II. LA SOLUTION D'UN PRÊT D'URGENCE PRÉVUE PAR LA PROPOSITION DE LOI
Partageant l'objectif de donner aux victimes les moyens financiers nécessaires pour s'extirper d'un environnement violent, une autre proposition de loi, déposée par Michelle Gréaume (CRCE, Nord) 1 ( * ) , adaptait le régime existant du revenu de solidarité active pour permettre à la Caf de verser des avances sur droits supposés, financées par le département. La proposition de loi examinée par la commission prévoit un dispositif sui generis sous la forme d'une avance d'urgence débloquée en deux jours et versée par la Caf pendant trois mois.
A. UN PRÊT D'URGENCE POUR FAIRE FACE AUX PREMIÈRES DÉPENSES CONTRAINTES
1. Un prêt s'inspirant des mécanismes extra-légaux d'action sociale de la branche famille
L' article 1 er de la proposition de loi prévoit donc un dispositif d'avance d'urgence sous la forme d'un prêt, à taux zéro , versé en trois mensualités dont la première devra être payée dans un délai de deux jours ouvrés suivant la demande. L'avance serait financée par la caisse nationale des allocations familiales (Cnaf). Le prêt ne serait pas soumis à conditions de ressources et son montant serait fixé par décret.
Les caisses d'allocations familiales disposent déjà de la capacité de consentir des aides financières individuelles sous la forme de prêts d'honneur. Les conditions de délivrance sont variées : évènements familiaux, achat d'équipements ménagers, amélioration de l'habitat... Ces aides sont toutefois octroyées aux allocataires des Caf et peuvent être placées sous condition de ressources . Leur financement est assuré par des dotations du fonds national d'action sociale (Fnas) qui sont toutefois des enveloppes limitatives. Le dispositif de la proposition de loi n'est pas sans ressemblance avec ces prêts à la différence que son existence légale ne le soumettrait plus au pouvoir discrétionnaire du conseil d'administration de chaque Caf.
La commission note que le délai de deux jours d'instruction de la demande et de versement de la première mensualité est ambitieux . La Caf du Nord, engagée dans l'expérimentation déjà mentionnée, a fait état à la rapporteure d'une durée trop courte pour verser les sommes avancées. Cependant, au-delà de trois jours, les victimes plongées dans l'incertitude sur les solutions à court terme dont elles disposent retournent le plus souvent chez leur conjoint violent. La commission a donc porté à trois jours ouvrés le délai dans lequel le versement doit intervenir sous peine de perdre l'objectif d'une aide d'urgence. Elle a également adopté un amendement de Victoire Jasmin (SER, Guadeloupe) permettant aux victimes bénéficiaires de l'avance d'élire domicile auprès d'un centre communal ou intercommunal d'action sociale ou d'un organisme agréé .
L'article 1 er prévoit également que les allocataires de l'avance bénéficient des mêmes droits accessoires à la prestation du RSA. Ces droits sont octroyés aux allocataires du RSA par des dispositions législatives ou règlementaires - comme le bénéfice automatique de la complémentaire santé solidaire (C2S) ou la prime de Noël. Il s'agit également des droits connexes décidés par les collectivités locales au titre de leur politique d'action sociale (tarif réduit pour les transports publics...). Par souci de clarifier toute ambigüité, la commission a précisé que ces droits et aides accessoires comprennent bien un « accompagnement social et professionnel » adapté à leur situation à l'instar de celui délivré aux bénéficiaires du RSA.
La commission a approuvé ce dispositif de prêt d'urgence pour les victimes de violences conjugales en redéfinissant les conditions d'octroi.
2. Les conditions d'octroi de l'avance d'urgence
L'article 1 er ouvre le dispositif d'avance à toutes les personnes victimes de violences conjugales et ne fixe pas de critère pour définir cette situation. Un fait générateur trop large risque toutefois de gêner la mise en oeuvre de la loi soit en induisant un trop grand pouvoir discrétionnaire de la Caf soit en facilitant les fraudes. La commission a donc estimé que des conditions d'octroi devaient être clairement établies par la loi. Elle a retenu trois critères alternatifs permettant de ne pas restreindre excessivement l'accès à la prestation qui sera ainsi versée aux victimes de violences attestées par :
- la délivrance d'une ordonnance de protection par le juge des affaires familiales ;
- un dépôt de plainte pour de tels faits de violence;
- ou un signalement adressé au procureur de la République . Ce critère permettra de ne pas écarter les personnes n'osant pas accomplir d'elles-mêmes des démarches judiciaires
* 1 Proposition de loi n° 333 (2020-2021) de Mme Michelle GRÉAUME et plusieurs de ses collègues, relative à une aide financière d'urgence en direction des victimes de violences conjugales.