CHAPITRE
II
ADMINISTRATIONS PUBLIQUES CENTRALES
ARTICLE 22
Exceptions à l'interdiction faite aux ODAC
d'émettre des titres d'emprunt ou de contracter un emprunt bancaire
. Le présent article reprend les dispositions prévues à l'article 12 de la loi de programmation des finances publiques pour les années 2011 à 2014, qui porte une interdiction générale pour les organismes divers de l'administration centrale (ODAC) de contracter des emprunts pour une durée supérieure à 12 mois.
Deux types d'exception sont prévus et repris au présent article.
D'une part, certaines entités ne sont pas soumises à cette interdiction de recourir à de l'emprunt à moyen et long terme. Il s'agit par exemple de l'État ou de la Caisse d'amortissement de la dette sociale. Le présent article permet d'ajouter à cette liste la société anonyme de gestion des stocks stratégiques (SAGESS), une société financée par les opérateurs pétroliers et qui a pour mission de maintenir les stocks de produits pétroliers stratégiques.
D'autre part, ne sont pas concernés les emprunts contractés auprès de la Banque européenne d'investissement (BEI), auxquels le présent article les emprunts contractés auprès de la Banque de développement du Conseil de l'Europe.
L'interdiction de portée générale faite aux ODAC d'emprunter sur une durée supérieure à un an a permis, hors effets de périmètre liés à la requalification de certaines entités en ODAC par l'Insee, de réduire la contribution des ODAC à l'endettement public et d'éviter qu'ils ne s'endettent à des conditions souvent moins avantageuses que celles proposées pour l'État. Sa reprise dans le présent projet de loi de programmation apparaît donc tout à fait souhaitable et les nouvelles exceptions prévues n'en amoindrissent pas la portée.
La commission a adopté cet article sans modification.
I. LE DROIT EXISTANT : LA DISPOSITION DE PORTÉE GÉNÉRALE INTERDISANT AUX ODAC D'EMPRUNTER POUR UNE DURÉE SUPÉRIEURE À 12 MOIS A ÉTÉ INSÉRÉE POUR LA PREMIÈRE FOIS EN LOI DE PROGRAMMATION DES FINANCES PUBLIQUES POUR LES ANNÉES 2011 À 2014
A. LES ODAC, UN « POINT DE FUITE » DANS LA MAÎTRISE DE L'ENDETTEMENT
Le règlement relatif au système européen des comptes nationaux et régionaux 105 ( * ) définit les organismes relevant de la catégorie des administrations publiques centrales (ODAC) comme l'une des deux composantes de l'administration centrale. En France, l'Institut national de la statistique et des études économiques (Insee) a précisé que la catégorie des ODAC regroupait les organismes répondant aux caractéristiques suivantes :
- ils ont reçu de l'État une compétence fonctionnelle spécialisée au niveau national ;
- ils sont contrôlés et financés majoritairement par l'État ;
- ils ont une activité principalement non marchande.
Relèvent par exemple de la catégorie des ODAC le centre national de la recherche scientifique (CNRS), Météo France, l'Autorité des marchés financiers (AMF), les agences régionales de santé ou encore les chancelleries des universités. Le plus souvent opérateurs de l'État, environ 700 ODAC sont décomptés par l'Insee , qui met régulièrement à jour la liste de ces organismes, en requalifiant parfois leur statut de manière rétroactive .
L'endettement des ODAC ainsi que leur santé financière suscitent fréquemment des interrogations, ce qui avait d'ailleurs conduit le Parlement a demandé à ce que le « jaune » budgétaire relatif aux opérateurs de l'État soit complété afin de présenter le montant de leurs dettes , le fondement juridique de leur recours à l'emprunt et les principales caractéristiques des emprunts contractés 106 ( * ) .
La progression de l'endettement des opérateurs avait en effet été considérée comme pouvant constituer un « point de fuite » susceptible d'amoindrir la portée des normes appliquées à la maîtrise de la dépense de l'État et de l'endettement public 107 ( * ) . Par exemple, dans son rapport visant à « réaliser l'objectif constitutionnel d'équilibre des finances publiques », le groupe de travail mis en place après la révision constitutionnelle du 23 juillet 2008 et présidé par Michel Camdessus avait ouvertement déploré qu'il soit permis aux ODAC de s'endetter à moyen et long terme 108 ( * ) .
B. L'INSTAURATION DEPUIS 2011 D'UNE RÈGLE GÉNÉRALE D'INTERDICTION DE RECOURS À L'EMPRUNT
L'article 12 de la loi de programmation des finances publiques pour les années 2011 à 2014 109 ( * ) (LPFP 2011-2014) a introduit pour la première fois une disposition de portée générale interdisant aux organismes français relevant de la catégorie des administrations publiques centrales (ODAC) de contracter un emprunt dont le terme est supérieur à 12 mois auprès d'un établissement de crédit ou d'une société de financement . Un arrêté du ministre chargé du budget doit fixer la liste des organismes concernés et reprend dans les faits la liste des ODAC dressée par l'Insee, hors exceptions prévues à l'article 12. Pour les organismes requalifiés en ODAC ou nouvellement inscrits sur la liste fixée par arrêté, l'interdiction de contracter un emprunt pour une durée supérieure à 12 mois s'applique un an après la publication de l'arrêté.
Auparavant, le recours à l'emprunt par les ODAC faisait l'objet d'un encadrement au cas par cas , qui pouvait résulter tant de la loi que du règlement, par exemple dans le cadre des décrets constitutifs des organismes. La disposition inscrite en LPFP 2011-2014 s'applique ainsi nonobstant toute disposition contraire des textes applicables aux ODAC, des exceptions à cette interdiction générale étant nominalement prévues pour l'État, la Caisse d'amortissement de la dette sociale (Cades), la Caisse de la dette publique (CDP), le fonds de garantie des dépôts et de résolution et la Société de prises de participation de l'État . Une autre exception est prévue depuis 2012 110 ( * ) pour tous les ODAC et concerne les emprunts contractés auprès de la Banque européenne d'investissement (BEI), qui bénéficie d'une excellente signature sur les marchés financiers.
Il s'agit par cette disposition, maintenue depuis 2011 dans le texte de la LPFP 2011-2014 en dépit de l'adoption de nouvelles lois de programmation des finances publiques, de limiter le risque de progression de l'endettement public par les ODAC et d'éviter que ces organismes ne soient encouragés à emprunter dans des conditions moins favorables que celles qui s'appliquent à l'État.
II. LE DISPOSITIF PROPOSÉ : UNE REPRISE DE L'INTERDICTION GÉNÉRALE FAITE AUX ODAC DE CONTRACTER DES EMPRUNTS POUR UNE DURÉE SUPÉRIEURE À 12 MOIS, SOUS RÉSERVE DE L'AJOUT DE NOUVELLES EXCEPTIONS
Le présent article reprend les dispositions de l'article 12 de la loi de programmation des finances publiques pour les années 2011-2014, sous trois réserves.
La liste des entités nominalement non soumises à l'interdiction faite aux ODAC d'emprunter pour une durée supérieure à 12 mois serait complétée de la Société anonyme de gestion des stocks de sécurité (SAGESS) en plus de l'État, de la Cades, de la CDP, du fonds de garantie des dépôts et de résolution et de la Société de prises de participation de l'État. La SAGESS a pour mission de maintenir les stocks stratégiques de produits pétroliers, sous le pilotage du comité professionnel des stocks stratégiques pétroliers (CPSSP).
Par ailleurs, cette interdiction d'emprunter sur une durée supérieure à 12 mois ne s'appliquerait pas aux emprunts contractés auprès de la Banque de développement du Conseil de l'Europe (BDCE), en plus de ceux contractés auprès de la Banque européenne d'investissement (BEI).
Enfin, il est précisé que les ODAC ne pourront pas non plus émettre de titre de créance d'une durée supérieure à un an, en plus de ne pas pouvoir contracter d'emprunts de cette durée auprès des établissements de crédit ou des sociétés de financement.
Pour le reste, les dispositions sont identiques : il s'agit toujours d'une interdiction de portée générale, nonobstant toute disposition contraire des textes applicables aux ODAC. Un arrêté du ministre devra définir la liste des ODAC concernés et l'interdiction s'appliquera aux organismes nouvellement inscrits sur la liste un an après sa publication.
En conséquence, l'article 26 du présent projet de loi de programmation abroge l'article 12 de la LPFP 2011-2014.
III. LES MODIFICATIONS APPORTÉES PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE : LE REJET DE L'ARTICLE
L'Assemblée nationale n'ayant pas adopté le projet de loi de programmation des finances publiques, elle n'a pas adopté cet article .
IV. LA POSITION DE LA COMMISSION DES FINANCES : UN ENCADREMENT DE L'ENDETTEMENT DES ODAC QUI A DÉMONTRÉ SON UTILITÉ ET QUI DOIT ÊTRE PROLONGÉ
L'encadrement plus strict des conditions d'emprunt des ODAC depuis 2011 a eu un double-effet en volume et en relatif : le montant de la dette des ODAC a eu tendance à diminuer, tout comme la part de leur endettement dans l'endettement public total. Pour apprécier ce double-effet, il convient de tenir compte des requalifications en ODAC opérées par l'Insee : le net rebond constaté en 2016 compte tenu de la requalification de SNCF Réseau en ODAC 111 ( * ) . Or, la dette de SNCF Réseau représente 84 % de la dette des ODAC, qui correspond elle-même désormais essentiellement à la dette résiduelle des entités reclassées ces dernières années dans le champ des ODAC 112 ( * ) .
Évolution de la dette des ODAC
(en milliards d'euros et en part de l'endettement public)
Source : commission des finances, d'après les données de l'Insee sur les comptes des administrations publiques
Plus généralement, et si le dispositif d'encadrement des conditions d'emprunt par les ODAC a fait ses preuves, il importe en effet de tenir compte des conséquences des requalifications opérées par l'Insee .
Par exemple, l'ajout de la Société anonyme de gestion de stocks de sécurité (SAGESS) dans la liste des ODAC exemptés de l'interdiction de recourir à l'emprunt ou d'émettre des titres de créance pour une durée supérieure à un an s'explique par la volonté de clarifier les conditions d'emprunt de la SAGESS . L'Insee l'a en effet qualifiée d'ODAC en 2014 113 ( * ) , conduisant de fait à son inscription sur l'arrêté pris par le ministre pour lister les ODAC interdits de recourir à des emprunts de plus d'un an. La justice administrative a toutefois annulé l'inscription de la SAGESS sur cette liste, même si la société reste considérée comme un ODAC par l'Insee 114 ( * ) .
Par ailleurs, les stocks de sécurité sont entièrement financés par la SAGESS, elle-même intégralement financée par les opérateurs pétroliers. Les emprunts de long terme lui permettent de limiter le coût du renouvellement des stocks de pétrole. Dans le cas contraire, elle serait obligée, pour refinancer sa dette, de céder des stocks ou de recourir à des billets de trésorerie à court terme, au risque de fragiliser son modèle économique à long terme.
Se pose également, et depuis plus récemment, la question d'Action Logement Services , qui vient d'être requalifiée d'ODAC par l'Insee au mois de juillet 2022. Au sein du groupe Action Logement, cette société 115 ( * ) est chargée de collecter la participation des employeurs à l'effort de construction (PEEC) et de distribuer aides et services aux entreprises. Elle doit à présent négocier le renouvellement de sa convention quinquennale, qui porte en partie sur ses conditions d'équilibre financier, et a fréquemment recours à l'emprunt . Elle a ainsi procédé à deux émissions obligataires en 2021, pour un montant total de deux milliards d'euros. Sa trésorerie est par ailleurs régulièrement mise à contribution : le projet de loi de finances pour 2023 prévoit par exemple que la société verse 300 millions d'euros au Fonds national des aides à la pierre 116 ( * ) .
Des interrogations subsistent dans ce cadre quant aux effets pour Action Logement Services de se voir interdite de contracter des emprunts sur une durée supérieure à un an, notamment au regard de la préservation de l'équilibre de sa trésorerie , du bon exercice de ses missions et du maintien de sa capacité à poursuivre la mise en oeuvre de son plan d'investissement volontaire , lancé en 2019, et qui a connu quelques retards dans l'atteinte des cibles fixées pour la rénovation et l'adaptation des logements.
En revanche, l'ajout dans la liste des exceptions des emprunts contractés auprès de la Banque de développement du Conseil de l'Europe (BDCE), aux côtés de ceux contractés auprès la Banque européenne d'investissement (BEI), n'appelle pas d'observations particulières . La BDCE dispose d'une expertise dans le financement de projets sociaux et, tout comme la BEI, propose des conditions de financement avantageuses pour les emprunteurs . À l'instar de la BEI, la BDCE bénéficie de la meilleure notation de crédit possible (AAA) et poursuit des activités à but non lucratif : elle peut donc répercuter à ses bénéficiaires les conditions avantageuses dont elle jouit pour ses emprunts sur les marchés. Depuis 2012, elle a approuvé 2,9 milliards d'euros de financements en France dans les secteurs de la santé, de l'éducation, de la formation professionnelle et du logement pour les personnes à faibles revenus 117 ( * ) .
Décision de la commission : la commission des finances a adopté cet article sans modification.
* 105 Règlement (UE) n° 549/2013 du Parlement européen et du Conseil du 21 mai 2013 relatif au système européen des comptes nationaux et régionaux dans l'Union européenne.
* 106 Article 107 de la loi n° 2009-1673 du 30 décembre 2009 de finances pour 2010.
* 107 Rapport n° 78 (2010-2011) de M. Philippe Marini, fait au nom de la commission des finances, déposé le 27 octobre 2010, sur le projet de loi de programmation des finances publiques pour les années 2011 à 2014.
* 108 Michel Camdessus, « Réaliser l'objectif constitutionnel d'équilibre des finances publiques », 25 juin 2010.
* 109 Loi n° 2010-1645 du 28 décembre 2010 de programmation des finances publiques pour les années 2011 à 2014.
* 110 Article 8 de la loi n° 2012-1558 du 31 décembre 2012 de programmation des finances publiques pour les années 2012 à 2017.
* 111 À compter de 2016, les recettes marchandes de SNCF Réseau couvraient moins de 50 % de ses coûts de production, l'entité devenant dès lors une entité non marchande.
* 112 D'après les données publiées par la Cour des comptes, « La gestion de la dette publique et l'efficience du financement de l'État par l'Agence France Trésor », février 2022.
* 113 En se fondant sur le contrôle opéré par l'État et sur la nature non marchande de son activité.
* 114 D'après les informations transmises dans l'évaluation préalable du présent article.
* 115 Prévue à l'article L. 313-19 du code de la construction et de l'habitation.
* 116 Article 16 du projet de loi de finances pour 2023.
* 117 Selon les informations transmises dans l'évaluation préalable du présent article.