépenses liées à la crise sanitaire, équivalent à celui de 2021, aux alentours de 6 milliards d'euros. Ce niveau de déficit structurel est préoccupant. À nouveau, la Cour souligne la nécessité d'un programme pluriannuel de réformes dans les domaines de l'assurance maladie et des retraites, qui permette à la sécurité sociale de revenir à un équilibre financier pérenne.
Or une telle orientation n'apparaît pas clairement dans le PLFSS pour 2023. Ce texte prévoit certes une réduction du déficit de la sécurité sociale, qui passerait de près de 18 milliards d'euros en 2022 à moins de 7 milliards d'euros en 2023, mais cette évolution repose sur une hypothèse optimiste : la division par 10 des dépenses exceptionnelles d'assurance maladie dues à la crise sanitaire. Dans son avis sur le PLFSS pour 2023, le Haut Conseil des finances publiques (HCFP) a considéré que cette estimation, qui repose notamment sur une division par 20 des dépenses de tests par rapport à 2021, risquait de se révéler excessivement optimiste. Quand on enregistre des provisions, il faut tenir compte des risques, non des espoirs...
La croissance des dépenses d'assurance maladie hors crise sanitaire serait, d'après le PLFSS, inférieure à la hausse des prix, ce qui suppose d'importants effets d'ajustements des professionnels et des établissements de santé. C'est un objectif très volontariste, dont les exercices passés nous ont montré qu'il est très difficile à atteindre. Le déficit pourrait donc atteindre un niveau plus élevé que celui qui est prévu, indépendamment même des incertitudes qui entourent l'environnement macroéconomique.
À cela s'ajoute le fait que le montant de 123 milliards d'euros de déficits sociaux que la Caisse d'amortissement de la dette sociale (Cades) a été autorisée à reprendre sera atteint en 2023. Pour continuer d'absorber des déficits sociaux, à structure de recettes inchangée, il faudra donc prolonger la durée de vie de cet organisme au-delà du terme prévu de 2033. Nous ne devons pas nous voiler la face : il existe un risque réel de croissance continue de l'endettement social, au détriment des générations futures. Fin 2022, cet endettement atteindra 160 milliards d'euros.
Pour 2024 et 2025, les annexes au PLFSS prévoient un déficit de la sécurité sociale repartant à la hausse, avant de se tasser quelque peu par la suite. En 2026, il s'élèverait à près de 12 milliards d'euros. Encore faut-il souligner que ce niveau de déficit supposerait une stabilisation en termes réels des dépenses de l'objectif national de dépenses d'assurance maladie (Ondam). Les efforts correspondants d'économies restent à définir et à mettre en oeuvre. Le déficit de la branche vieillesse et du Fonds de solidarité vieillesse (FSV) atteindrait quant à lui près de 14 milliards d'euros, contre moins de 2 milliards d'euros en 2021, en raison de la dégradation de la situation financière des régimes de retraite de base des salariés du secteur privé et des fonctionnaires territoriaux et hospitaliers.
La dégradation du déficit prévisionnel de la sécurité sociale est d'autant plus préoccupante qu'elle repose sur des prévisions de croissance économique considérées comme optimistes par le HCFP, dans son avis sur le projet de loi de programmation des finances publiques pour les années 2023 à 2027. Cela me conduit à dire que la trajectoire prévue de retour à l'équilibre puis de désendettement semble peu crédible ; il est prioritaire de la revoir et de documenter précisément les mesures de redressement nécessaires.
Par ailleurs, le rapport souligne combien la multiplicité et les fréquentes modifications des sources de financement et des flux financiers affectent la compréhension des soldes des branches et du FSV. La Cour propose donc que les sources de financement des différentes branches soient clarifiées, simplifiées et stabilisées. Ce n'est pas un sujet théorique ; il s'agit, au contraire, des modalités pratiques du redressement de la sécurité sociale dans la durée. Si les exigences de clarté, de rigueur et de stabilité ne sont pas prises en compte, le respect des trajectoires prévues pour les différentes branches ne pourra être garanti.
Enfin, de 2010 à 2021, les dépenses de soins de ville ont augmenté trois fois plus vite que l'inflation. La Cour considère donc que les professionnels libéraux de santé doivent contribuer davantage aux priorités nationales de santé tout en respectant les objectifs de dépenses liés à la trajectoire pluriannuelle du risque maladie. Cette orientation devrait être au centre des prochaines négociations entre l'assurance maladie et les syndicats des professions libérales de santé.
Voilà pour le diagnostic financier.
J'en viens à mon deuxième point : l'étude de trois réformes récentes destinée à évaluer si les objectifs avaient été atteints.
La première porte sur la prestation d'accueil du jeune enfant (PAJE). Nous nous sommes intéressés aux deux principaux dispositifs versés sous condition de ressources : la prestation partagée d'éducation de l'enfant (PreParE), créée en 2014, qui indemnise les périodes de cessation d'activité durant les trois premières années de l'enfant, et le complément de libre choix du mode de garde (CMG), créé dix ans plus tôt, en 2004, qui aide les familles à financer la garde des enfants de moins de 6 ans par des tiers, tous deux réaménagés au milieu de la dernière décennie.
Nous constatons que ces aides sous condition de ressource ont échoué à atteindre leurs objectifs. La PreParE gagnerait à être recentrée sur les arrêts d'activité des parents durant la seule première année de l'enfant et accompagnée d'une indemnisation plus élevée. Les barèmes du CMG sont quant à eux défavorables aux familles les moins aisées, qui ne sont pas réellement libres du choix du mode de garde de leurs enfants. Les barèmes devraient être réaménagés pour permettre aux familles les plus modestes de recourir davantage à l'ensemble des modes de garde possibles.
J'ai noté que le PLFSS prévoit une mesure qui modifie le CMG dans le sens que nous recommandons, sans toutefois toucher à la PreParE. Nous pensons aussi qu'il serait opportun de faire évoluer les deux dispositifs de manière cohérente et concomitante, pour en garantir une meilleure efficacité tout en évitant un coût supplémentaire estimé à 600 millions d'euros pour la branche famille.
La deuxième réforme examinée est celle de l'automatisation du calcul des aides personnalisées au logement (APL). Calculer automatiquement les prestations à partir des données les plus récentes, dites « contemporaines », relatives aux revenus perçus par les bénéficiaires est une bonne idée, mais l'expérience des APL montre les effets délétères des erreurs informatiques lorsqu'elles touchent les revenus des plus précaires. Nous invitons l'administration à anticiper ces risques techniques dans le cadre des expérimentations prévues du principe de « solidarité à la source », souhaité par le Président de la République.
La priorité, pour le versement des prestations financées par la solidarité nationale, reste le paiement exact, à qui de droit, et en temps et en heure. En outre, l'automatisation du versement oblige à conduire le chantier de simplification des bases de calcul des prestations sociales.
Le dernier exemple porte sur le transfert au régime général de la gestion de la sécurité sociale des travailleurs indépendants, du fait de la suppression du régime social des indépendants (RSI). Cette opération est, pour nous, globalement réussie. L'administration doit maintenant s'attacher à pousser les réformes au-delà des sujets d'organisation de la gestion pour traiter les problèmes de fond qui subsistent en matière de protection sociale de ces catégories professionnelles importantes pour l'économie de notre pays. Il s'agit notamment de l'équité du prélèvement social à la charge des travailleurs indépendants par rapport à celui des salariés, de l'équité de ce prélèvement entre les différentes catégories d'indépendants et de la complétude de la protection sociale de ces derniers.
J'en arrive à mon troisième et dernier
point : l'amélioration de la qualité et la maîtrise de
la dépense dans le champ de la protection sociale. Cela nous semble
indispensable ; on ne peut pas réduire les déficits et la
dette sans maîtriser la dépense, sans agir sur son volume et sa
composition : il faut savoir prioriser, déterminer les
dépenses qu'il faut augmenter
- j'ai moi-même
proposé à votre commission une augmentation significative, de
l'ordre de 1,3 à 1,9 milliard d'euros, des dépenses pour les
Ehpad, par exemple -, mais également celles qu'il faut
réduire, sans dégrader la qualité des prestations.
À notre sens, cela nécessite une approche méthodique,
ferme, domaine par domaine, si l'on veut que chaque euro d'impôt ou de
cotisation soit utilement dépensé dans l'intérêt de
nos concitoyens. Nous avons examiné quatre domaines, qui font
apparaître de très nettes marges d'amélioration.
Les deux premiers concernent le champ de la santé et de l'assurance maladie, dont j'ai déjà souligné qu'il doit constituer un terrain de réforme prioritaire.
Nous savons tous combien la situation de l'hôpital public appelle des efforts particuliers. Les agents attendent les mesures, notamment d'organisation, de gestion et de répartition plus juste des moyens. De meilleures conditions de travail sont nécessaires pour que leur engagement, qui peut être, on l'a constaté, sans limites, puisse s'exprimer librement. On peut faire des économies, mais il y a aussi des investissements à faire.
Notre conviction est qu'une autre clé se trouve du côté de la médecine libérale, dont les activités interagissent avec le secteur hospitalier. Nous avons choisi pour illustrer cela deux activités distinctes : la radiologie et la radiothérapie. Ces activités présentent des caractéristiques similaires : une répartition territoriale insatisfaisante, des procédures d'évaluation et de prise en charge de l'innovation limitées, des actions insuffisantes d'amélioration de la pertinence des actes, une connaissance sommaire des activités réalisées et de leur coût, et une inadéquation de la tarification des activités, avec un impact sur la rémunération des professionnels, qui entraîne une perte d'attractivité préoccupante pour l'hôpital. Des réponses doivent être apportées rapidement à ces problèmes.
Un autre exemple concerne un aspect majeur pour la qualité de la prise en charge ou de l'accompagnement de nos concitoyens âgés ou handicapés : il s'agit des conditions de travail du personnel du secteur médico-social. Nous les avons analysées de manière inédite à travers le prisme des accidents du travail et maladies professionnelles (AT-MP).
La fréquence des accidents et des maladies auxquels sont exposés les salariés de certaines catégories d'établissements, notamment des établissements d'hébergement pour personnes âgées dépendantes (Ehpad), est trois fois supérieure à celle qui est constatée dans l'ensemble de l'économie. Nous avons montré que l'amélioration progressive du taux d'encadrement, c'est-à-dire le nombre des salariés disponibles pour prendre en charge et accompagner les personnes, permettrait non seulement d'améliorer la qualité des services rendus à ces personnes, mais encore de réduire fortement le nombre des accidents et des maladies professionnelles. En d'autres termes, nous avons détecté le cercle vicieux de l'économie aveugle, qui enclenche des dépenses supplémentaires. En outre, des dépenses vertueuses peuvent entraîner des économies fortes : mieux vaut dépenser au bon endroit pour renforcer le taux d'encadrement et minimiser les conséquences des absences.
Je me permets d'ajouter, en vue des débats sur le PLFSS pour 2023, que la Cour est au service de votre commission pour renforcer la transparence et la régulation financière des Ehpad. Vous le savez, son indépendance fait la force de ses analyses et de ses recommandations. Lors de la présentation de l'enquête de la Cour des comptes sur la médicalisation des Ehpad, réalisée à la demande de votre commission, j'ai regretté publiquement les limites actuelles de la compétence des juridictions financières en la matière. L'amélioration du contrôle passe aussi par l'extension des compétences des autorités constitutionnelles de contrôle.
Aujourd'hui, l'utilisation des recettes d'hébergement échappe au contrôle de la Cour et des chambres régionales et territoriales des comptes (CRTC). Je forme le voeu devant vous que le législateur fasse évoluer notre champ de compétence dès le PLFSS pour 2023. Il y va de l'information du citoyen et de notre possibilité de contrôler, au sein de l'établissement et du groupe, les produits d'hébergement et les postes de charge qu'ils financent ; je pense notamment à l'immobilier et aux achats. Après les scandales que nous avons connus, il est indispensable de renforcer les contrôles sur les Ehpad et la Cour est - j'ai la faiblesse de le penser - loin d'être la plus mal placée pour ce faire. Je suis à votre disposition pour discuter d'un projet d'amendement si vous le souhaitez. Les scandales que nous avons connus montrent que ce secteur a besoin d'être mieux contrôlé, au service du Parlement et des citoyens. La Cour est volontaire pour accompagner cette évolution, qui dépend d'une disposition législative, avec l'accord du Gouvernement et de l'Assemblée nationale.
Le dernier exemple d'amélioration de la qualité et de l'efficience concerne un aspect mal connu de notre système de retraite : il s'agit des droits familiaux attribués aux parents au titre de leurs enfants. Ces droits représentent près de 20 milliards d'euros de dépenses annuelles. Ils ont été institués il y a cinquante ans ou plus, à une époque où les familles étaient plus nombreuses et où les mères travaillaient considérablement moins. Ces dispositifs complexes accordent des trimestres mais sans compenser suffisamment les pertes de salaires subies par les mères. Nous recommandons une remise à plat de ce système pour corriger cette injustice, sans dépenses nouvelles.
Pour conclure, je veux revenir sur le message principal du rapport : il est impératif de mettre fin à l'accroissement continu de la dette sociale, en remettant rapidement la sécurité sociale sur un chemin effectif d'équilibre financier. Pour cela, il convient de ne pas s'en tenir aux perspectives aléatoires de croissance de l'activité économique dont dépendent les recettes sociales, mais d'entreprendre les réformes nécessaires de notre protection sociale qu'il s'agisse des retraites - ce sujet n'est pas au coeur de notre rapport - mais aussi de l'organisation de notre système de santé, en en rendant ainsi les dépenses plus efficientes. Dans ce domaine, comme dans d'autres, c'est maintenant la qualité de la dépense qui est impérative, non pas l'austérité aveugle mais la dépense bien calibrée, au bon endroit.
Ces réformes sont nécessaires pour garantir la pérennité de notre système de retraite et l'accès de tous à des soins de qualité sans réduire les niveaux de prise en charge par l'assurance maladie. C'est ce qu'attendent nos citoyens.
Mme Catherine Deroche , présidente . - Je vous remercie par avance de votre appui futur sur le texte qui nous attend, notamment pour le secteur médico-social et les personnes âgées. Après notre audition sur la médicalisation des Ehpad, Michelle Meunier et Bernard Bonne ont produit un rapport d'information en réaction à l'affaire Orpea, pour résumer de façon sans doute trop rapide.
Mme Élisabeth Doineau , rapporteure générale . - Monsieur le Premier président, le PLFSS pour 2023 me semble, comme à vous, peu réaliste. Vos observations sur l'inexactitude des comptes de 2021 sont éclairantes et relativisent la forte amélioration des comptes de la sécurité sociale de l'année dernière.
La trajectoire financière 2023-2026 vous semble-t-elle crédible, en particulier au regard de l'évolution des recettes et des dépenses de la branche maladie, qui paraissent très optimistes ?
Une réforme des retraites bien calibrée permettrait-elle à la sécurité sociale de revenir à un équilibre financier global, voire d'envisager une extinction de la Cades en 2033 ?
M. Pierre Moscovici . - Sur la crédibilité de la trajectoire financière de la branche maladie, j'ai abordé le sujet mais je puis détailler. Le PLFSS prévoit une diminution forte du déficit de la sécurité sociale - 7 milliards d'euros, contre 18 milliards d'euros en 2022 - en se fondant sur une croissance économique très optimiste : 1 % en France et 3 % dans le monde, là où les instituts prévoient, respectivement, 0,6 % et moins de 2 %. Indépendamment de cette incertitude, le risque que le déficit soit sensiblement plus important est très élevé. Par exemple, les dépenses de test de covid doivent, pour garantir cette amélioration, être divisées par 20 par rapport à 2021 ; nous le souhaitons tous, mais c'est très volontariste. Par ailleurs, le PLFSS prévoit une croissance des dépenses structurelles, hors covid, inférieure à l'inflation, ce qui suppose des dépenses d'ajustement significatives de la part des professionnels de santé. Cela est loin d'être acquis, au vu des comportements observés.
Les perspectives 2023-2026 figurant dans le PLFSS sont très incertaines et peu étayées à ce stade, puisqu'on ne détaille ni les moyens de redresser la branche maladie ni ceux permettant de contenir la dégradation du déficit de la branche vieillesse. En outre, même si cela se produisait, les perspectives présentées dans le PLFSS font état d'un déficit global de la sécurité sociale durablement dégradé, avec près de 12 milliards d'euros en 2026.
L'absence durable de redressement est en soi très préoccupante. La sécurité sociale ne peut pas rester durablement déficitaire sans faire peser sur les générations futures le financement des prestations qui sont versées aujourd'hui. Je rappelle en outre l'exigence constitutionnelle d'équilibre financier de la sécurité sociale, dont le respect est contrôlé par le Conseil constitutionnel.
Vous m'interrogez sur l'impact qu'aurait une réforme des retraites sur la situation financière de la sécurité sociale, en vous demandant si une réforme suffirait à résorber le déficit de la sécurité sociale. D'abord, l'étendue de la réforme des retraites envisagée par le gouvernement n'est pas connue dans le détail. Ensuite, en toute hypothèse, cette réforme ne produirait ses effets que progressivement ; même la fixation de l'âge de départ à la retraite à 65 ans ne permettra pas d'éviter l'accroissement de la dette sociale dans les quatre années qui viennent ni de faire l'économie d'un nouveau transfert de dette à la Cades, dont la durée de vie devra être prolongée, par voie organique, au cours des années à venir. Par ailleurs, il n'est pas certain que la réforme envisagée soit suffisante pour ramener durablement la branche retraite à l'équilibre financier.
Quoi qu'il en soit, cela laisse entières les questions d'efficience et de qualité des dépenses d'assurance maladie, car on ne peut pas considérer que cette réforme constitue une « carte magique », permettant de tout régler, en renflouant les caisses de l'État et de la sécurité sociale sans mener les autres réformes. Non, il faut bien aller vers plus d'efficience et de qualité des dépenses. C'est pour cette raison que nous en appelons à un traitement réformiste, secteur par secteur.
Mme Corinne Imbert , rapporteure pour la branche maladie . - Vous évoquez le rôle insuffisant du Parlement dans l'encadrement des négociations conventionnelles. Comment renforcer notre implication dans le pilotage financier de l'assurance maladie, qui passe souvent par la voie réglementaire ?
Le projet de loi de programmation des finances publiques 2023-2027 prévoit une mise en réserve de 0,3 % de l'Ondam. Cette mise en réserve vous semble-t-elle crédible et pertinente et comment la rendre effective pour les sous-Ondam ?
Dans le chapitre sur la radiothérapie, vous plaidez pour une procédure d'autorisation temporaire des techniques et pratiques innovantes, conditionnée à un suivi des situations cliniques. Quel mode de financement conviendrait-il à un tel fonctionnement ?
Vous indiquez que les dépenses de médecine de ville hors médicament ont progressé trois fois plus vite que l'inflation ; quel lien faites-vous avec le raccourcissement des séjours à l'hôpital ?
M. René-Paul Savary , rapporteur pour la branche vieillesse . - La réforme de retraites doit viser non à combler le trou de la sécurité sociale mais à garantir un niveau de prestations dans les années qui viennent. Les effets d'une réforme sont toujours longs à se matérialiser, c'est pourquoi il faut prendre les mesures le plus tôt possible.
Vous évoquez l'hypothèse de l'harmonisation des majorations de pension entre régimes. Avez-vous pu en estimer le coût ?
En ce qui concerne les APL, on observe un taux d'erreur de 2 % dans le calcul de ces aides par rapport à la déclaration sociale nominative (DSN). Dans ce contexte, le versement à la source des prestations sociales voulu par le Gouvernement pourra-t-il s'appliquer prochainement ou la fiabilisation du processus prendra-t-elle beaucoup de temps ?
Nous ne sommes pas favorables au transfert de l'ensemble des recouvrements aux Urssaf, y compris des cotisations de retraite des professions libérales et de la Mutualité sociale agricole (MSA). Ces régimes sont intégrés : ils sont chargés du recouvrement et de la prestation. Un tel mouvement ne conduirait-il pas à fragiliser un système qui fonctionne ?
M. Olivier Henno , rapporteur pour la branche famille . - Ce rapport est excellent, j'en partage nombre des constats. Je suis notamment d'accord avec vous pour dire que la réforme de la branche maladie est au moins aussi urgente que celle des retraites.
Sur la branche famille, je déplore comme vous la confusion des aides publiques entre les crédits d'impôt et la prestation de la PAJE, confusion qui rend difficile l'estimation de l'incidence de ces dispositifs sur le coût des modes de garde. Ces dispositifs coûtent cher, les parents n'y voient pas clair et, en outre, ils sont mal calibrés. Le barème du CMG et les restes à charge qui en découlent pour les familles font que les foyers les plus modestes ont plus d'avantages financiers à choisir le mode collectif et les familles les plus aisées ont plutôt intérêt à choisir les assistantes maternelles. Le PLFSS prévoit une réforme du calcul du CMG « emploi direct » mais peut-on encore, par petites touches, modifier ces prestations, pour aboutir à quelque chose de plus efficace, de plus juste, de plus lisible, de plus incitatif ? Votre rapport évoque même la question de la régulation des salaires des assistantes maternelles.
Mme Pascale Gruny , rapporteur pour la branche AT-MP . - La branche AT-MP est, de façon pérenne, en excédent. L'écart entre les recettes et les dépenses se creuse d'ailleurs, passant de 2 milliards d'euros en 2022 à 3,3 milliards d'euros en 2026. Ces excédents ne sont-ils pas de nature à engager la branche vers des dépenses nouvelles en faveur de la prévention des AT-MP ou vers une baisse des cotisations ?
Le Ralfss propose de regrouper dans une seule branche l'ensemble des prestations en espèces de l'assurance maladie au titre du risque arrêt de travail, qu'il s'agisse des maladies ordinaires, des accidents du travail ou des maladies professionnelles. Cela permettrait en effet de mettre fin au transfert annuel, fixé à 1,2 milliard d'euros pour 2023, de la branche AT-MP vers la branche maladie, au titre de la sous-déclaration, selon un calcul très opaque. En quoi un tel regroupement serait-il plus cohérent et plus efficace ? Serait-il plus efficace d'étendre le principe de la modulation en fonction de la sinistralité aux cotisations finançant les indemnités journalières pour maladie ? Les cotisations sociales seraient-elles suffisantes pour financer cette branche élargie ?
Par ailleurs, un chapitre de votre rapport est consacré à la maîtrise des risques professionnels dans les établissements et services pour les personnes âgées ou handicapées, dans lesquels la sinistralité est en effet élevée. La Cour se prononce en faveur d'incitations financières individualisées selon la sinistralité de chaque structure, car, actuellement, le taux de cotisation AT-MP est fixé de manière globale. Avez-vous connaissance de précédents changements de régime de cette nature dans d'autres secteurs et quels enseignements a-t-on pu en tirer ? Comment procéder à un tel changement sans mettre en péril les structures ni augmenter le reste à charge des usagers ? L'efficacité de cette tarification ne serait-elle pas compromise par l'impossibilité de l'appliquer au secteur public ?
M. Philippe Mouiller , rapporteur pour la branche autonomie . - Vous avez décrit une situation inquiétante des comptes de la sécurité sociale et nous pensons, nous aussi, que les projections sont peu crédibles. Les dépenses liées à l'autonomie sont-elles intégrées dans le déficit de 12 milliards d'euros prévus en 2026 ? Comment, au-delà de la CSG, financer l'évolution de la branche autonomie, au regard du vieillissement de la population ?
Vous avez évoqué le taux d'accident du travail trois fois plus important dans le secteur médico-social par rapport à la moyenne nationale. Cette situation a-t-elle un impact direct sur l'attractivité du métier ? Quelles pistes la Cour propose-t-elle, en particulier pour les services à domicile, afin de pouvoir répondre aux enjeux et aux ambitions du Gouvernement ?
Sur le contrôle des Ehpad, nous avons noté la volonté commune d'exercer un contrôle plus strict. Les propositions adoptées l'été dernier et celle du PLFSS auront-elles suffisamment de poids pour contrôler les flux financiers des groupes de gestion d'Ehpad ? Au-delà de l'extension du contrôle à la section d'hébergement, nous pensons que le débat plus général sur la fongibilité des sections doit être mené.
M. Jean-Marie Vanlerenberghe . - Les soins inutiles redondants sont estimés entre 20 % et 30 % des dépenses d'assurance maladie. Le Gouvernement envisage de réduire les dépenses de radiologie et de biologie, mais cela semble insuffisant au regard des enjeux. Or 20 % d'une dépense de 230 milliards d'euros, c'est 46 milliards d'euros. Les efforts sont à faire de ce côté-là, pour améliorer l'équilibre de l'assurance maladie.
Autre sujet à traiter : la fraude sociale. Sur le fondement de vos recommandations, le Gouvernement avait conçu une feuille de route, mais les choses avancent encore trop lentement au sein de l'assurance maladie. Ne faut-il pas donner un coup d'accélérateur dans ce domaine ?
Le débat va s'engager sur l'âge de départ à la retraite. L'économiste Jean-Hervé Lorenzi affirme qu'il faut travailler plus et encourager le travail des seniors. C'est donc vers cela qu'il faut s'engager. Je n'ai rien vu dans votre rapport sur ce point.
M. Alain Milon . - Je partage vos constats, Monsieur le Premier président, mais je demande encore à être convaincu par certaines de vos propositions.
Je m'interroge sur la durabilité du système actuel. Le système peut-il encore tenir longtemps eu égard à ses déficits constants, de plus en plus dangereux, d'autant que la Cades prend en charge la dette en empruntant à un taux d'intérêt de plus en plus élevé ? Par ailleurs, l'assurance maladie et les organismes complémentaires d'assurance maladie (OCAM) sont amenés à étudier les mêmes dossiers successivement, ce qui suppose que des frais de gestion sont engagés deux fois. Est-il normal que chaque dossier soit étudié deux fois, alors que l'on pourrait imaginer qu'il le soit une fois pour toutes ? En outre, si les recettes de l'assurance maladie fluctuent en permanence, les OCAM ont, en ce qui les concerne, la capacité d'augmenter régulièrement leurs cotisations, sans d'ailleurs que quiconque y trouve à redire... Quelle est la solution ? Devons-nous continuer à faire coexister l'assurance maladie et les OCAM ou faut-il faire en sorte que chaque organisme ait un domaine de compétence précis, avec des recettes et des dépenses transparentes ?
Mme Michelle Meunier . - Vous indiquez, Monsieur le Premier président, que les arrêts de travail sont, dans le secteur de l'autonomie, trois fois supérieurs à la moyenne nationale et vous suggérez le regroupement de l'offre. Or Bernard Bonne et moi avons montré, dans notre rapport d'information, que ce mouvement pouvait également être source d'opacité et rendre les contrôles plus difficiles. Nous proposions d'étendre les compétences de la Cour et des CRTC au contrôle de la section d'hébergement des Ehpad, qui, dans les établissements privés à but lucratif, ne sont pas contrôlés du tout. Qu'en pensez-vous ?
Par ailleurs, vous recommandez de viser un ratio d'un professionnel pour un résident, en estimant que cela peut engendrer une économie de presque 33 %. Cela corrobore les recommandations de plusieurs commissaires des affaires sociales, qui permettraient d'améliorer la qualité tant de l'accueil des résidents que du travail des professionnels.
M. Pierre Moscovici . - Madame Imbert, je vous assure que je partage votre préoccupation à l'endroit de l'évolution des dépenses de soins de ville. Je répète que, sur les dix dernières années, ces dépenses ont évolué trois fois plus vite que l'inflation - hors dépenses de médicaments et dépenses de biologie, qui, elles, ont été strictement encadrées, du moins jusqu'à la crise sanitaire.
Nous serons d'accord sur le fait que chaque euro que la collectivité consacre à la santé de la population doit être dépensé à bon escient. Ce que l'on appelle les soins de ville représente plus de la moitié des dépenses de l'Ondam et les honoraires des professions libérales de santé représentent près de 40 % des dépenses de soins de ville. Il faut donc se pencher sur la façon dont ces dépenses évoluent, d'un point de vue tant quantitatif que qualitatif. Votre question porte sur l'encadrement quantitatif, mais vous conviendrez que l'enjeu est aussi qualitatif : comment mieux dépenser.
Sur le plan qualitatif, j'observe que l'annexe B au PLFSS fixe la trajectoire des dépenses d'assurance maladie globalement, sans distinguer la ville ou l'hôpital, ce qui n'est pas la solution. J'observe aussi que le projet de loi de programmation des finances publiques fixe la trajectoire des soins de ville, mais cette enveloppe est plus large que celle des dépenses fixées par les conventions signées par l'assurance maladie. C'est pourquoi nous proposons, dans le Ralfss, que les objectifs pluriannuels de dépenses par convention soient rendus publics à l'issue des négociations et qu'un suivi régulier du coût détaillé et complet de chaque convention soit mis en place pour permettre notamment au Parlement d'en assurer le contrôle.
Nous proposons également que les dispositifs juridiques qui existent soient effectivement mis en oeuvre. Lorsque les dépassements sont prévisibles, les mesures de revalorisation tarifaires doivent être reportées jusqu'à un an, comme la loi le prévoit.
Vous m'avez aussi interrogé sur la radiothérapie et le financement des actes innovants. Je crois qu'il faut les financer par des dotations d'investissement ad hoc qui soient contrôlables.
J'ai déjà en partie répondu sur les dépenses de médecine de ville. Il est clair qu'il y a un lien entre le développement de la politique ambulatoire et l'accélération des dépenses de soins de ville, mais pas dans les proportions observées. En tout état de cause, les dépenses des cliniques privées augmentent rapidement. Il faut donc envisager une régulation pour les soins de ville et pour les soins en établissement.
Monsieur Savary, s'agissant de l'extension des majorations de pension pour enfants aux retraités des professions libérales et du coût de cette mesure, je souhaite d'abord souligner que les règles d'attribution de ces majorations sont différentes selon les régimes qui les versent.
Pour les retraités qui ont relevé de plusieurs régimes durant leur carrière, cela entraîne des différences de situation peu compréhensibles, source d'un sentiment d'iniquité - peut-être justifié, du reste. Nous pensons qu'il est nécessaire, d'abord, d'aligner ces majorations de pension sur la base d'un même taux de 10 % ; ensuite, de supprimer les surmajorations existantes dans les régimes spéciaux, dont celui de la fonction publique ; enfin, de plafonner le montant total perçu par retraité de ces différentes caisses selon le principe déjà appliqué par l'Agirc-Arrco. C'est dans ce nouveau cadre qu'il serait possible d'envisager l'extension de ces majorations aux caisses de retraite des professions libérales. De la sorte, notre système gagnerait en simplicité et en efficacité, tout en permettant la maîtrise des dépenses.
M. René-Paul Savary , rapporteur pour la branche vieillesse . - Avez-vous estimé le coût qu'engendrerait cette extension aux professions libérales ?
M. Pierre Moscovici . - Nous ne disposons pas d'estimation précise, mais nous reviendrons vers vous dès que nous l'aurons.
Sur les conséquences qui doivent être tirées du versement à la source de prestations sociales voulu par le Président de la République, je veux d'abord souligner l'intérêt de la réforme des APL.
En premier lieu, elle a permis de rapprocher le montant des prestations versées de celui des ressources des foyers, puisque le versement des APL est désormais calculé sur les ressources du trimestre précédant le versement, et non sur les bases fiscales de l'année n-2, comme c'était le cas jusqu'en 2020.
En second lieu, cette réforme a fait faire des économies pour la branche famille, à hauteur de 1,1 milliard d'euros en 2021. Cependant, 200 000 familles ont subi des ruptures de versement. D'innombrables erreurs ont été commises. Les caisses d'allocations familiales ont dû recruter plus de 2 000 agents pour corriger manuellement certains des versements. Ces dysfonctionnements montrent qu'un calcul intégralement automatique réalisé à partir des données de salaires de la DSN et des prestations sociales ne peut s'envisager sans que toutes les précautions aient été prises au préalable, ce qui, à l'évidence, n'a pas été le cas pour la réforme des APL.
Il faut tirer les enseignements de cette réforme. À cet égard, la voie de l'expérimentation retenue par le Gouvernement pour ajuster le versement du RSA et de la prime d'activité aux dernières ressources connues est une approche qui me semble plutôt raisonnable. Cela devrait sans doute inspirer les réformes futures dans le champ des prestations sociales.
Quant au transfert aux Urssaf de la gestion du recouvrement des cotisations versées par les professionnels libéraux à leur caisse de retraite, nous pensons que l'exemple réussi de la transformation du RSI est une source d'inspiration pour la gestion de la sécurité sociale des autres indépendants libéraux ou exploitants agricoles. Cela s'est accompagné du maintien d'une gouvernance spécifique qui permet aux artisans et aux commerçants de continuer à gérer les équilibres financiers de leur régime complémentaire et de verser des aides et secours à leurs ressortissants dans le besoin, selon leurs propres règles.
Notre enquête montre qu'il n'y a pas de difficulté particulière. D'ailleurs, la gestion des cotisations et des droits à la retraite des micro-entrepreneurs libéraux est d'ores et déjà confiée aux Urssaf et aux caisses de retraite du régime général. Les représentants des professions sont attachés au système historique qu'ils ont créé. C'est bien normal, mais il faut savoir aussi prendre en compte les gains d'efficience attendus d'une gestion plus rationnelle. Par ailleurs, ce qui compte pour l'assuré de base, c'est la simplicité et l'efficacité. Il préfère n'avoir qu'un interlocuteur, que ce soit pour le paiement des cotisations ou pour le suivi des prestations. Bien évidemment, des réformes qui regroupent ou suppriment des systèmes historiques doivent être préparées, expliquées, exécutées avec prudence et méthode, mais, quand elles sont réalisées, elles emportent la satisfaction des assurés ; nous l'avons constaté pour les anciens assurés du RSI.
Monsieur Henno, je partage largement vos considérations générales sur les retraites, même si la Cour ne revient pas dans le détail sur la réforme des retraites dans ce rapport. Cependant, elle s'est déjà prononcée sur le sujet : nous sommes de ceux qui estiment qu'il y a bien un problème de soutenabilité à long terme de notre système de retraite et qu'il faut le réformer pour assurer son financement durable.
Il y a des tas de façons de le faire, mais elles reviennent toutes à une alternative : soit les actifs partent plus tard en retraite, soit on baisse les pensions. Il me paraît tout de même largement préférable, dans le contexte actuel d'allongement de la durée de vie et de la dégradation du rapport actifs-inactifs, de procéder par la première voie plutôt que par la seconde.
En tout état de cause, on ne peut pas attendre d'une réforme des retraites qu'elle soit une sorte de couteau suisse. Elle ne peut pas viser dix objectifs. Elle ne peut pas à la fois participer au redressement des finances publiques, augmenter la croissance et l'emploi, réduire les déficits et, en même temps, nous dispenser de toute autre réforme, d'autant que ses effets sont forcément très progressifs dans le temps. Il ne faut pas bercer quiconque d'illusions : la réforme des retraites doit se faire, dans l'équation que nous avons rappelée - nous entourer d'expertise, procéder à des concertations et prévoir une application suffisamment étalée dans le temps pour permettre une bonne acceptation des mesures prises par la société.
Dans ce contexte, la question des dépenses maladie doit elle aussi être traitée. Je ne crois vraiment pas que tout se réduise à la réforme des retraites...
Vous m'avez interrogé, en votre qualité de rapporteur, sur la question de la garde des enfants. Je partage votre avis : l'accueil des enfants est l'un des enjeux centraux de la politique familiale. Il faut y apporter une très grande attention compte tenu de son impact pour les familles et pour les finances publiques. Je rappelle que près de 15 milliards d'euros sont dépensés chaque année au titre des politiques publiques d'accueil du jeune enfant. Nous voyons que des progrès sont faits, ne serait-ce que du point de vue de la simplification et de la facilitation pour les familles. Simplifier devrait toujours être la priorité pour nos citoyens. Ainsi, nous recommandons que le crédit d'impôt pour garde d'enfant bénéficie directement aux familles, en même temps que le CMG. Dans sa réponse, le directeur de l'Acoss nous a confirmé que ce service sera ouvert dans moins de deux ans.
Vous m'interrogez ensuite sur la disposition du PLFSS qui prévoit des mécanismes pour atténuer les effets de seuil des barèmes du CMG. Cette disposition va clairement dans le bon sens : il est souhaitable d'éviter une forme de ségrégation sociale de l'accueil des jeunes enfants.
Je fais cependant deux observations complémentaires. Premièrement, je note que la disposition du PLFSS va plus loin que ce que nous proposions pour les familles monoparentales, en allongeant jusqu'aux 12 ans de l'enfant, au lieu de 6, le bénéfice du CMG et en majorant la prestation pour ces familles. S'il y a une logique forte à cibler les familles monoparentales, cette évolution est, pour le coup, assez large. Deuxièmement, l'ensemble des dispositions prévues par le PLFSS sont coûteuses, avec 600 millions d'euros en année pleine en 2026. Nous regrettons, à cet égard, que les évolutions nécessaires ne soient pas accompagnées d'une réforme concomitante du régime de la PreParE, versée en cas de congé parental, réforme que nous recommandions pour rendre les dispositifs plus cohérents et pour atténuer les coûts.
Enfin, vous m'interrogez sur l'opportunité de réguler davantage le salaire des assistantes maternelles. Je note que le versement du CMG est déjà conditionné au fait que ce salaire soit inférieur à 5 Smic horaires par jour et par enfant, ce qui constitue une première limitation significative, mais, dans le système actuel, le montant du CMG est de plus en plus plafonné de façon différenciée selon les revenus des parents et selon le nombre de leurs enfants. Dans le nouveau système envisagé, l'assistante maternelle pourrait être tentée de se rapprocher davantage du plafond de 5 Smic. Aussi, nous avons préconisé un système de régulation plus ajusté, sans pour autant prendre position sur ses modalités détaillées, qui relèveront de textes réglementaires de l'administration.
Madame Gruny, je répondrai à vos deux premières questions en quatre points.
Premièrement, le projet du Gouvernement montre effectivement une poursuite de la croissance des excédents de la branche AT-MP, qui passerait de 1,3 milliard en 2021 à 3,3 milliards en 2026.
Deuxièmement, il existe des liens financiers entre les branches maladie et AT-MP. Nous savons que certaines dépenses de la première relèvent, en réalité, de la seconde. Cela représentait, en 2021, entre 1,2 et 2,1 milliards d'euros. Un transfert financier compense en partie cette charge indue pour la branche maladie ; il sera porté à 1,2 milliard d'euros en 2023 dans le PLFSS.
Troisièmement, la durée moyenne des arrêts de travail pour AT-MP est très dépendante du secteur d'activité des salariés, ce qui est compréhensible, mais la durée moyenne des arrêts maladie l'est aussi, ce qui est plus surprenant. Il est donc logique d'envisager, comme nous le recommandons, une approche de la gestion du risque commune aux arrêts de travail pour maladie et pour AT-MP.
Quatrièmement, l'évolution des indemnités journalières est extrêmement préoccupante, puisque, hors covid, en dix ans, entre 2012 et 2021, les dépenses liées aux arrêts de travail sont passées de 8,8 à 13 milliards d'euros, soit près de 50 % d'augmentation, contre seulement 30 % pour l'Ondam total. Autant dire que la gestion du risque n'a pas été efficace dans le domaine des arrêts de travail. La priorité serait de prévenir les arrêts longs, qui tirent les dépenses vers le haut, et qui sont les plus pénalisants pour les salariés : ils les éloignent du travail, réduisent leurs chances de reprendre une activité professionnelle et pèsent sur la retraite. Cela s'appelle la prévention de la désinsertion professionnelle.
Voilà l'ensemble des raisons qui ont poussé la Cour à proposer de rassembler dans une même branche de gestion les prestations maladie et AT-MP, proposition qui figure d'ailleurs dans un rapport sur les arrêts de travail établi en 2019 par trois experts à la demande du Premier ministre.
Vous m'interrogez sur notre recommandation de soumettre les établissements médico-sociaux à un taux de cotisation du risque AT-MP qui tienne compte du risque réel de chaque gestionnaire d'établissement. Il faut rappeler que les salariés du secteur médico-social ont trois fois plus de risques d'être victimes d'un accident du travail et d'une maladie professionnelle que les salariés de l'ensemble des secteurs économiques. C'est 30 % de plus que dans les entreprises du BTP (bâtiments et travaux publics), secteur pourtant connu pour sa pénibilité et sa dangerosité. Il faut faire évoluer le système avec progressivité et prudence, pour éviter d'éventuels surcoûts à la charge des résidents. Nous avons, à ce titre, préconisé des investissements.
Monsieur Mouiller, vous vous interrogez également sur le caractère hors norme, révélé par notre enquête, du risque d'arrêt de travail auquel sont exposés les salariés des établissements médico-sociaux. Trois fois plus, c'est considérable et c'est vraiment catastrophique. Cette situation est au coeur du défaut d'attractivité du secteur - ce n'est pas qu'un enjeu de niveau de salaire. Elle doit appeler des mesures vigoureuses sur deux plans : la prévention, qui doit mobiliser les employeurs et les administrations, dont, bien sûr les agences régionales de santé (ARS) ; le recrutement de personnels supplémentaires dans les Ehpad. Il est sans doute inhabituel que la Cour appelle à des recrutements supplémentaires, mais, ce faisant, elle est dans son rôle : lorsqu'elle appelle sans relâche à chercher les marges d'efficience de la dépense publique, c'est aussi pour contribuer au financement des dépenses supplémentaires là où elles sont nécessaires.
Vous avez évoqué le sujet du virage
domiciliaire : nos concitoyens souhaitent vieillir chez eux le plus
longtemps possible. En janvier dernier, nous avons remis à votre
commission une communication sur les services de soins à domicile qui
montre l'utilité et la pertinence de ces derniers, mais il faut aussi
prendre en compte les risques particuliers auxquels sont exposés les
salariés qui interviennent au domicile des personnes âgées
ou handicapées, risques liés aux transports, à
l'état du domicile de la personne
- sur lequel l'employeur n'a
pas la capacité d'agir -, au fait que le salarié intervient
seul. Il faut agir sur tous ces plans.
Vos deux dernières questions constituent pour moi un point de grande attention. Le contrôle des Ehpad, notamment privés lucratifs, est un enjeu de premier plan, d'abord pour la qualité et la sécurité de nos citoyens âgés, mais aussi pour le bon usage des fonds publics. Nous avons expertisé le projet d'article 32 du PLFSS sur le renforcement du pouvoir des ARS et des conseils départementaux. Cela rejoint les analyses du rapport que nous vous avons soumis. Celui que vous avez rédigé, Madame Meunier, avec M. Bonne, est d'excellente qualité et très inspirant en la matière. Ces dispositions sont indispensables.
Je me borne à deux remarques. Premièrement, il faut s'assurer que la rédaction proposée couvre bien tous les montages possibles par lesquels des établissements et services du secteur médico-social sont contrôlés par des personnes tierces, et l'expérience montre que le diable est dans les détails. Par exemple, est-on certain que la rédaction couvre bien le cas où une superposition de structures associatives et privées commerciales dispose du contrôle direct ou indirect ? Deuxièmement, je répète qu'il faut compléter le code des juridictions financières pour garantir à la Cour et aux chambres régionales la possibilité de contrôler la totalité des ressources des établissements gestionnaires et des groupes auxquels ils appartiennent. Ce n'est pas le cas aujourd'hui, notamment pour tout ce qui résulte des tarifs d'hébergement ou les suppléments pratiqués à l'endroit des usagers.
Les scandales qui ont éclaté montrent à quel point ce secteur doit davantage être contrôlé. À mon sens, l'institution que je préside et les chambres régionales des comptes sont, à l'évidence, les mieux placées et les plus légitimes pour le faire, d'où le travail que je vous propose d'effectuer ensemble pour parvenir à améliorer la législation. Je suis persuadé que nous pouvons parvenir, sur ce point, à un consensus entre le Gouvernement et les deux assemblées. Ce sera un progrès.
Monsieur Vanlerenberghe, en matière de pertinence des soins, plusieurs outils sont à la disposition de la Caisse nationale de l'assurance maladie (Cnam) ou des pouvoirs publics, mais ils sont sous-utilisés : la rémunération au forfait des médecins ; la régulation prix-volume, qui fonctionne plutôt bien pour la biologie médicale ; la prévention, qui est le parent pauvre de la politique de santé ; la maîtrise médicalisée, c'est-à-dire le juste soin dispensé à bon escient au plus juste coût. Il y a là des sources d'économies considérables.
Pour ce qui concerne la fraude, la Cour va revenir dès le Ralfss 2023, qui sera produit en juin prochain, sur le suivi des recommandations sur la fraude aux prestations sociales qu'elle a formulées dans le rapport que vous lui aviez demandé lorsque vous étiez rapporteur général de la commission.
Oui, le travail des seniors est un sujet central. J'ai lu comme vous l'excellente interview que Jean-Hervé Lorenzi a donnée ce matin dans un quotidien bien informé. Le taux d'emploi des seniors est encore en net décalage par rapport à celui des autres pays. C'est un enjeu tout à fait essentiel, même si l'on en parle peu dans la réflexion sur la réforme des retraites. Il est assez complexe pour les entreprises. Agir sur ce dernier ne sera pas une solution magique, mais cela ne doit pas pour autant être esquivé.
M. Milon m'a posé des questions fondamentales sur la durabilité de la protection sociale. Je vais lui faire une réponse de conviction : cette durabilité est possible, à une condition, qui est d'éviter la spirale de la dette, à rebours des pratiques actuelles. La question de la dette est vitale et souvent mal posée. On ne s'interroge que sur le niveau de la dette. Celui-ci est très élevé : il est supérieur à la moyenne de la zone euro et plus élevé que dans la plupart de nos pays compétiteurs. Cependant, il n'y a pas de problème de soutenabilité de notre dette, qui est finançable, la France ayant plutôt une bonne signature et étant accrochée à l'Allemagne.
Le problème de la dette est que, plus elle grossit, plus se renforce le service de la dette, et moins nous aurons la capacité à déployer des dépenses utiles. Je dis à ceux qui rêvent d'une augmentation constante de la dette que cela n'a pas de sens ! La dépense publique doit s'arrêter à un moment donné, parce que trop de dette tue la dépense publique utile. On ne pourra pas investir dans la transition écologique, la transition numérique, l'innovation, la recherche, l'éducation, la justice sociale et la protection sociale si notre dette est trop élevée. Sommes-nous au point de rupture ? Je l'ignore. En tout cas, je pense qu'il faut être au point d'inflexion, raison pour laquelle nous insistons sur le manque de crédibilité des textes qui vous sont soumis.
Nous partageons votre avis sur le caractère inefficient du système partagé entre assurance maladie et complémentaire. Des évolutions évidentes sont nécessaires. Nous avons proposé plusieurs scénarios dans un rapport que nous avons transmis récemment à la commission des affaires sociales de l'Assemblée nationale.
Madame Meunier, j'ai rendu hommage à votre rapport, que je trouve très utile et tout à fait complémentaire et convergent avec les travaux de la Cour sur le sujet.
À mon sens, il faut une double extension des compétences des juridictions financières : une extension horizontale, pour pouvoir élargir notre pouvoir de contrôle à la section hébergement ; une extension verticale, pour pouvoir contrôler l'ensemble des flux financiers entre les établissements gestionnaires et leur maison mère.
Il faut aussi que nous puissions mener des contrôles plus inopinés qu'aujourd'hui afin de mettre au jour certaines situations. Nous y tenons. Nous avons vraiment envie de nous investir davantage dans ce secteur. En outre, nous pensons que c'est attendu : il y a là une cause nationale fondamentale. Nous sommes à votre disposition pour vous communiquer un projet d'amendement en ce sens et pour travailler ensemble sur une amélioration de sa rédaction, si cela vous paraît nécessaire.
Mme Catherine Deroche , présidente . - Merci beaucoup, Monsieur le Premier président. Nous aurons l'occasion de nous revoir prochainement, puisque nous attendons un rapport sur Santé publique France d'ici à la fin de l'année.
M. Pierre Moscovici . - Ce rapport est délibéré aujourd'hui.
Ce point de l'ordre du jour a fait l'objet d'une captation vidéo qui est disponible en ligne sur le site du Sénat .
Mme Geneviève Darrieussecq,
ministre
déléguée chargée des personnes handicapées
auprès du ministre des solidarités, de l'autonomie et des
personnes handicapées
Réunie le mardi 11 octobre 2022, sous la présidence de Mme Catherine Deroche, présidente, la commission procède à l'audition de Mme Geneviève Darrieussecq, ministre déléguée chargée des personnes handicapées auprès du ministre des solidarités, de l'autonomie et des personnes handicapées.
Mme Catherine Deroche , présidente . - Nous entendons cet après-midi Mme Geneviève Darrieussecq, ministre déléguée chargée des personnes handicapées auprès du ministre des solidarités, de l'autonomie et des personnes handicapées, sur le projet de loi de financement de la sécurité sociale (PLFSS) pour 2023.
J'indique que cette audition fait l'objet d'une captation vidéo qui sera retransmise en direct sur le site du Sénat et disponible en vidéo à la demande.
Je rappelle à nos collègues qu'un scrutin pour l'élection d'un juge suppléant à la Cour de justice de la République se tient à partir de 14 h 30 et jusqu'à 15 heures en salle des Conférences.
Mme Geneviève Darrieussecq, ministre déléguée auprès du ministre des solidarités, de l'autonomie et des personnes handicapées, chargée des personnes handicapées . - Je vous remercie de votre invitation à venir m'exprimer devant vous non seulement sur le PLFSS, mais aussi, plus largement, sur les orientations qui seront les miennes et celles du Gouvernement en matière de handicap.
Le handicap est une politique prioritaire du Gouvernement, comme l'a affirmé avec force Mme la Première ministre dès son discours de politique générale du 6 juillet 2022. Elle l'a réaffirmé lors du Comité interministériel du handicap (CIH), qui s'est tenu jeudi dernier en présence du Gouvernement, des associations et des représentants des élus locaux. Avec cette instance, Élisabeth Borne a fixé un cap, une méthode et des priorités à notre action. En inscrivant le handicap dans la feuille de route de chacun des ministres, nous nous assurons que le handicap soit toujours inclus dans leur action.
Notre conviction est simple : les personnes en situation de handicap doivent être prises en compte systématiquement dès la conception de toute politique publique. En désignant dans chaque préfecture un sous-préfet « référent handicap », nous nous assurons que ces politiques sont mises en oeuvre sur l'ensemble du territoire en coopération avec tous les acteurs locaux concernés et au plus proche des besoins de chacun. C'est une nécessité parce que notre politique du handicap n'a de sens que dans les effets directs qu'elle produit sur le quotidien de nos concitoyens.
Le caractère prioritaire de cette politique se traduit dans ce PLFSS par une augmentation sans précédent de l'Objectif national de dépenses d'assurance maladie (Ondam) pour le volet « Personnes en situation de handicap » de 5,2 %, soit 730 millions d'euros supplémentaires. Nous poursuivons ainsi les engagements pris lors de la dernière Conférence nationale du handicap (CNH) du 11 février 2020, alors même que nous préparons activement la CNH de l'an prochain.
Nous pouvons constater les résultats de l'action menée depuis cinq ans dans chaque ministère, mais beaucoup reste à faire. L'attractivité des métiers du secteur social et médicosocial est un enjeu essentiel qui concerne l'ensemble des politiques de l'autonomie. Nous ne pouvons être à la hauteur de nos ambitions sans le travail admirable sur le terrain. C'est pourquoi 300 millions d'euros supplémentaires seront consacrés dans ce PLFSS aux revalorisations de salaires, conformément aux engagements du Premier ministre Jean Castex lors de la Conférence des métiers de l'accompagnement social et médicosocial du 18 février 2022.
Par ailleurs, le secteur social et médicosocial fait face à une inflation importante. C'est pourquoi près de 150 millions d'euros supplémentaires seront alloués aux établissements sociaux et médicosociaux pour personnes en situation de handicap. Comme l'a annoncé Jean-Christophe Combe, le bouclier tarifaire bénéficiera également aux établissements pour adultes en situation de handicap. Et les négociations sont en cours de finalisation pour les établissements pour enfants.
Avec le PLFSS pour 2023, nous poursuivons et amplifions la mise en oeuvre de grands objectifs et de politiques prioritaires.
D'abord, 70 millions d'euros supplémentaires seront alloués au développement de l'école inclusive et à la scolarisation des enfants et des adolescents en situation de handicap. Cela favorisera la création de places pour les élèves polyhandicapés et le déploiement des unités d'enseignement en maternelle (UEM) et en élémentaire autisme (UEEA). Nous allons également accroître les coopérations opérationnelles entre l'école et les établissements médicosociaux pour favoriser la scolarisation en milieu ordinaire des enfants en situation de handicap.
Ensuite, 80 millions d'euros supplémentaires seront fléchés en direction des publics prioritaires. Je pense aux adultes en situation de polyhandicaps et aux personnes handicapées vieillissantes. Ces crédits financeront aussi la politique du handicap outre-mer, qui accuse des retards inacceptables.
Par ailleurs, une partie de ces financements vise à prévenir les départs forcés vers la Belgique, tout en permettant le retour en France de ceux qui le souhaitent.
Dernier grand bloc des actions financées par le PLFSS : 80 millions d'euros supplémentaires seront dédiés à l'autisme et aux troubles du neurodéveloppement en dehors de la scolarisation. Ainsi, nous étendons aux enfants âgés de sept à douze ans la politique de détection précoce, qui a permis depuis trois ans à près de 30 000 enfants d'être détectés à temps et mieux accompagnés. C'est pourquoi nous voulons renforcer l'accompagnement suivant le diagnostic, ainsi que le déploiement des unités résidentielles pour les adultes autistes.
Ce PLFSS est donc résolument ambitieux pour le secteur du handicap, qui s'inscrit dans le cycle long de la concertation présidant à la construction de toutes les politiques du handicap. Ce projet tend à appuyer la dynamique des progrès accomplis depuis la dernière CNH, par une hausse des moyens d'ampleur inédite. Le terrain est préparé pour que la prochaine conférence soit un vrai tremplin pour la suite de notre action. Du fait du caractère transversal de ces politiques, leur financement est assuré par de nombreux budgets différents.
Par ailleurs, ce PLFSS peut être qualifié de « transition ». La future CNH, sous l'égide de la Première ministre, sera l'occasion de proposer un changement de paradigme à la hauteur des attentes des personnes en situation de handicap. Ont été fixés quatre grands axes : l'acte II de l'école et de l'université inclusive, la mobilisation pour le plein emploi des personnes en situation de handicap, la simplification des parcours et l'accessibilité universelle. En parallèle, nous prévoyons de prolonger les efforts sans précédent menés sur l'autisme et les troubles du neurodéveloppement, en construisant une nouvelle stratégie nationale. Des concertations sont d'ores et déjà lancées en ce sens.
Pour terminer, je vous livrerai les deux points fondamentaux, qui seront la boussole de mon action : la simplification, aussi bien des démarches que des procédures, et l'effectivité des mesures.
Toutes nos politiques, nous les mènerons en concertation étroite avec l'ensemble des acteurs concernés. Je pense au Conseil national consultatif des personnes handicapées (CNCPH), mais aussi aux élus locaux, en particulier les départements. Nous souhaitons y associer la représentation nationale, car je sais que vous êtes nombreux à vous investir sur ces sujets.
Cette logique de coconstruction, qui est la norme depuis bien longtemps et que j'ai aujourd'hui l'honneur de porter, c'est précisément ce que veulent introduire le Président de la République et la Première ministre dans l'ensemble de nos politiques publiques. Je terminerai en soulignant le rôle d'avant-garde que jouent les acteurs du handicap en la matière. Je suis prête à répondre à toutes vos questions à ce sujet.
M. Philippe Mouiller , rapporteur pour la branche autonomie . - Je ne peux que souscrire à la simplification, nécessaire sans être forcément très coûteuse. Le Comité interministériel du handicap a déclaré que les grandes priorités seraient fixées lors de la CNH. Les intentions correspondent aux besoins, mais les associations sont très critiques sur les moyens alloués dans ce PLFSS. Selon elles, il s'agit d'une mise en oeuvre a minima des engagements pris lors du dernier CIH. Quel est votre regard sur ces retours ? Le 6 octobre dernier, vous avez évoqué la mise en place des sous-préfets dans les territoires. D'autres mesures ont-elles été annoncées lors du CIH pour l'année 2023 ? Lors de son audition, le ministre Jean-Christophe Combe a indiqué que le PLFSS pour 2023 était « un PLFSS de fin de cycle structurel sur les grandes politiques et qu'il fallait laisser le temps à la concertation sur le handicap avec la préparation de la future CNH » ? Pouvez-vous nous dire comment sera organisée cette CNH ?
Par ailleurs pouvons-nous imaginer que cette CNH soit l'occasion d'aborder le sujet de l'accompagnement des élèves en situation de handicap (AESH), il s'agit d'un point crucial. Le système que vous avez mis en place est transversal. Comment répondre aux attentes des familles, sachant que de nombreux dysfonctionnements sont constatés au lendemain de la rentrée scolaire ?
Vous avez évoqué la stratégie pour l'autisme, dont le cycle actuel s'achèvera en 2022. Faut-il attendre le CNH de 2023 pour avancer sur ces questions et prolonger les actions entreprises ?
Plus globalement, l'annexe B du PLFSS indique que la situation de la branche autonomie serait excédentaire à compter de 2024, avec un excédent à hauteur de 0,9 milliard d'euros. Cet excédent diminuerait ensuite, notamment au regard des engagements de création de postes dans les établissements d'hébergement pour personnes âgées dépendantes (Ehpad) et du financement du temps dédié au lien social auprès des personnes âgées. Dans ce contexte, quelle marge budgétaire resterait disponible pour faire évoluer la situation et les conditions de vie des personnes handicapées?
Vous avez aussi évoqué les moyens consacrés au fonds d'intervention pour éviter les départs en Belgique. Les crédits de l'année n-1 ont-ils été utilisés ? Comment cela peut-il se traduire concrètement, sachant que les fonds, même s'ils existent dans la maquette budgétaire, semblent inaccessibles ?
Pour conclure, nous avons voté la « déconjugalisation » de l'AAH (Allocation adulte handicapé) et participé aux rencontres dédiées à la préparation de mise en place opérationnelle de cette réforme. Un décret est attendu à la mi-décembre. Pourriez-vous nous confirmer ce calendrier, sachant que la publication de ce texte conditionne le respect du calendrier de mise en oeuvre de la réforme ?
Mme Geneviève Darrieussecq, ministre déléguée . - Vous avez évoqué les critiques des associations sur la mise en oeuvre a minima des engagements précédents. Un bon texte ne passe pas nécessairement par des mesures législatives nouvelles. Et en l'espèce, il ne s'agit pas du tout d'un texte a minima , puisqu'il est question de la plus forte augmentation de crédits en direction des personnes en situation de handicap : 5,2 %, alors que l'Ondam est à 3,4 %. Le thème du handicap est bien pris en compte de façon importante. En outre, le budget de l'éducation sur l'école inclusive, qui s'élève à 3,5 milliards d'euros, a été augmenté cette année de 200 millions d'euros. Nous portons aussi l'ambition de recruter 4 000 AESH supplémentaires. La montée en charge est progressive et il faut que nous mettions en oeuvre nos ambitions sur le long terme.
Les politiques du handicap se construisent avec toutes les personnes concernées. Nous arrivons en fin de cycle et préparons une nouvelle Conférence nationale du handicap. Pour ce faire, nous nous référons à la méthode de la Première ministre donnée lors du CIH de la semaine dernière. Nous aurons une feuille de route pour les cinq ans à venir et mettons en oeuvre aujourd'hui les politiques qui ont été décidées. Par exemple, dans la stratégie autisme, nous continuons de déployer de façon très active les unités spécialisées en école maternelle et élémentaire, ou encore les unités localisées pour l'inclusion scolaire (Ulis).
Pour la nouvelle CNH, nous devons construire avec les associations la feuille de route, à partir de laquelle nous déterminerons les moyens. Je pense à l'accessibilité, pour laquelle il nous faut donner une vraie impulsion pour tenter de respecter la date butoir de 2024.
La nomination de référents handicap sera systématique. La Première ministre a annoncé la nomination d'un délégué interministériel à l'accessibilité, sur laquelle l'accent sera mis par le biais des agendas d'accessibilité programmée (Ad'AP) et des annonces de Christophe Béchu pour 2023.
Concernant le statut des AESH, qui sont employées par l'éducation nationale, le Président de la République et la Première ministre se sont engagés sur des dispositifs de « déprécarisation » et d'inclusion périscolaire. Le travail, réalisé conjointement par l'éducation nationale et les collectivités territoriales, sera poursuivi activement cette année.
Le nombre des AESH a, lui, augmenté de 42 % par rapport à 2017. On en compte aujourd'hui 132 000, soit un AESH pour huit professeurs. Je souhaite que nous entamions collectivement une réflexion sur ce sujet. Je suis frappée de constater que, lors de chaque rentrée scolaire, les enfants handicapés sont systématiquement aidés par un AESH. Or certains enfants ont surtout besoin d'outils, d'autres d'une pédagogie adaptée, telle que la formation des enseignants ; certains appellent une aide humaine permanente, quand d'autres requièrent une aide ponctuelle. Avec le ministre de l'éducation nationale, je souhaite que nous nous dirigions vers une évaluation des besoins et des moyens, afin de faire entrer davantage le médicosocial dans les collèges et les lycées. Cette force d'appui doit bénéficier aux enfants en situation de handicap, mais également à toute la communauté éducative. Nous continuerons à y travailler avec force.
Lors de la prochaine CNH, nous travaillerons sur l'acte 2 de l'école inclusive, avec comme objectif de mieux intégrer les professionnels du secteur médico-social au sein de l'école.
Nous avons également lancé une stratégie autisme ambitieuse, dotée de 500 millions d'euros, avec la volonté de toucher tous les troubles du neuro-développement. Des plateformes de dépistage précoces sont désormais proposées à l'attention des enfants âgés de 0 à 6 ans. Plus le repérage est précoce, plus il est possible d'entourer l'enfant et d'agir efficacement pour lui permettre d'entrer à l'école dans les meilleures conditions.
Nous avons demandé à la délégation interministérielle à l'autisme (DIA) de travailler à la conception d'une nouvelle stratégie en matière d'autisme et de troubles du neuro-développement, en portant une attention particulière aux autistes adultes. Comme toujours, cette stratégie sera construite de concert avec les associations.
Si les objectifs de dépenses pour les personnes âgées et les personnes handicapées sont intégrés à la branche autonomie, je précise qu'ils constituent deux sous-objectifs financièrement distincts.
Dans le champ du handicap, la trajectoire pluriannuelle intégrée à l'annexe B du PLFSS prévoit une évolution tendancielle des moyens et 200 millions d'euros environ par an consacrés au financement de mesures nouvelles. Les crédits fléchés vers la branche permettront aussi de revaloriser les concours de la Caisse nationale de solidarité pour l'autonomie (CNSA) aux départements afin qu'ils puissent financer la hausse de la prestation de compensation du handicap (PCH).
Nous avons, je le crois, réussi à enrayer la dynamique de départs en Belgique, très négative pour notre pays et pour les familles, même si 8 500 personnes en situation de handicap, adultes et enfants, sont encore prises en charge par le secteur médico-social wallon.
Un moratoire a été mis en oeuvre pour les enfants depuis 2015, la Conférence nationale du handicap a fait de l'arrêt des départs contraints vers la Belgique une priorité et 2 500 solutions nouvelles sont en cours de déploiement, en Île-de-France et dans les régions Hauts-de-France et Grand Est. Le plan de prévention des départs contraints en Belgique est doté de 90 millions d'euros.
L'individualisation de l'allocation aux adultes handicapés (AAH) a été votée en juillet. Nous avons reçu des parlementaires au ministère pour leur expliquer les raisons de la parution tardive du décret. Sa rédaction est en effet particulièrement technique et complexe.
Nous prévoyons de présenter un projet au CCPH et aux parlementaires à la fin du mois d'octobre, et nous espérons que le décret pourra être publié courant décembre.
Nous voulons nous assurer que la réforme ne fera aucun perdant, alors que certaines estimations prévoyaient jusqu'à 45 000 perdants après le vote de la loi.
Dans le même temps, la caisse d'allocations familiales (CAF) travaille sur la mise à jour de son système d'information, car toutes les prestations qu'elle versait jusqu'à présent étaient conjugalisées. Nous voulons éviter les couacs.
S'il est possible de mettre le nouveau système en oeuvre avant le 1 er octobre 2023, nous le ferons bien évidemment, dès que nous serons prêts.
Mme Nadia Sollogoub . - Vous avez dit que tout enfant en situation de handicap n'avait pas nécessairement besoin d'un AESH. Toutefois, l'école inclusive ne semble pas non plus constituer une solution universelle. Elle peut aussi être source de difficultés, notamment pour les enfants sourds.
Le projet de budget prévoit-il suffisamment de moyens pour que ces derniers puissent être pris en charge de façon adaptée ?
Mme Jocelyne Guidez . - Nous avons effectué une visite commune à Sainte-Geneviève-des-Bois, et nous avons pu constater que les parents étaient confrontés à un manque de places pour leurs enfants à la fin du cursus en école maternelle. Quelles solutions pouvons-nous leur apporter ?
Par ailleurs, les lieux d'accueil permanents sont souvent loin du domicile, et certaines familles sont parfois contraintes de faire plus de 300 kilomètres par week-end. Elles s'épuisent dans ces trajets, sans compter que le coût du transport n'est pas toujours intégralement compensé. Mme Cluzel avait engagé un travail sur le sujet, me semble-t-il. Qu'en est-il ? Pourrait-on imaginer un système de conventions avec les départements ?
Enfin, je suis très heureuse d'entendre que vous voulez prendre en compte tous les troubles du neuro-développement. C'est en effet indispensable.
Mme Annie Le Houerou . - Je reviens sur les mesures de revalorisation des personnels. Les emplois administratifs et techniques restent exclus du Ségur. Or il est important que tout le monde soit traité de la même manière, surtout au sein des petites équipes.
Par ailleurs, même quand les revalorisations de salaires sont acquises, il semblerait que les associations aient du mal à assumer leurs obligations, les crédits n'étant pas toujours délégués par les agences régionales de santés (ARS).
Il me semble également qu'il reste encore beaucoup de travail à faire sur le dépistage précoce de l'autisme, en dépit des progrès réalisés.
Si nous sommes tous favorables à l'idée de société inclusive, celle-ci n'exclut pas à mon sens la prise en charge de certaines personnes en situation de handicap dans des établissements spécialisés, l'un n'excluant pas l'autre au demeurant. Il s'agit de répondre de façon adaptée à des besoins différents.
Des crédits avaient également été prévus pour créer des lieux de répit à destination des familles dont les enfants sont accompagnés à domicile, mais j'ai l'impression que ces projets peinent à voir le jour - j'ai des exemples en ce sens dans mon département.
Enfin, nous nourrissons quelques inquiétudes sur l'accompagnement des personnes en situation de handicap dans l'emploi. Comment la création de France Travail va-t-elle influer sur leur prise en charge ?
Mme Michelle Meunier . - À entendre nos collègues, vous constatez, Madame la Ministre, qu'il reste des points durs à traiter en termes de prise en charge du handicap dans notre pays.
Quand vous parlez d'un PLFSS ambitieux pour la branche autonomie, j'ai quelques doutes. Il me semble qu'il conforte surtout l'existant. Les difficultés de recrutement dans le secteur montrent pourtant qu'il y a urgence, comme le disent les associations.
La semaine dernière, lors d'un débat dans l'hémicycle, votre collègue Agnès Firmin Le Bodo a invité à changer de regard sur le monde du handicap. Nous sommes d'accord, mais par où commencer ?
Mme Corinne Imbert . - Nous avons beaucoup parlé d'inclusion, mais nous avons encore besoin d'établissements spécialisés, notamment de foyers d'accueil médicalisés (FAM). Des crédits sont-ils fléchés vers la création de places en maisons d'accueil spécialisées (MAS) et en FAM, les établissements où les listes d'attente sont les plus longues ?
Mme Cathy Apourceau-Poly . - Il me semble en effet temps de répondre à la demande de simplification administrative portée depuis longtemps par les associations. Remplir les dossiers, c'est à chaque fois un parcours du combattant pour les familles.
Philippe Mouiller a abordé le problème des jeunes et des adultes qui sont obligés d'aller en Belgique. Certains enfants doivent même s'y rendre en taxi... Quel coût pour la société ! On pourrait quand même envisager de créer des structures dans le Pas-de-Calais et les autres départements afin de garder nos enfants chez nous.
Plusieurs associations m'ont en outre interpellée dans mon département sur un autre point. Beaucoup de parents d'enfants atteints de troubles du spectre autistique essayent de monter des projets visant à accueillir quelques enfants, avec l'assistance de professionnels. Mais quand ils s'adressent à l'ARS pour créer leur structure, celle-ci les renvoie vers le département ou la région pour obtenir des subventions, sans les accompagner...
Mme Geneviève Darrieussecq, ministre déléguée . - Madame Sollogoub, les moyens existent s'agissant de l'école inclusive pour les enfants sourds, mais nous manquons vraiment de professionnels formés. C'est un problème de formation, et non de moyens.
Madame Guidez, vous m'interrogez sur les solutions disponibles pour les enfants atteints de troubles du neuro-développement après la maternelle ?
Les classes Ulis fonctionnent bien pour certains enfants.
Les dispositifs d'autorégulation permettent pour leur part de former l'ensemble du personnel d'un établissement à l'accueil des publics en situation de handicap. Dans ce cas, il est possible de répondre aux demandes des familles sans avoir besoin de recourir à des AESH.
Mon souci est de proposer une solution adaptée à chacun et d'éviter toute rupture dans sa prise en charge.
Le système de financement des transports est en effet devenu illisible, et je souhaite engager une démarche de simplification en la matière. Le Comité stratégique relatif à la compensation du handicap des enfants et aux transports des personnes en situation de handicap, prévu par la loi du 6 mars 2020, a été installé ; il associe tous les niveaux de collectivités territoriales ainsi que les parlementaires et se devra de proposer des solutions simples, lisibles et facilement mobilisables par les familles.
Le Ségur s'est traduit par un effort important en direction des professionnels du champ sanitaire et d'une partie du champ médico-social : 12 milliards d'euros ont été consacrés en 2022 à l'ensemble des mesures de revalorisation.
En février dernier, la conférence des métiers sociaux a permis de nouvelles avancées, avec l'annonce de 1,3 milliard d'euros supplémentaires destinés à la revalorisation des métiers de la filière socio-éducative, dont 500 millions d'euros pour converger vers une convention collective unique permettant à tous ceux qui n'entrent pas dans le champ des augmentations de bénéficier également d'une revalorisation. Les débuts de carrière à des niveaux inférieurs au SMIC, ce n'est plus possible !
En revanche, s'agissant des revalorisations qui ont été décidées, l'ARS a bien versé les fonds, Madame Le Houerou. Certaines associations gestionnaires attendent toutefois la part départementale pour les mettre en oeuvre. Mais la part de l'État a été mobilisée au niveau des ARS.
Mme Annie Le Houerou . - J'ai des exemples contraires.
Mme Geneviève Darrieussecq, ministre déléguée . - Si vous voulez bien me les transmettre, nous les examinerons en détail, Madame la Sénatrice.
Sur l'autisme et l'inclusion en général, je prône une ligne pragmatique. La France a été mise à l'index par l'ONU pour non-respect des recommandations internationales visant à une inclusion totale des personnes handicapées dans la société. Les avis sur notre gestion du handicap sont sévères, mais l'autodétermination des personnes handicapées doit rester, me semble-t-il, notre principale boussole. Quels choix font-elles pour elles-mêmes, pour leur vie ?
Historiquement, nous avons une tradition de prise en charge très institutionnelle du handicap, et celle-ci a eu pour conséquence de placer ces personnes hors du regard de la société.
Quand nous parlons d'inclusion, c'est cette situation que nous voulons renverser : à l'école, dans le travail, dans le sport, dans la culture, les personnes en situation de handicap doivent être incluses à tous les niveaux de notre société.
Oui, notre société a besoin de changer de regard, mais nous savons aussi que nous aurons toujours besoin d'établissements spécialisés pour certains types de handicaps très lourds. Le PLFSS prévoit d'ailleurs des moyens spécifiques pour créer des structures inclusives destinées à accueillir dans de bonnes conditions des jeunes atteints de troubles autistiques particulièrement sévères.
Nous devons continuer l'inclusion - je reste persuadée que l'inclusion scolaire est une bonne chose, qui permet souvent aux enfants de progresser -, mais il nous faut envisager un vrai parcours de vie adapté à chaque typologie de handicap.
La journée nationale des aidants se tenait la semaine dernière. De nombreuses personnes sont concernées dans notre pays, un certain nombre d'entre elles ignorant d'ailleurs qu'elles sont dans une position d'aidantes. Nous devons porter une attention toute particulière aux aidants jeunes et âgés, notamment, en effet, en multipliant les lieux de répit : 252 plateformes ont déjà été déployées, et l'effort va se poursuivre.
L'emploi accompagné fait partie du budget de mon ministère, mais il est rattaché au PLF, et non au PLFSS. Nous avons reconduit l'enveloppe de ce dispositif très pertinent, que j'ai l'intention de faire prospérer, voire d'amplifier, tant les résultats sont encourageants pour l'insertion dans l'emploi des personnes en situation de handicap.
France Travail se construit actuellement avec tous les acteurs concernés, et le handicap sera pleinement pris en compte dans sa construction.
Nos ambitions sont importantes, Madame Meunier, et elles se traduisent dans les budgets. Par exemple, 500 millions d'euros sur la table pour la stratégie autisme, c'est ambitieux !
Oui, notre société dans son ensemble doit changer de regard. Les jeux Paralympiques de 2024 seront notamment l'occasion de porter un éclairage très positif sur le handicap et son apport à notre société. J'attends ce moment avec impatience.
Madame Imbert, plus de 1 000 places en MAS et en FAM sont inscrites dans le PLFSS 2023, pour 55 millions d'euros.
Enfin, oui, je souhaite vraiment simplifier les procédures, de concert avec les maisons départementales des personnes handicapées (MDPH). Ce chantier a été lancé avec le soutien de la CNSA, qui a engagé un travail important avec les MDPH sur l'outil numérique harmonisé afin que les personnes en situation de handicap puissent aussi bénéficier du principe « Dites-le-nous une fois ».
Tandis que nous constatons une nette amélioration des délais de réponse des MDPH, il reste le problème de l'hétérogénéité des réponses données selon les départements. À chaque déménagement, il faut refaire un dossier et, bien souvent, des prises en charge différentes sont proposées. Nous devons donc travailler à une homogénéisation des pratiques des MDPH.
Mme Catherine Deroche , présidente . - Je vous remercie pour vos réponses, Madame la Ministre.
Ce point de l'ordre du jour a fait l'objet d'une captation vidéo qui est disponible en ligne sur le site du Sénat .
M. Yann-Gaël Amghar,
directeur de l'Urssaf caisse
nationale
Réunie le mercredi 12 octobre 2022, sous la présidence de Mme Catherine Deroche, présidente, la commission procède à l'audition de M. Yann-Gaël Amghar, directeur de l'Urssaf caisse nationale.
Mme Catherine Deroche , présidente . - Mes chers collègues, nous entendons ce matin M. Yann-Gaël Amghar, directeur de l'Urssaf Caisse nationale, sur le projet de loi de financement de la sécurité sociale (PLFSS) pour 2023.
J'indique que cette audition fait l'objet d'une captation vidéo qui sera retransmise en direct sur le site du Sénat et disponible en vidéo à la demande.
M. Yann-Gaël Amghar, directeur de l'Urssaf Caisse nationale . - Je présenterai quelques éléments relatifs à notre activité de financement de la sécurité sociale, d'une part, et à notre activité de gestionnaire des cotisations sociales dans le cadre du réseau Urssaf, d'autre part.
Les tendances majeures pour les années 2022 et 2023 sont la réduction du déficit du régime général de la sécurité sociale et les reprises de dettes par la Caisse d'amortissement de la dette sociale (Cades) - à hauteur de 40 milliards d'euros en 2022 et de 25,6 milliards d'euros en 2023 -, ce qui se traduit par une forte réduction des besoins de financement du régime général en 2022, qui sont de nouveau proches des niveaux moyens enregistrés avant la crise sanitaire. Le besoin de financement des branches du régime général de sécurité sociale s'est élevé à 32 milliards d'euros au début de l'année 2022 et devrait atteindre 13 milliards d'euros à la fin de l'année 2023. D'ailleurs, il n'y aurait pas de besoins de financement du régime général stricto sensu en fin d'année 2023.
Le PLFSS pour 2023 prévoit tout de même un plafond d'emprunt à hauteur de 45 milliards d'euros, en nette baisse au regard des 65 milliards d'euros prévus pour 2022, ce qui représente un seuil maximum autorisé. Il est fixé à partir des prévisions du « point bas » de notre trésorerie, qui évolue tout au long de l'année. Ce point, qui sera sans doute atteint en janvier 2023, - soit 35 milliards d'euros - tient compte non seulement des besoins de financement du régime général, mais également des avances que l'Urssaf effectue pour les régimes sociaux dont la dette n'est pas reprise par la Cades.
Ces avances de dette ont deux avantages pour les petits régimes comme la Mutualité sociale agricole (MSA) et la Caisse nationale de retraites des agents des collectivités locales (CNRACL) : d'une part, leur éviter la charge administrative liée aux montages financiers, et, d'autre part, leur permettre de bénéficier de la bonne notation financière de l'Agence centrale des organismes de sécurité sociale (Acoss).
Le montant du plafond tient également compte du fait que l'on emprunte plus que ce dont on aurait besoin, car nos besoins de financement varient fortement dans le temps. Pour être certain de couvrir les échéances importantes - les versements mensuels des 10 milliards d'euros pour les retraites, des prestations de la caisse d'allocations familiales (CAF) ou encore des versements au système de santé -, on emprunte plus que nécessaire, d'où l'indispensable marge de « pré-emprunt », voire de « sur-emprunt ».
Enfin, le montant du plafond est fixé en fonction des incertitudes liées à la conjoncture. Il est indispensable de prévoir dans le plafond d'emprunt de l'Acoss des aléas économiques - les effets de la guerre en Ukraine, de l'inflation et de la crise énergétique - ou des aléas sanitaires, en cas de nouvelles épidémies, qui auraient des conséquences sur l'évolution du montant de l'objectif national de dépenses d'assurance maladie (Ondam). Les dernières années nous ont montré qu'il faut pleinement prendre en compte les aléas.
C'est pourquoi le plafond d'emprunt reste, dans le PLFSS pour 2023, à hauteur de 45 milliards, même si le besoin de financement du régime général de la sécurité sociale est en baisse.
Le contexte de financement de la dette connaît un autre changement majeur : l'année 2022 est la dernière année où la dette du régime général génère des produits financiers, dont le montant total a rapporté 270 millions d'euros cette année, mais la période de taux d'intérêts négatifs dans laquelle nous avons évolué depuis 2015 est révolue - les taux seront certes positifs, mais très inférieurs à l'inflation -, même si l'Urssaf bénéficiera de 60 millions d'euros de produits financiers liés à la dette en 2023. Toutefois, les taux restent bas.
J'en viens aux articles du PLFSS qui concernent le réseau Urssaf.
L'article 5 du PLFSS traite des avances immédiates du crédit d'impôt pour les services à la personne. Engagée en 2022, cette réforme se met progressivement en place. Nous avons commencé par les situations les plus simples, dans lesquelles les ménages ne bénéficient pas d'autres aides sociales. Aujourd'hui, 300 000 ménages sont déjà concernés, mais l'objectif est que l'ensemble des ménages puissent en profiter d'ici à 2024, ce qui nécessite de travailler avec la CAF et les départements. L'article 5 porte sur le calendrier de la mise en oeuvre de la réforme.
L'article 6 comporte diverses dispositions sur les contrôles. Il est question, notamment, de généraliser une expérimentation sur la durée des contrôles pour les très petites entreprises et de définir comment, dans le cadre d'un contrôle, il sera possible pour l'Urssaf ou la MSA, de corriger les données sociales à la place des entreprises qui ne l'auraient pas fait afin de permettre aux caisses de retraite de les utiliser.
L'article 9 prévoit d'étendre aux activités de régulation le « dispositif de déclaration et de paiement simplifié des cotisations et contributions sociales », qui concerne actuellement les médecins exerçant une activité libérale réduite.
Enfin, l'article 41 comporte plusieurs dispositions de lutte contre la fraude et de recouvrement des créances frauduleuses.
Mme Élisabeth Doineau , rapporteure générale . - Je reviendrai sur le refus de la Cour des comptes de certifier les comptes 2021 de l'activité de recouvrement, qu'elle a de nouveau souligné dans son rapport sur l'application des lois de financement de la sécurité sociale. La Cour des comptes écrit que « les modalités de comptabilisation des cotisations et contributions sociales des travailleurs indépendants conduisent à ne pas donner une fidèle du déficit du régime général en 2021 et de son évolution entre 2020 et 2021 ». Le Premier président l'a également exprimé devant nous lors de son audition la semaine dernière. Est-il possible pour l'Urssaf caisse nationale de présenter les comptes de l'année 2021 conformément aux recommandations de la Cour ?
Par ailleurs, quelles marges l'autorisation d'emprunt de 45 milliards d'euros laisse-t-elle à votre agence, au regard des transferts vers la Cades qu'il reste à faire ? Ces derniers vont-ils saturer le plafond de transferts de 136 milliards d'euros accordé par le Parlement en 2020 ?
Enfin, l'Urssaf ressent-elle des tensions sur la disponibilité des fonds ? Face aux incertitudes actuelles, avons-nous la capacité de penser que les choses iront mieux demain ?
M. René-Paul Savary , président de la mission d'évaluation et de contrôle de la sécurité sociale . - J'aimerais que l'on évoque le transfert du recouvrement vers l'Agirc-Arcco, que la commission des affaires sociales de l'Assemblée nationale propose de définitivement supprimer ; nous n'étions pas allés jusque-là, puisque nous proposions de reporter encore ce transfert dans l'attente de la résolution des difficultés qui demeurent. Pour sa part, le Gouvernement propose de procéder en deux étapes : d'abord pour les grandes entreprises dès le 1 er janvier 2023, puis à une date ultérieure pour les plus petites, mais les éditeurs de logiciel ne semblent pas encore au point. Maintenez-vous cette position ?
La Caisse des dépôts et consignations, qui s'occupe des recouvrements pour la CNRACL, l'institution de retraite complémentaire des agents non titulaires de l'État et des collectivités publiques (Ircantec) ou le régime de retraite additionnelle de la fonction publique (RAFP), ne semble pas trouver opportune « l'unification » des recouvrements des prestations sociales, même si certains organismes, comme la MSA, ne seront pas concernés. Souhaitez-vous continuer dans cette voie ?
Enfin, pouvez-vous nous donner votre point de vue, pour ce qui concerne la Caisse d'assurance vieillesse, invalidité et maladie des cultes (Cavimac), sur la question des recouvrements subis ? Comment peut-on essayer de trouver un terrain d'entente concernés ?
M. Yann-Gaël Amghar . - Madame Doineau, le refus de certification de la Cour des comptes n'est pas une remise en cause de la fiabilité de nos comptes ou de notre contrôle interne. Il porte plutôt sur l'application des normes comptables et sur l'exercice de rattachement de deux épisodes comptables, déjà soulevés lors de l'évaluation de nos comptes pour 2020.
Le premier porte sur la régularisation des cotisations des travailleurs indépendants sur leurs revenus de 2020 : comme vous le savez, les cotisations provisoires sont régularisées à l'année suivante. Au vu du contexte de crise sanitaire, pour 2020, nous avions réduit d'office les prélèvements avant la régularisation en 2021. Nous avions pour cela appliqué les normes comptables définies par le Conseil de normalisation des comptes publics (CNOCP), précises et prescriptives sur ce point, selon lesquelles les cotisations des travailleurs indépendants sont rattachées à l'exercice où elles sont appelées et la régularisation l'est à l'exercice suivant. C'est d'ailleurs ce que nous faisons chaque année.
Le second est l'évaluation du risque de non-recouvrement sur les dettes des entreprises en 2020, dans le contexte du report massif consenti par les Urssaf. Les comptes 2020, établis au premier trimestre 2021, comportent une évaluation de ce risque, déterminée selon une méthodologie ad hoc en raison de l'absence de précédent historique et en accord avec la Cour des comptes. Nous l'avons réévalué lors de l'établissement des comptes 2021, constatant alors que les dettes covid avaient été remboursées bien plus facilement et rapidement que ce que nous espérions, d'où une réévaluation. Là encore, les normes sont claires : cette correction est rattachée à l'exercice au cours duquel elle est effectuée, soit 2021.
La Cour des comptes aurait souhaité que nous produisions, pour ces deux événements, des comptes pro forma en dehors de l'exercice 2021. Or, les normes comptables ne prévoient pas une telle possibilité, que je considère comme une forme de bricolage.
Les comptes 2021 de l'Unédic ont eux été certifiés sans réserve, ce qui montre que ses commissaires aux comptes ont suivi le même raisonnement que nous. Appliquer la recommandation de la Cour des comptes aurait donc conduit à des choix comptables incohérents entre le régime général et d'autres organismes. Cela étant, la Cour reconnaît elle même que de telles divergences d'appréciation sont exceptionnelles du fait de leur lien avec la crise covid.
Ensuite, nous considérons que la marge liée à l'autorisation d'emprunt est suffisante. Le plafond est proposé par le Gouvernement dans le cadre d'échanges avec l'Acoss sur nos prévisions de profil de trésorerie, compte tenu des besoins de financement du régime général et des reprises de la Cades. Nous intégrons donc les reprises de 40 milliards d'euros en 2022 et de 25,6 milliards d'euros prévus pour 2023.
Le point bas du régime général, la prise en compte des avances aux régimes partenaires, de 5 milliards d'euros et le sur emprunt, à hauteur de 15 milliards d'euros, nous permettront d'atteindre les 45 milliards d'euros prévus.
En 2020, notre politique d'accès aux marchés financiers a changé de monde. Jusqu'alors, nous minimisions le solde de compte, avec des emprunts au jour le jour limités au strict nécessaire, selon une logique de coût. En mars 2020, les marchés se sont fermés, non seulement pour nous, mais aussi pour tous les acteurs : là où auparavant nous placions 2 milliards d'euros en une journée, nous ne pouvions plus placer que 100 ou 200 millions d'euros, si bien que nous avons dû solliciter des concours supplémentaires, notamment celui de la Caisse des dépôts et consignations (CDC). Nous avons donc cherché avant tout à sécuriser nos échéances de paiement si bien que, désormais, au lieu du coût, nous nous focalisons sur le risque. Nous avons un bon accès aux marchés et nous bénéficions de la notation de la dette française. Cependant, notre statut d'émetteur à court terme - nos titres ne peuvent dépasser 360 jours - nous contraint à renouveler en permanence notre dette, en revenant tous les jours sur les marchés, ce qui nous expose aux incertitudes des marchés et aux chocs exogènes.
Ainsi, ces derniers mois, nous nous financions bien. En revanche, le contexte estival d'attente des annonces des banques centrales a créé une attitude attentiste des investisseurs, prêts à nous prêter, mais pas au-delà d'un mois. Cela nous confirme dans notre démarche de prudence : nous cherchons à couvrir nos besoins avec un mois d'avance, au lieu de sept à dix jours avant la crise sanitaire. Notre plafond d'emprunt est fixé avec une marge considérable.
Monsieur Savary, le Gouvernement a annoncé un transfert en deux temps du recouvrement des retraites complémentaires : tout d'abord vers 9 000 grandes entreprises en 2023, puis une généralisation en 2024. Pour notre part, nous sommes prêts à appliquer cette réforme. Le pilote, très complet, car il a couvert l'équivalent de 90 % de la paie dans notre pays, nous a permis de tester l'ensemble des cas et de confirmer la faisabilité des évolutions. Les trois ou quatre mois qui viennent sont l'occasion d'inclure davantage d'entreprises volontaires dans ce pilote. L'Agirc-Arrco continuera d'exercer les mêmes actions de contrôle des droits et de gestion des comptes pour la retraite complémentaire. Le risque de régression est donc faible. De plus, commencer par les grandes entreprises sécurise la réforme, car elles sont mieux armées pour mettre en oeuvre ce changement. Elles ont en outre des interlocuteurs personnalisés au sein de l'Agirc-Arrco et des Urssaf.
Nous échangeons d'ailleurs quotidiennement avec les éditeurs de paie sur la façon de gérer à la fois des clients pour lesquels le transfert a eu lieu et d'autres pour lesquels ce n'est pas le cas. Cela n'est pas insurmontable : ce n'est pas la première fois qu'une réforme se déploie par paliers de taille d'entreprise.
Le chantier du transfert à la CDC est en revanche moins avancé. Il conviendra d'examiner les conséquences sur ce transfert du nouveau calendrier du transfert du recouvrement des cotisations Agirc-Arrco.
Nos travaux avec la Caisse d'assurance vieillesse invalidité et maladie des cultes (Cavimac) sont encore en cours. La problématique de l'équilibre financier des cultes demeure, tout comme celle de la détermination de ce qui relève d'une activité de culte ou non, mais je n'entrerai pas dans ce sujet. L'objectif reste d'aboutir à une convention avec la Cavimac.
Au total, les chantiers porteurs de simplification et de gains de performance de recouvrement et de contrôle se poursuivent. Nous ne sommes pas dans une logique d'unification, mais bien de guichet unique. La MSA l'offre déjà pour ses cotisants : il n'y a donc pas d'intérêt pour eux à entrer dans les Urssaf. Tel n'est pas le cas pour ceux qui relèvent de l'Agirc-Arrco ou de la CDC, qui traitent aussi avec les Urssaf ou d'autres collecteurs.
Mme Cathy Apourceau-Poly . - Le transfert des recouvrements de l'Agirc-Arrco vers les Urssaf est précipité selon moi. Le Gouvernement n'a pas tenu compte des préconisations du rapport d'information que j'ai présenté avec René-Paul Savary. Je le regrette, alors que les organisations syndicales et patronales sont opposées à l'unification du recouvrement des régimes complémentaires de retraite. Nous ne disions pas qu'il ne fallait pas le faire, mais demandions un délai supplémentaire.
Le transfert du recouvrement des cotisations Agirc-Arcco au 1 er janvier 2023 concerne 9 170 entreprises, soit 5,6 millions de salariés.
Quelles garanties supplémentaires apportez-vous au Gouvernement pour justifier de l'unification précipitée du recouvrement des cotisations des régimes complémentaires de retraite à l'Urssaf ? Il s'agit, pour les assurés, d'une perte de contrôle sur leurs droits individuels.
M. Olivier Henno . - Monsieur Amghar, lorsque l'Urssaf Caisse nationale s'appelait encore l'Acoss, vous aviez évoqué des charges d'intérêt négatives. Je l'avais noté, car c'était inhabituel. Comment ces provisions ont-elles évolué, dans un contexte de taux d'intérêt positifs ? Que représenterait la charge de la dette à court et moyen terme ?
Le PLFSS prévoit une réforme du calcul du complément de libre choix du mode de garde (CMG) « emploi direct » compensant une partie de la rémunération de l'assistante maternelle. La prestation est financée par la branche famille, mais fait l'objet depuis 2019 d'une intermédiation par le dispositif Pajemploi, rattaché à l'Urssaf. Dans quelle mesure cette intermédiation sera-t-elle concernée par ce changement de calcul du CMG ? Comment les difficultés techniques que vous avez évoquées seront-elles levées d'ici l'entrée en vigueur de la réforme en 2025 ? Pouvez-vous nous éclairer sur l'articulation avec le système d'avance immédiate des aides fiscales pour garde d'enfants prévu pour 2024 ?
Mme Raymonde Poncet Monge . - L'article 5 porte sur l'échéancier des avances immédiates de crédit d'impôt pour l'emploi à domicile. Le calendrier qui était prévu dans la précédente loi de financement de la sécurité sociale a-t-il été modifié ? Un problème d'avantage concurrentiel se pose. En effet, un crédit d'impôt en direct impacte le recours des familles aux prestataires.
Monsieur Amghar, vous avez dit que, depuis 2015, les taux négatifs généraient des produits financiers. Leur cumul permet-il de faire face aux taux d'intérêt actuels ?
M. Philippe Mouiller . - La vision des enjeux financiers associée au PLFSS donne le tournis.
Rapporteur pour la branche autonomie, je souhaite vous interroger sur l'application de la loi de 2007, qui prévoit des exonérations de cotisations de sécurité sociale dans les zones de revitalisation rurale (ZRR), notamment pour les maisons de retraite. Il semble que les fonctionnaires en soient exclus. Pouvez-vous m'apporter des précisions ?
M. Daniel Chasseing . - Monsieur le Directeur, depuis 2015, vos emprunts rapportent, jusqu'à 60 millions d'euros en 2020. Depuis ce mois-ci, les taux d'intérêt sont positifs. Quels taux anticipez-vous pour 2023 et pour les années suivantes ?
Beaucoup de cabinets médicaux fonctionnent avec des médecins retraités. Actuellement, certains ne veulent plus effectuer de remplacement parce qu'ils ne veulent plus cotiser à fonds perdu. Mais il semblerait que, pour un petit chiffre d'affaires, il soit possible de ne cotiser qu'à l'Urssaf. Pouvez-vous m'en dire plus ?
Mme Victoire Jasmin . - Quelles mesures ont été prises pour remédier aux incompatibilités des systèmes d'information entre organismes ? Cela a notamment été préjudiciable aux travailleurs indépendants. Ces incompatibilités ne conduisent-elles pas à mettre en difficulté certains cotisants, qui bien qu'à jour, apparaissent en non-conformité ?
M. Jean-Marie Vanlerenberghe . - À combien estimez-vous le montant de la fraude aux cotisations que subit votre organisme et quels moyens comptez-vous mettre en oeuvre pour la contrôler et la réprimer ?
Mme Annick Jacquemet . - Ce matin, j'étais en visioconférence avec la présidente de la région Bourgogne-Franche-Comté, qui souhaite mettre en place un ticket mobilité sous la forme d'un chèque mensuel de 40 euros pour les salariés gagnant jusqu'à deux fois le Smic, en cette période difficile. La région prendrait en charge la moitié, les entreprises se chargeant de l'autre moitié. Mais pour les entreprises, cela s'assimile à un avantage en nature, soumis à cotisation. C'est donc d'autant plus cher pour elles. Comment leur éviter un coût trop important ?
M. Yann-Gaël Amghar . - Nous travaillons sur le transfert de l'Agirc-Arcco depuis trois ans : on ne peut donc pas parler de précipitation. Le Gouvernement opère un étalement en deux phases, qui tient compte de la demande de progressivité et de sécurisation exprimée.
La prise de position des partenaires sociaux renvoie à des arguments et des craintes de nature politique, tenant à la fusion des régimes et des réserves. Très franchement, il n'y a pas de lien entre le fait de collecter des ressources et la capacité du Gouvernement à fusionner des régimes.
Mme Laurence Cohen . - Votre réponse ne nous convient pas.
M. Yann-Gaël Amghar . - Si l'on aborde ce transfert de recouvrement sous l'angle des risques opérationnels, sachez que nous avons donné des garanties. L'Agirc-Arcco continuera à opérer de la même façon, sans risque de régression des droits des salariés. L'Agirc-Arcco souligne dans un document interne que le risque de moindre fiabilité des droits à la retraite complémentaire est faible. Nous ne manquerons pas de vous rendre des comptes sur ce point.
Les produits financiers que nous avions ces dernières années n'ont pas constitué une cagnotte mais ont été employés à réduire le déficit du régime général de la sécurité sociale. Je vous transmettrai ultérieurement l'addition, si vous le souhaitez, mais il me semble que le cumul de produits financiers pour toute la période de taux négatifs est de l'ordre du milliard d'euros.
Nous prévoyons que le besoin de financement moyen sera de 18,4 milliards d'euros en 2023. Supposons que les taux d'intérêt soient de 0,5 % : le coût s'élèverait à environ 100 millions d'euros. Toutefois, en réel, cela reste négatif puisque c'est inférieur à l'inflation.
Oui, dès lors que c'est Pajemploi qui gère le CMG « emploi direct », c'est l'Urssaf qui mettra en oeuvre cette réforme, ce qui explique le calendrier retenu. En effet, nous avons lancé un programme de rénovation complète du système d'information de Pajemploi et ce n'est qu'à son issue en 2024 que nous pourrons réaliser toutes les évolutions prévues.
L'avance immédiate pour les services à la personne sera accessible aux ménages bénéficiant du CMG. Actuellement, le ménage paie à l'assistant maternel le reste à charge après déduction du CMG. À l'avenir, il ne lui paiera plus que le reste à charge après déduction du CMG et du crédit d'impôt. Pour le ménage, ce sera très simple, puisqu'il n'aura qu'une seule déclaration à faire. Concrètement, c'est un système de tiers payant.
Concernant le calendrier prévu à l'article 5, nous avons à coeur une équité de concurrence entre les différents secteurs, notamment entre l'emploi direct et l'emploi intermédié.
Actuellement, les ménages non prestataires de l'allocation personnalisée d'autonomie (APA) et de la prestation de compensation du handicap (PCH) peuvent bénéficier de l'avance immédiate, qu'ils aient recours à un emploi direct ou à un emploi intermédié. C'est plus compliqué pour les ménages recevant l'APA ou la PCH, car cela dépend des relations des départements avec les services d'aide à la personne. Certains d'entre eux ont signé des conventions avec les services d'aide à la personne et versent directement les sommes. Autant le système est simple à mettre en oeuvre pour l'emploi direct, autant c'est plus complexe pour l'emploi indirect. Nous devons travailler cet automne avec les départements et le secteur des services à la personne pour trouver le bon circuit de gestion, afin de ne pas pénaliser les ménages. En tant que payeurs, les départements doivent pouvoir vérifier le service fait. Il faut mettre en place ce circuit dans un calendrier proche de celui de l'emploi indirect.
Mme Raymonde Poncet Monge . - Pourquoi avoir modifié le calendrier ?
M. Yann-Gaël Amghar . - Le calendrier est ajusté, mais il reste très proche entre les deux secteurs. L'article comprend également des dispositions sur les contrôles Urssaf sur les services d'aide à la personne, afin qu'ils puissent rentrer dans le dispositif. Nous voulons une équité entre les deux secteurs.
Monsieur Mouiller, je dois vérifier ce point et vous répondrai ultérieurement. Des organismes ayant un statut public peuvent bénéficier d'un certain nombre d'exonérations de cotisations sociales, mais cela pose parfois un problème d'application du droit.
Monsieur Chasseing, des médecins retraités peuvent exercer grâce au dispositif mis en place il y a deux ans pour un régime simplifié d'exercice des professions médicales. L'exercice libéral classique peut être dissuasif pour un médecin ayant une faible activité, car il nécessite d'avoir une comptabilité précise des produits et des charges et de payer un acompte de la cotisation avec une régularisation en n+1. Les cotisations aux caisses de retraite et de santé sont parfois forfaitaires, quelle que soit l'activité, ce qui peut être dissuasif.
Ce régime simplifié est inspiré de l'autoentreprise - dispositif inapplicable pour une activité de soins en raison des distorsions possibles entre les caisses de retraite. Il prévoit une cotisation fondée sur le chiffre d'affaires, avec un paiement au mois ou au trimestre suivant, et strictement proportionnelle. Le paiement est versé à l'Urssaf, qui reverse ensuite à la Caisse autonome de retraite des médecins de France (Carmf) ce qui lui revient. Ce dispositif simplifié convient particulièrement aux internes débutant une activité libérale réduite ou aux remplaçants. Quelques médecins retraités l'utilisent.
Depuis deux ans, 6 500 professionnels utilisent ce
dispositif. L'article 9 prévoit de l'étendre aux
activités de régulation. Le succès de ce dispositif montre
qu'il y a besoin d'un cadre pour des activités libérales
réduites. Actuellement, il existe une série de conditions pour en
bénéficier
- être remplaçant,
étudiant, et demain régulateur - avec un plafond de chiffre
d'affaires de 19 000 euros, somme assez vite atteinte. Nous devons
examiner comment étendre ce dispositif pour des professionnels ayant
besoin de retrouver du temps médical. Cela nécessite de trouver
un équilibre avec des caisses de retraites des professionnels de
santé. C'est bien pour une activité libérale partielle.
Madame Jasmin, nous avons beaucoup travaillé avec le régime social des indépendants (RSI) sur les problèmes de systèmes d'information. D'énormes investissements ont été réalisés. Cela s'était traduit, avant le covid, par un niveau de paiement amélioré et une grande satisfaction, après une forte dégradation en 2008. Désormais, nous avons un niveau d'appels téléphoniques « normal », avec un niveau de fonctionnement satisfaisant : calcul correct des cotisations, établissement des droits à la retraite pour les indépendants... Le système fonctionnait très mal il y a quinze ans. Désormais, la Caisse nationale d'assurance vieillesse (CNAV) dispose des données pour calculer la retraite des indépendants. Celle des microentrepreneurs relève de la Caisse interprofessionnelle de prévoyance et d'assurance vieillesse (Cipav). Il y a parfois des contentieux juridiques sur le calcul de leur cotisation ou pour le cas des indépendants qui n'ont pas régulièrement payé leur cotisation - or seule celle-ci leur permet d'établir des droits.
À Mayotte, nous n'avons pas repris la collecte des cotisations retraite pour les indépendants. Mais ce genre de cas est très ciblé, le reste fonctionne normalement.
Monsieur Vanlerenberghe, nous sommes toujours dans une phase d'évaluation de la fraude aux cotisations sociales. Depuis plus de dix ans, nous réalisons des contrôles reposant sur des échantillons statistiques, pour évaluer la prévalence du travail dissimulé dans un secteur donné. Nous disposons ainsi d'une estimation assez robuste, et avons partagé ces informations avec le Conseil national de l'information statistique (CNIS). Nous évaluons cette fraude entre 7 et 8 milliards d'euros pour les salariés, et entre 1 et 2 milliards d'euros pour les indépendants, soit un total estimé entre 7 et 10 milliards d'euros de travail dissimulé.
L'année dernière, nous avons redressé 800 millions d'euros, et couvrons donc environ 10 % du total. Il est évidemment impossible de couvrir l'intégralité, mais nous devons faire mieux. Nous progressons constamment dans le redressement, et avons redressé 50 % de plus entre la période 2013-2017 et la période 2018-2022. L'État nous demandera probablement une progression du même ordre pour la future convention d'objectifs et de gestion que nous sommes en train de négocier. Nous allons poursuivre ce renforcement et améliorer les outils. Depuis deux ans, nous disposons d'un outil de data mining pour mieux cibler les contrôles contre le travail dissimulé. Nous mettrons en place, la semaine prochaine, une nouvelle base de données centralisant les déclarations préalables de détachement, afin de mieux contrôler la fraude au détachement, et éviter l'évasion fiscale et les distorsions de concurrence pour les entreprises françaises.
Madame Jacquemet, la loi est binaire sur ces sujets : il existe une série de situations pour lesquelles la loi prévoit des conditions de prise en charge d'une aide par l'employeur. Votre nouveau dispositif n'est probablement pas listé dans la loi ; si celle-ci n'est pas modifiée, il sera soumis à cotisation.
Mme Catherine Deroche , présidente . - Je vous remercie.
Cette audition a fait l'objet d'une captation vidéo qui est disponible en ligne sur le site du Sénat .
Mme Isabelle Sancerni,
présidente du conseil
d'administration,
et M. Nicolas Grivel,
directeur
général, de la Caisse nationale d'allocations familiales
Réunie le mercredi 12 octobre 2022, sous la présidence de Mme Catherine Deroche, présidente, la commission procède à l'audition de Mme Isabelle Sancerni, présidente du conseil d'administration, et de M. Nicolas Grivel, directeur général, de la Caisse nationale d'allocations familiales (Cnaf).
Mme Catherine Deroche , présidente . - Nous entendons à présent Mme Isabelle Sancerni, présidente, et M. Nicolas Grivel, directeur de la Caisse nationale des allocations familiales (Cnaf), sur le projet de loi de financement de la sécurité sociale (PLFSS) pour 2023.
Ce PLFSS est marqué par un important transfert de charges entre la branche maladie et la branche famille, qui constitue l'une des principales mesures.
Mme Isabelle Sancerni, présidente de la Caisse nationale des allocations familiales . - Le conseil d'administration de la Cnaf a examiné le 4 octobre le PLFSS pour 2023 et a émis un avis négatif. Je vous transmettrai les déclarations de chacune des délégations.
Nous nous félicitons de la nouvelle procédure d'examen de ce texte, permettant une analyse complète et approfondie du PLFSS, et qui reconnaît l'apport de la gouvernance de la branche famille.
Je souligne le nombre de mesures sur la famille de ce PLFSS, notamment la revalorisation de 50 % de l'allocation de soutien familial dès 2022, la réforme attendue du complément de libre choix du mode de garde (CMG), et l'extension des aides à la garde d'enfants de 6 à 12 ans pour les familles monoparentales. Le conseil d'administration attend les textes réglementaires qui permettront de mesurer l'impact réel de la réforme du CMG.
Concernant l'extension des aides à la garde d'enfants pour les enfants de 6 à 12 ans dans les familles monoparentales, je rappelle que les besoins de conciliation de la vie familiale avec la vie professionnelle sont importants pour toutes les familles, notamment les familles bi-actives, si nous voulons réduire le temps partiel subi et concrétiser l'objectif d'un retour à l'emploi.
Pour ce faire, il est important de proposer des dispositifs d'accueil individuel et collectif, notamment péri et extrascolaire pour les enfants de plus de trois ans. Nous sommes en fin de convention d'objectifs et de gestion (COG) : nous ne pouvions financièrement pas créer de nouvelles places en accueil de loisirs sans hébergement (ALSH), et avons peu revalorisé la prestation ALSH.
L'ensemble des membres du conseil d'administration a déploré vivement le transfert à la branche famille des indemnités journalières des congés maternité après la naissance. Ce transfert de charges nous interroge sur la capacité de la branche famille à répondre aux attentes majeures qui lui sont adressées.
Nous aurons, dans la prochaine COG qui doit être mise en oeuvre à partir de 2023, un certain nombre de grands chantiers, comme le service public de la petite enfance, la solidarité à la source, la déconjugalisation de l'allocation aux adultes handicapés (AAH), la contribution à l'insertion des publics fragiles, et la poursuite de la politique d'intermédiation des pensions alimentaires. Nous sommes très attentifs à savoir si nous aurons les moyens humains, financiers et informatiques en soutien à ces projets intéressants et importants.
Nous avons été au rendez-vous de la mobilisation nationale pendant la crise sanitaire. La branche famille a fait preuve d'un grand volontarisme en faveur des services aux familles. Nous avons mis en oeuvre la réforme des aides au logement, et respecté les restitutions d'emplois qui nous avaient été assignées. Cela nous a mis dans une position délicate pour la mise en oeuvre de la réforme des aides au logement, au prix d'une perturbation forte et durable de la qualité du service rendu sur l'ensemble des prestations. En respectant cette trajectoire des restitutions d'emplois assignée en 2018, au début de la COG, nous n'avons pas eu les gains de productivité envisagés, car nous avons subi le décalage de la réforme des aides au logement et nous n'avons pas fait le revenu de solidarité active (RSA) et la prime d'activité avec les revenus directement à la source. Nous avons donc préempté ces gains de productivité, ce qui nous met en grande difficulté.
En raison du transfert de moyens de la branche famille vers la branche maladie, nous devons faire attention pour continuer à financer et à déployer nos dispositifs pour l'enfance, la jeunesse, mais aussi le soutien à la parentalité et à l'animation de la vie sociale.
Nous craignons que tous les crédits fléchés le soient sur la petite enfance et que ce transfert préempte la négociation à venir de la prochaine COG, sachant que, au vu du démarrage extrêmement tardif des discussions, la signature de la COG risque d'être décalée, comme en 2018, sur le deuxième trimestre 2023, reproduisant la dérive observée lors de la précédente période conventionnelle.
Comment allons-nous fonctionner en l'absence de COG sur ces six mois ou plus en 2023 ? Nous devons trouver avec l'État ces modalités pour que les CAF puissent assurer sereinement la continuité des activités et éviter une année blanche pour le développement des services aux familles. Cela handicaperait l'atteinte des futurs objectifs.
M. Olivier Henno , rapporteur pour la branche famille . - Vous avez clairement exposé tous les sujets. Il y a un paradoxe : la branche famille connaît depuis quelques années un excédent - il a atteint 2,9 milliards d'euros en 2021 -, alors que la société a de nombreux besoins en matière de politique familiale.
Frédérique Puissat et moi sommes rapporteurs du projet de loi portant mesures d'urgence relatives au fonctionnement du marché du travail en vue du plein emploi. Nous voyons bien que parmi les freins à l'emploi figure la garde d'enfants, pour laquelle il y aurait beaucoup à faire.
La natalité est aussi préoccupante. Qu'on le veuille ou non, il y a dans ce pays un manque d'ambition de la politique familiale. L'excédent de la branche famille en est le révélateur.
S'agissant du transfert de la charge des indemnités journalières pour congés de maternité, comme souvent, on crée un débat sans être clair. Le déterminant de ce choix politique, c'est la tuyauterie du PLFSS et donc la recherche d'équilibres financiers globaux. Mieux vaudrait l'assumer sans ambage plutôt que de trouver des prétextes.
Vous avez évoqué l'article 36 qui propose une réforme du CMG. Pour mettre fin à des restes à charge et à des effets de seuil, la portée de la réforme dépendra largement des textes réglementaires qui détailleront les nouveaux barèmes. Ressort-il de vos échanges avec la direction de la sécurité sociale que l'aide versée sera différenciée selon que la famille emploie un salarié à domicile ou une assistante maternelle ? La réforme prévoit de conserver le plafond de rémunération des assistantes maternelles et de l'étendre aux salariés à domicile. Avez-vous idée de son impact ? Disposez-vous de données plus fines quant aux éventuels perdants de ce changement de calcul et du coût que cela pourra représenter pour ces familles ?
Vous commencez les négociations de la prochaine COG. Quelles perspectives et quels objectifs seront alloués au Fonds national d'action sociale (FNAS) ? Pouvez-vous enfin nous préciser les risques d'une conclusion tardive de la COG ?
Mme Élisabeth Doineau , rapporteure générale . - Merci de vos explications. Vos responsabilités deviennent de plus en plus importantes.
Nous sommes interpellés sur la protection des assistantes maternelles, qui assurent la garde des jeunes enfants : beaucoup d'entre elles ne sont pas payées par les parents employeurs, ce qui les met en grande difficulté. Elles risquent d'abandonner leur métier, et ce seront autant de places manquantes pour les enfants. Ces impayés viennent du fait que le CMG est versé aux familles, qui, pour certaines d'entre elles, ne le reversent pas. Les assistantes maternelles pourraient dénoncer cette situation ; or souvent, elles ne le font pas. Les conséquences sont désastreuses : les assistantes maternelles renoncent à leur métier ou alors elles sont contraintes à engager des procédures très longues. On ne peut laisser des professionnels de la petite enfance travailler dans ces conditions.
Mme Laurence Rossignol . - Comme je l'ai dit au ministre, deux mesures importantes et attendues par les familles monoparentales nous satisfont dans ce PLFSS : l'extension du CMG jusqu'aux douze ans de l'enfant et l'augmentation de 50 % de l'allocation de soutien familial (ASF).
Comme Mme Doineau, j'entends parler plus fréquemment qu'avant d'assistantes maternelles non payées par les familles. C'était toujours un aléa, mais le nombre de ces cas serait en augmentation. Avez-vous travaillé sur le tiers payant à l'égard des assistantes maternelles ? Même si ce n'est pas simple à gérer, il faudrait retravailler sur l'expérimentation qu'avait faite la CAF de Seine-Saint-Denis en la matière. On ne peut laisser des assistantes maternelles en difficulté.
Quel regard portez-vous sur ces difficultés, alors que se mobilisent les professionnels de la petite enfance ? C'est à la CAF que se font les politiques en faveur des moins de trois ans. Où en est le service public de la petite enfance ?
Je suis préoccupée de voir que, depuis quelques années, presque toutes les ouvertures de places de crèche se font dans des crèches privées à but lucratif. Je crains une évolution ressemblant à celle qu'ont connu les établissements d'hébergement pour personnes âgées dépendantes (Ehpad). Comment envisagez-vous cette dérive ?
M. Philippe Mouiller . - Vous évoquez les nombreuses réformes que vous devrez mettre en place en vous interrogeant sur les moyens dont vous disposez. Le décret sur la déconjugalisation de l'AAH devrait paraître dans les prochains jours. Je partage votre inquiétude sur votre capacité à appliquer la réforme et à le faire dans les temps. Non seulement la loi a fixé des délais mais les ministres se sont engagés à possiblement anticiper la mise en oeuvre. Avez-vous des précisions à nous communiquer ?
Mme Michelle Meunier . - Vous le dites de manière feutrée et avec tact, mais la situation de la Cnaf est très préoccupante. Aurez-vous les moyens suffisants, en janvier prochain, d'embaucher des personnels en contrat à durée indéterminée (CDI) ? La COG se termine fin décembre 2022, et vous n'avez pas de visibilité.
La CAF de Loire-Atlantique est dans une situation problématique, mais bien maîtrisée jusque-là. Il va falloir faire face.
Je suis préoccupée du peu d'ambition sur la petite enfance. Nous avons l'impression de retourner dix ans en arrière. J'en veux pour preuve qu'à Nantes environ 150 berceaux sont vides faute de professionnels pour accompagner ces bébés, alors que les familles sont en forte demande pour reprendre un travail ou une formation.
Certes des avancées sont proposées dans le PLFSS et notamment des revalorisations de prestations, mais quelle est la place de l'enfant dans tout cela ? Je soutiens vos actions. J'aurai l'occasion de le dire au Gouvernement : nous devons retrouver un cap. Ce service public de la petite enfance était annoncé par le programme présidentiel, mais quand sera-t-il mis en place ?
M. Alain Milon . - Excusez ma question impertinente. Si j'ai bien compris, vous ne voulez pas prendre en charge les congés maternité après la naissance sans complication médicale : est-ce une position philosophique ou comptable ?
Mme Catherine Procaccia . - Je suis choquée du transfert à la Cnaf de la prise en charge du congé maternité. L'exposé des motifs associe ce dernier au congé paternité déjà pris en charge par la branche famille. C'est du post-natal, mais les congés n'ont pas la même fonction !
La Cnaf a eu recours à des cabinets d'audit. Allez-vous continuer à travailler avec eux comme lors de la réforme des aides personnelles au logement (APL) ?
Mme Frédérique Puissat . - Merci de votre détermination. J'ai noté certaines désorganisations à la suite d'injonctions paradoxales.
L'initiative des maisons France Services est plutôt à saluer mais, dans certaines des maisons que j'ai visitées, j'ai pu constater des problèmes de relais avec les CAF. Vous avez évoqué des problèmes d'organisation du personnel. Avez-vous des relais spécifiques pouvant répondre à des questions techniques ?
M. Nicolas Grivel, directeur général de la Caisse nationale des allocations familiales . - Nos perspectives sont nourries par des projets ambitieux et structurants. Les conseils d'administration des CAF sont très engagés. La mobilisation de toutes les équipes est forte pour une meilleure qualité de service.
Nous voulons avoir plus de moyens avec la COG. Les CAF sont présentes sur les territoires avec le souci de répondre aux citoyens, de visu, par téléphone ou en visio. Nous avons un partenariat avec les maisons France Services pour apporter une réponse de premier niveau sur le terrain. Les CAF sont très présentes pour l'accueil et la formation du personnel.
Dans une période de très forte pression sur les délais, la charge de travail et la qualité de service, la réponse se dégrade parfois. Cela renvoie à la capacité de formation des personnels des maisons France Services. Il faut qu'ils puissent apporter un premier niveau de réponse ou organiser un rendez-vous avec la CAF.
Nous ne savons pas quelles seront nos capacités dans la prochaine COG : les négociations commencent à peine. Elles se dérouleront dans le cadre du premier trimestre. Le conseil d'administration s'inquiète en effet de savoir comment cela se passera durant la transition entre les deux COG. Il ne faut pas exagérer les incertitudes ; nous allons trouver des solutions, mais nous demandons à nos ministères de tutelle qu'elles soient les plus souples et les plus rapides possible. Les CAF doivent pouvoir recruter de la façon la plus normale possible. Compte tenu de la charge actuelle, ce n'est pas le moment de désarmer notre capacité de réponse.
Madame Procaccia, la réforme des aides au logement a été structurante. Nous avons fait appel à un cabinet d'audit connu, mais qui a été missionné par le ministère du logement et non par la Cnaf. C'était une réforme exigeante et compliquée pour la délivrance des prestations. Nous allons continuer à avoir recours à l'expertise de ces cabinets, mais peu sur de l'expertise stratégique, davantage pour de l'expertise technologique, et notamment informatique.
Nous avons des besoins très importants pour des projets nombreux. Nous avons besoin d'expertise externe pour envisager l'avenir de nos systèmes d'information et revitaliser notre expertise interne, car nos systèmes sont en milieu voire en fin d'obsolescence programmée.
La petite enfance est un sujet très mobilisateur pour nous, mais nous ne sommes pas les seuls acteurs, notamment pour contrôler la qualité des équipements. Les crèches privées jouent un rôle important, mais elles doivent assurer un certain niveau de qualité de service. Nous devons articuler leur contrôle avec les moyens de la protection maternelle et infantile (PMI). Cette logique de développement doit être équilibrée. Nous avons une dynamique des modes de garde différente selon les secteurs. La création de places dans le secteur public s'est ralentie. Nous devons accompagner les acteurs locaux, notamment dans les territoires prioritaires. L'offre privée ne se développe pas partout de façon harmonieuse.
Mme Laurence Rossignol . - Il faut aussi distinguer le secteur privé à but lucratif du secteur privé associatif.
M. Nicolas Grivel . - Le secteur privé associatif peut rencontrer les mêmes problèmes de financement que le secteur public.
La réforme pour créer un service public de la petite enfance est louable dans ses intentions, avec une logique d'égalité d'accès par la présence territoriale, mais aussi par les modes financiers. D'où la réforme du CMG qui vise à harmoniser le reste à charge des différentes familles. Actuellement, le reste à charge des familles aisées est équivalent quel que soit le mode de garde, ce qui n'est pas le cas pour les familles les plus défavorisées. Cette réforme est donc nécessaire.
Il y a également un enjeu de qualité de ce service public, et nous serons vigilants.
Le niveau d'ambition se mesurera aux moyens. Je vous donne rendez-vous dans quelques mois. Quels que soient les moyens qui nous seront accordés, la pénurie de personnel dans ce secteur nous inquiète. Elle renvoie aux problèmes du marché du travail. Vous évoquiez le rôle du service public de la petite enfance pour lever les freins du retour à l'emploi, mais ce problème s'applique aussi à ce secteur. L'attractivité de ces métiers et leur rémunération posent problème.
Le conseil d'administration a décidé de relever fortement les financements des modes d'accueil des jeunes enfants et des crèches en particulier, avec une augmentation de 5 % de la prestation sociale unique pour les crèches afin d'accompagner l'évolution des salaires pour être attractif. Nous estimons que 10 000 places de crèche n'ont pas pu ouvrir à cause de la pénurie de personnel sur tout le territoire.
Les travaux sur la CMG sont en cours de finalisation et il est encore un peu tôt pour connaître tous les paramètres précis du nouveau mode de calcul. L'intention est toutefois bien d'égaliser les restes à charge pour tous les modes de garde. Concernant les perdants de la réforme - qui resteront néanmoins minoritaires - il conviendra d'être attentif aux familles les plus fragiles et les textes règlementaires devront prévoir leur situation.
Nous sommes aussi alertés sur le non-paiement des assistantes maternelles, qui serait un peu plus fréquent qu'avant. Mais il ne faut pas généraliser. Nous devons cependant les accompagner, à la fois à l'échelle nationale et locale.
Plusieurs outils ont été développés ces dernières années en lien avec l'Urssaf, notamment le service Pajemploi+. Il y a une intermédiation, car la famille déclare et c'est la sécurité sociale qui finance et rémunère directement la personne pour la garde à domicile. Dans le cadre de la réforme du CMG, nous devrions aller vers cette logique de Pajemploi+ pour les personnes qui le souhaitent. Il est inadmissible que les personnes ne puissent pas être rémunérées. Il faut trouver des solutions d'urgence.
Madame Rossignol, nous sommes très attentifs à la mobilisation des personnels de la petite enfance. Des textes réglementaires régissent les règles d'accueil, les diplômes nécessaires, le taux d'encadrement, par exemple. Ils relèvent donc surtout du ministère.
Nous devons prendre le temps, pour la réforme de l'AAH, d'avoir un dispositif qui fonctionne et compris par les familles. Cela pose deux questions : la gestion de la déconjugalisation dans un univers conjugalisé, notamment pour les aides au logement, et la gestion des perdants. Le décret porte sur l'accompagnement des familles dans des situations générant des perdants. Ce sont surtout les familles les plus défavorisées du spectre de bénéficiaires de l'AAH qui seraient concernées. Le décret devra être finement travaillé pour ne pas rater des cas de figure, mais nous sommes déterminés et optimistes sur notre capacité à faire la réforme, et plus inquiets sur la quantité de travail nécessaire.
Mme Isabelle Sancerni . - Je précise, s'agissant des moyens, que nous sommes en difficulté : nous avons subi des rendus d'effectifs supérieurs à nos charges et nos stocks de dossiers sont au plus haut depuis dix ans. Nous n'aurons pas d'effectifs supplémentaires début 2023, nous discutons de la possibilité d'anticiper les départs, mais, à défaut d'accord sur la période transitoire, nous ne pourrons pas embaucher. Au-delà de cette transition, l'extension, au 1 er janvier 2023, de l'intermédiation en matière de pensions alimentaires exige également de nouveaux effectifs, dont nous ne disposons pas. J'y insiste, car il nous faudra du temps pour recruter et former. Nous ne pouvons pas nous contenter d'autorisations financières si les autorisations d'embauche ne suivent pas.
En ce qui concerne les difficultés informatiques, nos équipes travaillent à mettre en place ce qu'exigera la feuille de route, même si nous ne disposons pas encore de la COG. Nous mettrons tout en oeuvre pour mener à bien ces réformes, mais il faudra tenir compte du besoin d'expérimentation ainsi que du temps indispensable pour tester le dispositif. En matière de solidarité à la source, par exemple, et singulièrement du RSA, nous ne pouvons pas nous permettre de mettre des familles en difficulté ; les processus devront donc avoir été testés. Les délais que nous annonçons sont, à ce titre, déjà très inférieurs à ceux que nous avions demandés et nous ne pourrons pas faire mieux.
Sur le service public de la petite enfance, nous attendons de connaître les demandes qui nous seront faites. Cette évolution implique le même reste à charge pour les familles en individuel et en collectif, qui découle de la mesure concernant le CMG. Reste la difficulté posée par les crèches qui ne relèvent pas de la prestation de service unique (PSU). Dans les crèches PSU, le reste à charge des familles est encadré. Nous avons, en outre, créé des bonus pour l'accueil d'enfants en situation de handicap ou issus de familles précaires et nous avons renforcé les crèches dans les quartiers prioritaires de la politique de la ville (QPV), en horaires atypiques, ainsi que les crèches à vocation d'insertion professionnelle (AVIP), grâce à des financements complémentaires à la PSU.
En revanche, nous ne disposons pas d'éléments particuliers dans ce dispositif au sujet des micro-crèches relevant de la prestation d'accueil du jeune enfant (PAJE). Pour ce qui concerne la qualité, les normes ont été généralisées, mais les services de PMI, qui doivent vérifier leur bon respect, manquent de professionnels pour effectuer cette tâche.
À mon sens, nous avons besoin d'un pilotage national de la petite enfance afin de faire remonter vers le ministère ce qui est réalisé sur le terrain et de garantir un fonctionnement homogène entre familles et entre territoires. Nous avons des objectifs d'accueil en crèches PSU, mais ce sont les collectivités territoriales qui décident de créer des places. Il faut donc s'appuyer sur les deux outils déployés dans cette COG : le schéma départemental des services aux familles et les conventions territoriales globales (CTG). Ces dernières permettent à la CAF et aux collectivités concernées de dresser un bilan des besoins des familles et de l'offre qu'il est possible de mettre en place en matière de petite enfance, d'enfance et de jeunesse, de parentalité, d'animation de la vie sociale, de logement et d'accès aux droits. Cela nous offre une visibilité pluriannuelle accompagnée par des financements pluriannuels de la CAF, via les fonds nationaux, les fonds « publics et territoires », et des fonds locaux. Ces dispositifs sont en cours de déploiement et nous sommes bien avancés dans ce domaine. Il convient toutefois de porter une attention particulière aux outre-mer : quand nous atteignons 60 % d'accueil du jeune enfant en métropole, nous ne sommes qu'à 17 % en outre-mer.
L'accès aux droits est un point très important pour le conseil d'administration de la Cnaf, puisque nous nous occupons du Fonds national d'action sociale. En outre, nous devons nous assurer que le service est disponible pour toutes les familles sur l'ensemble du territoire. À ce sujet, je souhaite que la prochaine COG prévoie, sur le fonds « publics et territoires », une ligne dédiée à l'itinérance, de manière à amener vers les familles certains dispositifs de service.
S'agissant des assistantes maternelles, il n'existe pas, pour elles, de fonds de garantie de salaire, comme pour les autres salariés, mais ce n'est pas forcément à la branche famille de gérer cela.
La pénurie de professionnels de la petite enfance concerne 10 000 postes, qui ont été créés, mais qui ne sont pas pourvus. De plus, il manque de nombreux professionnels de l'animation dans les ALSH. En conséquence, des colonies de vacances ont été annulées, malgré des réservations de familles, faute de personnel. Nous devons donc nous intéresser à l'enfance, d'autant que les prestations dans ce secteur n'ont pas été revalorisées. Un effort a été porté sur la petite enfance, avec l'augmentation de la PSU, mais nous n'avons pas pu faire la même chose avec la prestation de service dédiée aux ALSH ou aux centres sociaux.
Enfin, s'agissant du transfert de la branche maladie vers la branche famille, le processus relève d'une position philosophique, mais notre préoccupation est que cela ne préempte pas la COG, alors que nous ne sommes qu'aux prémices des discussions. Nous craignons que ce qui reste ne soit affecté que sur la petite enfance. Ce serait, certes, une bonne chose en soi, mais il nous faut absolument prêter également attention à l'enfance et à la jeunesse.
M. René-Paul Savary . - Sur l'accès aux droits à la source, vous avez connu des difficultés quant aux APL avec le glissement ; 2 % d'erreurs, c'est un chiffre important, qui met les personnes en difficulté. Les discussions ont-elles avancé pour réaliser un calcul sur des données individuelles et non agrégées ? Vous êtes-vous rapprochés de l'Agirc-Arrco, spécialisée dans ce domaine, pour réduire cette marge d'erreur ?
M. Nicolas Grivel . - Pour la connaissance des ressources en vue de calculer les aides au logement, nous nous appuyons sur le système déclaratif et la déclaration sociale nominative (DSN) que remplissent les employeurs. Cela nous permet une plus grande « fraîcheur » des ressources et une plus grande contemporanéité. Précédemment, pour le calcul des APL, on prenait en compte les ressources fiscales en n-2. Inconvénient cependant, cette « fraîcheur » se combine avec des incertitudes, des erreurs et des problèmes de régularisation. Nous avons été les premiers à constater cette instabilité plus forte et plaider pour une gouvernance de la donnée plus structurée. Nous travaillons actuellement pour savoir qui fait quoi et repérer les erreurs le plus en amont possible.
L'Agirc-Arrco a intérêt à travailler avec nous. L'important est qu'il existe des régulateurs du système que nous utilisons. Il y a un potentiel d'amélioration, d'autant plus utile qu'à terme nous voulons utiliser ces données pour gérer le RSA et la prime d'activité, espérant réduire la marge d'erreur. Actuellement nous sommes sur des données très « fraîches » et du 100 % déclaratif, ce qui génère un flot d'indus et de rappels très important, sans commune mesure avec les APL. Mais les familles qui reçoivent ces prestations sont très fragiles, nous devons donc réussir à bien concilier le niveau de fraîcheur et de proximité des ressources connues et le niveau de stabilité nécessaire pour ne pas générer des indus. Lorsque nous aurons une approche plus globale, nous aurons une pression globale sur la qualité de la donnée, plus forte que sur les seules aides au logement. Nous voulons avoir une qualité optimale.
Ces outils nous apporteront des informations que nous avons actuellement des difficultés à recueillir. Il y a des erreurs importantes dans les déclarations des allocataires, dues à la complexité du dispositif, et donc un système très lourd d'indus et de rappels, qui pénalise notre relation avec le public. Notre marge d'amélioration est importante et participera à la solidarité à la source.
Mme Raymonde Poncet Monge . - Avec la déconjugalisation de l'AAH, le traitement des perdants concerne-t-il simplement les perdants du « stock » ou des perdants « en flux », créés par l'application de la loi ? Auquel cas, allez-vous essayer d'élargir la loi pour qu'il n'y ait pas de perdants « en flux » ?
M. Nicolas Grivel . - Je n'ai pas le pouvoir d'élargir la loi, mais vous l'avez ! Le perdant de la réforme est celui qui touche actuellement la prestation, et non une situation dans cinq ou dix ans.
Mme Raymonde Poncet Monge . - C'est une personne dans la même situation.
M. Nicolas Grivel . - Il a été décidé de déconjugaliser l'AAH, mais il reste des situations « en stock » à gérer, de manière transitoire.
Mme Raymonde Poncet Monge . - Certaines situations sont paradoxales.
M. Nicolas Grivel . - Le Parlement a fait un choix politique. En tant que gestionnaires, nous ne voulons pas gérer indéfiniment deux systèmes parallèles. Nous gérons le stock avant de passer sur le nouveau dispositif.
Mme Raymonde Poncet Monge . - Une proposition de loi avait été déposée...
M. Nicolas Grivel . - Oui, mais la loi a été votée ainsi.
Mme Catherine Deroche , présidente . - Nous vous remercions de votre participation.
Cette audition a fait l'objet d'une captation vidéo qui est disponible en ligne sur le site du Sénat .
M.
Thomas Fatome,
directeur général de la Caisse nationale
d'assurance maladie
Réunie le mercredi 19 octobre 2022, sous la présidence de Mme Catherine Deroche, présidente, la commission procède à l'audition de M. Thomas Fatome, directeur général de la Caisse nationale d'assurance maladie.
Mme Catherine Deroche , présidente . - Nous entendons ce matin M. Thomas Fatome, directeur général de la Caisse nationale de l'assurance maladie (Cnam), sur le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2023 (PLFSS).
J'indique que cette audition fait l'objet d'une captation vidéo qui sera retransmise en direct sur le site du Sénat et disponible en vidéo à la demande.
Principale bénéficiaire des mesures en recettes, le solde de la branche maladie reste dégradé sans que se dessinent à ce stade les mesures du redressement radical que montre pourtant le projet de loi de programmation des finances publiques pour les années à venir. La branche reste l'un des enjeux majeurs pour les comptes sociaux.
M. Thomas Fatome, directeur général de la Caisse nationale de l'assurance maladie . - Le déficit de l'assurance maladie reste à un niveau important - 6 milliards d'euros prévus pour 2023 -, mais il s'améliore très nettement par rapport aux déficits historiques des années 2020-2022. Cela est dû au ralentissement des dépenses liées au covid et au dynamisme des recettes. Ce dynamisme s'explique, d'une part, par l'inflation, qui entraîne une progression de la masse salariale, d'autre part, par un transfert de 2 milliards d'euros de la branche famille au titre de la prise en charge des indemnités journalières (IJ) de maternité post-accouchement. Je précise tout de suite que ce transfert financier n'entraîne de changement ni sur la gestion de ces IJ ni pour les assurées concernées.
Le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2023 contient des mesures importantes en matière de prévention.
Dans la continuité des accords signés par la Cnam avec les pharmaciens et les infirmières, le texte prévoit une extension des compétences vaccinales et une généralisation du dispositif que nous appelons « Le labo sans ordo » qui permet de simplifier le dépistage de biologie pour certaines infections.
Il engage la mise en place des rendez-vous de prévention aux âges clés de la vie - c'est une mesure importante de ce texte. L'assurance maladie s'impliquera dans ce dispositif pour contribuer au succès de ces bilans de prévention, notamment en mobilisant son réseau et ses systèmes d'information pour « aller vers » les assurés concernés.
Dans un contexte marqué par des tensions sur les ressources humaines du système de santé et à la veille du lancement des négociations conventionnelles avec les médecins, le PLFSS contient des mesures de rénovation de la vie conventionnelle, notamment pour les accords pluriprofessionnels - c'est une question importante si nous voulons soutenir et mieux accompagner les structures d'exercice coordonné comme les maisons de santé pluridisciplinaires (MSP), les communautés professionnelles territoriales de santé (CPTS) ou les équipes de soins. Un article concerne la création d'une quatrième année pour le diplôme d'études spécialisées de médecine générale - le Sénat en a déjà débattu. Et le texte prévoit également une simplification des aides à l'installation.
En ce qui concerne l'encadrement de la téléconsultation, il s'agit de donner un statut aux offreurs de téléconsultation et d'établir un cahier des charges. Le texte prévoit aussi l'encadrement de la prescription d'arrêts de travail pour supprimer le remboursement de ces prescriptions en téléconsultation, lorsque le médecin prescripteur n'est pas le médecin traitant.
Le PLFSS contient, comme chaque année, des mesures d'économies et de régulation tarifaire.
Au-delà de la très forte progression du chiffre d'affaires de la biologie médicale liée au covid, nous avons identifié une progression importante de la rentabilité de ce secteur à la faveur de la concentration qu'il a connu durant les dix dernières années. Nous avons donc proposé des ajustements tarifaires que le Gouvernement a repris dans le PLFSS avec un objectif d'économies de 250 millions d'euros en 2023.
Le PLFSS prévoit d'améliorer la transparence sur les forfaits techniques de radiologie, en particulier en ce qui concerne le bon usage des produits de contraste.
Des négociations sont en cours ou prévues avec les biologistes et les radiologues sur ces mesures de régulation.
En matière de lutte contre la fraude, l'assurance maladie a récemment présenté une stratégie renouvelée et des mesures sont inscrites dans le PLFSS pour 2023, afin notamment de prendre en compte l'évolution, à la faveur des innovations numériques et du développement des réseaux sociaux, de la fraude : prérogatives des agents de contrôle pour les cyberenquêtes, extension des procédures de déconventionnement d'urgence, augmentation des barèmes des pénalités financières, etc. Les débats à l'Assemblée nationale pourraient enrichir cette panoplie de mesures.
Le PLFSS contient des mesures relatives aux produits de santé, mais le Gouvernement a d'ores et déjà déposé des amendements à l'Assemblée nationale pour faire évoluer ses propositions en la matière. À ce stade, je veux donc simplement souligner le très grand dynamisme des dépenses liées aux médicaments et produits de santé : l'augmentation est supérieure à 7 % sur les premiers mois de l'année 2022 pour les médicaments remboursés en ville. Ce dynamisme justifie que nous nous penchions sur un mécanisme renforcé de régulation qui prenne en compte les enjeux d'investissement et d'accès aux innovations.
Dernier point de ce propos liminaire, le Gouvernement propose une mesure de simplification et d'amélioration de la couverture des arrêts de travail en cas de maternité, en prévoyant une obligation, d'abord pour les grandes entreprises, de subrogation par l'employeur pour le risque maternité. Cette mesure nous semble être de nature à améliorer la protection des femmes et des foyers concernés.
Mme Corinne Imbert , rapporteure pour la branche maladie . - Concernant la soutenabilité financière de l'assurance maladie, vous considériez vous-même l'an dernier que dix ans de déficits importants s'annonçaient pour la branche. Moins d'un an plus tard, sans que les besoins de santé aient baissé et alors que nous faisons face à un contexte inflationniste, la trajectoire s'améliore nettement. Derrière ce qui pourrait sembler une heureuse surprise, je reste sceptique et permettez-moi de m'interroger sur les raisons de ce rétablissement des comptes.
Est-ce à dire qu'il faut dès aujourd'hui anticiper des coupes dans les dépenses ? Si oui, lesquelles, alors que l'on sait les difficultés à réguler les dépenses de l'objectif national de dépenses d'assurance maladie (Ondam) ? Faut-il y voir l'annonce de nouveaux transferts de ressources à la cohérence douteuse, comme le « remboursement » par la Caisse nationale des allocations familiales (Cnaf) de la prise en charge du congé maternité post-natal ?
En un mot, alors que la loi de programmation comme le PLFSS nous annoncent un Ondam en progression de 2,6 % à horizon 2027, cette trajectoire qui suppose une ambitieuse modération dans la dynamique des dépenses vous paraît-elle réellement tenable et crédible ?
L'article 22 du PLFSS prévoit de « rénover » les conditions des négociations conventionnelles. Il prévoit notamment d'ajouter à la liste des thèmes pouvant être abordés par toutes les conventions professionnelles la possibilité d'un conventionnement sélectif, fondé sur des critères pouvant tenir à la densité médicale. Le conventionnement sélectif est-il selon vous un outil pertinent pour lutter contre les difficultés d'accès aux soins ? Les conventions professionnelles sont-elles le bon véhicule pour ce type de mesures ?
Alors que les négociations pour une nouvelle convention médicale doivent aboutir au début de l'année prochaine, la Cour des comptes recommande d'augmenter la part des versements forfaitaires dans la rémunération des médecins libéraux. Celle-ci est encore, pour l'essentiel, fondée sur le paiement à l'acte. L'augmentation des rémunérations forfaitaires est-elle pertinente à votre sens et selon quelle proportion ? Ce sujet sera-t-il poussé par l'Union nationale des caisses d'assurance maladie (Uncam) lors des négociations à venir ?
Concernant le médicament, qui est l'un des principaux piliers des économies attendues pour l'Ondam, le PLFSS porte un nouveau mécanisme de financement des thérapies innovantes. Il prévoit que l'assurance maladie assure en lieu et place des hôpitaux la gestion des flux financiers vers l'industriel et procède à un paiement à plusieurs échéances conditionné à des résultats cliniques en vie réelle. Ce dispositif vous paraît-il opérationnel ? L'étude d'impact du Gouvernement estime que le dispositif pourrait permettre d'économiser 100 millions d'euros dès 2024 : ce chiffrage vous paraît-il réaliste ?
Enfin, le PLFSS prévoit un recueil annuel d'informations relatives aux charges associées aux équipements matériels lourds d'imagerie médicale. Ce recueil doit faciliter l'actualisation régulière des tarifs des forfaits techniques compensant les charges. Pouvez-vous nous préciser les éléments à votre disposition suggérant que les tarifs des forfaits techniques sont surévalués au regard des coûts réels ? L'actualisation des forfaits techniques sera-t-elle faite sur le seul fondement des données récoltées ?
Mme Élisabeth Doineau , rapporteure générale . - Vous avez annoncé redoubler d'efforts dans la lutte contre la fraude, alors que la crise du covid a mobilisé vos agents sur d'autres missions que la chasse aux fraudeurs. Pouvez-vous nous donner des informations sur les moyens que vous allez mettre en place pour remplir vos objectifs, en particulier en termes de croisement de données ? Quels sont les chiffres réels de la fraude ? Sur laquelle en particulier allez-vous agir en priorité ?
M. Thomas Fatome . - Le déficit prévu pour 2023 se réduit effectivement nettement plus rapidement que dans les projections précédentes. Il me semble que trois raisons principales peuvent expliquer cette évolution.
Premièrement, la dynamique des recettes. En 2022 comme en 2023, la progression de la masse salariale devrait être supérieure à 5 % du fait de l'inflation, mais aussi, en tout cas pour 2022, du fait du dynamisme des créations d'emplois.
Deuxièmement, le choix du Gouvernement d'opérer un transfert financier de 2 milliards d'euros de la branche famille vers la branche maladie contribue à accélérer le redressement de cette dernière. Adopter une approche transversale des finances sociales me semble cohérent. Ce faisant, le Gouvernement s'inscrit dans la démarche adoptée depuis vingt ans.
Troisièmement, l'estimation des dépenses liées au covid s'élève à 1 milliard d'euros, dont 600 millions d'euros pour les vaccins et 400 millions d'euros pour les tests. Cette enveloppe n'est pas fermée et peut évoluer en fonction des besoins.
La trajectoire pluriannuelle de l'objectif national de dépenses d'assurance maladie (Ondam) est exigeante. Elle suppose le renforcement des actions visant à une maîtrise des dépenses médicales, à la gestion du risque et à la lutte contre la fraude, entre autres.
Jusqu'à présent, les dispositions législatives en matière de démographie médicale étaient différentes selon les professions de santé. L'article 22 du PLFSS crée une base transversale permettant aux partenaires conventionnels d'agir en la matière. Le texte promeut un principe de responsabilité afin que les partenaires se saisissent du sujet de la répartition des professionnels sur l'ensemble du territoire. Il existe des différences fondamentales selon les métiers. Le nombre d'infirmiers libéraux a doublé en vingt ans et la hausse du nombre de masseurs-kinésithérapeutes s'élève à 50 %, ce qui entraîne des problèmes de répartition. La situation est différente pour les médecins : leur densité a diminué et tous les territoires font face à des tensions. La question de la création d'un éventuel mécanisme contraignant se pose différemment selon que les professions sont ou non en tension. Le ministre de la santé a pris des positions à ce sujet ; nous attendons les lignes directrices fixées par le Gouvernement.
Les rémunérations forfaitaires ont progressé significativement durant les quinze dernières années : elles représentent entre 10 % et 15 % du salaire des médecins généralistes. Toutefois, le double mouvement de revalorisation des actes et de renforcement du poids des forfaits dans les émoluments des médecins finit par créer des tensions sur l'enveloppe globale. Ce sujet, complexe, constituera l'un des éléments de discussion avec les médecins.
Le PLFSS vise à faire évoluer la rémunération des médicaments très innovants. Nous faisons face à une augmentation très significative des coûts de traitement unitaire et des demandes des laboratoires sur des médicaments à destination de populations ciblées. Ceux-ci s'élèvent parfois à plusieurs centaines de milliers d'euros par patient. Le Gouvernement prévoit des paiements à échéance différée : cette mesure participe de la maîtrise des coûts en vue d'atteindre une soutenabilité des dépenses.
Voilà quatre ans, nous avons mené des travaux en vue d'estimer le rapport entre le coût réel et les tarifs établis pour des actes d'imagerie médicale. À l'époque, nous avions considéré que des ajustements étaient nécessaires. Nous voulons désormais bâtir, en partenariat avec la profession, une évaluation approfondie afin de disposer d'une analyse plus fine de la réalité. Je pense notamment aux dépenses liées aux produits de contraste : celles-ci sont deux à quatre fois plus importantes que celles constatées dans les autres pays européens.
J'en viens à la lutte contre la fraude. Nous espérons recouvrer la somme de 500 millions d'euros à l'horizon 2024. C'est un objectif ambitieux, puisque le rendement historique de nos actions s'élevait à 290 millions d'euros avant la crise sanitaire. Nous menons actuellement plusieurs évaluations sur l'activité des médecins généralistes et des sociétés de transport sanitaire : les fraudes sont de l'ordre de 2 à 5 % des activités totales. Nous souhaitons mieux les détecter et mieux les contrôler, afin de les sanctionner plus efficacement. Les échanges de données constituent des leviers au service de cette stratégie.
M. Philippe Mouiller . - Quel est votre avis sur le calendrier de la réforme des aides techniques ? Nous attendons une nomenclature à ce sujet. Or aucune mention à ce sujet ne figure dans le PLFSS.
L'Assemblée nationale a voté en faveur d'un encadrement des téléconsultations à domicile. Certes, je comprends les motivations de cette décision. Toutefois, certaines personnes sont dans l'incapacité de se déplacer.
Vous avez annoncé des mesures complémentaires en matière de lutte contre la fraude. Au printemps, nous avions débattu de la création de la carte Vitale biométrique et avions créé à cet effet une ligne budgétaire de 20 millions d'euros. Celle-ci existe toujours, mais son montant est nul. Faites-vous partie des responsables à l'origine de ce changement ?
M. Daniel Chasseing . - Le Sénat a voté hier la création d'une quatrième année de professionnalisation pour les médecins internes. Quel sera le montant de leur rémunération ? Il est inconcevable que ces médecins gagnent seulement 2 000 euros après dix ans d'étude.
Vous avez renoncé à créer un dispositif d'appel d'offres pour les médicaments. Je m'en réjouis : les pharmacies auraient souffert d'un afflux de produits fabriqués en Inde ou en Chine.
Vous avez diminué l'achat de médicaments de plus d'un milliard d'euros. Cela ne posera-t-il pas problème pour le financement de la recherche ?
S'ils veulent arrêter de fumer, les patients seront-ils remboursés en se présentant directement à la pharmacie, faute de pouvoir prendre rendez-vous chez un médecin ?
M. Bernard Jomier . - Les classes populaires sont les plus exposées à l'inflation qui touche notre pays. Qu'en est-il pour les établissements de santé ?
En présentant le PLFSS, les ministres concernés ont indiqué qu'ils comptaient de nouveau s'inscrire dans la lignée de la trajectoire 2010-2018, marquée par un redressement des comptes grâce à une politique de l'offre. Or les mêmes soutiennent également qu'ils comptent abandonner cette logique de l'offre au profit d'une politique répondant aux besoins de santé. Comment analysez-vous ce paradoxe ?
La branche accidents du travail et maladies professionnelles (AT-MP) est chroniquement excédentaire. Or les rapports prônant une politique de santé au travail plus affirmée se multiplient. La Cour des comptes a pointé les risques existant dans les établissements médico-sociaux à ce sujet. Comment surmonter cette difficulté ?
Mme Christine Bonfanti-Dossat . - Ma question fait écho à celle d'Élisabeth Doineau. L'article 44 du PLFSS permet aux directeurs des caisses primaires d'assurance maladie (CPAM) de demander en cas d'erreur de facturation ou de fraude identifiée non seulement le remboursement des indus correspondant aux seules factures contrôlées, mais aussi celui des indus globaux, dont le calcul se fonde sur une extrapolation à l'ensemble des factures émises par les professionnels. Dès lors, doit-on considérer que l'erreur et la fraude sont traitées de la même manière ?
M. Thomas Fatome . - L'assurance maladie a été partie prenante de travaux sur les aides techniques, notamment les fauteuils roulants, auxquels participent les associations, les industriels et les prestataires. Nous sommes attentifs aux propositions des différents rapports sur le sujet.
Je ne commenterai pas les amendements déposés à l'Assemblée nationale sur la téléconsultation. L'assurance maladie n'est, ni de près ni de loin, à l'origine de ces propositions. Il faut certainement encadrer la téléconsultation, mais il ne faut pas non plus être trop restrictif. Nous considérons que la téléconsultation assistée à domicile peut être un plus. Des expérimentations ont été menées dans ce sens, avec des infirmières venant au domicile des patients, qui étaient concluantes. Il pourrait être intéressant de promouvoir une telle pratique.
Concernant la carte Vitale biométrique, l'assurance maladie n'a pas sollicité de crédits de l'État mais n'a pas non plus demandé que ces crédits lui soient retirés. Je me tiens à l'écart de cette affaire. Nous travaillons néanmoins à dématérialiser la carte Vitale, afin de permettre à ceux qui le veulent de pouvoir la mettre sur leur smartphone. C'est à la fois une simplification pour les assurés et une mesure utile de lutte contre la fraude.
Cette dématérialisation comporte une part de biométrie au moment de l'enrôlement : pour mettre sa carte Vitale sur son smartphone, l'assuré doit en effet présenter une pièce d'identité et une captation biométrique. Mais cela ne peut être que volontaire : je suis bien conscient que beaucoup d'assurés - les personnes âgées, par exemple - n'accepteraient pas de ne plus avoir de carte Vitale physique dans leur poche... Le ministre de la santé et de la prévention a annoncé une mission de l'inspection générale des affaires sociales sur ce sujet.
Le ministre de la santé et la ministre de l'enseignement supérieur et de la recherche ont lancé une mission sur la quatrième année d'internat en médecine générale, afin d'en déterminer le calendrier, le contenu, le mode d'exercice et le type de rémunération. Pour cette dernière, j'en suis intimement convaincu, nous devrons trouver le moyen qu'elle soit attractive. L'assurance maladie est prête à faire cet investissement afin que cette année - la dernière d'apprentissage et la première d'exercice - soit une réussite.
Les pharmaciens seraient inquiets à propos du référencement ? Le Gouvernement a pourtant annoncé qu'il ne mettrait pas en oeuvre ce dispositif et que des travaux devaient être menés pour en évaluer la pertinence. Ce n'est pas une proposition de l'assurance maladie ; j'ai néanmoins eu l'occasion de rappeler aux pharmaciens qu'il n'y avait rien d'extraordinaire à ce que la puissance publique mette en oeuvre des procédures d'achat. Sans doute est-il nécessaire d'approfondir la discussion.
L'assurance maladie rembourse sur ordonnance les produits d'aide au sevrage tabagique. Nous en restons là pour l'instant.
Un milliard d'euros d'économies sur les prix des médicaments, cela peut sembler important, mais il faut considérer ce montant en ayant à l'idée le fort dynamisme de ces prix, notamment en 2022.
Nous n'avons pas mené d'étude approfondie sur la vulnérabilité des hôpitaux à l'inflation. Compte tenu de la structure de leurs coûts, liée en grande partie, hors masse salariale, à l'énergie et à d'autres achats affectés par l'inflation, ils sont certainement touchés. C'est la raison pour laquelle le Gouvernement a proposé un Ondam pour 2023 nettement plus élevé qu'avant la crise.
Votre question sur notre capacité à passer d'une stratégie de l'offre à une réponse aux besoins est difficile. Notre objectif est de garantir que les ressources de l'assurance maladie soient déterminées de manière qu'elles répondent le mieux aux besoins. La quête de l'évaluation des besoins est toutefois délicate, celle-ci ayant tendance à croître à l'infini. Derrière ce débat, il y a celui sur le mode de recours. Si j'ai besoin d'un soin avant 24 ou 48 heures, mon premier réflexe doit être d'appeler mon médecin traitant, puis d'appeler le 15 qui m'indique un professionnel - dans des conditions que nous devons organiser - et enfin, uniquement si tout cela ne fonctionne pas, d'aller aux urgences.
Nous avons sans doute des progrès à faire dans ce domaine. Nous avons ainsi lancé une campagne sur l'insuffisance cardiaque, car nous voyons beaucoup de patients qui en sont affectés sans le savoir. S'ils sont pris en charge avant d'avoir un problème, ce sera mieux pour leur santé mais aussi pour le système de santé. Mieux relier des objectifs de santé publique avec les moyens pour les atteindre, c'est le sens de notre action.
Vous m'interrogez sur le sujet sensible de l'excédent de la branche AT-MP, sur lequel les partenaires sociaux ont commencé une négociation. Je ne ferai pas de commentaires particuliers, à part deux remarques : d'une part, l'importance de cet excédent montre elle-même qu'il n'est pas préempté pour équilibrer la branche maladie ; d'autre part, le montant du versement à la branche maladie n'est pas déterminé arbitrairement par le Gouvernement, mais par une instance indépendante dirigée par un magistrat de la Cour des comptes, qui évalue sur la base de travaux scientifiques la sous-déclaration des accidents du travail et des maladies professionnelles qui doit être compensée auprès de l'assurance maladie. Le Gouvernement a choisi de retenir le bas de la fourchette. Il n'y a donc pas de ponction indue de la branche AT-MP pour équilibrer la branche maladie. C'est un sujet qui ne fait pas consensus...
M. Bernard Jomier . - En effet !
Mme Frédérique Puissat . - C'est le moins que l'on puisse dire.
M. Thomas Fatome . - ...mais je n'ai pas connaissance de travaux scientifiques sérieux qui remettraient en cause la méthodologie retenue.
Notre responsabilité est d'assurer la gestion de cette branche dans le cadre fixé par la commission des accidents du travail et des maladies professionnelles. L'investissement dans la prévention et le soutien aux différents secteurs soumis à un niveau important de sinistres fait partie de nos priorités.
Nous voulons utiliser le dispositif d'échantillonnage de manière encadrée. Nous ne voulons pas traiter de la même façon les erreurs et les fraudes. Néanmoins, dès lors que nous observons des indus importants sur la base d'échantillons représentatifs - hors tarification hospitalière - il ne nous semble pas déraisonnable d'extrapoler.
M. Olivier Henno . - Basculer dans une carte Vitale nouvelle génération, ce n'est pas la même chose que dématérialiser. C'est un moyen pour lutter contre la fraude, et pas seulement celle des professionnels. Nous devrons nous doter d'une perspective sur cette question.
Concernant les actes redondants - préoccupation de Jean-Marie Vanlerenberghe, qui nous inspire toujours - pourriez-vous nous donner des chiffres et des perspectives, de même que sur le dossier médical partagé ?
Mme Laurence Rossignol . - Vous êtes le directeur du meilleur centre d'observation du comportement des médecins et des patients. La consommation des psychotropes, notamment des antidépresseurs, a beaucoup augmenté avec le covid, de même que les consultations en visio. Mon interrogation repose sur une base empirique - chacun de nous dispose en effet de capteurs directs dans la société. N'y aurait-il pas eu un peu trop souvent des premières prescriptions d'antidépresseurs en visio, dans des conditions douteuses du point de vue thérapeutique... ?
Mme Émilienne Poumirol . - La mesure phare que vous avez évoquée, l'augmentation de la prévention, prévoit la mise en place de trois consultations. Or il s'agit, selon moi, de consultations non de prévention mais de dépistage. C'est différent !
Je souhaite vous interroger sur la prévention, à laquelle sont consacrés 3 % à peine du budget de la sécurité sociale, le reste allant au curatif. Aujourd'hui, 90 % des pathologies chroniques sont liées à des facteurs extérieurs - malbouffe, alcool, tabac, pollution de l'air, de l'eau, etc. -, sur lesquels il faut agir. Les représentants de l'Institut national de la santé et de la recherche médicale (Inserm) que nous avons auditionnés ont insisté sur l'intérêt de l'activité physique adaptée (APA) pour lutter contre nombre de pathologies et pour favoriser la prévention. Par exemple, on observe un taux de récidive du cancer du sein inférieur de 40 %, chez les femmes qui font du sport. Or cette activité n'est pas remboursée dans le cadre de ladite pathologie. Allez-vous prendre des mesures à cet égard ?
Mme Annie Le Houerou . - Les cabines de téléconsultation fleurissent dans des supermarchés « qui vendent la santé au quotidien ». Comment entendez-vous encadrer ces pratiques peu vertueuses ? Je m'interroge sur de telles dérives...
M. Thomas Fatome . - Monsieur Henno, la carte Vitale biométrique fera l'objet d'une étude de l'inspection générale des affaires sociales (Igas), à laquelle nous contribuerons. Cette carte est protégée depuis une dizaine d'années par plusieurs dispositifs de sécurisation, parmi lesquels la puce électronique et la photo. Par ailleurs, chaque assuré social a une seule carte, même s'il change de régime ; s'il ne peut plus bénéficier de l'assurance maladie parce qu'il quitte le territoire, cela est répertorié sur la liste d'opposition électronique (LOE). Il ne suffit donc pas de brandir une carte pour être remboursé. Enfin, il n'existe pas de cartes Vitale surnuméraires qui circulent sur le territoire.
M. Philippe Mouiller . - On peut en acheter pour 40 euros sur le marché !
M. Thomas Fatome . - S'il y a un travail à mener sur la carte Vitale biométrique, nous y contribuerons.
Pour ce qui concerne les actes redondants, nous avons élaboré un programme d'actions en matière de bon usage - du médicament, des transports, des prescriptions d'arrêt de travail et des ressources du système de santé -, déployé des mesures relatives à la lutte contre l'antibiorésistance, et promu les médicaments biosimilaires. Les parcours de soins sont plus efficients, avec des économies à hauteur de 700 millions d'euros. Vous trouverez des chiffres détaillés dans le rapport annuel charges et produits publié au mois de juillet dernier.
S'agissant du dossier médical partagé (DMP), intégré à l'espace numérique de santé (ENS), aussi appelé « Mon espace santé », la première phase de déploiement est achevée. Conformément au cadre adopté par le Parlement, nous avons engagé, au printemps, le mécanisme dit « de l'opt-out » : tous les assurés se sont vu proposer d'ouvrir leur espace santé. Le ministre de la santé fera, je crois, dans les prochaines semaines un point plus détaillé sur cette montée en charge et sur les prochaines échéances. Nous travaillons, de notre côté, sur l'ouverture prochaine du catalogue d'applications qui sera relié à l'ENS et l'agenda santé. La première phase technique opérationnelle est donc un succès, avec 65 millions d'assurés disposant d'un espace santé numérique.
Madame Rossignol, sur le lien entre la téléconsultation et les prescriptions de psychotropes, nous n'avons pas mené de travaux approfondis. Cependant, nous pourrions les mener puisque nous disposons des éléments d'information y afférents, et transmettre à la commission les résultats. Les chiffres attestent d'une augmentation très forte, de l'ordre de 10 %, des prescriptions de psychotropes, y compris chez les jeunes, lors de la crise du covid ; je vous renvoie sur ce point à notre rapport annuel. Les téléconsultations constituent un recours quantitativement très limité, soit 3 % des consultations de médecine libérale, 2 % de celles des spécialistes et 4 % des généralistes. Il faut donc être prudent avant d'établir un lien entre les deux phénomènes. Pour autant, nous travaillons avec des professionnels de terrain, qui s'interrogent sur certaines prescriptions très lourdes délivrées lors de téléconsultations, même si nous ne voulons pas jeter l'opprobre sur cette pratique.
Madame Poumirol, les travaux scientifiques démontrent en effet l'intérêt de l'activité physique adaptée. Mais faut-il forcément prévoir un remboursement de l'assurance maladie pour promouvoir cette activité ? La question se pose.
Mme Émilienne Poumirol . - C'est un traitement !
M. Thomas Fatome . - Sur ce sujet, nos partenaires organismes complémentaires sont aussi partie prenante de plusieurs expériences, et nous travaillons sur des dispositifs expérimentaux prévus à l'article 51 de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2017, notamment la prise en charge par l'assurance maladie de modalités de l'activité physique adaptée. Nous pourrons, dès l'année prochaine, partager avec vous des éléments d'évaluation à cet égard. Pour notre part, nous sommes favorables à la mise en oeuvre des différents leviers permettant de soutenir l'APA.
Madame Le Houerou, je vous rejoins : le supermarché n'est pas le bon endroit pour faire des téléconsultations. Mais il n'appartient pas à l'assurance maladie, qui n'en a pas le pouvoir, de réguler cette pratique. Un statut des offreurs de téléconsultations et un dialogue territorial avec les professionnels de santé sur ce sujet permettraient d'avancer sur cette question. Ainsi, dans les Yvelines, des médecins qui participent au service d'accès aux soins (SAS) construisent actuellement des systèmes de plateforme territoriale de téléconsultation garantissant des conditions de proximité et de connaissance du territoire.
L'assurance maladie est donc favorable au développement de téléconsultations qui s'inscrivent dans un parcours de soins, et dans un cahier des charges de qualité des prescriptions et de transparence.
Mme Nadia Sollogoub . - Vous avez dit que les dépenses liées au covid - vaccins et tests - s'élevaient à 1 milliard d'euros. Les patients atteints de covid long sont-ils pris en charge sur une autre enveloppe ? Leur nombre connaît-il une augmentation exponentielle ?
Pour ce qui concerne l'aide à l'installation, s'agit-il bien d'aide à la primo-installation ? On observe dans nos territoires des phénomènes de désinstallation. Peut-être faudrait-il, pour rassurer les élus, valoriser la stabilité des soignants plutôt que leurs déplacements ?
Quid des patients sans médecin traitant ? Dans la Nièvre, ils sont nombreux, de ce fait, à ne pas être intégrés dans un parcours de soins.
Pour ce qui concerne les effectifs de kinésithérapeutes et d'infirmières, vous avez dit que la dynamique était franchement positive puisque l'on en forme un nombre croissant. Il serait plus pertinent de connaître la différence entre ceux qui commencent à exercer et ceux qui arrêtent, lesquels sont de plus en nombreux.
M. René-Paul Savary . - Philippe Mouiller vient d'indiquer que l'on pouvait acheter des cartes Vitale sur internet. Avez-vous la possibilité de contrôler ces cartes ?
Le conventionnement sélectif des médecins, fondé sur des critères pouvant tenir à la densité médicale, est-il sur la table de la nouvelle négociation ? Ce serait tout à fait nouveau.
J'ai sous les yeux une feuille de remboursement de frais d'optique. Le régime obligatoire rembourse les montures à hauteur de 0,03 euro et les verres de 0,03 euro ! Ne serait-il pas temps de clarifier les choses ? Les frais d'instruction de la Cnam sont beaucoup plus élevés que les remboursements accordés... Cela révolte nos concitoyens !
Mme Annick Jacquemet . - Dans le département du Doubs, et peut-être ailleurs aussi, a été mise en place une filière de récupération et de recyclage d'aides techniques, qui sont donc vendues d'occasion. On sait que les fauteuils pour personnes handicapées, par exemple, coûtent cher. Qu'en est-il d'un éventuel remboursement par les caisses primaires d'assurance maladie (CPAM), ou au moins d'une participation ?
L'article 27 du PLFSS prévoit de réduire considérablement le remboursement des actes des laboratoires d'analyses biologiques. Les professionnels concernés préfèreraient rembourser une partie de la somme dont ils bénéficié, durant la crise du covid, du fait des nombreux tests qu'ils ont effectués...
Mme Laurence Cohen . - Des syndicats dénoncent, à juste titre, une proposition de transfert de charges à hauteur de 150 millions d'euros de l'assurance maladie vers les complémentaires santé ; en année pleine, cela représente 300 millions d'euros.
Vous connaissez l'attachement de mon groupe à la sécurité sociale ; nous avons d'ailleurs déposé une proposition de loi visant à instaurer le remboursement intégral des soins, le « 100 % Sécu ». Le transfert de charges prévu est, selon nous, très dangereux. Quelle est votre analyse, dont il n'avait pas été question jusqu'à présent, sur cette modification relative aux complémentaires santé ?
M. Thomas Fatome . - Madame Sollogoub, l'enveloppe prévisionnelle de dépenses pour le covid ne concerne que les vaccins et les tests. La prise en charge des cas de covid long est intégrée dans les prises en charge normales, ne fait donc pas l'objet d'une régulation et n'occasionne qu'un suivi limité.
Si un cas de covid long conduit à déclarer une affection longue durée (ALD), nous pouvons alors l'identifier en tant que tel. Mais ces cas occasionnant des pathologies d'intensités et de contenus très différents, il est difficile pour l'assurance maladie de suivre leur évolution. Pour autant, il n'existe aucun obstacle à leur prise en charge, pas plus qu'à celle des tests et des vaccinations tout au long de l'année 2023. Quand bien même l'enveloppe d'1 milliard d'euros serait dépassée, nous continuerions à rembourser, car il ne s'agit pas d'une enveloppe fermée.
S'agissant des aides à l'installation, l'évolution de ce dispositif fera l'objet d'un point d'étape avec les médecins dans le cadre de la négociation. Ce dispositif a été construit de façon à ce que ces aides puissent être accordées, dans certaines situations, pour des deuxième ou troisième installations, et pas uniquement dans le cas de primo-installations. Il serait, par exemple, aussi envisageable de favoriser des installations de médecins dans des zones particulièrement sous-denses.
Au sujet de la téléconsultation et des arrêts de travail, nous sommes extrêmement attentifs au maintien de l'accès aux soins et aux arrêts de travail pour les assurés, lorsqu'il est justifié, y compris dans les déserts médicaux. En 2021, 13 millions d'arrêts ont été prescrits, seulement 600 000 d'entre eux l'ont été dans le cadre de téléconsultations - il s'agit donc d'un phénomène marginal - et parmi eux uniquement 110 000 arrêts ont été prescrits par un autre médecin que le médecin traitant. Nous tenons à la disposition de la commission des affaires sociales les chiffres détaillés.
Le taux de recours à la téléconsultation en zones sous-denses est quasiment identique à celui des zones connaissant des densités normales, puisque les taux sont respectivement de 3,7 % et 3,6 %. La téléconsultation ne constitue donc pas un recours en cas de problème de densité médicale. Ainsi, en 2019, les assurés situés dans des zones de tension pouvaient bénéficier d'un arrêt de travail sans passer par la téléconsultation. La mesure portée par le Gouvernement, liée à une proposition de l'assurance maladie, ne change rien s'agissant de l'accès aux arrêts de travail en présentiel ; il est possible de consulter un médecin traitant, mais aussi tout autre médecin - en ville, à l'hôpital, en médico-social ou en centre de santé - qui pourra prescrire un arrêt si l'état du patient le justifie. Ainsi, bénéficier d'un arrêt de travail médicalement justifié ne me semble pas difficile dans notre pays, même si nous devons rester attentifs à cette question. La proportion d'arrêts de travail injustifiés - de 15 % à 20 %, d'après les contrôles effectués par l'assurance maladie - tendrait à montrer que le problème réside, au moins autant voire davantage, dans la justification de ces arrêts que dans les difficultés de prescription...
En ce qui concerne le solde des installations des infirmières libérales et des masseurs-kinésithérapeutes, une augmentation de l'ordre de 1 100 entre 2020 et 2021 et 2 100 entre 2019 et 2020 a été constatée et en moyenne sur les dix dernières années +3,5 % chaque année ; je rappelle que 30 000 infirmières sont formées chaque année, ce qui est un effort considérable. S'agissant des masseurs-kinésithérapeutes, le solde est de 3 700 installations nettes pour l'année dernière. Il existe donc une véritable dynamique d'installation, ce qui est positif puisque ce sont des professions dont nous avons besoin.
Monsieur Savary, s'agissant des cartes Vitale, nous avons demandé et obtenu, avec les autres caisses de sécurité sociale, des pouvoirs en matière de « cyber-enquêtes » qui nous permettront demain d'agir, dès lors qu'un trafic ou une proposition de vente de cartes Vitale sera identifié, et d'y mettre fin.
À ce jour, nous devons recourir à des officiers de police judiciaire dans le cadre d'un processus assez lourd. Je le répète : l'année dernière, 1,6 million de contrôles individuels portant sur la réalité des droits à l'assurance maladie ont été réalisés, ce qui représente une charge extrêmement lourde pour les caisses. En effet, ces contrôles individuels interviennent après les échanges automatiques de fichiers avec l'Urssaf et les services du ministère de l'intérieur permettant de vérifier la régularité du séjour des personnes concernées. Nous notifions ainsi 300 000 fermetures de droits à la suite de ces contrôles individuels ciblés. Je le répète également : le montant financier des consommations de soins liées à ces fermetures de droits est limité puisqu'il s'élève à 70 millions d'euros, alors que d'autres types de fraudes représentent des enjeux financiers bien supérieurs, selon nos estimations. La vérification de la bonne utilisation de la carte vitale et des droits à l'assurance maladie font partie de notre plan de lutte contre la fraude au même titre que les contrôles portant sur les assurés, sur les professionnels de santé et sur les entreprises. Nous devons être vigilants sur l'ensemble du spectre.
En ce qui concerne le conventionnement sélectif, je n'ai pas beaucoup d'éléments à ajouter à mes propos précédents. Tout d'abord, le contexte de tension globale sur la ressource doit nous conduire à réfléchir de façon approfondie à ces mécanismes. Ensuite, le ministre et la ministre déléguée ont rappelé leur attachement à une responsabilité collective et à une mobilisation territoriale pour essayer de trouver des solutions. Aider les médecins traitants à gagner du temps médical, leur financer en grande partie le recours à des assistants médicaux, aider à la coopération avec d'autres professionnels de santé, cela fonctionne, j'en suis convaincu. En effet, un médecin traitant prend en charge en moyenne 1 000 patients ; or, l'expérience du recours à un assistant médical montre qu'il peut prendre en charge plus de patients sans travailler plus, mais dans des conditions différentes. Si demain, un médecin traitant pouvait prendre en charge 1 200 patients - car le défi est aussi quantitatif -, la question des déserts médicaux ne serait pour autant pas réglée, mais des réponses seraient apportées aux personnes dépourvues de médecin traitant. Je précise d'ailleurs que, parmi les six millions de personnes qui n'ont pas de médecin traitant, la moitié n'en a jamais eu, n'en cherche pas et n'en a peut-être pas besoin. En revanche, le sujet des 600 000 patients en affection de longue durée dépourvus de médecin traitant est très important.
À propos de l'optique, ce que vous décrivez est tout à fait normal. Dans le cadre de la réforme du 100 % santé, le système construit avec les systèmes de santé et les organismes complémentaires prévoit que l'assurance maladie concentre ses remboursements sur le panier A, qui propose aux assurés des montures ou des verres de qualité. On est sorti d'une situation où les remboursements portaient sur des tarifs non maîtrisés.
La différence d'un ou de trois centimes, qui peut paraître choquante, a trait à d'un simple sujet de traçabilité. Sans ce « code traceur », nous n'aurions pas d'informations sur ce qui ne relève pas du panier A, car à ce stade, la mise à disposition par les organismes complémentaires des données de santé n'est pas efficace et ne permet pas de les adjoindre aux données de l'assurance maladie obligatoire. Les professionnels l'ont bien compris et, selon le cahier des charges du 100 % santé, ils ont une obligation d'explication à l'égard du patient. Mettre l'argent de l'assurance maladie sur ce type de prise en charge n'a pas de sens.
M. René-Paul Savary . - Trouvez une autre solution et changez le code traceur !
M. Thomas Fatome . - Madame Jacquemet, s'agissant des aides techniques, nous avons échangé avec plusieurs acteurs, notamment APF France handicap, à propos des démarches sur lesquelles ils s'engagent dans les filières de recyclage. Je reviendrai vers vous pour savoir dans quelles conditions cette prise en charge pourrait s'effectuer. Ce sont des sujets sur lesquels nous travaillons avec le ministère de la santé, y compris en termes de sobriété.
Pour répondre à la question sur les laboratoires de biologie médicale, ce qui est proposé dans la loi de financement de la Sécurité sociale, est une négociation ; il ne s'agit pas d'une décision unilatérale. Nous avons engagé cette négociation puisque de nombreux contacts ont été pris avec les biologistes médicaux depuis plusieurs semaines et nous avons formellement engagé les discussions ce lundi avec eux afin de leur proposer un nouveau cadre pluriannuel. Nous sommes extrêmement attentifs au maintien d'un maillage territorial suffisant de laboratoires de biologie médicale et du niveau d'activité des petits laboratoires. Néanmoins, au vu de la rentabilité du secteur et quelle que soit la taille des laboratoires, il nous semble possible d'engager des baisses de tarifs en échange de garanties ; c'est le sens de la négociation engagée cette semaine.
Madame Cohen, en ce qui concerne le transfert de charges, le Gouvernement a indiqué que dans sa construction de l'Ondam, il avait retenu un transfert de dépenses vers les organismes complémentaires de 150 millions d'euros, montant qui n'est pas anodin mais qui reste d'une portée limitée. Vous connaissez bien le phénomène de concentration de la dépense de santé et d'augmentation des pathologies chroniques à l'oeuvre depuis plusieurs années et qui se traduit par une progression continue du taux de prise en charge de l'assurance maladie obligatoire ; c'est extrêmement sensible pour les dépenses de médicament, peut-être en raison des pathologies chroniques et de l'innovation. Ce transfert de charges sera réalisé en concertation avec les organismes complémentaires, puisque le ministre a installé, la semaine dernière, un comité chargé d'identifier les champs de dépenses concernés par ce transfert. Ce travail s'engagera dans les prochaines semaines.
Mme Catherine Deroche , présidente . - Je vous remercie.
Ce point de l'ordre du jour a fait l'objet d'une captation vidéo qui est disponible en ligne sur le site du Sénat .
M. François
Braun,
ministre de la santé et de la prévention
Réunie le mercredi 19 octobre 2022, sous la présidence de Mme Catherine Deroche, présidente, la commission procède à l'audition de M. François Braun, ministre de la santé et de la prévention.
Mme Catherine Deroche , présidente . - Nous entendons à présent M. François Braun, ministre de la santé et de la prévention sur le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2023.
Le ministre délégué auprès du ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, chargé des comptes publics, M. Gabriel Attal, retenu à l'Assemblée nationale pour des raisons que chacun comprendra, est excusé. Nous l'entendrons la semaine prochaine, mardi 25 octobre à 8 h 30.
Je comprends que ce créneau n'est pas idéal, mais il serait pour le moins incongru que nous examinions le projet de loi de financement de la sécurité sociale sans avoir entendu le ministre chargé des comptes sociaux, alors que nous nous prononcerons également la semaine prochaine sur la loi de programmation des finances publiques.
J'indique que cette audition fait l'objet d'une captation vidéo qui sera retransmise en direct sur le site du Sénat et disponible en vidéo à la demande.
M. François Braun, ministre de la santé et de la prévention . - Je vais essayer de suppléer Gabriel Attal, si vous avez des questions concernant son champ d'activité.
L'examen du projet de loi de financement de la sécurité sociale est toujours un moment clé de notre démocratie sociale et solidaire. C'est un moment de dialogue avec les parlementaires.
Ce premier texte des finances sociales du quinquennat n'est pas un PLFSS comme les autres. C'est un PLFSS de sortie de crise, après deux ans de pandémie. Il pose surtout la première pierre d'une transformation du système de santé et traduit les engagements du Président de la République en la matière. Il s'agit de passer d'un système construit sur l'offre de soins à un système construit pour répondre aux besoins de santé de nos concitoyens.
Il s'agit d'abord d'un texte d'investissement et d'ambition pour la santé de nos concitoyens. Il s'attaque à trois priorités : l'accélération du virage préventif, la lutte contre toutes les inégalités d'accès à la santé et le soutien de nos hôpitaux.
Le moment est venu d'inscrire la prévention dans le quotidien des Français et de sortir des messages habituels de culpabilisation, en rendant la prévention aussi attractive que possible.
Nous proposons ainsi avec ce texte de mettre en place des rendez-vous de prévention, qui prendront la forme de bilans de santé aux âges clés de la vie. Je souhaite bien entendu que chacun puisse y avoir accès, surtout les publics les plus éloignés du système de santé. Ces consultations seront prises en charge à 100 % par l'assurance maladie. Elles seront suivies, si nécessaire, de parcours de santé.
De même, le Gouvernement s'engage dans ce PLFSS pour la santé sexuelle et la santé des femmes. Je pense aux infections sexuellement transmissibles, pour lesquelles le dépistage sans ordonnance et gratuit sera pris en charge à 100 % pour les moins de 26 ans.
Ce PLFSS prévoit également la délivrance gratuite de la contraception d'urgence à toutes les femmes, quel que soit leur âge, afin de faire tomber les barrières à l'accès de cette contraception.
Enfin, puisque la vaccination est une arme de premier plan en matière de prévention, nous proposons d'élargir la prescription et la réalisation de la vaccination aux pharmaciens, sages-femmes et infirmiers.
Deuxième orientation importante, la lutte sans merci contre toutes les inégalités d'accès à la santé, et principalement contre les déserts médicaux. Tout d'abord, nous concrétisons dans ce PLFSS l'engagement du Président de la République de créer une quatrième année d'internat en médecine générale.
Cette proposition du Gouvernement ne vise en aucun cas à envoyer des internes en médecine faire des stages dans des territoires pour boucher les trous sans encadrement. Elle vise au contraire à renforcer la formation de nos futurs médecins généralistes, pour permettre d'être plus autonomes et à même de gérer un cabinet médical.
Pour aider nos territoires sous-denses, nous souhaitons que ces internes viennent y effectuer des stages prioritairement, mais cela ne se fera en aucun cas au prix de la qualité de leur encadrement.
Pour inciter les jeunes professionnels de santé à s'installer dans les zones sous-dotées, ce PLFSS vise à renforcer l'impact des aides à l'installation, qui sont complexes, fragmentées et mal connues des professionnels.
Nous souhaitons également créer un cadre plus adapté pour les négociations conventionnelles, qui pourra nous permettent de mettre en place des engagements réciproques au service des Français dans tous les territoires, notamment les moins dotés.
Je souhaite favoriser le maintien en activité des médecins libéraux proches de la retraite et pouvoir mieux mobiliser les médecins retraités actifs, comme cela a été le cas pendant la crise sanitaire.
Troisième orientation, prendre soin de notre hôpital, que nous soutenons, face à l'inflation. Ce PLFSS fait le choix volontaire de ne pas faire porter aux hôpitaux de nouvelles économies et de les accompagner dans leur développement, comme dans la relance de leur activité après plus de deux ans de crise. Nous prenons ainsi en charge l'augmentation du point d'indice et l'inflation des charges que connaissent nos hôpitaux.
L'objectif national de dépenses d'assurance maladie pour l'hôpital, l'Ondam hospitalier, progresse ainsi de 4,1 %, soit un effort supérieur à 100 milliards d'euros, en augmentation de 3,6 milliards d'euros par rapport à l'Ondam hospitalier 2022 rectifié.
Ce PLFSS est aussi un texte de responsabilité, qui assume le renforcement de l'efficacité des dépenses. Ma conviction, c'est qu'il faut non seulement dépenser plus, mais aussi bien dépenser. Nous demanderons au secteur de la radiologie de renforcer la transparence et l'information sur le coût des équipements matériels. Nous demanderons également une contribution à la biologie, en ouvrant une négociation avec ce secteur, parallèlement à l'engagement d'une mission pour mieux préparer son avenir. Nous régulerons la trajectoire très dynamique des dépenses en matière de médicaments, tout en préservant nos capacités d'innovation, d'approvisionnement et de souveraineté.
Nous travaillons également avec les complémentaires santé sur de multiples chantiers, dont celui d'un partage équitable des remboursements dans le champ de la santé.
Nous redoublons d'efforts dans la lutte contre ceux qui ne jouent pas le jeu de la solidarité. Le PLFSS prévoit des mesures concrètes pour lutter contre tous les types d'abus et de fraude.
En définitive, ce PLFSS est un texte équilibré et ambitieux, avec un Ondam dynamique, au service de la santé de nos concitoyens.
Au cours de ces deux dernières années, nous avons fait le choix d'un investissement courageux, à la fois pour préserver l'activité de notre pays et la santé de nos concitoyens.
Je pense aussi aux engagements durables du Ségur de la santé, dans le champ tant des rémunérations que des investissements, à hauteur de 19 milliards d'euros.
En parallèle, il nous faut viser en responsabilité, le redressement des comptes sociaux. Cet effort ne se fera pas par des coupes budgétaires sur le dos de la santé de nos concitoyens. Nous réduirons nos dépenses en les rendant moins nécessaires par la prévention et plus efficaces par le renforcement de la qualité et de la pertinence de notre système de santé.
Mesdames les Sénatrices, Messieurs les Sénateurs, ce PLFSS c'est un texte de détermination et d'engagement. Très clairement, il n'épuise pas toutes les réponses que nous devons à nos concitoyens et à nos soignants. Celles-ci ont vocation à être complétées par les négociations conventionnelles, par les propositions issues de la concertation des parties prenantes dans le cadre du Conseil national de la refondation en santé.
Je suis bien entendu à votre disposition pour répondre à vos questions.
Mme Corinne Imbert , rapporteure pour la branche maladie. - Monsieur le Ministre, en tant que rapporteure pour la branche maladie, j'ai à coeur de veiller à la soutenabilité financière de l'assurance maladie dans notre pays. L'an dernier, le directeur de la Cnam estimait que dix ans de déficits importants s'annonçaient pour cette branche. Cette année, de manière surprenante, la situation se rétablirait bien plus vite. Permettez-moi de m'interroger sur les raisons de ce rétablissement des comptes.
Faut-il anticiper des coupes dans les dépenses ? Si oui, lesquelles, alors que l'on sait les difficultés à réguler les dépenses de l'Ondam ?
Faut-il y voir l'annonce de nouveaux transferts de ressources à la cohérence douteuse, comme le « remboursement » par la Cnaf, la Caisse nationale des allocations familiales, de la prise en charge du congé maternité postnatal ?
Enfin, je constate que le programme 379 de la mission « Santé » du PLF prévoit un remboursement de 1,9 milliard d'euros à l'assurance maladie, au titre du plan de relance européen, après un transfert de TVA revendiqué sur 2021 au même motif. Pourtant, il n'y en a aucune trace dans le PLFSS...
Ma deuxième question porte encore sur la trajectoire financière, au regard du projet de loi de programmation des finances publiques actuellement en débat. Le projet prévoit une mise en réserve, à nouveau, d'au moins 0,3 % des crédits de l'Ondam. On le sait, la commission d'enquête sur l'hôpital l'a souligné, l'Ondam de ville n'est jamais régulé et l'Ondam hospitalier éponge les dépassements des autres sous-objectifs. Ma question est donc simple : les plus de 700 millions d'euros de mise en réserve seront-ils comme toujours le seul fait des établissements de santé ou bien des mécanismes de régulation seront-ils mis en oeuvre sur les autres postes de dépenses ?
Monsieur le Ministre, je constate que ce PLFSS ne contient pas de mesure sur l'hôpital. Surtout, aucune ne concerne son financement. Quid du nouveau modèle de financement qui devait être engagé avec une dotation populationnelle, alors que l'expérimentation prévue n'a pu être lancée et sera caduque en 2023 ? Quid de la « sortie » de la garantie de financement pour les établissements de santé, alors que les hôpitaux publics n'ont pas retrouvé leur niveau d'activité de 2019, en raison de la crise du covid, mais aussi de déprogrammations subies, faute de personnels ?
S'agissant du médicament, où allons-nous ?
Enfin, Monsieur le Ministre, ma dernière question est un rappel non pas au règlement, mais à la Constitution. En effet, son article 34 définit le domaine de la loi, qui est votée par le Parlement. Or, depuis deux ans, les ministres de la santé se permettent de larges dérogations aux dispositions du code de la sécurité sociale. Comptez-vous inscrire dans ce PLFSS la validation législative des prolongations de la garantie de financement des établissements de santé et de la prise en charge intégrale des téléconsultations ?
Mme Élisabeth Doineau , rapporteure générale . - Le projet de loi de programmation des finances publiques pour 2023-2027 prévoit à partir de 2025 un taux de progression de l'objectif national de dépenses d'assurance maladie (Ondam) à 2,7 %, puis 2,6 % par la suite. Comment comptez-vous parvenir à une telle modération dans la progression des dépenses, dans un contexte d'inflation forte et de besoins importants dans le domaine de la santé ?
Cela fait plusieurs années que le Gouvernement se sert dans la poche de l'assurance maladie pour financer ses agences sanitaires - voire le ministère de la santé par fonds de concours ! - sans repasser devant le Parlement. Nous avons voulu l'an passé, avec la révision de la loi organique sur la loi de financement de la sécurité sociale, mettre de l'ordre dans tout cela : dans une démocratie, l'argent public est dépensé sur autorisation du Parlement.
J'en viens donc à ma question relative à ce PLFSS. Je constate que la provision pour dépenses liées au covid est annoncée à 1 milliard d'euros, ce qui est optimiste quand on sait qu'en 2021, ce sont 7,1 milliards d'euros qui ont été dépensés rien que pour les tests !
Je constate surtout que la dotation à Santé publique France s'élève à 211,96 millions d'euros. Un montant très précis, mais très éloigné de ce qui figure dans le rapport de la commission des comptes de la sécurité sociale (CCSS) sur les charges prévisionnelles de la Caisse nationale de l'assurance maladie (Cnam) pour 2023, avec un financement de Santé publique France par l'assurance maladie à hauteur de 616 millions d'euros. Faut-il comprendre que nous allons encore une fois avoir une « dotation exceptionnelle » complémentaire par arrêté sitôt la dotation votée en LFSS ?
Il semble qu'à la suite de la mobilisation des industriels et de l'intervention de votre collègue ministre de l'industrie, le Gouvernement a déposé lundi à l'Assemblée nationale des amendements au PLFSS visant à revenir sur deux des mesures les plus emblématiques relatives aux médicaments. Quel sera l'impact financier de ces revirements sur les finances de l'assurance maladie ? Quelle est la « moindre économie » estimée ?
Enfin, en tant que rapporteure générale, j'ai la charge du suivi de la Caisse d'amortissement de la dette sociale (Cades), qui porte 13 des 19 milliards d'euros d'investissements à destination de l'hôpital. Or rien ne figure dans ce PLFSS à ce sujet, puisque le Gouvernement s'obstine à considérer que ces dépenses, qui sont censées transiter par la Cnam, ne relèvent ni de l'Ondam ni de la branche maladie. Combien de contrats ont été signés sur le rétablissement des capacités de financement des établissements en matière d'investissements structurants ? En clair, combien d'établissements sont concernés et selon quel calendrier verront-ils ces investissements concrétisés ?
M. François Braun, ministre . - Ce PLFSS porte une ambition forte pour la santé, avec un Ondam à 3,7 %. Le sous-Ondam « établissements de santé » est en hausse de 4,1 % afin d'absorber l'inflation et la hausse du point d'indice, mais aussi de soutenir des revalorisations dans le secteur privé non-lucratif. Le sous-Ondam « de ville » permet le financement des conventions en cours de négociation avec les médecins libéraux, les masseurs-kinésithérapeutes et les chirurgiens-dentistes.
Chaque acteur du système contribuera à sa juste valeur à l'équilibre : 1,1 milliard d'euros sur les produits de santé, 250 millions sur la biologie, 150 millions sur la radiologie, 150 millions sur les organismes complémentaires, 200 millions sur la fraude et 720 millions sur les actions de maîtrise médicalisée des dépenses.
Le dynamisme de cet Ondam 2023 dans le cadre pluriannuel n'est pas un traitement de choc ponctuel que nous ne compenserons par une austérité dans les années suivantes. Cet Ondam de refondation et de transformation s'inscrit dans une trajectoire pluriannuelle tenant compte de l'engagement pris par la France vis-à-vis de l'Europe de réduire son déficit à moins de 3 % de son PIB d'ici à 2027.
L'évolution pour 2024, 2025 et 2026 reste dynamique afin d'assurer la transformation de notre système de santé et son adaptation au vieillissement démographique tout en continuant de mettre l'accent sur la prévention, source d'économies, et de poursuivre la lutte contre la désertification médicale.
Cet effort particulier au bénéfice de l'Ondam sera renouvelé en 2024 et en 2025 à un niveau certes moins élevé mais suffisant pour soutenir les réformes d'organisation de notre système de santé et renforcer l'attractivité des métiers. Ce niveau d'Ondam devrait permettre de faire face aux effets de l'inflation - le Haut Conseil des finances publiques estime que nos hypothèses macroéconomiques sont réalistes.
L'Ondam « de ville » restera également dynamique en 2024 et 2025 pour porter les réformes qui seront issues du volet santé du Conseil national de la refondation (CNR), en particulier des mesures visant à lutter contre les déserts médicaux comme la future convention médicale.
Cette ambition est partagée avec les acteurs du système de santé, et elle passe par une répartition des efforts dans une logique de droits et de devoirs.
J'en viens à la provision prévue en 2023 au titre du covid. Les derniers chiffres montrent que nous assistons plutôt à un rebond de la dernière vague du même variant qu'à une nouvelle vague : le taux de reproduction du virus dit « R », qui chute depuis trois semaines, n'est plus qu'à 1,07, et le taux d'incidence est stable autour de 550 pour 100 000.
Nous souhaitons mettre l'accent sur la double vaccination pour les personnes les plus fragiles, c'est pourquoi 600 millions d'euros ont été provisionnés au titre de la vaccination pour l'année prochaine, et 400 millions pour les tests de dépistage.
Ces provisions reposent sur des estimations, que la survenue d'un nouveau variant pourrait nécessairement perturber. Malheureusement, nous ne pouvons pas anticiper cela.
Le secteur des médicaments progresse de 6 % par an. Dans le cadre du conseil stratégique des industries de santé, le Président de la République s'est engagé à une progression annuelle de 2,4 %. Nous avons respecté cet engagement sur la période 2018-2021 et nous le respecterons dans les années à venir. Nous allons même au-delà, puisque la progression est de 2,8 % et que nous allouons cette année 800 millions d'euros supplémentaires aux industries du médicament.
Dans le cadre de France 2030, nous avons pris des mesures pour garantir l'accès aux médicaments innovants. À la logique du « payer pour voir », nous avons substitué la logique du « voir pour payer » au travers d'une adaptation du financement des médicaments, tout en garantissant l'accès aux médicaments génériques.
Nous ne faisons donc pas d'économie particulière sur le secteur des médicaments, même si plusieurs dispositions évoluent.
Nous remettrons un rapport au Parlement sur le référencement périodique d'ici à l'été 2023. Nous nous donnons ainsi le temps d'évaluer les bénéfices et les risques de ce dispositif.
S'agissant de la clause de sauvegarde, notre objectif était d'éviter l'effet rabot que ce dispositif peut entraîner lorsqu'il s'applique de manière uniforme aux laboratoires qui mettent sur le marché des produits excessivement chers comme aux fabricants de génériques.
Nous avons donc négocié avec les acteurs de l'industrie du médicament une modification de la répartition de la clause de sauvegarde afin de faire dépendre celle-ci, non plus seulement du chiffre d'affaires, mais aussi, à hauteur de 30 %, de l'évolution de celui-ci par rapport à l'année précédente.
La dette sociale a vocation à être remboursée pour ne pas faire peser sur les générations futures le poids des prestations actuelles. La loi du 7 août 2020 relative à la dette sociale et à l'autonomie a créé la cinquième branche et prévu le transfert de la dette de la sécurité sociale à la Cades à hauteur de 136 milliards d'euros, reprenant ainsi le déficit cumulé depuis 2020 du fait de la crise sanitaire, mais également un tiers de la dette hospitalière.
La reprise de dette a été immédiatement mise en oeuvre à hauteur de 20 milliards en 2020, puis de 40 milliards en 2021, et elle sera de 40 milliards en 2022. En 2023, il n'y aura pas de transfert supplémentaire. L'article 13 du PLFSS fixe l'objectif d'amortissement de la dette sociale par la Cades à 17,7 milliards d'euros.
Je rappelle que le transfert de dette initial se répartissait comme suit : 31 milliards au titre des déficits antérieurs à 2020, 92 milliards au titre des déficits futurs 2020-2023 et 13 milliards de dette hospitalière.
Afin de faire face à cette nouvelle reprise, l'horizon d'amortissement de la Cades est prolongé jusqu'à 2033.
Le financement populationnel ne concerne pour l'heure que les services d'urgences, avec une part de financement à l'acte et une part dépendant de la qualité et de la pertinence des soins. Nous souhaitons effectivement développer ce type de financement. Des discussions en ce sens sont en cours avec les acteurs de la psychiatrie et des soins de suite et de réadaptation (SSR).
Plus largement, je souhaite mener une réflexion sur le financement global, non pas seulement de l'hôpital, mais de notre système de santé. En parallèle du CNR, je souhaite constituer deux groupes de travail avant la fin de l'année, le premier sur la gouvernance du système de santé et le second sur le financement de notre système de santé. J'estime qu'il est temps d'explorer un certain nombre de pistes.
Enfin, la garantie de financement prendra fin au 1 er janvier 2023. Nous travaillons à un dispositif qui permettrait de soutenir les établissements fragiles au-delà de cette échéance, mais nous parions surtout sur la reprise d'activité de ces établissements après la perte d'activité due au covid.
Mme Catherine Procaccia . - L'article 8 du PLFSS crée une catégorie fiscale spécifique pour le tabac à chauffer. J'avais interrogé votre prédécesseur sur l'évaluation des substituts au tabac - je rappelle que parmi les 15 millions de fumeurs, beaucoup ne souhaitent pas arrêter de fumer. Le Haut Conseil de la santé publique et l'Organisation mondiale de la santé (OMS) avaient appelé une telle évaluation de leurs voeux. Pour l'heure, nous ne disposons que d'une étude de l'Institut Pasteur datant de 2020, qui indique que le tabac à chauffer paraît moins nocif que la cigarette sans le démontrer.
Le programme national de lutte contre le tabac que vous allez relancer inclura-t-il enfin une évaluation scientifique sur le tabac à chauffer ?
Mme Marie-Pierre Richer . - Si l'on peut se réjouir que la loi de finances rectificative pour 2022 ait acté la conversion de la prime Ségur en complément de traitement indiciaire pour l'ensemble des personnels soignants de protection maternelle et infantile (PMI) et de santé sexuelle, je déplore que les 1 700 médecins y exerçant en aient été exclus. Ces derniers percevront de ce fait une rémunération bien inférieure à celle d'autres cadres d'exercice de la médecine salariée.
L'augmentation de la mortalité infantile, l'aggravation des maltraitances chez les nourrissons, l'augmentation de la prévalence de troubles divers nous rappellent pourtant l'importance du repérage médical précoce effectué par les PMI.
De plus, les médecins des PMI pâtiront d'une double iniquité : la première liée au caractère aléatoire de l'octroi de la prime Ségur selon la décision de chaque exécutif départemental, et la seconde vis-à-vis des autres personnels soignants de la PMI qui bénéficieront de celle-ci.
Dans la région Centre-Val de Loire, le nombre de médecins de PMI a chuté de 24 % entre 2010 et 2019, et je suppose qu'il en est de même pour les autres régions.
Monsieur le Ministre, il est indispensable que la prime Ségur soit convertie en complément de traitement indiciaire pour l'ensemble des médecins concernés, dont ceux des PMI et de santé sexuelle. Cette disposition peut-elle figurer au PLFSS ?
Mme Jocelyne Guidez . - Les dépenses liées au grand âge pourraient augmenter de plus de 9 milliards d'euros d'ici 2030. Selon les projections démographiques, en 2040, 15 % de la population aura plus de 75 ans. Depuis la création de la cinquième branche en 2020, rien ne semble pourtant avancer.
La politique de l'autonomie inclut aussi le handicap. Le collectif Handicaps évalue entre 10 et 12 milliards d'euros les financements supplémentaires nécessaires à la prise en compte des besoins des personnes en situation de handicap. Par ailleurs, la contractualisation des accompagnants des élèves en situation de handicap (AESH) serait bienvenue et permettrait d'accroître leur nombre.
Ma seconde question porte sur les inégalités de traitement liées au Ségur de la santé, mais je vous ai adressé un courrier à ce sujet et attends donc votre réponse...
Mme Christine Bonfanti-Dossat . - Je regrette que votre projet de PLFSS n'évoque pas les infirmiers anesthésistes diplômés d'État (IADE) qui se battent à juste titre pour que leur profession soit intégrée au code de la santé publique sous le statut d'auxiliaires médicaux en pratique avancée.
Au Sénat, plusieurs collègues déplorent comme moi la non-reconnaissance de cette profession et de ses spécificités en matière de formation comme d'autonomie d'exercice, laquelle devrait être assimilée, selon le syndicat national des infirmiers anesthésistes, à de la pratique avancée.
Monsieur le Ministre, quelles dispositions le Gouvernement compte-t-il prendre pour améliorer la reconnaissance statutaire de la profession d'IADE tout en promouvant le développement des infirmiers en pratique avancée (IPA) de médecine d'urgence ?
Par ailleurs, l'article 25 du PLFSS est une nouvelle tentative louable pour combattre le mercenariat de l'intérim médical. En 2017, un plafond de rémunération a été fixé à 1 170 euros par tranche de 24 heures. Or nos hôpitaux en tension permanente se sont vus imposer par les intérimaires des niveaux de rémunération très supérieurs à ceux qu'autorise la loi.
La loi visant à améliorer le système de santé par la confiance et la simplification, dite loi Rist, devait rendre ce plafond de rémunération effectif, mais votre prédécesseur avait finalement reculé au moment de son application.
Monsieur le Ministre, comptez-vous faire respecter la loi encadrant les rémunérations des intérimaires ? Comment peut-on redonner de l'attractivité aux carrières au sein de l'hôpital public ?
Mme Florence Lassarade . - Pour rebondir sur les propos de Marie-Pierre Richer, je rappellerai que notre pays a reculé au 25 e rang en matière de mortalité infantile, et que la cause n'en est pas connue. Est-ce dû à la baisse du nombre de spécialistes, aux violences intrafamiliales ? Nous ne le savons pas. J'espère que le prochain PLFSS proposera des mesures relatives à ce sujet préoccupant.
Par ailleurs, nous savons que les jeunes médecins s'installent auprès d'autres spécialistes. Comptez-vous consacrer un volet à la formation et à la rémunération des spécialistes ?
Enfin, vous évoquez une augmentation des coûts liés aux médicaments de 6 % par an. Est-ce le prix du médicament ou la consommation qui augmente ? Que fait-on pour diminuer la consommation, notamment de psychotropes dont nous sommes de gros consommateurs ?
Mme Catherine Deroche , présidente . - Il faut lutter contre les mésusages dont font l'objet les antalgiques. Des études montrent que du fait de leur génome, certaines personnes sont moins sensibles, voire totalement insensibles aux antalgiques. Il y a un gros travail à mener sur la surconsommation de ces médicaments, n'en déplaise aux pharmaciens...
M. François Braun, ministre . - Le tabac tue 70 000 personnes chaque année dans notre pays. S'il est vrai que les 15 millions de fumeurs ne souhaitent pas arrêter, 2 millions ont arrêté du fait de l'augmentation du prix du tabac.
Des études menées aux États-Unis ont montré que le tabac à chauffer, qui bénéficie d'une image moins négative, amène beaucoup de jeunes vers la consommation de tabac.
Je ne dispose pas aujourd'hui d'une évaluation nationale sur les dangers du tabac à chauffer, mais je retiens cette idée.
Paradoxalement, du fait de l'inflation, il revient moins cher d'acheter un paquet de cigarettes qu'il y a un an. Nous souhaitons donc indexer le prix du paquet de cigarettes sur l'inflation.
Par ailleurs, nous souhaitons progressivement taxer les autres formes de tabac comme le tabac à chauffer et le tabac à rouler au même titre que le tabac.
S'agissant des médecins de PMI, je rappelle que les médecins hospitaliers n'ont pas bénéficié du Ségur. En tout état de cause, il faudra compenser la chute d'effectifs que vous soulignez, car la PMI, tout comme la médecine du travail qui est en déshérence, est un acteur essentiel de la prévention.
À titre personnel, je suis favorable à la création d'une spécialité en santé publique de l'enfant, la question étant alors de savoir si celle-ci doit être confiée à des IPA ou à des puéricultrices, dont la formation, qui va être prolongée, pourrait comporter un module sur la santé publique afin de leur permettre d'intervenir en PMI. J'aurais pour ma part tendance à préférer cette seconde possibilité.
Les IADE sont certes infirmières spécialisées, mais leur formation ne correspond pas à celle des IPA, qui comprend une année de tronc commun et une année de spécialisation. Nous allons ouvrir des discussions avec les IADE car à défaut de leur donner le statut d'IPA, il paraît justifié de reconnaître leur spécialisation au grade de master.
Le vieillissement de la population entraînera un déséquilibre de nos comptes sociaux auquel il nous faut remédier. Ce PLFSS prévoit 50 000 recrutements dans les établissements d'hébergement pour personnes âgées et dépendantes et l'ajout de deux heures d'aide humaine pour la participation à la vie sociale par semaine. Ces mesures fortes s'ajoutent aux mesures prises dans le cadre de la loi de finances pour 2022.
L'intérim est une bonne chose dès lors qu'il est utilisé à bon escient, c'est-à-dire pour remplacer ponctuellement des personnes en arrêt maladie ou en congé maternité. En revanche, je dénonce l'intérim que j'appelle cannibale qui augmente ses tarifs à la veille d'un remplacement. D'un point de vue éthique, je ne peux pas accepter qu'un médecin gagne en une nuit deux fois ce que gagne une infirmière en un mois.
Ce PLFSS comporte une mesure visant à lutter contre l'entrée en intérim à la fin des études. Il s'agit d'ailleurs d'une mesure de sécurité pour nos concitoyens, car l'intérim est un exercice difficile qui nécessite une expérience que n'ont pas les jeunes diplômés.
En ce qui concerne la loi Rist, les mesures de limitation de la rémunération de l'intérim seront appliquées au printemps prochain. En effet, dans l'hypothèse probable d'une grève des intérimaires, il faut laisser aux établissements le temps de s'organiser.
Je ne dispose pas à ce stade d'explication relative à l'augmentation de la mortalité infantile, mais c'est un sujet que nous investiguons, de même que les difficultés médico-psychologiques des jeunes enfants, en particulier des jeunes filles de 10 à 14 ans. L'Observatoire national du suicide nous a communiqué à leur sujet des chiffres alarmants.
Les jeunes médecins s'installent au même endroit que d'autres spécialistes, mais pas seulement : ils s'installent dans des territoires où ils peuvent tout simplement exercer. Ce PLFSS comporte des engagements sur ce point.
Enfin, la maîtrise médicalisée des dépenses, à laquelle nous consacrons 700 millions d'euros, vise à s'assurer de la pertinence et de l'efficience des médicaments prescrits, car je vous rejoins sur le constat de mésusage des médicaments.
Le livre Maman, ne me laisse pas m'endormir , qui a inspiré un téléfilm diffusé hier soir sur la télévision belge, est un témoignage remarquable sur les dangers qu'emporte la consommation de benzodiazépines et d'opioïdes. Je m'attaquerai fermement à ce problème de santé publique.
Mme Michelle Meunier . - Je suis un peu déçue par votre réponse à la question de Marie-Pierre Richer. Les médecins de PMI sont en première ligne sur la prévention. Votre cabinet négocie actuellement avec le syndicat national des médecins de PMI. Quelle mesure ce PLFSS peut-il prévoir pour ces professionnels ?
Par ailleurs, il est prévu - mais peut-être n'avez-vous pas été associé à cette décision - que les titres restaurants permettent désormais d'acheter des confiseries et de l'alcool. Ne voyez-vous pas une contradiction avec les messages de santé publique relatifs à la nocivité du sucre et de l'alcool ? J'y suis d'autant plus sensible que j'ai été la corapporteure d'un rapport d'information sur la prévention de l'obésité en juin dernier.
Enfin, on parle trop peu des proches aidants de malades alcooliques, qui sont souvent en souffrance et parfois victimes. Une sensibilisation sur ce sujet serait la bienvenue.
M. Daniel Chasseing . - Vous avez indiqué que vous aviez mené une concertation avec les laboratoires et sûrement avec les pharmaciens qui s'inquiétaient des mesures envisagées, notamment sur les référencements de médicaments. Il est bon que ce point soit réglé.
Je me réjouis également que l'Ondam hospitalier soit fixé à 4 %, contre 2 % entre 2012 et 2017 et 2,5 % entre 2017 et 2022. Cela permettra d'investir.
Vous avez indiqué votre souhait de mobiliser les médecins retraités. Ces derniers doivent pour cela s'inscrire à la caisse autonome de retraite des médecins de France (Carmf), ce que beaucoup refusent, ou se contenter de leur inscription à l'Urssaf, mais ils ne peuvent dans ce cas dépasser 19 000 euros de chiffre d'affaires. Envisagez-vous d'augmenter ce plafond ?
Ma seconde question porte sur les étudiants en quatrième année d'internat. Il me paraît urgent d'entamer des discussions avec leurs représentants afin de les assurer que s'ils acceptent de s'installer dans une zone sous-dotée, ils pourront effectuer dix consultations par jour à raison de cinq jours par semaine. La réforme que nous proposons n'a rien de méprisant, et il n'est pas question qu'ils continuent de percevoir un salaire de seulement 1 500 à 2 000 euros par mois.
Mme Monique Lubin . - Je souhaite vous interpeller au sujet des bannis du Ségur.
Nous recevons de très nombreuses saisines de la part de nos administrés qui nous font part de leur colère et de leur incompréhension du fait de ne pas bénéficier du Ségur, alors même qu'ils ont été en première ligne durant la crise de la covid.
Ce sont des salariés des établissements médico-sociaux, des professionnels dans le secteur privé et associatif ou encore des membres de la fonction hospitalière publique.
Ils témoignent de leur démobilisation, alors que leurs efforts ne sont pas reconnus et qu'ils ne sont pas traités, pour des raisons qui leur échappent, de la même manière que leurs collègues. La solidarité au sein des équipes de ces métiers souvent très durs s'en trouve amoindrie.
Un ouvrier principal deuxième classe m'interroge par exemple pour savoir si le sort de sa catégorie professionnelle est toujours en cours de négociation. Travaillant au sein d'un établissement ou service d'aide par le travail (ESAT), il est moniteur d'atelier en blanchisserie selon sa fiche de poste mais ouvrier principal sur son contrat. À ce titre, il n'a pas droit au Ségur. Pourtant, dès le début du covid, les travailleurs handicapés ne travaillant plus, ce sont les moniteurs qui ont traité tout le linge des Ehpad et des hôpitaux arrivant dans leur structure.
Une cadre administratif au sein d'un institut médico-éducatif accueillant des autistes sévères m'indique qu'elle envisage de quitter un secteur qu'elle juge discriminant après 30 ans de bons et loyaux services. En effet, les filières administratives et logistiques sont exclues de la prime Ségur, alors qu'elles sont essentielles au bon fonctionnement des établissements et qu'elles ont été présentes depuis le début de la crise sanitaire.
Le groupe national des établissements et services publics sociaux et médico-sociaux n'a cessé de demander l'application du complément de traitement indiciaire issu du Ségur de la santé à tous les agents de la fonction publique hospitalière sans exception. Il m'alerte notamment sur la crise du recrutement qui touche tout le secteur, et signale que si la dernière extension du complément de traitement indiciaire à la filière des métiers de l'accompagnement a constitué une indispensable avancée, celle-ci est loin d'être suffisante. En effet, les agents des filières administratives de direction technique et logistique demeurent encore exclus dans certaines structures du handicap non rattachées aux établissements de santé ainsi que dans les établissements de protection de l'enfance.
Monsieur le Ministre, prendrez-vous en compte toutes ces demandes ?
Mme Corinne Féret . - Les budgets de fonctionnement et d'investissement des hôpitaux publics pâtissent de l'inflation.
L'augmentation des prix de l'énergie, mais aussi du coût de l'alimentation affecte directement ces établissements. Pouvez-vous préciser les mesures qui, dans ce PLFSS, permettront d'atténuer les effets de l'inflation pour les hôpitaux publics ? L'Ondam hospitalier sera-t-il augmenté en conséquence ?
Par ailleurs, de nombreux établissements ont bénéficié des investissements du Ségur. C'est notamment le cas de plusieurs établissements dans le Calvados. Toutefois, l'augmentation des prix des matières premières compromet la poursuite de ces projets. Prévoyez-vous une aide spécifique dans le PLFSS pour permettre à ces établissements de financer l'augmentation du coût des travaux ?
Mme Victoire Jasmin . - Monsieur le Ministre, vous n'avez pas évoqué la santé mentale. Dans le rapport que j'ai rédigé avec Jean Sol sur ce sujet, nous formulions un certain nombre de préconisations. Comptez-vous mettre en place les projets territoriaux de santé mentale ?
L'accréditation et la certification, mais aussi les systèmes de back up et les équipements permettant d'assurer la suppléance qui sont nécessaires pour garantir la continuité et la qualité des soins génèrent des surcoûts pour les laboratoires de biologie médicale. Dans les outre-mer, c'est un sujet qu'il est urgent de prendre en compte, Monsieur le Ministre.
Au niveau national, il convient également de prendre en compte l'inflation des coûts de tous les dispositifs médicaux, des réactifs et des consommables.
Enfin, un amendement a été adopté par l'Assemblée nationale sur les cures thermales. S'il me semble nécessaire de mener une évaluation afin de retravailler les modalités de prise en charge, j'estime que ce serait une erreur de ne plus les rembourser.
M. René-Paul Savary . - Je vois deux sources potentielles d'économies, Monsieur le Ministre.
La première est l'allongement de la liste des biosimilaires. L'envisagez-vous ?
La seconde serait de revoir la directive européenne pour porter la durée des deux premiers cycles d'études médicales à cinq ans au lieu de six.
Par ailleurs, pouvez-vous préciser ce que serait un conventionnement sélectif assis sur des critères relatifs à la densité médicale ? La confusion d'hier entre concertation et coercition n'était-elle donc pas un lapsus ?
Mme Colette Mélot . - La présence des professionnels de santé dans les territoires est une des préoccupations les plus importantes des Français.
Pour y remédier, il conviendrait de délocaliser davantage les formations au plus près des besoins des habitants. En effet, les jeunes qui sortent du système scolaire et les personnes en recherche d'emploi, qui pourraient accepter des emplois dans les Ehpad ou dans d'autres établissements, n'en ont pas la possibilité faute de formation.
C'est tout aussi vrai des formations universitaires car, bien souvent, les étudiants s'installent à proximité de leur lieu de formation.
Je sais bien que tout cela est connu, mais il me paraît important d'y insister.
M. Jean Sol . - Quelque six millions, soit 11 % de nos concitoyens n'ont pas de médecin traitant. Envisagez-vous d'augmenter le nombre d'assistants médicaux ? Qu'en est-il du stock des 2 400 dossiers qui n'ont a priori pas été traités ? Pouvez-vous me confirmer les propos de Mme Agnès Firmin Le Bodo, qui a indiqué que vous alliez accélérer les choses ?
Après des années d'inertie, envisagez-vous de relancer le dossier médical partagé (DMP) ? Certains jeunes médecins le réclament.
Enfin, vous indiquiez que le nombre de suicides de jeunes était en augmentation, Monsieur le Ministre. Or je n'ai rien vu dans ce PLFSS concernant la santé mentale. Pouvez-vous nous donner un peu d'espoir ?
M. Alain Milon . - Je constate que comme vos prédécesseurs, vous faites une confusion dommageable entre projet de loi de financement de la sécurité sociale et loi relative à l'organisation de la santé sur le territoire national.
Vous avez déposé à l'Assemblée nationale un amendement relatif à la permanence des soins. Dans la rédaction que vous proposez, celle-ci incomberait collectivement à l'ensemble des établissements ainsi qu'aux professionnels de santé, médecins, chirurgiens-dentistes, infirmières et sages-femmes.
Envisagez-vous de revenir sur les arrêtés pris par M. Mattei supprimant l'obligation de garde pour les médecins libéraux ? Si les cliniques privées étaient soumises à cette obligation, celle-ci s'exercerait-elle dans le cadre du tarif opposable ?
De nombreux actes médicaux sont désormais délégués à d'autres professionnels de santé que les médecins. Croyez-vous au parcours de soins, Monsieur le Ministre et, si oui, qui en est selon vous le pilier ? Autrement dit, à quel professionnel doit-on s'adresser en première intention ?
Mme Annick Jacquemet . - Vous avez annoncé la création de 150 000 emplois dans les Ehpad, mais seulement 3 000 sont budgétés cette année. Comment parvenir à 150 000 à raison de 3 000 par an ?
La Mutualité française propose de faire financer le grand âge par les assurances. Qu'en pensez-vous ?
Enfin, les laboratoires de biologie indépendants s'inquiètent des 250 millions d'euros d'économie qu'on leur demande. Ils craignent que cela ne les fragilise par rapport aux grands groupes. Plutôt qu'une diminution des actes de base, ils préféreraient que ces 250 millions soient reportés sur les actes liés au covid.
Mme Véronique Guillotin . - L'article 22 du PLFSS vise l'actualisation, la clarification et l'harmonisation des conventionnements passé entre l'assurance maladie et les professionnels de santé. S'agit-il de conventionnements sélectifs ?
L'article 23 comporte des dispositions relatives aux zones sous-denses. S'agit-il des zones d'actions complémentaires (ZAC) et des zones d'intervention prioritaires (ZIP) ? Si oui, la cartographie en est-elle figée au moment où elle est communiquée par l'agence régionale de santé (ARS) ?
Que signifie l'adverbe « prioritairement » dans ce même article ? Ne faudrait-il pas ajouter à ces zones sous-denses les territoires où l'on trouve des dynamiques de santé ? Le terme « sous-dense » est en effet stigmatisant, alors qu'il recouvre une réalité qui n'est pas toujours si noire.
Enfin, la supervision qui est mentionnée sera-t-elle effectuée par un maître de stage universitaire ? Si oui, comment faire pour que ces derniers soient en nombre suffisant pour que l'article 23 puisse être appliqué dans de bonnes conditions ?
Mme Catherine Deroche , présidente . - Olivier Henno m'a prié de vous demander si le transfert de charges de la branche famille vers la branche santé était une mesure conjoncturelle ou durable.
Je vous poserai pour ma part une question sur le référentiel des actes innovants hors nomenclature (RIHN). Comment la réforme de ce référentiel proposée dans le PLFSS sera-t-elle financée ?
M. François Braun, ministre . - Concernant les médecins retraités, nous soutenons l'exonération de la cotisation retraite pour les médecins qui cumulent emploi et retraite. Ce dispositif a montré son efficacité pendant la crise covid.
La quatrième année de formation des étudiants de médecine générale a été réclamée par les étudiants eux-mêmes. Lorsque je les ai rencontrés il y a 6 mois, ils m'ont indiqué qu'ils souhaitaient être formés à gérer un cabinet médical et bénéficier d'une formation plus poussée en gynécologie obstétrique et en pédiatrie.
C'est une année de docteur junior, comme il en existe pour les 43 autres spécialités, durant laquelle les jeunes professionnels sont en responsabilité et assurent des actes. Les docteurs juniors doivent être thésés. C'est un point important, car les étudiants en médecine générale retardent souvent leur thèse, et partant leur installation.
Durant cette année d'étude, les étudiants de quatrième année sont sous la supervision d'un maître de stage universitaire. Nous avons actuellement 13 000 maîtres de stage universitaire, et nous en aurons 14 000 l'année prochaine.
Le recrutement de maîtres de stage supplémentaires est l'un des enjeux de la mission que j'ai nommée avec Sylvie Retailleau, ministre de l'enseignement supérieur et de la recherche. Quatre professionnels reconnus nous feront des propositions sur le reengineering de l'ensemble du diplôme d'études spécialisées (DES) de médecine générale en 4 ans.
Cette mission nous fera également des propositions concernant la priorisation dans les zones sous-denses.
Je précise que les docteurs juniors sont rémunérés 2 500 euros, auxquels s'ajoutent les gardes, et ce quelle que soit leur spécialité.
Le Ségur de la santé représente 9 milliards d'euros d'investissements, 50 % de plus que les deux derniers plans Hôpital, qui remontent à 2007 et à 2012, additionnés. Cela comprend 6,5 milliards d'euros pour transformer l'offre de soins, 1,5 milliard d'euros pour les investissements courants et 1 milliard d'euros de réserve.
Mon administration travaille pour analyser les effets de l'inflation sur le coût des projets, par famille d'achats, selon une méthode partagée avec les fédérations : 738 millions d'euros ont été prévus dans l'Ondam pour 2022 pour y faire face.
Pas moins de 850 millions d'euros sont investis au titre du Ségur en Normandie, dont 400 millions d'euros pour la reconstruction du CHU de Caen. Dans cette même région, on peut aussi citer les centres hospitaliers de Bayeux, de Lisieux et le centre hospitalier de la Côte fleurie.
Les oubliés du Ségur ne relèvent plus de l'hôpital : il s'agit désormais surtout du personnel du champ médico-social et administratif, sujet suivi par Jean-Christophe Combe dans le cadre des travaux du CNR sur l'autonomie et le grand âge.
La santé mentale est un problème majeur, déjà relevé lors des assises de la santé mentale en 2021. Nous allons en dresser le bilan. Beaucoup a déjà été fait, même si cela reste insuffisant : le 3114, numéro national de prévention du suicide, fonctionne particulièrement bien, de même que les fils santé jeunes. Le dispositif MonPsy, avec 8 séances remboursées à 65 %, a mobilisé 2 000 psychologues pour 31 000 patients et 95 000 séances, pour un coût de deux millions d'euros. Davantage d'infirmiers de pratique avancée (IPA) en psychiatrie et en santé mentale sont formés, et il faut encore accentuer le mouvement. Nous devons malheureusement faire avec les troupes dont nous disposons aujourd'hui, ce qui alimente les réflexions sur le partage des compétences.
La biologie médicale est à l'origine de 70 % des diagnostics médicaux et le chiffre d'affaires du secteur augmente rapidement, de 23 % cette année. Le covid ayant donné lieu à une prise en charge à 100 %, il est logique que le secteur participe de façon équilibrée aux mesures globales d'économies.
Nous discutons avec les biologistes pour prendre des mesures d'innovation et de sécurisation des petits laboratoires : il faut préserver le petit nombre qui existe encore face aux rachats par des grands groupes. Les surcoûts en outre-mer, auxquels je prête une attention particulière, sont bien sûr pris en compte.
Le biosimilaire n'est pas un médicament générique. Des expérimentations sont en cours sur cette piste de travail qui nous semble pertinente, mais elles restent sans conclusions aujourd'hui.
Mme Catherine Deroche , présidente . - Cela fait des années que la question se pose...
M. François Braun, ministre . - La problématique des biosimilaires est complexe et les équilibres à trouver sont délicats.
Le thermalisme est important pour de nombreux territoires ; nous avons trouvé un bon équilibre : remboursement du transport sous conditions de ressources ; prise en charge des cures sur la base d'une prescription médicale et pour des pathologies strictement définies comme la rhumatologie et la rééducation fonctionnelle. Le mécanisme est donc encadré.
L'article 22 n'est pas un conventionnement sélectif. Il s'inscrit plutôt dans ma stratégie globale, qui est de faire confiance aux territoires : ce sont eux qui sont confrontés aux problèmes, et c'est là que nous trouverons les solutions. La permanence des soins évoquée par Alain Milon a été supprimée. Après en avoir discuté avec les syndicats de médecins et d'infirmiers, je fais le pari d'une responsabilité collective à l'échelle du territoire. L'été a démontré l'efficacité de la téléconsultation aidée avec une infirmière, ou de la mise à disposition d'infirmières libérales pour la couverture de nuit des Ehpad. Le CNR « Santé » a pour objectif de laisser les professionnels trouver des solutions adaptées à leurs territoires.
La formation au plus près des territoires fonctionne mieux. Avec le ministre de l'éducation nationale, nous vous reparlerons des parcours d'excellence, car la meilleure chance pour qu'un jeune médecin s'installe en zone sous dense est qu'il en soit lui-même issu - nous parlons d'une proportion de sept sur dix. Je vous présenterai ultérieurement mes idées pour dépasser ce plafond de verre.
Oui, la médecine générale est devenue une spécialité. C'était nécessaire et cela justifie le passage de 7 à 10 ans de la durée des études. Un raccourcissement des deux premiers cycles des études médicales n'est pas pertinent, car ils sont déjà en cours de réforme. On me dit souvent que l'enseignement par simulation permettrait de diminuer la durée des études dans la mesure où l'on acquiert les gestes plus rapidement : cela ne me semble pas souhaitable. Un éventuel gain de temps serait mieux employé à redonner son côté humaniste à la médecine.
Depuis plusieurs années, la part des organismes complémentaires diminue face à celle de la sécurité sociale, notamment à cause des pathologies chroniques et des affections de longue durée. Nous sommes en discussion avec eux pour examiner la façon dont ils peuvent participer à la prise en charge de la prévention.
Nutriscore, chèque alimentaire et prévention, avec en particulier la notion de sport santé, sont nos axes de lutte contre l'obésité, qui évitent une prévention culpabilisante. L'organisation de la Coupe du monde de rugby en 2023 et celle des jeux Olympiques en 2024 sont d'excellentes occasions de faire de notre pays un formidable terrain de sport pour tous.
Je me suis engagé devant le CNR « Santé » à porter le nombre des assistants médicaux à 10 000 d'ici à la fin du quinquennat : ils sont précieux pour libérer du temps médical, car chacun représente 10 % de clientèle supplémentaire pour les médecins.
Nous avons 2 400 praticiens à diplôme hors Union européenne, dont 1 300 seront intégrés dès la fin de cette année, avec 70 commissions de qualification. Le problème ne provient pas que de la direction générale de l'offre de soins, mais aussi des spécialistes au sein du Conseil de l'ordre, car ils doivent participer aux commissions. Nous allons repousser l'échéance du 31 décembre 2022 au 30 avril 2023 pour épurer ce stock de 1 100 dossiers, sachant que les futurs dossiers seront examinés selon une nouvelle procédure.
Le DMP évolue vers « Mon espace santé », dont la promotion continue.
Enfin, nous sommes prêts à aborder le tournant du référentiel des actes innovants hors nomenclature, en accélérant l'évolution de la liste des actes innovants. Nos discussions avec les biologistes se poursuivent.
Mme Catherine Deroche , présidente . - Je vous remercie, Monsieur le Ministre. Nous vous entendrons de nouveau très bientôt.
Ce point de l'ordre du jour a fait l'objet d'une captation vidéo qui est disponible en ligne sur le site du Sénat .
M. Gabriel
Attal,
ministre délégué auprès du ministre de
l'économie, des finances
et de la souveraineté industrielle et
numérique, chargé des comptes publics
Réunie le mardi 25 octobre 2022, sous la présidence de Mme Catherine Deroche, présidente, la commission procède à l'audition de M. Gabriel Attal, ministre délégué auprès du ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, chargé des comptes publics.
Mme Catherine Deroche , présidente . - Nous entendons ce matin M. Gabriel Attal, ministre délégué auprès du ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, chargé des comptes publics, sur le projet de loi de financement de la sécurité sociale (PLFSS) pour 2023.
Cette audition fait l'objet d'une captation vidéo, qui sera retransmise en direct sur le site du Sénat et disponible en vidéo à la demande.
Elle sera aussi l'occasion d'évoquer le projet de loi de programmation des finances publiques que nous examinerons pour avis demain matin en commission, même si nous peinons quelque peu, pour le moment, à percevoir la cohérence des deux textes dans le grand dessein du Gouvernement pour les finances publiques.
Monsieur le Ministre, l'un de vos prédécesseurs récents ne faisait pas mystère de son souhait de voir disparaître le PLFSS, au profit d'un seul et même texte budgétaire, arguant qu'il s'agissait, je cite, de la « même poche ». C'est bien sûr une position que nous ne pouvons pas partager, mais, s'il est un point sur lequel nous souhaitons ardemment un alignement, c'est celui de la qualité et du format des informations transmises.
Cette année encore, vos services ont consacré beaucoup d'énergie à la préparation du rapport de la commission des comptes de la sécurité sociale, dont la réunion s'est tenue après la présentation du PLFSS sans pour autant en intégrer les données. Dans le même temps, alors que nous examinerons le PLFSS en commission la semaine prochaine, votre ministère n'a pu tirer les conséquences de l'article L.O. 111-4-5 du code de la sécurité sociale, issu de la loi organique du 14 mars dernier, selon lequel « les données chiffrées utilisées pour les tableaux et graphiques contenus [...] sont publiées sous forme électronique, dans un standard ouvert aisément réutilisable et exploitable par un système de traitement automatisé ». Ces données sont pourtant présentes dans le rapport économique, social et financier annexé au projet de loi de finances. Avant que les deux textes soient unifiés, nous appelons, vous l'aurez compris, au rapprochement des méthodes, le PLFSS ne pouvant rester plus longtemps le lieu de l'approximation et de la convention.
Après ces quelques propos liminaires, je vous laisse la parole, Monsieur le Ministre.
M. Gabriel Attal, ministre délégué auprès du ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, chargé des comptes publics . - Je suis très heureux d'être parmi vous, Mesdames, Messieurs les Sénateurs, pour cette audition sur le PLFSS pour 2023.
Je le dis d'emblée, je suis attaché au PLFSS. Certes, il y a un seul contribuable, mais il est très important, pour la clarté des débats, de consacrer un texte spécifique à l'ambition que nous avons pour notre système de santé et notre secteur médico-social, et aux moyens que nous leur accordons.
Je vous présente des excuses si l'ensemble des données, dans la forme prévue par la nouvelle loi organique relative aux lois de financement de la sécurité sociale, ne vous sont pas parvenues dans les temps. Nous inaugurons une nouvelle façon de faire, ce qui a engendré un travail important pour les services des différents ministères.
Nous sommes réunis ce matin pour aborder des enjeux majeurs, visant à répondre à l'aspiration des Français de voir préserver leur système social. Notre défi est de rendre ce système plus accessible, plus efficace et plus juste.
En matière d'accessibilité, il faut d'abord améliorer l'accès aux soins. Depuis 2017, nous avons investi 53 milliards d'euros supplémentaires dans notre système de santé, l'objectif national de dépenses d'assurance maladie (Ondam) atteignant 244 milliards d'euros en 2023. Nous avons mis fin aux baisses de tarifs hospitaliers, déployé le 100 % Santé, supprimé le numerus clausus , soutenu le secteur de l'aide à domicile et des établissements d'hébergement pour personnes âgées dépendantes (Ehpad). Cet effort sera poursuivi.
L'Ondam progressera de 3,7 % en 2023 et l'Ondam hospitalier de 4,1 %. C'est nettement plus que lors de la décennie 2010. Nous avons précisément tenu compte des besoins exprimés par les fédérations hospitalières et ouvert une enveloppe exceptionnelle de 800 millions d'euros en 2022 et 800 millions d'euros en 2023 pour couvrir les effets de l'inflation sur les achats hospitaliers.
Il faut aussi oeuvrer à une meilleure prise en charge de nos aînés en situation de dépendance. L'Ondam médico-social s'accroît de 5,1 % en 2023. Nous finançons le plein effet des augmentations de salaire, de la médicalisation des Ehpad, de l'embauche de milliers de soignants supplémentaires et de l'investissement renforcé dans les services à domicile. Il faudra poursuivre cet effort.
Faut-il une loi spécifique au grand âge ? J'entends les débats autour de cette question. Je rappelle que l'ensemble des augmentations salariales décidées depuis la crise sanitaire représentent un effort de 3,2 milliards d'euros par an pour la cinquième branche, créée en 2021.
Nous agissons enfin pour faciliter l'accès aux modes de garde. Nous posons, avec ce PLFSS, la première pierre d'un véritable service de la petite enfance, conformément aux engagements du Président de la République. Cela passe, notamment, par la réduction drastique du reste à charge des familles pour le recours aux assistants maternels.
Tous ces progrès ne sont possibles que si nous continuons à donner la priorité au travail et à la production. Les cotisations, qui demeurent le socle du financement de notre sécurité sociale, vont progresser de 391 milliards d'euros en 2022 à 407 milliards d'euros en 2023. Nous le devons d'abord aux créations d'emplois : avec les 310 000 nouveaux emplois prévus pour 2022, notre pays devrait avoir créé, sur la période 2020-2023, malgré le retour de l'inflation et la crise, 1,2 million d'emplois.
En matière d'efficacité, parce que les besoins sont immenses, nous ne devons pas ménager nos efforts. Construire un budget, c'est faire des choix politiques. Nous assumons donc de demander des efforts à certains secteurs.
Nous assumons de demander des efforts aux laboratoires de biologie. Ce secteur a joué un rôle essentiel dans la lutte contre l'épidémie de covid. Mais il a aussi enregistré un chiffre d'affaires de 7,3 milliards d'euros au titre des tests en 2020 et 2021, alors même qu'il connaissait déjà une rentabilité élevée avant la crise. Le PLFSS prévoit donc, à l'article 27, que la Caisse nationale de l'assurance maladie (Cnam) négocie avec lui une baisse de prix pour, au moins, 250 millions d'euros dès 2023. En 2013, un rapport d'information du Sénat soulignait déjà que les efforts d'efficience du secteur et de régulation de la dépense étaient insuffisants.
Nous assumons de demander des efforts au secteur de l'imagerie médicale, en visant une limitation des examens redondants, inappropriés ou inutiles. Là aussi, le Sénat avait souligné, dans un rapport de 2016, la nécessité de travailler avec la Haute Autorité de santé sur la pertinence des actes à conduire. Nous demandons à ce secteur de négocier un nouveau protocole avec la Cnam pour juguler la dépense de 150 millions d'euros en 2023.
Nous assumons de demander des efforts à l'industrie du médicament, à travers la pertinence des prescriptions et la baisse des prix sur les médicaments les plus anciens pour, dans le même temps, mieux récompenser l'innovation. Cette baisse des prix représentera 800 millions d'euros en 2023. Des amendements adoptés à l'Assemblée nationale sont, je crois, de nature à rassurer sur ce sujet.
Nous assumons de demander des efforts aux organismes complémentaires, dont la part dans le financement des dépenses de santé baisse tendanciellement - il est passé de 15,5 % voilà dix ans à 12,9 % en 2021. Des concertations ont été ouvertes sur cette question.
Ces efforts sont indispensables pour dégager des marges de manoeuvre budgétaires et investir prioritairement dans l'hôpital et le secteur médico-social, mais aussi pour garantir la soutenabilité et la résilience de nos comptes sociaux alors que s'ouvre une période de remontée des taux d'intérêt.
En matière de justice, nous présentons des mesures pour les familles monoparentales, plus souvent frappées par la pauvreté.
Mais la recherche d'un système plus juste passe aussi par le fait d'adresser un message de fermeté à tous les fraudeurs aux cotisations ou aux prestations. Ainsi, l'article 41 du PLFSS porte sur des pouvoirs de cyberenquête confiés à plus de 400 contrôleurs des caisses de sécurité sociale et l'article 42 sur l'extension des facultés de déconventionnement à tous les professionnels de santé en cas de fraude majeure. Par ailleurs, les échanges d'informations seront renforcés, en particulier entre les greffiers des tribunaux de commerce et les caisses de sécurité sociale. Les fraudeurs paieront désormais des frais de gestion. Nous interdirons, pour les prestations sociales soumises à condition de résidence sur le territoire, hors pensions, le versement sur des comptes bancaires situés hors de France ou de la zone Sepa (espace unique de paiement en euros) - une proposition portée, notamment, par la sénatrice Nathalie Goulet. Enfin, nous ferons reculer les abus liés aux arrêts maladie prescrits en téléconsultation, en ne prenant en charge que ceux qui auront été prescrits par le médecin traitant ou un médecin déjà consulté au cours des douze derniers mois.
J'en viens à un sujet sur lequel le Sénat a également produit un rapport - voyez comme nous sommes attentifs aux propositions que vous portez ! La troisième partie du PLFSS, sur laquelle le Gouvernement a engagé sa responsabilité à l'Assemblée nationale, retient un amendement relatif au transfert du recouvrement des cotisations de retraite complémentaire. Cette proposition répond précisément à la recommandation du rapport rédigé par M. René-Paul Savary et Mme Cathy Apourceau-Poly au nom de la mission d'évaluation et de contrôle de la sécurité sociale (Mecss) et de votre commission : nous reportons le transfert à 2024 et clarifions les responsabilités entre l'Agirc-Arrco et les Urssaf.
Dans le cadre de cet amendement, nous demandons également à l'Agirc-Arrco et aux Urssaf de conclure rapidement une convention inscrivant noir sur blanc le partage de responsabilités. Les Urssaf, soyons clairs, ont vocation à assurer le recouvrement, pas à verser les retraites ; l'Agirc-Arrco conservera un rôle primordial en termes de fiabilisation des données individuelles des salariés.
Je rappelle que ce transfert s'inscrit dans un projet plus large du Gouvernement visant, dans un but de simplification, à confier le recouvrement social, de manière unifiée, aux Urssaf et le recouvrement fiscal à la direction générale des finances publiques (DGFiP). Si nous parvenons à améliorer ne serait-ce que d'un demi-point le taux de recouvrement, ce seront des centaines de millions d'euros supplémentaires qui seront collectés !
Nous allons dans les jours à venir débattre de ce PLFSS et l'enrichir. Indépendamment de vos opinions, couleurs politiques, territoires d'origine, vous avez un rôle à jouer dans la refondation de notre système social, que nous voulons tous plus simple, plus efficace et plus juste. Ensemble, faisons de ce PLFSS un texte utile aux Français dans une période de grande bascule, une « brique » dans la construction d'un pays plus uni et plus solidaire.
Mme Élisabeth Doineau , rapporteure générale . - Nous sommes heureux de constater à quel point vous vous êtes inspiré des travaux du Sénat, Monsieur le Ministre... Je débuterai néanmoins mon propos par quelques reproches, dans la même veine que ceux de Mme la Présidente : les réponses aux questions que j'avais posées m'ont été communiquées seulement hier et elles sont souvent partielles, voire elliptiques. C'est gênant !
Il en va de même pour la mise à disposition, prévue par la loi organique, du format exploitable des données chiffrées ayant servi à l'élaboration des annexes du PLFSS. J'espère que, dès l'année prochaine, on répondra plus rapidement à nos besoins utiles. Il nous faut des données fiables pour pouvoir examiner les comptes !
Première observation, le PLFSS pour 2023 est tout
à fait séduisant, mais assez paradoxal. Ainsi, la très
nette amélioration du déficit pour 2023
- il est
estimé à 6,8 milliards d'euros - est suivie d'une
dégradation, puis d'un plateau autour de 12 milliards d'euros au
cours des années suivantes.
Deuxième observation, comme le Haut Conseil des finances publiques, je juge les prévisions optimistes, à commencer par le budget consacré à l'épidémie de covid-19 : 1 milliard d'euros, c'est peu par rapport aux années précédentes ! Ce constat vaut pour l'évolution des recettes comme pour celle des dépenses, à l'image de la courbe pluriannuelle fixée pour l'Ondam dans un contexte inflationniste. Je suis de nature optimiste, mais il me semble, là, que l'on manque d'une certaine prudence.
Le Sénat et sa commission des affaires sociales souhaiteront se donner les moyens de tenir les objectifs financiers affichés et de contrôler qu'il n'y ait pas de dérive des comptes sans retour devant le Parlement.
Pour l'heure, je vous soumets quelques questions simples.
Premièrement, pouvez-vous préciser l'impact financier, en recettes et en dépenses, d'une éventuelle réforme des retraites pour la période couverte par le projet de loi de programmation ?
Deuxièmement, pouvez-vous faire un point sur les transferts à la Caisse d'amortissement de la dette sociale (Cades) qui doivent encore être effectués au titre de la loi de 2020 ? Le montant de 92 milliards d'euros devrait effectivement être atteint au vu des déficits attendus.
Troisièmement, pouvez-vous nous indiquer si un rejet du projet de loi de programmation des finances publiques serait susceptible de remettre en cause le financement par l'Union européenne de 6 milliards d'euros pour les investissements du quotidien ?
Quatrièmement - c'est une question récurrente au Sénat, car nous ne trouvons pas ce transfert judicieux -, comment justifiez-vous le transfert pérenne d'une partie des indemnités journalières du congé de maternité de la branche maladie à la branche famille ?
Cinquièmement, quel objectif visez-vous avec la réforme de la fiscalité du tabac ? Est-ce uniquement un objectif de rendement ? On voit très bien, dans d'autres pays, qu'un accroissement en proportion suffisante de cette fiscalité entraîne une réduction de la consommation. À cet égard, permettez-moi une observation personnelle : même si ce n'est pas politiquement correct au sein de notre assemblée, je suis gênée que l'on prenne des dispositions sur le tabac, et pas sur l'alcool.
M. Philippe Mouiller , rapporteur pour la branche autonomie et en remplacement de Mme Corinne Imbert, rapporteure pour la branche assurance maladie . - Je vous soumets tout d'abord trois questions au nom de ma collègue Corinne Imbert, rapporteure pour la branche assurance maladie.
Le PLFSS présente une trajectoire de redressement rapide des comptes, alors que, voilà un an à peine, le directeur de la Cnam estimait que dix ans de déficits importants s'annonçaient pour la branche. Faut-il voir dans ce solde amélioré des recettes cachées ou des efforts en dépenses dissimulés ?
Le taux d'évolution de l'Ondam à l'horizon de 2025 et 2027 peut paraître favorable : il est respectivement de 2,7 % et 2,6 %, alors que la cible avant la crise s'établissait à 2,3 %. Cette tendance, qui représente une augmentation des dépenses de 5 milliards d'euros par an, ne paraît pas tenable, au regard des incertitudes liées à la crise du covid-19 ou à l'inflation, des besoins de santé du pays et de la nécessaire rénovation d'un système de soins au bord de la rupture. Quelles économies sous-tendent cette trajectoire très ambitieuse ?
Le projet de loi de programmation des finances publiques prévoit une mise en réserve d'au moins 0,3 % des crédits de l'Ondam. Or l'Ondam de ville n'est jamais régulé ; c'est systématiquement l'Ondam hospitalier qui est sollicité. Cette mise en réserve a-t-elle un sens dans le contexte actuel ? Si oui, comment faire en sorte que l'hôpital ne supporte pas seul cet effort en termes de maîtrise de la dépense ?
J'ajoute deux questions concernant la branche autonomie, dont je suis le rapporteur.
Selon l'annexe B du PLFSS, cette branche devrait retrouver une situation excédentaire en 2024. En parallèle, des objectifs ambitieux sont fixés, tels que la création de 50 000 postes et le financement du temps dédié au lien social. Dans un tel contexte, que reste-t-il pour faire évoluer la prise en charge des personnes âgées ? Quid des personnes handicapées, parents pauvres de ce PLFSS ?
Enfin, la question du grand âge ne peut être présentée uniquement sous l'angle du financement. S'il doit y avoir une loi sur le grand âge, il faut aussi l'envisager sous l'angle de l'organisation. Je peux même donner une piste au ministre que vous êtes : l'efficience des moyens publics engagés dans le domaine médico-social impose de se pencher sur ces questions d'organisation !
M. Olivier Henno , rapporteur pour la branche famille . - On trouverait presque le PLFSS plus cohérent en vous écoutant, Monsieur le Ministre, qu'en le lisant. Mais notre rôle de parlementaire veut que nous posions les questions et conservions notre esprit critique.
Je salue les avancées réalisées au bénéfice des familles monoparentales : extension du complément de libre choix du mode de garde aux enfants de 6 à 12 ans et revalorisation de 50 % de la pension alimentaire minimale.
Je partage également avec vous l'ambition affichée sur le service public de la petite enfance. Mais la réalité nous rattrape ! On dénombre déjà 10 000 emplois non pourvus dans le secteur de la garde d'enfants, 20 000 salariés doivent prochainement partir à la retraite et, si l'on veut ouvrir 200 000 places de garde supplémentaires, il faut créer 70 000 emplois. Voyez l'enjeu !
Parallèlement, alors que la branche famille est en bonne santé, d'importantes ponctions devraient venir réduire son excédent de 2,5 milliards d'euros à 0,5 milliard d'euros. Il y a de toute évidence contradiction entre les ambitions affichées et ces ponctions répétées sur la branche. Qu'en est-il précisément ?
M. Gabriel Attal, ministre délégué . - Avant de répondre aux questions, une réaction à l'observation de Mme la Rapporteure générale concernant les déficits. Il y a une forme d'« effet ciseau » dans nos prévisions : un point d'inflation supplémentaire représente 3 milliards d'euros de dépenses en plus dans notre système social, quand un point de masse salariale supplémentaire représente 2 milliards d'euros de recettes en plus. Cela explique la dégradation du solde sur plusieurs années. Cette dégradation est par ailleurs largement tirée par le déficit du régime de retraite, lié à un nombre important de départs à la retraite dans les prochaines années.
Mme la Rapporteure générale estime que le montant de 1 milliard d'euros consacré à l'épidémie de covid-19 est insuffisant. Nous avons accumulé des stocks, notamment de vaccins, au cours des derniers mois et un travail très important a été réalisé pour avoir une prévision la plus réaliste possible. Néanmoins, s'il faut réajuster à la hausse, nous le ferons.
S'agissant des retraites, le Président de la République s'est engagé sur un report progressif de l'âge légal de départ à la retraite à raison de quatre mois par an à partir de l'été 2023, pour atteindre une limite de 65 ans au bout de dix ans. Cette mesure a été chiffrée au moment de la campagne présidentielle : nous en attendons un gain « brut » - c'est-à-dire sans le financement de certains engagements concernant les carrières complètes ou pénibles - de plus de 8 milliards d'euros à l'horizon de 2027.
J'insiste aussi sur le gain indirect d'une telle réforme. Celle-ci vise évidemment à améliorer l'équilibre de notre régime de retraite, mais aussi à améliorer le taux d'emploi dans notre pays, ce qui engendrera cotisations sociales et recettes fiscales supplémentaires. Ainsi, la direction générale du Trésor nous a récemment remis une étude dans laquelle elle estime les recettes sociales et fiscales attendues d'ici à 2027, en lien avec ce report d'âge, à un niveau compris entre 15 et 20 milliards d'euros. Contrairement à ce que l'on peut lire ou entendre, le recul de l'âge légal de départ à la retraite ne se traduit pas par une diminution du taux d'emploi des seniors. Au contraire ! Toutes les études réalisées sur la réforme de 2010 ont montré qu'elle avait été suivie d'une amélioration de ce taux de plus de 10 points en dix ans.
Sur les transferts à la Cades, le PLFSS fixe à 17,7 milliards d'euros l'objectif d'amortissement de la dette sociale en 2023. La dette restant à amortir devrait s'élever à 154,9 milliards d'euros au début de l'année. Au total, 241,6 milliards d'euros ont déjà été amortis depuis la création de la Cades. Nous ne prévoyons pas de nouvelle loi sur le sujet.
Par ailleurs, ne pas adopter le projet de loi de programmation des finances publiques serait envoyer un mauvais signal. Tous les pays européens se dotent d'une telle loi et il est important d'avoir de la visibilité sur l'évolution de nos dépenses. Nous pouvons avoir des désaccords sur les politiques menées, mais ne pas établir de programmation des finances publiques serait problématique. Certains de nos financements européens sont conditionnés, par exemple, à l'établissement d'un dispositif d'évaluation pérenne de la qualité de la dépense publique, dispositif prévu dans le projet de loi précité. Mon souhait est donc que nous puissions l'adopter, sachant que le vote solennel a lieu cet après-midi à l'Assemblée nationale et que les oppositions ont choisi de voter contre. Nous comptons beaucoup sur la responsabilité des sénatrices et des sénateurs !
Le transfert des indemnités journalières postnatales de la branche maladie à la branche famille ne constitue pas une ponction. Il est cohérent avec des dépenses déjà incluses dans la branche famille, comme les indemnités journalières versées pendant le congé de paternité. Il me semble d'ailleurs que, par amendement, la commission des affaires sociales de l'Assemblée nationale a adopté un amendement visant le transfert des indemnités journalières pour congé d'adoption. Aucune autre mesure de ce type n'est prévue dans les années à venir.
S'agissant de la fiscalité du tabac, nous partageons tous l'objectif de réduire la prévalence du tabagisme dans notre pays. Le signal-prix est effectivement un bon levier, même si la prévention est aussi très importante. La mesure prévue dans le PLFSS n'est pas une mesure de rendement ; il s'agit de faire en sorte que les efforts réalisés au cours des dernières années ne soient pas annihilés par l'inflation. Aucune nouvelle trajectoire fiscale n'est envisagée, mais je suis très attentif à faire reculer la contrebande et les trafics dans le pays. Je travaille sur un nouveau plan dans ce domaine.
J'en viens aux questions exposées par M. Mouiller pour le compte de Mme Imbert. En 2025 et 2026, l'Ondam progressera plus rapidement que l'inflation et, pour avoir participé au quinquennat de François Hollande au sein du ministère de la santé, je vois mal comment on peut qualifier d'austère notre politique de santé : on en aurait rêvé à l'époque où les socialistes étaient au pouvoir ! J'entends qu'il faut faire plus, mais nous investissons massivement, tout en continuant à rechercher des leviers d'économies.
Des moyens importants ont été alloués aux Ehpad au cours des dernières années, comme les 500 millions d'euros attribués, entre 2017 et 2021, au renforcement de leur médicalisation. Dans le cadre de la campagne présidentielle, nous nous sommes engagés sur la création de 50 000 postes supplémentaires. Nous franchissons une première marche cette année, avec 170 millions d'euros visant à financer 3 000 équivalents temps plein (ETP), 50 millions d'euros pour faire basculer 200 Ehpad au tarif global et près de 60 millions d'euros destinés à la création de nouvelles places en Ehpad. Je suis néanmoins conscient de la nécessité de renforcer l'attractivité des métiers, d'où les 3,2 milliards d'euros alloués au secteur depuis 2020.
Enfin, je vous confirme que nous allons continuer à investir dans la politique familiale de notre pays.
Mme Chantal Deseyne , en remplacement de M. René-Paul Savary, rapporteur pour la branche vieillesse . - Finalement, le Gouvernement a rejoint les positions de la Mecss quant au transfert aux Urssaf de l'activité de recouvrement de l'Agirc-Arrco, repoussé en 2024. C'est très bien ! Pouvez-vous vous engager sur le fait que l'Agirc-Arrco conservera la responsabilité de la fiabilisation des déclarations sociales nominatives (DSN) ? Dans un tel cas, pourquoi le PLFSS prévoit-il de réserver aux seuls organismes de sécurité sociale, à l'exclusion, notamment, de l'Agirc-Arrco, la possibilité d'émettre une DSN de substitution dans le cas où l'employeur ne procéderait pas aux corrections des anomalies détectées ? Comment justifiez-vous le transfert aux Urssaf, par amendement et sans étude d'impact ni examen préalable, du recouvrement des cotisations à l'association pour l'emploi des cadres (Apec) et des cotisations des expatriés ?
M. Daniel Chasseing . - Augmenter l'Ondam de 4,1 %, c'est effectivement beaucoup mieux que de le faire de 2 %, comme ce fut le cas entre 2012 et 2017... Mais il faut tempérer ce constat car l'inflation, même si elle n'a pas d'effet partout, n'est pas non plus sans impact.
Bien sûr, il faut des cotisations pour que la sécurité sociale dispose de recettes. Mais, ayant beaucoup moins de moyens que notre voisin allemand n'en a pour soutenir ses entreprises, nous risquons de perdre en compétitivité et de connaître quelques difficultés sur le marché de l'emploi.
Le ministre François Braun estime qu'il faut mobiliser les médecins et favoriser le cumul entre emploi et retraite. Les médecins préférant bénéficier d'une offre de services des Urssaf sont soumis à une limite de chiffre d'affaires de 19 000 euros. Ce plafond ne pourrait-il pas être augmenté ? Les autres cotisent à fonds perdus. Est-ce possible de faire un effort sur ce point ?
S'agissant de l'emploi dans les Ehpad, allez-vous mettre en place un plan pluriannuel pour accélérer la création des 50 000 emplois prévus ? Je signale aussi qu'il reste des oubliés du Ségur de la santé à prendre en compte...
M. Bernard Jomier . - Les hypothèses macroéconomiques défendues par le Gouvernement sont optimistes - il a une longue pratique en la matière. Quand vous nous expliquez qu'en 2025 et 2026 nous serons au-dessus de l'inflation, nous savons que ce genre d'hypothèses sont faites pour être démenties. Mais, y compris sur l'exercice 2023, vos hypothèses sont optimistes. Tous les chiffres que vous affichez sont inférieurs aux projections d'inflation et personne parmi les acteurs que j'ai interrogés n'indique être sous-exposé à l'inflation. Je veux bien que l'on présente les choses de la manière la plus séduisante possible, mais, en réalité, nous sommes devant un budget très contraint et nous voyons mal comment celui-ci pourra être mis en oeuvre.
S'agissant des recettes, les exonérations de cotisations étaient légèrement inférieures à 40 milliards d'euros en 2018 ; elles atteignent 71 milliards d'euros en 2023. Ne faut-il pas discuter de cette question ?
Vous affichez pour le budget hospitalier une progression de 4,1 %, taux inférieur à celui de l'inflation en 2023. Nous connaissons tous la situation de l'hôpital - depuis quelques jours, c'est la pédiatrie qui fait l'actualité, avec des alertes très inquiétantes... Ce budget n'a même pas commencé à être appliqué que l'on peut déjà voir qu'il sera insuffisant ! Dans le rapport de la commission d'enquête sénatoriale sur l'hôpital public, une mesure essentielle avait été proposée : la revalorisation du travail de nuit et de week-end. Aucune disposition n'a été prise sur ce sujet. Au-delà de l'application des mesures issues du Ségur de la santé, rien n'apparaît dans ce PLFSS en faveur de l'hôpital public. Est-ce tenable ?
Enfin, quelles dispositions seront prises sur la question de l'énergie ? Le Gouvernement a fait des annonces pour les PME. Qu'en est-il des établissements hospitaliers ?
Mme Nadia Sollogoub . - Vous annoncez un PLFSS plus juste, tout en prévoyant que certains arrêts maladie prescrits en téléconsultation ne soient plus remboursés. Je suis élue d'un territoire dans lequel de nombreux patients ne trouvent pas de médecin traitant. Cette mesure pourrait y être accueillie comme une très grande injustice. D'après le ministre François Braun, peu de patients sont concernés. Si tel est le cas, pourquoi ne pas lâcher sur ce déremboursement ?
Il y a par ailleurs un enjeu très fort autour de la formation des médecins. Certes, le numerus clausus a été supprimé, mais, pour former des médecins, il faut des professeurs de médecine. Or, actuellement, un nombre très important d'enseignants-chercheurs démissionnent de leur chaire, au motif qu'ils manquent de moyens pour mener leurs travaux. Je vous demande d'être attentif à ce sujet.
Mme Monique Lubin . - Je n'avais pas prévu d'intervenir, mais votre rhétorique extraordinaire en matière de retraite me pousse à le faire. Vous nous dites qu'il est prouvé que le report de l'âge de la retraite fait progresser les statistiques de l'emploi des seniors : c'est une lapalissade ! Vous nous dites que cet emploi des seniors s'est considérablement amélioré : je ne vois pas bien ce qui s'est passé depuis le rapport que j'ai établi avec René-Paul Savary en 2019 ! Vous nous dites que, plus les gens travaillent, mieux c'est pour les comptes sociaux, ce qui justifie à nouveau le report de l'âge légal de départ à la retraite. C'est aussi évident ! Mais, dans ce cas, pourquoi continuez-vous de désocialiser tout ce qui peut l'être ? En contrepartie, on va expliquer à des personnes travaillant depuis plus de quarante ans qu'elles vont devoir continuer à le faire... Bravo pour la rhétorique !
Mme Corinne Imbert , rapporteure pour la branche assurance maladie . - Veuillez tout d'abord excuser mon retard. Dans la continuité des propos de notre collègue Bernard Jomier, je rappelle que nous avons déjà été échaudés, voilà quelques années, par une annonce de déblocage de crédits tombée la veille ou pendant l'examen du PLFSS. Personne ne conteste les besoins de la pédiatrie en France, mais pouvez-vous nous indiquer d'où viennent les 150 millions d'euros annoncés pour cette discipline le week-end dernier, soit quinze jours avant l'ouverture du débat sur le PLFSS au Sénat ?
M. Gabriel Attal, ministre délégué . - Je commence par la question de la mise en réserve de l'Ondam, à laquelle je n'ai pas répondu. Effectivement, la médecine de ville est aujourd'hui exonérée de cette mise en réserve et nous devons trouver une meilleure répartition de l'effort. Nous y travaillons avec François Braun et Jean-Christophe Combe.
Par ailleurs, je réaffirme que la fiabilisation des données individuelles des salariés restera la prérogative de l'Agirc-Arrco, une convention devant être établie sur ce point. Le transfert des cotisations Apec et des cotisations des expatriés, corrélé à celui des retraites complémentaires, est lui aussi décalé à 2024. J'insiste sur le fait que, avec les évolutions envisagées, nous répondons tant aux revendications des partenaires sociaux qu'aux préconisations établies dans le rapport sénatorial précédemment cité. J'attends désormais une coopération loyale entre l'Agirc-Arrco et Urssaf Caisse nationale (ex-Acoss).
J'en viens au cumul entre emploi et retraite de certains médecins. Compte tenu de l'âge actuel des médecins, nous devons rapidement dégager du temps médical supplémentaire. Nous avons pris des mesures importantes en termes de formation, mais il faut « faire le pont », d'où la nécessité d'encourager les médecins libéraux à rester en activité. Par amendement, il a donc été proposé d'exonérer pendant un an les médecins de cotisations vieillesse.
S'agissant des oubliés du Ségur de la santé, nous avons choisi de réserver l'extension des accords aux soignants et professionnels exerçant à titre principal des fonctions d'accompagnement socio-éducatif. Les personnels administratifs et techniques ne sont pas prioritairement concernés.
Par ailleurs, pour prévoir la prise en charge de l'inflation dans les budgets des établissements de santé, nous avons travaillé avec les fédérations, notamment hospitalières. Celles-ci ont évalué les besoins pour 2022 et 2023 dans une fourchette comprise entre 700 millions d'euros et 1,1 milliard d'euros. La loi de financement de la sécurité sociale (LFSS) pour 2022 prévoyait déjà une enveloppe de 100 à 200 millions d'euros au titre de l'inflation, complétée dans le projet de budget rectificatif par 800 millions d'euros supplémentaires, soit environ 1 milliard d'euros pour 2022. Nous y ajoutons 800 millions d'euros en 2023. J'entends les comparaisons entre l'Ondam et l'inflation, mais, j'y insiste, celle-ci n'a pas un impact uniforme sur l'ensemble des dépenses de santé. Elle affecte principalement les achats hospitaliers et les coûts de l'énergie.
Les exonérations et baisses de cotisations favorisent l'emploi et la compétitivité de notre pays. J'entendrais les critiques sur nos choix en la matière si nous avions une explosion du chômage, mais ce n'est pas le cas. Notre taux de chômage est le plus bas depuis quinze ans ! Cela étant, il est tout à fait sain de s'interroger sur les exonérations sociales ou fiscales. D'ailleurs, il est prévu, dans le cadre de la programmation des finances publiques, un renforcement de l'encadrement de ces dispositifs, avec une obligation d'évaluation au bout de trois ans. Nous sommes donc tout à fait ouverts sur la question.
Nous sommes préoccupés par la crise de la pédiatrie. Une enveloppe de 150 millions d'euros a été annoncée et nous menons actuellement un travail interministériel avec les services de Matignon pour pouvoir vous éclairer sur ses sources. Nous aurons des informations d'ici au début de l'examen au Sénat.
Je ne dirais pas que ce PLFSS ne contient aucune mesure en faveur de l'hôpital public, ne serait-ce que parce que nous y assurons le financement des mesures massives arrêtées dans le cadre du Ségur de la santé.
Les charges supplémentaires qui pourraient affecter les établissements de santé en termes d'énergie sont intégrées dans les enveloppes consacrées à l'inflation.
S'agissant des arrêts maladie prescrits via les téléconsultations, que nous entendons réguler, ils représentent 1 % des arrêts maladie, mais leur part double chaque année. Cette croissance très forte est due, non pas aux habitants de territoires ruraux privés d'accès à un médecin traitant, mais à des habitants de zone urbaine. Disons-le, il s'agit d'un nomadisme numérique par lequel des personnes cherchent à trouver un professionnel de santé acceptant de leur délivrer un arrêt maladie. Je préfère que nous traquions certaines dérives tant qu'elles sont marginales !
Pour répondre à la question concernant les professeurs de médecine, il faut se pencher sur le budget des universités et des organismes de recherche. Celui-ci est en augmentation et nous disposons d'une loi de programmation de la recherche extrêmement ambitieuse. Il faut aller plus loin ; j'y travaille avec ma collègue Sylvie Retailleau.
Enfin, Madame Lubin, je ne pense pas que mon constat selon lequel le report de l'âge légal de départ à la retraite a un impact positif sur le taux d'emploi des seniors soit une lapalissade. On entend beaucoup dans le débat public que ce report tendrait à créer plus de chômeurs. Or c'est bien une amélioration du taux d'emploi qui a été constatée par le passé. Cependant, il faut continuer à agir pour favoriser cet emploi des seniors. Vous estimez que rien n'a été fait depuis 2018. Je mentionnerai, pour ma part, un effort massif en termes de formation, avec le plan d'investissement dans les compétences, qui s'accompagne d'un changement culturel au sein des entreprises.
Mme Catherine Deroche , présidente . - Je me permets, avant de clore cette audition, de compléter l'intervention de Bernard Jomier. Le Ségur de la santé a constitué un effort financier important, mais, dans certains cas, il s'est agi beaucoup plus d'un rattrapage que d'une réelle revalorisation. Par ailleurs, son déploiement a été tellement haché - on a passé le temps à faire des oubliés - que, en définitive, ses mesures, qui auraient dû améliorer la situation, ont surtout fait des mécontents...
Cette audition a fait l'objet d'une captation vidéo qui est disponible en ligne sur le site du Sénat .
MM. Éric
Blachon,
président,
et Renaud Villard,
directeur, de la Caisse
nationale d'assurance vieillesse
Réunie le mercredi 26 octobre 2022, sous la présidence de Mme Catherine Deroche, présidente, la commission procède à l'audition de MM. Éric Blachon, président, et Renaud Villard, directeur, de la Caisse nationale d'assurance vieillesse.
Mme Catherine Deroche , présidente . - Nous entendons à présent MM. Éric Blachon, président de la Caisse nationale d'assurance vieillesse (Cnav), et Renaud Villard, directeur général, sur le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2023.
Cette audition fait l'objet d'une captation vidéo, qui sera retransmise en direct sur le site du Sénat et disponible en vidéo à la demande.
Je remercie par avance les intervenants pour la concision de leur propos. Nous disposons d'une heure avant de passer à la suite de notre ordre du jour.
Monsieur le Président, vous avez la parole.
M. Éric Blachon, président de la Caisse nationale d'assurance vieillesse . - J'entamerai mon propos en soulignant le caractère incertain et fragile de la situation et, donc, des projections.
Dans ce contexte, relativement contraint, nous enregistrons une réduction des déficits, tant de la branche vieillesse que du Fonds de solidarité vieillesse (FSV). Le déficit de la branche passe de 3,7 milliards d'euros en 2020 à 1,1 milliard d'euros en 2021 ; le solde cumulé du FSV et de la branche est négatif de 2,6 milliards d'euros en 2021, contre 6,2 milliards d'euros en 2020. Pour 2023, ce déficit devrait se creuser légèrement, avant une nette dégradation qui le porterait à 13,6 milliards d'euros en 2026, en lien avec des hypothèses de forte inflation.
À nouveau, ces éléments vous sont communiqués dans un contexte macroéconomique incertain et sachant que nous agissons sous la contrainte d'une situation démographique en tension, avec une hausse attendue du nombre de retraités pour une population stable de cotisants.
En 2030, 21 millions de personnes auront atteint l'âge de 60 ans. Nous devons poursuivre et amplifier la politique de prévention, dont la vertu est de réduire les coûts de la réparation. Il faut anticiper pour ne pas subir. C'est l'esprit qui anime l'action sociale conduite par la Cnav, en cohérence avec les objectifs fixés par l'État.
Toutefois, malgré tous nos efforts, le manque d'effectif ne nous permet plus d'assurer notre mission de service public. Notre modèle de production, fortement sollicité sur les missions hors convention d'objectifs et de gestion, s'en trouve bouleversé. Anticipant une très nette hausse de la liquidation des droits directs au cours des prochaines années, nous craignons une dégradation du solde à l'horizon de 2025.
Le PLFSS pour 2023 ne contient que peu de mesures concernant directement la branche retraite. On citera principalement le renforcement de la lutte contre la fraude et le soutien à l'autonomie, deux sujets que nous avons largement anticipés. Examiné par le conseil d'administration de la Cnav, ce projet a reçu un avis majoritairement défavorable.
M. Renaud Villard, directeur général de la Caisse nationale d'assurance vieillesse . - Effectivement, peu d'articles de ce PLFSS nous concernent directement. Je mentionnerai néanmoins l'article 41 relatif à la lutte contre la fraude, comportant deux mesures que nous accueillons avec beaucoup d'intérêt.
La première vise à donner à nos enquêteurs assermentés un accès nouveau à des données auxquelles ils n'avaient pas juridiquement accès jusqu'à présent, en leur conférant des pouvoirs de cyber-enquête.
La seconde concerne la simplification du régime des sanctions, aujourd'hui d'une rare complexité, ce qui peut pénaliser les assurés et décourager les directeurs de caisses. Il s'agirait de clarifier la chaîne en supprimant la phase de recours amiable pour saisir directement, le cas échéant, la commission des pénalités.
Ces deux mesures nous permettront d'améliorer nos dispositifs de lutte contre la fraude, domaine dans lequel nous sommes plutôt performants.
Le PLFSS est assez « vierge » sur la partie retraite - pour des raisons que vous imaginez sans doute bien mieux que moi -, d'où la concision de mon propos liminaire.
M. René-Paul Savary , rapporteur pour la branche vieillesse . - Les articles concernant la branche vieillesse sont en effet très limités.
Les projections montrent bien que le déficit va se creuser dans les années à venir. Elles montrent aussi la lenteur de la montée en charge des réformes. Sauf à choisir des méthodes très brutales, il faut tenir compte de ce délai entre la prise de décision et son application pleine et entière.
Les carrières longues posent toujours un véritable problème. Qu'en sera-t-il en cas de report de l'âge légal de départ en retraite ? Votre analyse montre une diminution du nombre de personnes concernées. Pouvez-vous développer ce point ?
Nous souhaitons aussi un éclaircissement sur la question de la durée de cotisation. Quelle est la proportion de personnes partant avec une pension à taux plein et de personnes subissant une décote ?
Nous vous avons également demandé des simulations des effets d'un décalage de l'âge de départ à la retraite, d'une accélération de la réforme Touraine - pour atteindre 43 annuités dès la génération 1967 au lieu de la génération 1973 - et un cumul de ces deux mesures. Il me semble que nous ne les avons pas reçues.
Mme Pascale Gruny . - Avez-vous dû accroître vos effectifs dans le cadre de la lutte contre la fraude ?
Je souhaite aussi attirer votre attention sur le fait que, à titre personnel, j'ai connaissance d'un nombre important de personnes ayant du mal à liquider leur pension de retraite. Elles sont contraintes de suivre un parcours administratif très long et ne trouvent personne au bout du fil en cas de difficulté. Elles ne trouvent pas non plus de solution au niveau des maisons France Services, alors que ces structures sont censées constituer un point d'entrée et disposer de tous les numéros utiles.
Mme Catherine Procaccia . - Le portail permettant théoriquement à chacun de suivre l'évolution de ses droits est-il bien utilisé ? En particulier, les évolutions apportées au niveau des retraites supplémentaires ont-elles porté leurs fruits ?
Cette semaine, l'Institut Montaigne a proposé une piste de réflexion sur la modulation du niveau des cotisations sociales en fonction de l'âge des salariés. Aviez-vous déjà réfléchi à cette possibilité ?
M. Renaud Villard . - Monsieur le Rapporteur, je vous rejoins sur la lenteur de montée en charge des réformes : la réforme Touraine l'achèvera en 2035, tandis que la réforme Woerth l'a achevée en 2017. Pour éviter tout effet « Big Bang », nous sommes sur des rythmes très lents. Cette forte inertie dans la montée en charge des réformes paramétriques impose de les anticiper suffisamment en amont.
Le nombre de départs anticipés pour carrière longue présente une évolution en dents de scie. Au lancement du dispositif, en 2003, nous avons connu un démarrage extrêmement rapide, suivi par un ralentissement en 2009, lié au durcissement des conditions d'accès, puis par un redémarrage en 2012 sous l'effet de leur assouplissement par le président Hollande. Mais, en réalité, l'érosion du dispositif est désormais forte. Elle résulte notamment de la loi Touraine, puisque celle-ci prévoit une augmentation de la durée d'assurance, ce qui permet à de moins en moins d'assurés d'être éligibles à la retraite anticipée pour carrière longue, à moins d'avoir commencé à travailler avant 17 ans. Par ailleurs, les nouvelles générations, nées après la crise pétrolière, ont connu des conditions de scolarité et de carrière bien différentes des générations précédentes, avec des entrées plus tardives dans la vie active et des carrières plus « hachées ».
On estime que les retraités partant avec une décote représentent entre 8 et 10 % du flux. Il y a un attachement culturel très fort au taux plein, conjugué à l'impact financier lourd du départ avec décote. C'est pourquoi, d'ailleurs, nous vérifions toujours avec l'assuré qu'il est bien certain de vouloir partir de manière définitive avec une décote. Cette précaution allonge la démarche, mais nous semble de droit, au regard de l'impact de cette décision sur le montant de la pension.
Nous vous devons effectivement, Monsieur le Rapporteur, le chiffrage d'une combinaison entre allongement de la durée d'assurance et report de l'âge de départ à la retraite. Nous réparerons cet oubli le plus rapidement possible.
S'agissant de la fraude, trois leviers ont été employés pour améliorer nos performances. Premièrement, les effectifs de contrôleurs assermentés, ayant des prérogatives proches de celles des officiers de police judiciaire, sont passés d'une cinquantaine à près d'une centaine de personnes. Deuxièmement, des contrôleurs assermentés ont été recrutés. Troisièmement, nous avons accru la performance de nos outils de repérage des risques de fraude.
J'en viens aux difficultés dans les démarches administratives. Malheureusement, entre 5 % et 10 % des dossiers que nous traitons sont un peu kafkaïens. Ils ne doivent toutefois pas faire oublier les 90 % à 95 % d'autres !
Deux évolutions majeures sont à noter à ce propos. D'une part, nous avons considérablement réduit les délais : alors que, voilà cinq ans, un départ en retraite au 1 er avril devait être mis en paiement avant le 30 mai, cette échéance a été ramenée au 31 mars. D'autre part, nous avons mis en place un service de réclamation, pour lequel nous avons des délais opposables. Nous devons encore nous améliorer sur la détection, le plus en amont possible, des dossiers qui n'entreront pas dans les bonnes cases et demanderont des délais de traitement longs.
En revanche, je m'inscris en faux sur l'absence d'interlocuteurs : nous répondons à plus de 85 % des appels qui nous sont adressés, avec un délai moyen de 5 minutes d'attente. Nous pouvons toujours nous améliorer, mais nous répondons !
Les maisons France Services ont toutes noué un partenariat avec nous, qui leur garantit un contact privilégié. Autrement dit, Madame Gruny, la théorie vous contredit... La pratique, elle, vous donne raison ! Afin d'améliorer la situation, les ministres Stanislas Guerini et Caroline Cayeux nous ont récemment annoncé le déploiement - de mémoire - d'un demi-effectif par département pour animer, resserrer ce partenariat et éviter qu'il ne soit désincarné.
La loi sur les contrats de retraite supplémentaire en déshérence est bel et bien mise en oeuvre. Le droit à l'information inclut donc désormais ces contrats. Je n'ai pas d'éléments sur l'impact en termes de non-recours, mais plus de 80 % des contrats sont remontés à la date de juillet dernier, ce qui devrait nous offrir un levier très puissant sur la question des droits en déshérence.
Enfin, j'ai regardé trop rapidement l'étude de l'Institut Montaigne. Leur proposition me semble assez proche de la dynamique envisagée en 2018 et 2019, c'est-à-dire une articulation entre durée d'assurance et âge de départ à la retraite. Cela donne un modèle très pur en termes mathématiques, mais difficilement compréhensible pour les assurés.
M. Éric Blachon . - Il faut avoir conscience que nous sommes maintenant dans un système industrialisé de la retraite. Nous avons besoin de process efficaces et, comme dans toute industrie, nous nous heurtons aux 10 % de production posant problème. Comme l'a indiqué Renaud Villard, 90 % des nouveaux retraités sont satisfaits de nos services et nous travaillons à améliorer la situation pour les 10 % restants. En effet, il est inacceptable qu'une personne se retrouve en situation de rupture financière parce que son dossier n'a pas été traité en temps et en heure.
Aujourd'hui, 12 millions d'espaces personnels assurance vieillesse ont été créés. C'est une bonne orientation pour le futur. Mais désincarner la relation pose tout de même problème, compte tenu du niveau d'illettrisme, d'illectronisme ou du nombre de personnes vivant en dehors des zones de couverture. Nous avons donc choisi de mettre l'accent sur la relation.
Par ailleurs, les réformes qui se mettent en place se heurtent toujours à un problème de transfert de charge. Les futurs retraités, qui pourraient travailler encore quelques années de plus pour atteindre l'âge souhaité par le Gouvernement, vont avoir à traverser un moment délicat, puisque la tendance, on le sait, est de ne pas conserver les séniors jusqu'au bout. Le monde patronal a des propositions sur le sujet, la discussion est engagée, mais il faut être conscient de cette possibilité de transfert de charges au niveau des comptes publics.
Mme Monique Lubin . - De quoi parle-t-on exactement quand on parle de fraudes au niveau de la Cnav ?
Par ailleurs, il est aujourd'hui très facile de monter un dossier de retraite si l'on a suivi une carrière relativement peu complexe. Ceux qui rencontrent des difficultés ont souvent des dossiers compliqués. Les agents des maisons France Services, en dépit de leur bonne volonté, ne sont pas omniscients. En conséquence, pouvez-vous nous dire comment les choses se passent concrètement pour ceux qui font appel à ce réseau ?
Mme Jocelyne Guidez . - Quelles actions la Cnav mène-t-elle pour simplifier les démarches et le parcours des personnes âgées désireuses d'obtenir une aide financière pour le maintien à domicile ?
Mme Cathy Apourceau-Poly . - Vous avez évoqué le manque d'effectif au sein de la Cnav, qui porte préjudice à ses missions de service public. J'ai lu avec beaucoup d'intérêt que la Cnav avait versé 957 000 euros au cabinet McKinsey pour un rapport de 50 pages et un diaporama PowerPoint. Je suis étonnée de voir que, d'un côté, on déplore ne plus pouvoir jouer son rôle de service public et, de l'autre, on paie un tel montant à un cabinet de conseil. Est-ce une pratique régulière pour la Cnav ?
Mme Annick Jacquemet . - Il faut avoir cotisé 5 trimestres avant son vingtième anniversaire pour pouvoir bénéficier du dispositif de retraite anticipée pour carrière longue. Qu'en est-il des femmes ayant eu un enfant avant leur vingtième anniversaire ? Pourquoi ne bénéficient-elles pas de ce dispositif ?
En matière de fraude, il semblerait que de nombreux centenaires vivant à l'étranger continuent de toucher leur retraite. Croisez-vous les fichiers non seulement en France, mais aussi à l'étranger ?
M. Alain Milon . - Ma question complète celle de Mme Lubin. Est-ce normal que, dans ce PLFSS, le seul article relatif aux retraites concerne les fraudes ? Tout le monde, dans le débat public, parle de fraude. On donne le sentiment aux citoyens qu'elle est la seule cause des déficits de la sécurité sociale, ce qui est évidemment faux. À combien estimez-vous son poids réel ?
M. Renaud Villard . - Les fraudes, pour la Cnav, représentent 300 millions à 400 millions d'euros par an. C'est considérable, mais, rapportées à 150 milliards d'euros de recettes, peu en proportion.
Nous recensons trois catégories principales de
fraudes : la dissimulation de décès à
l'étranger ; la fraude aux minima sociaux
- la personne
oublie de déclarer certaines ressources ; et la fraude à la
résidence - la personne oublie de mentionner un départ
à l'étranger pour des minima sociaux soumis à condition de
résidence.
Le risque est donc réel, mais ce n'est pas en luttant contre la fraude que l'on ramènera la branche vieillesse à l'équilibre.
S'agissant des centenaires, nous en comptabilisons 16 000 sur les 15 millions de retraités, dont 1 000 vivent à l'étranger. Sur ces 1 000, peut-être que 100 à 200 sont morts, mais la pension moyenne de ces centenaires s'établit à 240 euros par mois. Autrement dit, si nous sommes sur une fraude totale de 500 000 euros, c'est le maximum ! Cela ne signifie pas que nous ne nous attaquons pas au problème : nous avons accès aux tables de mortalité et aux pyramides des âges, par exemple en Algérie, pays étranger comptant le plus de bénéficiaires d'une pension de retraite française ; nous confrontons ces données à nos propres tables de mortalité ; au moindre doute, nous diligentons un contrôle sur place. Enfin, la loi permet désormais aux pensionné d'apporter la preuve de leur existence par le biais de la biométrie ; nous menons actuellement une expérimentation visant à permettre la pleine application de ces dispositions.
Nous n'avons donc pas le main qui tremble en matière de lutte contre la fraude. Pour autant, j'insiste, ce n'est pas cela qui nous permettra d'équilibrer nos comptes.
Nous considérons France Services, au regard de notre réseau, comme le « dernier kilomètre ». Il n'est pas en capacité de répondre sur le fond avec l'expertise requise, mais il offre un accompagnement à l'assuré et permet de le mettre en relation avec nos services. L'enjeu, pour moi, sera maintenant d'y projeter des agents via des entretiens web. Bien que n'étant pas majeur par rapport aux canaux principaux de la Cnav, ce réseau nous permet de gérer le cas de 100 000 assurés, que nous aurions eu du mal à atteindre sans cela.
Pour les personnes âgées et leur accès aux aides, c'est une simplification radicale que nous avons mise en oeuvre. Nous avons construit, en lien avec la nouvelle cinquième branche, un parcours de demande d'aide, en ligne ou sur support papier. Ce dispositif, lancé en 2021, est opérationnel et 12 départements l'ont déjà adopté. Dans ce cadre, nous avançons les aides sollicitées et nous discutons ensuite avec les départements pour définir la nature de l'aide, APA ou aide sociale de la Cnav. Avec ce parcours, nous nous inscrivons dans une logique de partenariat et de co-construction, notamment avec l'Assemblée des départements de France (ADF).
Je précise, pour répondre à la question sur le cabinet McKinsey, que les charges de personnel de la Cnav s'élèvent à 1,4 milliard d'euros. Ce n'est pas avec le montant de cette étude, moins d'un million d'euros, que je pourrais augmenter les salaires ! Nous avons bénéficié, dans ce cadre, d'une démarche d'accompagnement extrêmement longue, justifiée par le fait que le Gouvernement - nous étions alors en septembre 2019 - venait de mettre sur la table un projet de réforme systémique. J'aurais été irresponsable si je n'avais pas pris le temps de me faire assister par une aide extérieure pour anticiper un tel choc. La Cnav a bien évidemment des compétences et des conseils en interne, mais pas pour absorber une telle transformation ! Dans son rapport sur le sujet, Mme Éliane Assassi souligne que la mission de la société McKinsey n'a pas produit d'effets : je n'allais pas continuer à engager de l'argent public pour une réforme abandonnée en mars 2020 ! J'ajoute que la Cnav a une consommation infinitésimale de prestations de sociétés de conseil en stratégie en temps normal et, tout à fait humblement, je me permets d'indiquer que la proposition de loi que vous avez adoptée récemment semble de bon aloi. Elle ne mettra pas en difficulté le gestionnaire que je suis !
Enfin, ne sont réputés cotisés pour l'accès à la retraite anticipée pour carrière longue que quelques trimestres correspondant à des aléas de carrière, maladie ou chômage. Les majorations de durée d'assurance liées aux enfants ne sont pas prises en compte dans ce cadre.
M. Éric Blachon . - Nous pouvons avoir des ambitions et imaginer des maisons France Services compétentes dans tous les domaines, mais les faits s'imposent à nous. On ne peut leur demander qu'un premier niveau d'intervention, même s'il est très utile. Nous allons en tout cas travailler dans le sens d'une amélioration, tout comme nous travaillons à la simplification des démarches des assurés.
La Cnav est un grand service public, qui répond à des injonctions gouvernementales et légales. C'est ce qu'expliquait Renaud Villard à propos du cabinet McKinsey. Il faut savoir ce que l'on veut : si on nous demande d'être toujours au rendez-vous, sans nous permettre d'anticiper, c'est problématique ! Je reconnais néanmoins un défaut de notre part au niveau de la communication. Nous allons nous améliorer dans ce domaine.
Dernier point, nous sommes tous très intéressés par la prévention. Si nous continuons sur la trajectoire de nette réduction de notre budget d'action sociale, nous ne serons plus en capacité de faire de la prévention et de l'action sanitaire et sociale, notamment pour permettre aux personnes âgées de rester à domicile.
Ce point de l'ordre du jour a fait l'objet d'une captation vidéo qui est disponible en ligne sur le site du Sénat .
Mme Anne
Thiebeauld,
directrice des risques professionnels
de la Caisse nationale
de l'assurance maladie
Réunie le mercredi 26 octobre 2022, sous la présidence de Mme Catherine Deroche, présidente, la commission procède à l'audition de Mme Anne Thiebeauld, directrice des risques professionnels de la Caisse nationale de l'assurance maladie.
Mme Catherine Deroche , présidente . - Nous entendons à présent Mme Anne Thiebeauld, directrice des risques professionnels de la Caisse nationale de l'assurance maladie (Cnam), sur le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2023.
Cette audition fait l'objet d'une captation vidéo, qui sera retransmise en direct sur le site du Sénat et disponible en vidéo à la demande.
Je remercie par avance les intervenants pour la concision de leur propos. Nous disposons d'une heure avant de passer à l'audition suivante.
Madame la Directrice, vous avez la parole.
Mme Anne Thiebeauld, directrice des risques professionnels de la Caisse nationale de l'assurance maladie . - Le PLFSS comprend peu de dispositions sur la branche accidents du travail et maladies professionnelles (AT-MP) de la Cnam, en dehors des aspects financiers.
Après une situation atypique de déficit en 2020, de l'ordre de 200 millions d'euros, la structuration des comptes de 2021 et les prévisions pour les années suivantes montrent un retour à une situation excédentaire, telle que la branche en connaît depuis les années 2012 et 2013, essentiellement sous l'effet de la reprise d'activité et de l'atténuation des contraintes sanitaires. L'excédent de la branche est évalué à 2 milliards d'euros pour 2022 et 2,2 milliards d'euros pour 2023.
Les missions de la branche, comme vous le savez, sont interdépendantes et s'appuient sur un réseau implanté dans différents organismes de sécurité sociale, aux niveaux régional et départemental. Elles consistent, d'une part, en la prévention des risques professionnels - mission qui s'adresse aux entreprises du régime général - et, d'autre part, en l'indemnisation des salariés en situation d'incapacité temporaire ou permanente.
En matière de santé au travail, l'année 2021 reste marquée par l'effet de la crise, avec un niveau d'activité partielle encore un peu parasitant pour l'établissement des statistiques annuelles de la branche.
Jusqu'en 2019, l'indice de fréquence des accidents de travail s'établissait autour de 33 ou 34 pour mille salariés. En neutralisant l'effet de l'activité partielle, il passe, en 2020 et 2021, à 30 ou 31 pour mille salariés. Il faudra voir si cette baisse se confirme dans la durée.
Les données de volumétrie constatées pour les accidents de travail et les maladies professionnelles atteignent, à la fin de 2021, un niveau légèrement inférieur à celui de 2019. À nouveau, le caractère structurel de cette baisse devra être confirmé.
L'activité de la branche a repris, avec près de 40 000 visites en entreprise pour des accompagnements en prévention, la poursuite du déploiement des programmes et un peu plus de 70 millions d'euros d'aide financière directe attribués aux entreprises.
En tarification, le taux moyen de cotisation calculé était de 2,24 % pour 2022 et, a posteriori , il s'établit à 2,03 %. C'est un des taux les plus bas connus au cours des dernières années.
En matière de reconnaissance du caractère professionnel des accidents et des maladies, les résultats montrent une bonne homogénéité de service sur le territoire.
Hors articles financiers, et en miroir avec la branche maladie, les articles du PLFSS concernant la branche sont consacrés à la lutte contre la fraude, avec l'encadrement du recours à la téléconsultation et les mesures concernant la méthodologie et le profil des investigateurs.
Mme Pascale Gruny , rapporteur pour la branche accidents du travail et maladies professionnelles . - La majorité des maladies professionnelles sont liées aux troubles musculo-squelettiques (TMS). Pouvez-vous nous donner des éléments d'évaluation sur le programme de prévention de la branche AT-MP dans ce domaine ?
Les troubles psychiques liés au travail occupent également une place importante. Quel coût représente leur prise en charge pour la branche ? Quelles actions sont mises en oeuvre pour limiter les risques psychosociaux ?
La Cour des comptes a consacré un chapitre de son dernier rapport sur l'application des lois de financement de la sécurité sociale à la maîtrise des risques professionnels dans les établissements et services médico-sociaux, où la sinistralité apparaît particulièrement élevée. Elle se prononce en faveur d'incitations financières individualisées en fonction de la sinistralité de chaque structure, alors que le secteur bénéficie d'un taux de cotisation AT-MP collectif. Qu'en pensez-vous ? Quelles actions de prévention sont menées dans ce secteur ?
Compte tenu de la trajectoire excédentaire de la branche, des réflexions sont-elles menées sur un rééquilibrage ? Quelles sont les pistes envisagées ? Peut-on rendre de l'argent aux employeurs pour qu'ils fassent plus de prévention encore ?
Le PLFSS propose également de fixer à 1,2 milliard d'euros pour 2023 le montant du transfert opéré au titre de la sous-reconnaissance des AT-MP au sein de la branche maladie. L'accroissement de ce transfert n'est-il pas susceptible de décourager les efforts de la branche et des entreprises en faveur de la prévention ? Comment justifier que le montant du versement soit encore pris en compte dans le calcul des cotisations AT-MP des employeurs ?
Enfin, il conviendrait que l'on nous dise à quoi sert ce transfert de 1,2 milliard d'euros... S'il était affecté à la prévention de pathologies liées au travail ou à la lutte contre la sous-déclaration, je comprendrais mieux !
Mme Anne Thiebeauld . - Effectivement, 90 % des maladies professionnelles sont des TMS. Ceux-ci concernent la grande majorité des secteurs d'activité. Pour la branche AT-MP, c'est une préoccupation forte et ancrée dans la durée.
Nous déployons depuis 2014 un programme national de prévention de ces troubles, dit TMS-Pros. Tous les cinq ans, nous menons sur ce programme un exercice d'évaluation très approfondi. Les entreprises peuvent y adhérer de manière volontaire, mais ce sont surtout les préventeurs des caisses d'assurance retraite et de santé au travail (Carsat) qui ciblent des entreprises de leur territoire, en fonction du taux de sinistralité. Il faut que la sinistralité soit avérée, c'est-à-dire que l'entreprise ait perdu plus de 600 journées de travail au cours de l'année précédente, contre une moyenne avoisinant 300 jours. Depuis 2014, environ 13 000 établissements sont entrés dans le programme ; ils sont 8 000 depuis 2018. Les secteurs d'activité principalement concernés sont le secteur médico-social, le commerce de détail, la grande distribution, la métallurgie, le bâtiment, le transport et la logistique.
La démarche est pertinente dans sa structuration, avec un programme assez classique d'accompagnement en quatre étapes : diagnostic de la situation ; identification des situations exposantes ; développement d'un plan d'action ; évaluation de ses effets. Sont aussi évalués positivement les critères de ciblage des entreprises précités, l'approche sectorielle et les offres de services que nous proposons. Nos partenaires, principalement des fédérations professionnelles, jugent très majoritairement le programme utile, ainsi que les entreprises qui l'ont suivi.
Dans les points à améliorer, il faut valoriser positivement et financièrement les entreprises qui investissent dans ce programme de prévention. C'est une piste de réflexion. L'outil informatique accompagnant TMS-Pros a également connu quelques soucis.
Comme toute politique publique de prévention, la grande difficulté est de mesurer objectivement l'impact en termes d'évitement de risque. Néanmoins, on constate que l'indice de fréquence de survenue des TMS baisse deux fois plus vite au sein des entreprises engagées dans TMS-Pros depuis 2014 que dans les autres entreprises. L'effet est encore plus intense pour le secteur de l'aide et des soins à la personne : les cas de TMS ont progressé de 14 % entre 2014 et 2019 dans le secteur, tandis qu'ils baissaient de 8 % au sein des entreprises ayant suivi le programme.
S'agissant des troubles psychiques, ils occupent également une part croissante. On voit traditionnellement la prise en charge à titre professionnel de ces troubles à travers les maladies professionnelles, qui, pour être reconnues par la branche, doivent entraîner un taux d'incapacité permanente supérieur à 25 %. Le seuil de gravité étant relativement élevé, le nombre de ces maladies est légèrement supérieur à 1 500 par an. Mais on sait moins que la branche prend aussi en charge annuellement 12 000 accidents de travail au titre des troubles psychosociaux. La valeur du risque de ces affections psychiques représente environ 200 millions d'euros en accidents de travail et 166 millions d'euros en maladies professionnelles, pour une valeur du risque totale de 9 milliards d'euros. Trois secteurs sont principalement concernés : le secteur médico-social, le transport, notamment de personnes, et le commerce de détail. Ils ont un point commun, le rapport au public.
En termes d'action de prévention, nous menons une démarche d'alerte et de sensibilisation auprès d'entreprises qui présentent un taux d'absentéisme particulièrement fort, deux à trois fois supérieur à la moyenne du secteur. Nous pouvons alors les accompagner dans le déploiement de démarches de prévention. Pour cela, nous pouvons leur proposer de la documentation, des formations, des outils d'aide à l'objectivation du risque, etc. Nous avons également travaillé sur un réseau de consultants en risques psychosociaux (RPS) labellisés auxquels les entreprises peuvent faire appel.
S'agissant de la tarification des établissements médico-sociaux, l'existence de taux forfaitaires se justifie pleinement, mais, sur des secteurs en forte sinistralité, nous perdons un levier très important en prévention : le caractère incitatif de la tarification. Des préconisations ont été faites pour revenir à un dispositif de droit commun, mais ce retour aurait un impact financier douloureux, notamment pour l'hébergement et l'aide à domicile des personnes âgées - le sujet est donc sensible. Pour près de 40 % des établissements, il n'y aurait pas d'incidence et on trouverait quelques gagnants, notamment les établissements pour personnes handicapées, petite enfance et prise en charge de l'adolescence. Le sujet reste ouvert.
Comme je l'indiquais en introduction, le PLFSS prévoit un retour à un excédent significatif et durable de la branche. En tant que directrice des risques professionnels, je n'ai pas de positionnement spécifique sur les perspectives financières. Au sein des finances sociales, il y a une approche transversale de l'équilibre financier des différentes branches : c'est le modèle historique de la sécurité sociale.
La question de la compensation du coût de la sous-déclaration des AT-MP ne renvoie pas à la même problématique : le reversement à la branche maladie n'est pas en lien avec un besoin de combler le déficit de cette branche. Le rapport de la commission chargée d'estimer le coût de la sous-déclaration - commission indépendante, je le rappelle - est très étayé. Il établit techniquement et scientifiquement le phénomène de sous-déclaration, notamment en matière de maladies professionnelles. La déclaration pour les maladies est effectivement laissée à la main des assurés et, dans le cas, par exemple, de cancers professionnels se déclarant avec un effet différé, vingt à trente ans après l'exposition, ce peut être une initiative complexe à entreprendre.
Mme Michelle Meunier . - La Cour des comptes a bien mis en évidence l'importante sinistralité du secteur médico-social, en particulier dans les établissements d'hébergement pour personnes âgées dépendantes (Ehpad) et pour les aides-soignantes. Elle a avancé des pistes de réflexion mais a également rappelé cette vérité : s'il y avait plus de personnel auprès des patients, il y aurait certainement moins d'accidents de travail et d'arrêts maladie ! Vous avez évoqué des boîtes à outils. Dans ce domaine particulier, envisagez-vous des campagnes pour passer de la logique du curatif à la logique de la prévention ?
Mme Laurence Cohen . - Votre tâche n'est-elle pas rendue plus difficile par la suppression des comités d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail (CHSCT), surtout si l'on ajoute à cela la pauvreté de la médecine du travail ?
Vous avez évoqué la possibilité de survenue de cancers longtemps après l'exposition, ce qui complique la déclaration en maladie professionnelle. Dans le cas précis de l'amiante, j'ai été alertée sur le fait que d'autres cancers - du larynx, des ovaires, de l'estomac,... - pourraient être dus à une exposition à cette matière, mais ne sont pas reconnus en tant que tels. Un élargissement de la liste aurait-il une incidence sur votre mission ?
Enfin, certains professionnels ont été exposés en nombre à la covid-19, surtout dans la première période de l'épidémie, soit par méconnaissance, soit sous l'action d'employeurs peu scrupuleux. Cette exposition est-elle reconnue, car certains travailleurs ont pu développer des formes extrêmement graves ?
M. Philippe Mouiller . - En complément de l'intervention de Michelle Meunier, j'indique qu'une des préconisations de la Cour des comptes est de compléter les contrats pluriannuels d'objectifs et de moyens (CPOM) par un volet accidents du travail, intégrant la prévention, la formation et les moyens matériels, voire immobiliers, prévus pour améliorer la sinistralité. Mais il s'agit d'un secteur aujourd'hui très tendu, à la fois sur le plan financier et sur le plan humain. La question qui se pose est donc : comment pourriez-vous soutenir le secteur médico-social dans ces domaines ?
Mme Anne Thiebeauld . - Nous partageons votre préoccupation sur le médico-social. Pendant la période de mise en oeuvre de la COG 2018-2022, nous avons testé l'intégration d'une démarche sectorielle spécifique pour le secteur, notamment auprès des Ehpad mais aussi auprès des aides à domicile dont les problématiques de risques professionnels ne sont pas tout à fait les mêmes. Environ un millier d'Ehpad ont été embarqués dans le programme TMS-Pros, pour un résultat positif au regard de l'évaluation dont je vous ai fait part. Il s'agit d'une orientation que nous souhaitons renforcer pour la prochaine période : nous envisageons d'augmenter le nombre d'employeurs ciblés par TMS-Pros dans le médico-social, mais aussi d'avoir une approche sectorielle multirisques : outre les RPS que nous avons déjà évoqués, elle portera également sur le risque de chutes de plain pied, qui est le deuxième risque constaté dans le secteur.
L'entreprise qui adhère à TMS-Pros bénéficie d'un accompagnement dans la durée. Le programme comprend d'abord des outils simples et accessibles permettant aux entreprises de ce secteur d'activité, y compris de taille modeste, d'évaluer précisément leurs risques. Il comprend également des offres d'incitations financières - en 2021, 70 millions d'euros ont été dépensés par la branche en aides financières directes. Elles permettent le cofinancement jusqu'à 70 % d'actions de formation pour les personnels ainsi que d'achats d'équipements, par exemple des lève-personne dans les établissements d'hébergement. Ces aides concrètes sont importantes, même si elles ont connu un succès modéré ces dernières années. Elles ne remplaceront naturellement jamais la volonté de l'employeur de s'inscrire dans la démarche, a fortiori compte tenu de la situation de l'emploi dans ce secteur, mais elles existent.
Les CHSCT ont été remplacés par les commissions santé, sécurité et conditions de travail (CSSCT) des CSE qui sollicitent la branche AT-MP ainsi que les préventeurs des Carsat, lesquels peuvent intervenir lors des séances. En dehors de la branche, qui n'a pas de compétence en matière de médecine du travail, les intervenants en prévention au sein des services de prévention et de santé au travail (SPST) peuvent intervenir en premier niveau.
S'agissant de la reconnaissance en maladie professionnelle des cancers liés à l'amiante hors tableaux, une expertise Anses a été réalisée sur ce sujet. Comme vous le savez, la création d'une voie de reconnaissance sous forme de tableau renvoie à une procédure spécifique qui ne relève pas de la direction des risques professionnels mais de la commission spécialisée chargée des maladies professionnelles (CS4) du comité d'orientation des conditions de travail (COCT). Le cas échéant, cette procédure peut déboucher sur la création d'un tableau qui sera mis en application par la CNAM AT-MP. Pour autant, les salariés qui se voient diagnostiquer une maladie hors tableau ont aujourd'hui la possibilité de saisir le comité régional de reconnaissance des maladies professionnelles (CRRMP) en cas de taux d'incapacité permanente supérieur ou égal à 25 %.
Enfin, 2 316 cas de covid-19 ont été pris en charge en tant que maladie professionnelle, dont 1 645 au titre du tableau 100 qui concerne les soignants ou les personnes ayant exercé dans un établissement de soins pendant l'épidémie.
Ce point de l'ordre du jour a fait l'objet d'une captation vidéo qui est disponible en ligne sur le site du Sénat .
M. Jean-René
Lecerf,
président,
et Mme Virginie
Magnant,
directrice,
de la Caisse nationale de solidarité pour
l'autonomie
Réunie le mercredi 26 octobre 2022, sous la présidence de Mme Catherine Deroche, présidente, la commission procède à l'audition de M. Jean-René Lecerf, président, et Mme Virginie Magnant, directrice, de la Caisse nationale de solidarité pour l'autonomie.
Mme Catherine Deroche , présidente . - J'ai le plaisir d'accueillir Jean-René Lecerf qui préside désormais la caisse nationale de solidarité pour l'autonomie (CNSA) et de retrouver ainsi un ancien collègue dans nos murs. Il est accompagné de Mme Virginie Magnant, directrice de la CNSA. Notre audition porte sur le PLFSS pour 2023 mais nous allons peut être déborder tant le sujet est vaste, les besoins sont grands et nécessitent des solutions.
Je vous rappelle que cette audition fait l'objet d'une captation vidéo qui sera retransmise en direct sur le site du Sénat et disponible en vidéo à la demande.
M. Jean-René Lecerf, président de la CNSA . - Je reviens avec beaucoup d'émotion dans cette salle, j'ai été en effet membre de la commission des affaires sociales avant d'émigrer à la commission des lois.
Je vais prononcer quelques mots d'introduction avant de laisser la parole à Virginie Magnant qui répondra aux questions plus techniques.
Je vais rappeler la spécificité de la CNSA qui a conservé son organisation précédente, même depuis qu'elle est devenue la 5 e branche de la sécurité sociale. Le conseil de la CNSA est composé de l'ensemble des parties prenantes parmi lesquelles les représentants des associations et des fédérations des personnes en situation de handicap, des personnes âgées, des grandes institutions de l'autonomie comme la fédération hospitalière de France (FHF) et de trois personnalités qualifiées dont je fais partie et parmi lesquelles est choisi le président du conseil. Mon élection n'a pas été compliquée les deux autres personnes qualifiées n'étant pas candidates. La voix du président ne porte que s'il maintient la cohésion de la majorité du conseil composé également de représentants du département, des employeurs et des syndicats. Elle se doit d'être emblématique de la position du conseil. Je n'ai pas de voix en dehors du conseil. Si j'étais mis en minorité, je quitterai le conseil qui a un pouvoir d'incitation, d'initiative, voire de contrôle mais certainement pas de caution des pouvoirs publics. Je suis d'accord pour jouer un rôle de conscience mais pas un rôle de caution.
Nous avons avec la directrice une complémentarité. Chacun intervient dans son domaine. Elle a un devoir de loyauté envers l'exécutif et moi j'ai ma liberté d'expression. Le pouvoir de critique du conseil est total. C'est également un moyen de pression sur les pouvoirs publics pour tenter de les orienter dans un sens ou un autre en faveur de l'autonomie.
J'ai pris la présidence il y a quelques mois, à mon grand étonnement, et j'ai compris que ce sont essentiellement mes anciennes fonctions de président de département qui avaient motivé ce choix. Le Premier ministre avait remarqué que la CNSA et les départements ne se parlaient plus. Il souhaitait que je remette du lien et que l'on retrouve un partenariat entre les uns et les autres. Il est vrai que durant les 6 ans du précédent mandat, les présidents de département n'ont assisté à pratiquement aucune réunion du conseil de la CNSA. Les choses ont largement changé. Aujourd'hui, un des vice-présidents de la CNSA est un président de département au côté d'un représentant du monde du handicap et de celui du monde du grand âge.
J'ai trouvé une situation très largement marquée par le climat et les défis actuels, avec des évènements qui nous échappent, liés aux conflits internationaux, qui entraînent une augmentation des coûts de l'énergie, de l'inflation et par conséquent des besoins nouveaux pour les établissements sociaux, médico-sociaux et les Ephad, bref pour tout le monde de l'autonomie. Nous sommes tous confrontés au défi colossal du vieillissement de la population, qui va progresser très fortement jusqu'en 2030, avec une part plus importante de personnes dépendantes. Nous devons prendre aujourd'hui les mesures, demain sera trop tard. Il faudrait construire des structures intermédiaires entre le domicile et l'Ephad, des résidences-services, des résidences-autonomie, mettre en place de l'habitat partagé, du logement inclusif, développer l'accueil familial ... Cela va demander du temps. Ce défi est doublé d'un autre défi, sans le personnel de soins et d'accompagnement nécessaire, on n'arrivera pas à grand-chose ! Nous avons besoin non seulement de médecins mais également de « petites mains » dans le secteur de l'aide à domicile et des aides-soignants notamment. D'ici 2025, nous devrions embaucher 360 000 aides à domicile et aides-soignants, dont 200 000 pour remplacer ceux qui partent en retraite ou changent de métier. Il y a, en outre, un grand manque d'attractivité pour ces métiers, notamment par le manque de sens des responsabilités que l'on donne. J'ai été très choqué d'entendre que le salaire moyen d'une aide à domicile est de 800 €. C'est un salaire très inférieur au SMIC parce que ces personnels sont souvent à temps partiel, avec une journée hachée et qu'ils doivent utiliser leur véhicule avec des frais de déplacement mal remboursés. L'attractivité constitue un enjeu colossal à travers la reconnaissance de ces métiers, notamment financière et par la mise en place de carrière professionnelle. À 65 ans, je pense qu'il est difficile de continuer à exercer le métier d'aide à domicile en connaissant les difficultés physiques de ce travail.
Il faut pouvoir faciliter le passage de la fonction d'aide à domicile à la fonction d'aide-soignant, de créer des personnes « ressources » lorsqu'elles prennent de l'âge, afin qu'elles puissent être des guides pour leurs jeunes collègues. Nous sommes confrontés à deux défis fondamentaux : le défi climatique et le défi du vieillissement. Concernant le premier, nous ne sommes pas sûrs de le gagner. Il requiert l'unité des uns et des autres. En revanche, sur le deuxième, à partir de 2030, où les choses se passent bien car on a été bon, ou les choses se passent mal ! Et là notre responsabilité est pleine et entière.
Tout cela pour vous expliquer l'avis que le conseil a rendu sur le PLFSS pour 2023 qui est pour la majorité de ses membres une prise d'acte, avec quelques votes positifs ou négatifs et des abstentions, les représentants de l'État n'ont pas pris part au vote afin de respecter l'indépendance du conseil. Cet avis nuancé s'explique par les défis que je viens d'énoncer. Il nous semblait qu'une grande loi était fondamentale pour expliciter ces défis à l'opinion publique et qu'elle devienne partie prenante sur la question de l'autonomie. Je me souviens des reproches que l'on nous avait faits sur la loi pénitentiaire considérée comme trop bavarde car, avec Robert Badinter, nous avions voulu expliquer le sens de la peine à l'article 1 er ! La loi a été un phare nous permettant ultérieurement de travailler. Nous souhaiterions, au conseil du CNSA, une grande loi sur l'autonomie qui nous permette d'avancer. Tout cela aura bien sûr un prix, le prix de la prise en charge des plus vulnérables. Si on considère que l'accompagnement et le soin des plus vulnérables est une obligation de résultat et non pas seulement une obligation de moyens, cela coutera de l'argent. Avec une grande loi, cela permettra une cohérence d'ensemble. Il y a de bonnes mesures dans ce PLFSS, notamment en termes de crédits pour les personnes en situation d'handicap et les personnes âgées, et de bonnes initiatives comme les heures de lien social pour les bénéficiaires de l'APA. Nous aspirons à une cohérence d'ensemble, une convergence entre le grand âge et le handicap.
Je pense qu'il était important de remettre ce dossier en perspective.
M. Philippe Mouiller , rapporteur pour la branche autonomie . - Je vous remercie pour ces propos liminaires qui restituent bien le contexte de l'examen du PLFSS. Les besoins sont de plus en plus importants et les structures souffrent de l'inflation, de difficultés de recrutement et de ressources, notamment en matière de rémunérations, avec des charges supplémentaires.
Dans ce contexte budgétaire, le PLFSS a conclu à un déficit de la branche, avec une amélioration prévue en 2024 de 0,9 milliard d'euros selon les projections figurant à l'annexe B du PLFSS. Pensez-vous que les engagements financiers qui sont en progression, sont suffisants pour couvrir les difficultés des différents établissements ?
On retrouve, en parallèle, un engagement pour le recrutement de 50 000 ETP supplémentaires dans les années qui viennent ; est-ce que les recettes disponibles donnent assez de souplesse pour gérer à la fois 2023 et 2024, au regard des besoins ? Les associations du monde du handicap sont aujourd'hui contre le budget même si elles notent l'évolution des crédits.
Ensuite, pouvez-vous nous présenter les mesures prévues pour les personnes handicapées et les personnes âgées qui ne font pas l'objet d'un article législatif spécifique mais peuvent bénéficier d'un financement ?
Sur l'article 32 consacré à la transparence, la procédure de récupération des financements publics employés à un objet différent de celui prévu par les textes vous semble-t-elle répondre aux besoins ?
À la suite de la mission Igas-Igf, la CNSA a engagé une procédure à l'encontre de la société Orpea visant à récupérer près de 56 millions d'euros (55,8 millions d'euros). Le groupe Orpea a indiqué qu'il ne reverserait pas l'intégralité de cette somme. Cette position a-t-elle été communiquée officiellement à la CNSA ? Pouvez-vous nous indiquer les mesures que la CNSA ou le Gouvernement compte prendre afin de récupérer les sommes dues ?
La loi de financement de la Sécurité sociale pour 2022 a instauré un tarif plancher national par heure d'intervention par des services prestataires d'aide à domicile pour les plans d'aide à l'allocation personnalisée d'autonomie ( APA) et aux prestations de compensation du handicap (PCH). Le Gouvernement a déposé un amendement visant à prévoir la revalorisation de ce tarif en 2023. De quels éléments disposez-vous sur cette revalorisation ? Et qui va financer ?
Le Gouvernement a, aussi, déposé un amendement à l'Assemblée nationale dont l'objet est de conforter le rôle de la CNSA, dans la maîtrise d'ouvrage du système d'information, lui permettant de développer progressivement des briques nationales (modules évaluation, portail usagers, etc ...) dans le cadre de la convergence vers un SI autonomie. Même si nous disposons déjà de nombreux rapports, cet outil permettra-t-il de disposer des données nécessaires à l'évaluation des besoins et à une gestion plus fine des politiques publiques en direction des personnes âgées et des personnes handicapées ?
Enfin, nous regrettons de ne pouvoir travailler sur une grande loi sur l'autonomie. Traiter toutes ces évolutions uniquement dans le cadre du PLFSS ne règle que des problèmes budgétaires sans réforme de fond d'organisation et de prise en charge. C'est peut être un message commun que nous pourrions porter ensemble.
Mme Virginie Magnant, directrice de la CNSA . - En guise de propos liminaire, je voulais souligner que le conseil de la CNSA a été renouvelé récemment. Les représentants associatifs, les représentants des conseils départementaux et les personnalités qualifiées, dont fait partie notre président, ont été renouvelés depuis le dernier exercice. Avec la création de la branche autonomie, la CNSA a connu et connaît encore une transformation profonde. C'est une structure tout à fait originale par sa gouvernance nationale et par son mode d'articulation avec les acteurs territoriaux de pilotage de la politique d'autonomie. La CNSA ne s'appuie pas sur un réseau de caisses locales à la différence des Caisses maladie ou familiale. La branche autonomie pilote la mise en oeuvre de la qualité du service aux personnes âgées ou handicapées, pilote la réponse aux besoins et l'organisation des parcours d'accompagnement, avec comme partenaires, les conseils départementaux et les agences régionales de santé. Ces dernières jouent un rôle très important tant pour organiser, piloter et financer l'offre médico-sociale que pour organiser le soin à la fois primaire et spécialisé. Avec la création de la branche autonomie, la CNSA a disposé d'une nouvelle feuille de route. La convention d'objectif et de gestion (COG) a été approuvée à l'unanimité par le conseil fin mars pour la période 2022-2026 qui représente une étape importante vers l'horizon 2030 où la part des plus de 60 ans sera plus importante que celle des moins de 20 ans et où le nombre des plus de 75 ans aura doublé. Il sera alors indispensable d'avoir opéré un développement quantitatif et qualitatif des réponses aux personnes pour accompagner les nouveaux besoins en matière de prévention de la perte d'autonomie et développer des réponses nouvelles entre le maintien à domicile peu sécurisé et la prise en charge dans des établissements avec hébergement permanent qui ne correspondent plus aux aspirations d'un grand nombre de nos concitoyens. Les personnes âgées aspirent à vivre chez elles plus longtemps et c'est pourquoi nous développons l'habitat inclusif et les personnes en situation de handicap nous demandent aussi des solutions plus individualisées et à proximité de leurs proches, un accompagnement des élèves en situation de handicap, puis dans l'emploi. Cela appelle une profonde transformation des réponses.
La feuille de route de la Caisse pour les cinq ans à venir nous permet de projeter des moyens financiers et humains pour faire face à ces objectifs et nous mettre dans la bonne trajectoire pour répondre à ce défi notamment démographique. C'est un effort considérable pour les moyens de la Caisse avec une augmentation de près de 80 % de ses effectifs dans un contexte où les moyens des opérateurs sont tendus, et pour nous permettre d'être en capacité de mieux piloter cette politique. Cette trajectoire pluri-annuelle porte à la fois sur la qualité du service de l'autonomie avec 2,7 milliards d'euros sur cette période, et sur l'appui à la transformation et la modernisation pour 4,3 milliards d'euros, incluant les crédits du pilier II du Ségur.
Le rapporteur nous a interrogés sur le caractère adapté de la trajectoire des dépenses prévisionnelles de la branche autonomie, soit quelques 35 milliards d'euros pour l'année 2023 et les perspectives à l'horizon 2024. La Caisse sera affectataire en 2024 d'une quote-part supplémentaire de la contribution sociale généralisée (CSG) qui est une ressource dynamique, dont nous avons perçu les bénéfices dès 2022, ce qui nous permettra une exécution budgétaire moins déficitaire qu'initialement prévue. Elle sera finalement de 500 millions d'euros contre les 1,2 milliards d'euros votés dans le précédent PLFSS.
Les dépenses pour 2023 regroupent deux grands volumes qui n'ont jamais atteint un tel niveau. L'objectif général des dépenses (OGD) finance le fonctionnement des établissements et services médico-sociaux qui accompagnent les personnes âgées et handicapées son montant atteint 30 milliards d'euros. L'annexe 7 du PLFSS pour 2023 rappelle les montants importants de revalorisation des professionnels liés au Ségur de la Santé, soit plus de 3,4 milliards d'euros sur la période 2020-2023 face à des attentes très fortes du secteur. En 2023, 100 % des professionnels des Ephad, des services de soins infirmiers à domicile (SSIAD), des professionnels soignants et éducatifs, des structures du handicap auront bénéficié de ces revalorisations qui sont sans précédent. Les dépenses de la branche sont significatives avec plus de 440 millions d'euros, afin de protéger les professionnels contre l'effet de l'inflation et, côté fonction publique hospitalière et territoriale, avec la revalorisation de la valeur du point et la déclinaison de cette revalorisation dans le secteur privé. Nous avons un niveau de dépenses de 35 milliards d'euros dont 30 milliards pour l'OGD qui permet de poursuivre un effort substantiel pour revaloriser les professionnels du secteur. Cela est la condition de l'attractivité de ces métiers, qui est l'enjeu central afin de pouvoir répondre aux défis.
S'agissant de la trajectoire de moyen terme, le rapport Libault sur la concertation Grand âge et autonomie est souvent utilisé comme point d'ancrage pour estimer les besoins d'amélioration de la prise en charge des personnes âgées. Ce rapport évaluait le besoin de financement public de plus de 6 milliards d'euros à horizon 2024 et de 9 milliards d'euros pour 2030 concernant le secteur de l'âge. La trajectoire de la branche à horizon 2024 s'élève à 39 milliards d'euros avec une augmentation de 12 milliards par rapport à 2019. On est sur le double de ce que Dominique Libault estimait nécessaire en 2019 ! Il est vrai qu'il n'avait pas projeté les effets des revalorisations salariales issues du Ségur. Il avait, par contre, pointé la nécessité de travailler l'attractivité des métiers et la revalorisation des professionnels
Concernant la revalorisation du tarif plancher, c'est désormais un tarif national. C'est une avancée très importante qui était très attendue par le secteur de l'aide à domicile. Le PLFSS pour 2023 traduit bien le virage domiciliaire.
Nous sommes attentifs à avancer parallèlement sur la bonne solvabilisation des structures tarifés par les ARS et sur le soutien au département pour qu'ils exercent leur responsabilité sur le financement de la qualité de l'aide à domicile.
Sur le tarif plancher, le Gouvernement s'engage à compenser à l'euro près les dépenses liées à la revalorisation annoncée pour l'année 2023 comme cela a été le cas en 2022. Au niveau de la branche autonomie, cela se traduira par un rehaussement du concours spécifique créé à cet effet.
M. Jean-René Lecerf . - Le tarif de 22 euros passe à 23 euros. L'euro supplémentaire doit être financé par l'État. Ce sujet est douloureux pour les départements. L'indemnisation de la précédente augmentation s'est faite en fonction des tarifs horaires de chaque département. Les départements les plus pauvres n'avaient pas forcément les tarifs les plus bas et inversement. Ceux qui ont reçu le plus d'indemnisation pour une compensation entre le niveau où ils étaient et les 22 euros, ont été les Alpes-Maritimes, Paris et les Hauts-de-Seine.
Mme Virginie Magnant, directrice de la CNSA . - Le niveau des besoins concernant le handicap est une question cruciale. Lors du déploiement du système d'information (SI) harmonisé des Maisons départementales pour les personnes handicapées (MDPH), nous avons travaillé sur un centre décisionnel et un centre de données opérationnel afin de rapprocher la cotation des profils des personnes, l'identification de leur handicap et le retentissement de leur handicap sur leur situation de vie. Nous allons faire un progrès considérable avec l'ouverture de ce centre de données. Le SI MDPH n'est pas un SI unique à la différence de prochain SI de gestion de l'APA. C'est la raison pour laquelle nous souhaitons aller plus loin avec ce SI en harmonisant l'outil d'évaluation. Nous espérons que l'amendement déposé à l'Assemblée nationale sera repris par le Sénat pour nous autoriser à construire une brique nationale dans ce SIH pour outiller les professionnels sur l'évaluation du besoin en améliorant la qualité de la saisie des données pour mieux connaître les profils des personnes et par conséquent mieux ajuster les réponses.
M. Olivier Henno . - Je voudrais vous interroger sur la question de la fracture territoriale qui existe dans le médical, dans le médico-social et dans le social. Lors des discussions sur la bioéthique, on a découvert qu'entre un quart et un tiers du territoire français ne disposait pas, peu ou mal de soins palliatifs. Les personnes ne meurent pas dans les mêmes conditions. Au moment du défi du grand âge, c'est une question qui se pose, d'autant plus que la CNSA doit contribuer à l'équité territoriale. Est-ce que notre mécanique de décision participe à l'équité territoriale ou, au contraire, n'est-on pas en train d'assister à une fracture territoriale qui pourrait s'amplifier ?
L'année passée Mme Brigitte Bourguignon, alors ministre de la Santé et de la Prévention, avait évoqué la somme d'1,5 milliard d'euros pour les habitats adaptés. Qu'en est-il ?
Mme Jocelyne Guidez . - Je souhaite revenir sur les 4 000 places supplémentaires créées dans les services d'aide à domicile en 2023. Nous avons un gros problème dans les territoires ruraux car elles doivent beaucoup se déplacer. Elles doivent avoir leur permis de conduire et s'acheter un véhicule. Il faut en avoir les moyens. Je pense qu'on n'y arrivera pas si on ne les aide pas davantage.
Afin de lutter contre l'isolement, les bénéficiaires de l'allocation personnalisée d'autonomie (APA) auront le droit à partir du 1 er janvier 2024 à deux heures supplémentaires par semaine dédiées à l'accompagnement et au lien social. Pourquoi attendre 2024 ?
Mme Michelle Meunier . - M. le président, en juin dernier, vous avez dit qu'on devait « voter une grande loi dans les six mois suivant l'élection du président, sinon elle ne sera jamais votée ». Mes collègues du groupe socialistes et moi sommes d'accord avec vous. Nous le disons depuis 2020 lors du vote sur la création de la 5 e branche, en proposant des amendements sur les PLFSS successifs, afin que la CNSA ait des missions de prévention, anime les territoires, lutte contre l'isolement... Toutes ces propositions ont été balayées par la ministre de l'époque qui nous parlait de grande loi ! Cela a du sens, il nous faut un cadre, un cap pour les personnes concernés et pour les professionnels.
Parmi vos propositions sur l'attractivité des métiers, j'ai relevé celle relative au développement d'une flotte de véhicules. Avez-vous déjà engagé des démarches avec les fédérations d'aides à domicile, avec BPI France ou la Caisse des dépôts ? Cela me semble important, d'autant plus dans un contexte de crise énergétique.
Mme Christine Bonfanti-Dossat . - On sait que la France a besoin de se doter de moyens humains pour une politique du bien vieillir. Cela passe par une augmentation massive du nombre de travailleurs dans le secteur du grand âge. La France compte 2,3 travailleurs du grand âge pour 100 personnes âgées de plus de 65 ans, tandis que la moyenne des pays de l'OCDE se situe à 100 travailleurs pour 100 personnes âgées ! Comment redonner de l'attractivité à ces métiers dont on connaît la faible rémunération, la pénibilité physique et psychologique et la difficile fragmentation des horaires. Vous avez parlé de 360 000 postes. Comment allez-vous vous y prendre pour y parvenir ?
Certains départements ont décidé de louer des véhicules et de les mettre à disposition des aides à domicile, en prenant à leur charge la moitié de la location. C'est une expérience qui me semble très intéressante, ce secteur souffrant beaucoup notamment à cause des difficultés de déplacement.
M. Daniel Chasseing . - Jusqu'à présent, il y avait peu de financement pour la 5 ème branche. Vous parlez également du virage domiciliaire. C'est ce que souhaitent les gens. Et pour cela il faut de l'attractivité pour les aides à domicile. Elles doivent être formées. Il faut augmenter le nombre de SSIAD, soit environ 10 000 places supplémentaires. Le passage de 1,4 millions de personnes dépendantes à 1,7 en 2030, nous oblige à avoir 100 000 places en Ephad supplémentaires, selon la direction de la recherche, des études, de l'évaluation et des statistiques (DREES). Je pense, qu'au vu de ce que souhaite les personnes, il faudrait peut-être aussi 30 000 places de résidence-autonomie et renforcer le maintien à domicile.
Nous allons avoir encore plus de personnes dépendantes en Ephad, même si c'est déjà le cas. Or, il n'y a pas eu d'augmentation de personnel cette année. Nous avons eu un demi emploi de plus par Ephad ! Quand aura-t-on cinq personnes de plus par Ephad, soit 35 000 emplois pour les 7 000 Ephad ? On manque de « petites mains » en Ephad. Avec les 10 000 places de SSIAD, on arrive à 50 000 places ce qui correspond à un minimum. C'est pour quand ?
Mme Corinne Imbert . - Je souhaite revenir sur le tarif socle fixé par voie d'amendement, qui passe de 22 à 23 euros pour la tarification des services d'aide à domicile. Je partage votre position M. le président, sur le fait que l'euro supplémentaire doit intégralement être pris en charge par l'État et sur la compensation de cette tarification.
Or, je ne vois rien dans ce PLFSS sur cette règle de compensation. Vous n'appréciez pas son mode de calcul actuel. Les départements vertueux ne sont pas correctement compensés. Quand la refonte du concours de la CNSA va-t-elle être revue ? Les départements pourraient-ils être compensés en fonction des heures servies plutôt qu'en fonction du tarif, avant fixation du tarif socle ?
Et comment jugez-vous la façon dont les départements sont traités ?
M. Bernard Bonne . - Nous comptons beaucoup sur la CNSA pour soutenir notre demande de la mise en place de cette loi Grand âge avec une perspective de dépenses sur le moyen et long terme.
Quel est le rôle que la CNSA pourrait jouer entre les ARS et les départements afin de favoriser une harmonisation au niveau des tarifs des départements, notamment pour réduire la difficulté de double tarification dans les départements.
Comme l'a dit mon collègue Daniel Chasseing, la création de 3 000 postes cette année correspond à 0,5 poste, en moyenne, par Ephad. C'est notoirement insuffisant !
Concernant Orpéa, c'est logique de récupérer des sommes auprès de cette structure. Mais nous avions demandé un contrôle au niveau de tous les établissements privés lucratifs, il n'y a pas qu'Orpéa qui a abusé des fonds publics ! La CNSA pourrait être à l'initiative de cette demande auprès des pouvoirs publics.
En 2018, le rapport de Dominique Libault évoquait l'essentiel des besoins. Il parlait de 6 milliards d'euros. On a donné 12 milliards, utilisés notamment pour le Ségur et la compensation salariale. Dans son dernier rapport du mois de mars 2022, Dominique Libault a évoqué une évolution dans le mode de travail entre les départements et le délégué départemental de l'ARS. Cela me semble intéressant. Qu'en pensez-vous ?
Mme Catherine Conconne . - En Martinique, nous sommes face à une catastrophe due au vieillissement et une population en baisse. Nous détenons avec la Corse le record des départements les plus vieux de France. Cela entraîne des problèmes de garde et de soins et d'hébergement des personnes âgées. Nous sommes en carence d'investissement dans tous les domaines. En ajoutant le contexte actuel du coût de la vie, notamment dans l'alimentaire, supérieur de 38 % par rapport à la métropole, l'équation sera difficile à tenir. Je plaide pour que le PLFSS prenne en compte ces données, prévoit des investissements qui soient à la hauteur des attentes en tenant compte de la réalité sociale de ces personnes âgées. Nous avons été tardivement affiliés à la sécurité sociale et nous nous retrouvons avec une population de retraités pauvres qui ne peuvent pas honorer leurs dépenses quotidiennes. Qu'en est-il des dispositions spécifiques que pourrait prendre la CNSA au vue de votre expérience ? Il va être très compliqué d'inverser rapidement cette tendance !
M.
Jean-Marie Vanlerenberghe
. - Mme Brigitte Bourguignon nous a
dit l'année dernière que les Ephad allaient se transformer en
lieu ressource pour tenir compte du virage domiciliaire. Pour cela il faut des
moyens !
Y a-t-il un plan et quels sont les moyens ?
Mme Catherine Deroche , présidente . - J'ai noté des disparités dans l'accueil familial, notamment pour les accueillants, en matière d'accès au chômage et de crédits d'impôts dont ils ne bénéficient pas. Or, je pense que l'accueil familial a toute sa place dans le panel des mesures sur la prise en charge du vieillissement.
M. Jean-René Lecerf . - Beaucoup de préoccupations se recoupent dans vos questions. On ne choisit pas son domicile en fonction des politiques départementales, il doit y avoir globalement une équité sur les territoires même si la Lozère ou Paris ne gère pas l'accueil des personnes en situation de handicap de la même manière. Pour qu'il y ait une équité, il faut trouver le juste curseur entre ce besoin d'équité et l'autonomie des collectivités territoriales. Il faut que les départements soient en mesure de faire face à leur responsabilité.
Des progrès ont été réalisés, comme sur la mutualisation des droits de mutation à titre onéreux. Les départements ont eu le courage de mettre en place cette réforme. Les départements réclament aujourd'hui, et l'État est d'accord, une simplification et une clarification dans les aides du gouvernement aux départements. Ce sera peut-être l'occasion de fixer des critères partagés par l'Assemblée des Départements de France (ADF). L'ADF se réintéresse à la CNSA. Il y a la présence constante de plusieurs vice-présidents de l'ADF auprès de la CNSA.
Concernant les problèmes de déplacement pour l'aide à domicile notamment en milieu rural, il y a en Mayenne une expérience intéressante qui se met en place. C'est le financement par le département, de véhicules électriques pour les aides à domicile. Ce seront des véhicules de fonction qu'ils pourront utiliser à titre personnel, ce qui est particulièrement important dans le cadre de l'attractivité !
L'attractivité des métiers pour embaucher sur les 360 000 postes dépend de la société toute entière et dépend aussi de réformes qui commencent à se mettre en place comme sur les heures de convivialité.
Sur les 10 000 places supplémentaires en Ephad, je pense comme vous que ce n'est pas forcément la solution. L'Ephad de demain est un établissement qui va accueillir des personnes en situation de très grande dépendance, des groupes iso-ressources de niveau 1 (GIR 1) pour l'essentiel, et des personnes en fin de vie. La véritable révolution domiciliaire se fera dans des structures intermédiaires. L'Ephad sera par conséquent de plus en plus médicalisé.
Sur les relations entre le département, la CNSA et l'ARS, tout était à faire. La pandémie a fait évoluer les choses utilement dans ce domaine. Aujourd'hui, il y a des discussions et des partenariats entre les départements et la CNSA, même si c'est encore insuffisant. Mon travail consiste maintenant à ramener les directeurs d'ARS dans le dialogue avec la CNSA et leur apprendre à vivre ensemble. L'idée des lieux ressource est bonne. Après il faut voir comment cela va être mis en place et avec quels moyens. Faire sortir les professionnels de l'Ehpad pour rencontrer des personnes vivant, par exemple, en béguinage, mais qui ont besoin d'un regard médical pour continuer à vivre de façon autonome, semble essentiel.
On estime qu'il y a 11 millions d'aidants en France. Dans un colloque organisé par le Medef, ces derniers nous ont demandé d'intervenir car les aidants en entreprises n'osent pas le dire, seuls un quart d'entre eux le signale alors que les chefs d'entreprises sont d'accord pour faciliter leur tâche dans l'intérêt de tous.
Mme Virginie Magnant . - Sur la question du soutien de l'attractivité des métiers de l'aide à domicile, ce n'est pas une question propre au secteur de l'autonomie. Cela nécessite que l'ensemble des acteurs responsables actionnent différents leviers. C'est la convergence des efforts de chacun qui permettra d'avancer. L'attractivité financière a largement été évoquée avec les 3,4 milliards d'euros dédiés à la déclinaison du Ségur pour l'ensemble des professionnels de la branche. L'attractivité des organisations de travail est également importante avec la question du fractionnement des interventions dans le champ de l'aide à domicile, qui les empêche de travailler à temps plein et les conduit à des interventions morcelées, parfois frustrantes. Le déploiement de la mesure des heures de lien social vise notamment à répondre à cette question. La promotion par la CNSA d'un certain nombre de méthodes d'organisation, est également pertinente. Nous terminons une évaluation sur le déploiement de modes d'organisation en équipes autonomes, labellisée « Buurtzorg », permettant un travail de proximité. Les résultats sont intéressants, en termes de motivation, de qualité de service et de diminution du taux de sinistralité et de vacances dans les emplois. La CNSA finance aussi le déploiement de 20 plateformes des métiers de l'autonomie, afin de rassembler les financeurs de ces métiers dans les domaines de la formation, de l'accompagnement ou de l'éducation nationale. Je vous rendrai compte du fonctionnement de ces plateformes.
Sur la convergence des efforts des différents opérateurs afin de donner une réponse plus harmonisée aux besoins des personnes, et en écho à la réponse de Jean-René Lecerf, de mobiliser les conseils départementaux autour de la gouvernance nationale de la caisse, je tiens à souligner, que dans le cadre de la transformation de la CNSA, nous avons conduit un travail avec le soutien de l'Union européenne. Ce travail a porté sur deux volets : l'organisation interne et la manière dont nous travaillons avec les ARS et les départements pour faciliter leur coopération, afin de créer un parcours fluide. Les travaux sur notre cadre de coopération s'achèvent. Nous organisons le 16 novembre prochain une conférence de restitution pour présenter la manière dont nous formalisons nos engagements et nos propositions de travailler différemment. Cela passe par la mise en partage des données pour permettre à chacun de se situer, au travers d'un cadre de valeur, de principes d'action, d'objectifs stratégiques communs et de modes d'animation plus territorialisés. Il nous semble qu'il faut aller aux delà des mesures préconisées dans le rapport Libault sur le service territorial de l'autonomie. Nous devons préparer le volet territorial d'une feuille de route commune, la CNSA partageant les indicateurs qu'elle collecte. Cela nous rapprocherait du fonctionnement de nos partenaires européens et cela a permis de réaliser une forme de benchmark du fonctionnement du pilotage de la gouvernance des politiques de l'autonomie à l'échelle européenne.
Nous observons la présence de deux acteurs très importants : l'acteur national en charge de la garantie de l'équité de traitement et de la fixation des grandes lignes de travail, correspondants aux objectifs stratégiques de la branche, la qualité de service aux guichets, la qualité de l'offre et une plus grande initiative laissée aux territoires. Ce cadre de coopération va être formalisé mi-novembre puis il deviendra le cadre de déploiement de l'action de la CNSA à partir de 2023.
L'Outre-mer est confrontée de façon différente par rapport aux territoires métropolitains à la question du vieillissement où elle est accélérée. La Martinique et la Guadeloupe, à horizon 2030, vont connaître une transition démographique rapide. Le Gouvernement et la branche autonomie ont déjà pris la mesure de cette situation qu'ils accompagnent par des financements dédiés. En 2022, un plan de rattrapage de l'offre ultra-marine a été décidé, mobilisant plus de 150 millions d'euros de crédits de fonctionnement et d'investissement. L'offre est aujourd'hui insuffisante et il faut en profiter pour développer en plus de l'offre classique, cette offre intermédiaire comme l'habitat inclusif et soutenir les SSIAD et SAAD.
Sur la question plus générale des moyens et du développement de l'offre, elle trouve sa traduction dans le budget de la branche autonomie, avec côté Ephad, un objectif de recrutement de 50 000 professionnels à moyen terme, et côté SSIAD, le développement de 4 000 places dès 2023 avec une trajectoire de 25 000 nouvelles places, selon le chiffrage récent de la Cour des comptes. La trajectoire de la branche intègre bien ces perspectives pour améliorer le taux d'encadrement en Ephad et développer ces places dans les SSIAD. Pour atteindre ces objectifs, il faut des financements à la fois portés par la branche et toute la mobilisation collective pour trouver les professionnels. Et là, nous revenons à la question de l'attractivité des métiers.
Vous avez cité un indicateur à l'échelle communautaire sur les personnels qui interviennent en soutien aux personnes âgées. Les comparaisons sont difficiles car la définition du médico-social n'est pas partout la même. Dans les professionnels qui interviennent, il faut également intégrer les professionnels de l'aide à domicile, ceux des structures spécialisées de type SSIAD mais aussi toute l'offre de santé libérale.
Pour terminer sur une comparaison européenne importante, j'attire votre attention sur le tableau de bord social de l'Union européenne. L'indicateur sur l'espérance de vie en bonne santé à 65 ans, est en moyenne à l'échelle de l'Union européenne, de 10,1 ans pour les femmes et de 9,5 ans pour les hommes. En France, il est de 11,8 pour les femmes et de 10,2 ans pour les hommes. Cela ne veut pas dire qu'il faut arrêter nos efforts. Notre politique de l'autonomie qui est perfectible, donne néanmoins de bons résultats.
M. Jean-René Lecerf . - Le département du Nord est n° 2 pour l'accueil familial derrière La Réunion. L'accueil à la ferme en milieu rural a donné de très bons résultats. En dehors de la question financière, il faut donner un statut, une reconnaissance aux accueillants.
Mme Catherine Deroche , présidente . - Je vous remercie pour vos interventions.
Ce point de l'ordre du jour a fait l'objet d'une captation vidéo qui est disponible en ligne sur le site du Sénat .